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A ces réflexions qui tiennent à l ’art, ne potir-
rait-on pas en joindre quelques autres qui tiennent
à la politique t e au commerce ?
Après avoir triomphé li conftamment fur terre,
n’eft-fl pas temps de nous afliirer la viâoire fur
les mers ? Et où en trouveroit - on des moyens
plus fûrs qu’en mettant en ufage la nouvelle
artillerie , au moyen de laquelle nos frégates
pourroient lutter contre de gros vaifleaux, puif-
qu’elles pourroient porter des canons de $6 t e
de 48 ?
Dans le temps de la terreur, on fit à Meu-
don des expériences fur une nouvelle poudre t e
de nouveaux boulets , dont les effets parurent
terribles, & dont on devoit attendre les fuccès
lî s plus fûrs t e les plus étonnans } a t-on fait
ufage de ces deux moyens i Je l ’ignore , mais
joints à l’artillerie en fer forgé , ils multiplier
o n t les avantages en notre faveur , t e nous
alfuçerosent infailliblement la victoire ; jufqu’au
moment où les ennemis les ayant connus &
adoptés , les maux qui en réfulteroient feroient
tellement effrayans , qu’ils ameneroient les puif-
l'ances à éviter de faire la guerre, pour s’épargner
des maux auxquels les peuples , devenus
plus éclairés & plus libres, ne voudroient plus
s’expofer.
Quant aux canons de fer que nous avons, on
trouveroit beaucoup de moyens de les utilifer
en lès faifant repaner à la fonte j pour ceux de
bronze, il feroit avantageux de les vendre au
grand - feigneur à fur t e mefure de notre nouvelle
fabrication , en lui demandant en paiement
des bois de conftruétion , & fur-tout des cuivres
, avec kfquels nous pourvoirions à nos be-
foins & aux liens , en planches laminées. De
cette manière , nous porterions à notre ail é un
feCours plus efficace & plus prompt, que celui
li mai-à-propos adopté récemment, de lui avoir
envoyé des artiftes t e des machines propres à
former chez lui des manufactures t e des fonderies
de canons, & c . Le-gouvernement n’a donc
pas vu combien il nous elt important de lailfer
les Turcs dans leur ignorance, leur apathie,
leur indolence t e même leur répugnance à fe
livrer à la pratique des arts? Voudroit-on fournir
aux Levantins les moyens de nous rendre tributaires
de leur induftrie ? Ils ont des matières
p-entières précieufes & en abondance, ne négligeons
rien pour les entretenir dans l’indifférence'
0 ù ils font de les travailler & d’en tirer
parti ; & affinons-nous-en toujours davantage
î’efpèce de propriété, en les échangeant contre
ces objets manufacturés chez nous , & y ayant
pris les formes qui les rendent fufceptibles d’être
utiles ou agréables.
N. B. On ne manquera pas peut-être de dire
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| qu’en adoptant l’artillerie propofée, les affûts
1 exigeroient une nouvelle forme q u i, en offrant
plus de réfiftanoe, puffent diminuer leur recul,
j lequel augmentera en raifon de la plus grande
. légèreté des pièces }....... mais en convenant de
• la nécelhté de changer les affûts, on regardera
| cet événement comme infiniment avantageux, fi
1 on a la fagefle de prendre ceux propofés depuis
fi long-temps par le général Montalembert, tant
pour la marine que pour la terre. On pourra en
voir les détails & les coupes dans fon ouvrage fi
précieux fur la fortification perpendiculaire } te
l’on jugera fi l’ on pouvoir propofer rien de plus
ingénieux Se de plus utile.
FERMETÉ. La fermeté eft une vertu morale
aufli rarement exercée p e u t -ê t r e , qu’elle eft
j néceffaire aux hommes en place tè à tous les
hommes en général} elle eft l’aflurance, la confiance,
le courage dans l’advcrfité te dans la ré-
folution } ainfi y a-t-il de la fermeté d’ame, de
coe u r , d’efp rit, de courage ; & fi quelques
hommes doivent s’ex.rcer continuellement à la
pratique de cette vertu, ce font les militaires...
Parmi ceux d’un rang fubalterne, ne font ils pas
continuellement expofés à perdre leurs amis”",
leurs frères d’armes, les compagnons & les fou-
tiens de leurs peines ; s’ils font blefles , combien
ne leur arrivera-t-il pas trop fouvent d’être
abandonnés long-temps fur le champ de bataille
avant d’être fecourus} s’ ils font dans les hôpitaux
, n’y feront - ils pas livrés à eux-mêmes , à
la négligence, à la brutalité, à l’ infouciance des
infirmiers & des officiers de fanté} feuls, fans
confolation , éloignés de leurs amis, de leurs
parens } livrés à la douleur du corps te à celle
de l’ame-, quelle fermeté ne leur fera pas néceffaire
pour fupporter les unes & calmer les autres?....
Parmi les militaires d’un rang fupérieur,
cette vertu eft encore bien plus néceffaire, dans
la profpérité pour n’être pas enorgueilli, dans
l’advernté pour n’être pas abattu , découragé ,
& pour ne pas perdre les momens, les moyens,
les circonftances de réparer fes fautes ou celles
des autres par quelques grands fuccès} au milieu
des calomnies fi communes contre les hommes
en place, dont on envie le bonheur ou la faveur,
pour favoir fe mettre au-deflus des propos
ou des écrits auxquels on donne mille fois plus
de poids & de valeur, en cherchant à y répondre
, qu’en les couvrant du mépris qu’ ils méritent.
Dans les réfolutions qu’on a prifes après
avoir mûrement réfléchi & pefé quélles étoient
celles auxquelles il falloit s’arrêter de préférence,
rien n’étant plus fufceptible de faire commettre
de grandes fautes que l ’irréfolution, fur-tout à
la guerre , où tout dépend du premier coup-
d’oe i l , de la vivacité du jugement & de la
promptitude à prendre une réfolution & à la
faire exécuter. Que bien & mal ne-peut foujfrir,
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dit Petitjean de Saintré, en grand honneur ne
peut venir.
Parmi les cônfeils que l’auteur du Jouvencel
donne aux militaires, ceux-ci font remarquables
te Que la joie régné fans cefle parmi vous, qu’ elle
»s foit l’ame de toutes vos actions > la guerre
>3 aime les gens gais te intrépides , te la mort
» les efprits triftes & . inquiets} voyez d’ un vi-
» fage égal la perte te le g a in , les revers & les
« fuccès , que rien ne vous abatte, un inftant
» peut changer la fortune, elle revient à qui-
» conque fait l’ attendre } fi vous êtes accablés
» de fatigues te de peines, fongez que l’ ennemi
»a en partage du moins la moitié} & fi le danger
» vous étonne, mettez-vous bien dans l’efprit
»a que vous avez affaire à dès hommes qui, ne
» vous approchent qu’en tremblant. »
FERMETURE DES PORTES. La fermeture :
des portes en temps de paix n’ eft que l’exécution
très fimple de l’ordonnance fur le fervice
des places relativement à cet objet ; mais en
temps de guerre , quoiqu’ une place de guerre
foit éloignée de l’ennemi, quoique même elle
foit en troifième ligne, on ne doit fouffrir aucune
négligence dans l ’exécution de toutes les
précautions exigées par l’ordonnance, les localités
, les circonftances, la fagefle & l’a&ivité
du commandant de la place........ Quoique l’ouverture
des portes exige peut-être de plus grandes
précautions , neanmoins celles à prendre pour la
fermeture ne font pas moins eflentielles. C'eft le '
moment où les gens de la campagne fe retirent
avec leurs bêtes de fomme te leurs charrettes}
le moment où les travailleurs dans la campagne,
autour de la ville , rentrent} où les voyageurs
arrivent, où conféquemment la rencontre des
perfonnes te des voitures qui veulent entrer ou
fortir , doit exiger la furveillance la plus rigide,
pour empêcher les embarras, faciliter l ’écoulement
te prévenir les furprifes. Dans l’efpérance
d’ arriver toujours à temps , on attend de part
& d’aütre , dedans te hors de la v ille , le rappel
de la caifle ou le fon de la cloche} encore en
calcule-t-on la durée , & ne fonge-t-on à fe
mettre en mouvement qu’au dernier moment}
ce qui augmente les embarras te néceifite un
furcroît de vigilance te de précaution } aufli
penfe-t-on qu’il feroit de la prudence du commandant
de la place, lorfqu’ il le jugeroit néceffaire
, d’avancer l’heure ae la fortie ou de la
rentrée des voitures , afin de donner plus de
temps à l’évacuation, & de n’avoir enfuite aucun
embarras pour la fortie & l’entrée des gens
à pied. On jugera , d’après ce court expofé,
combien les précautions a prendre fur cet objet
dépendent des circonftances, des localités & de
la fagefle du commandant de la place, tec.......
La ville eft-elle fujette à des paflages fréquens
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t e confidérables ? Ses environs font-ils couverts
ou découverts? Y a - t - i l de grands bois, de
hautes montagnes, de grands défilés très-à-por-
tée ? Quel eft l’intérêt de l’ennemi de s’en em-
.parer ? Quel pays a-t-il à traverfer pour y arriver
? Peut-il être vu par d’autres places fortes ?
Eft-il néceffairement obligé dé traverfer quelques
grandes rivières ? t e c . Ces différentes circonftances
ou polirions indiquent naturellement
quels font les objets à prévoir & les moyens
de prévenir les furprifes : combien ne doit-on
pas fe tenir fur lés gardes, fur-tout d’après la
oonnoifîance qu’on doit avoir de L’ennemi auquel
on a affaire, de fon efprit entreprenant ? t e c .
Quand on fait que, pendant la guerre de fepe
ans, le roi de Prulle avoit formé le projet d’envoyer
un corps de fes troupes pour fe joindre
aux Anglois lur les bords d^ la Méditerrannée,
où ils avoient le projet de faire une defeente
fur le s cotes de la Provence 3 ce corps devoit
traverfer les éleélorats, la Suifle, la Savoie, le
Dauphiné t e la Provence., t e fe groflir en route
avec des proteftans inftruits du projet, & le
favorifant, comme mécontens du gouvernement
françois, & voulant concourir à lui nuire pour
fatisiaire un défit de haine t e de vengeance. Or
traitera peut-être ce projet de fable, c’eft ainfi
que l’on juge pour l’ordinaire de ceux difficiles
t e non exécutés} mais celui-ci n’en a pas moins
été fur le point de l’être, & on ne peur pas
foupçonner le roi de Prufîe de ne l ’avoir pas
aflez bien calculé, pour en affurer la réuifice en
.cas de tentative.
FÊTES. Les fêtes, les jeux, les fpedacles,
les ufages même doivent toujours avoir un but
moral Ce politique} toujours, fur-tout dans une
république , elles doivent tendre à former ie
corps, le coeur t e l’efpvit : fi cette vérité eft
inconteftable, combien ne nous fommes - nous
pas éloignésde l’efprit de ces inilitutions fociales?
Si nous avons des ufages, c’eft pour favoir
amufer l’ oifiveté des femmes, ou entretenir &
fatisfaire leur galanterie} fi nous nous raflemblof.s,
c’eft dans des falles bien fermées & à prix d’argent
, pour voir fur des théâtres efféminés, dif-
folus, où l’on ne fait parler que d’amour, dé-
! clamer des hiftrions, minauder des proftituées,
t e pour y prendre des leçons de corruption, les
feules qui profitent de toutes celles qu’on fait
femblant d’y donner. C’eft dans des fêtes où le
peuple , toujours méprifé, eft toujours fans influence}
où le blâme, où l’approbation publique
ne produisent rien } c’eft dans des cohues iicen-
cieufes pour s’y faire des liaifons fecrettes, pour
y chercher les plaifirs qui féparent, ifolent le
plus les hommes, t e qui relâchent le plus les
coeurs} font-ce là des ftimulans pour le patriotisme
t e pour le courage? Et avec des manières
de vivre fi diffemblables, faut-il s’étonner fi les