troupe : cette coutume que j'ai vu imiter quoique
de loin -, par quelques régimens , eft utile dans
une infinité de circonftances ; elle mérite d'être
généralement adoptée. Il fuffit d’affeéler une lettre
de l’alphabet à chaque compagnie, 8c un numéro
a chaque foldat.
N e feroit-il pas utile d’infliger une punition
ainfi que le faifoient les Romains, au foldat qui
dans un combat perdoit fes. armes ? N e pourroit-
on pas , ainfi que le pratiquoient nos ancêtres 8c
quelques autres peuples, leur faire un point d’honneur
de les confèrver ou de les reprendre ? Foyeç
le paragraphe III de l’article A r m e m e n t .
§. I I.
Des armes confidérées comme récompense & punition.
Un gouvernement qui feroit jaloux de récom-
penfer toutes les allions militaires Utiles & glorieu-
fe s , & de punir toutes les aélions nuifibles & hon-
teufes, & qui auroitpris, en même-tems, la fage réfutation
de ne point recourir à l'argent pourrécom-
penfer , ou à des peines graves ou phyfiques pour
punir 3 ne. pourroit-il pas trouver dans les armes
qu'il feroit porter aux corps entiers, & même
aux individus , ou dans celles qu’il diftribueroit
aux uns & aux autres , une manière de les punir
ou de les récompenfer ? L’hiftoire des tems reculés
& celle des tems modernes , offrent des
exemples en ce genre , 8c la raifon nous les indique
comme faits pour être imités.
Les Grecs 8c les Romains faifoient porter des
armes particulières à ceux de leurs guerriers qui-
s'étoient dillingués par des actions éclatantes; ils
leur donnoient auffi quelquefois des armes ornées
avec magnificence j fous les empereurs, unea&ion
d’éclat étoit auffi récompenfée par le don d'une
arme particulière : on diftribpoit auffi aux vainqueurs
une partie des armes qu’on avoir prifes.
fur les ennemis.
Une des plus grandes prérogatives accordées à
nos anciens chevaliers, étoit le droit de porter
une lance plus forte que le refte des combattans 5
un haubert, une cont-d* armes , des éperons dorés
, & de couvrir leurs chevaux de harnois enrichis
d’or.
Henri V , roi d’Angleterre , accorda après la
bataille d’Azincourf à tous ceux de fes fujets qui
s’ étoient fignalés , le droit dé porter des cottes-
d'armes femblables à celles de la nobleffe.
Plufieurs de nos rois ont donné des épées riches
aux généraux & aux guerriers qui les avoient
bien fervis.
Brantôme rapporte qu'ayant affifté à une pro-
ceffion dans lifte de Malthe, il avoit vu une
partie des chevaliers armés de toutes pièces , 8c j
lès autres avec de fimples tuniques. Cette diftinc- \
tion avoit été accordée aux premiers pour les
récompenfes de la haute valeur qu’ils avoient
montrée en différentes occafions importantes.
Pour perpétuer à jamais , dit l’hiftorien de
l’ordre de faint-Louis, tome 2 , pag-1 1 4 , les actions
valeureufes de M. de V i fé , un confeil de
guerre tenu fous l’autorité de M. de Joyeufe ,
colonel-général de la cavalerie légère, lui accorda,
pour fa perfonne & pour celle de fes enfans } le
droit de porter des timbales à la guerre.
‘ Un des régimens de l’armée françoife , le régiment
Dauphin infanterie , a le droit de faire
; porter , au lieu de fufil, des fourches de fer à
tous les fèrgens de fes grenadiers ; cette récom-
penfe lui a été accordée après une aétion heu-
; reufe exécutée avec des fourches. Cette diftinc-
tion gtorieufe eft infiniment chère au corps qui
j en jou it, & lui en fera, fans doute, mériter beau-
! coup d'autres.
Nos rois ont donné dans tous les tems des ea-
: nons 8c des mortiers à ceux de leurs généraux
qui en avoient enlevé plufieurs aux ennemis;, .ils
leur ont accordé en même-tems la permiffion de
: les expofer fur la porte de leurs maifons ou de
! leurs châteaux. L’année * 1784 nous en offre un
; exemple. Le miniftre de îa marine envoya au
comte Durumain trois mortiers de fonte , comme
les monumens de la valeur du chevalier Duru-
main , fon frère, qui après avoir combattu plu-;
, fieurs fois les ennemis de l’Etat avec une grande
valeur & beaucoup de fuccès , avoit été tué dans
un combat naval. Ces mortiers ont été placés
fur la principale porte du château de Duru-
main.
Joignons à ces exemples deux obfei-vations qui
nous paroiffent effentielles. Si l’on fe réfolvoit
jamais à faire entrer le changement à*armes, dans
I le code triomphal ou pénal, on devroir avoir
l’attention de ne faire ufage, ni: comme récom-
penfe , ni,comme peine , d’armes qui puffent empêcher
celui qui les porteroit, de combattre.l’ennemi
avec , ayantage ., ou du moins d’égal à
égal.
Si l’on plaçoit au. rang des, récompenfes militaires
le don d’une partie des armes prifes fur les
ennemis , on devroit, ce me femble , empêcher
par une loi précifé , que ces armes ne pafia fient
dans les mains d’une autre famille que celle qui
les aüroit conquifes; alors, le maître d’un château,
dont la cour feroit ornée de canons & de rrçorr
; tiers , étant toujours le defçendant, d’un général
: victorieux , ou d’un.guerrijer recommandable par
| fes talens militaires , ou par une grande valeur ,
iabtiendroit .toujours des étrangers unç jufte ve-
| nération, & des François une vive; reconnoif-
fance.
A R M
s . I I I .
Doit-ott chercher a donner de belles armes uux
troupes ?
On lit dansl’hiitoire ancienne, que Brutus, Çé-
faç , Sertorius , cherchoient à embellir les armes
des foldats ; ils prétendoient qu’un air de magnificence
dans l’armement infpire du courage aux
troupes , 8c les engage à faire les derniers efforts
pour les conferver ; mais on y lit auffi que Mi-
thridate 8c plufieurs autres généraux , avoient
adopté une opinion contraire. Si leurs armes ap-
partenoient aux foldats, peut-être feroit-il utile
de fe ranger du parti de Brutus ; mais, comme
c ’eft l’État qui les leur fournit, nous nous rangerons
de celui de Mithridate , & nous dirons
que les gouvernemens modernes doivent plus s’occuper
à avoir des armes bonnes que des armes
belles.
§. I V .
Quapd doit-on faire ufage des armes de jet & des
armes de main ?
Celui-là nous rendroit un grand fervice qui
nous indiqueroit, d’une manière claire, quelles
.font les circonftances dans lefquelles nous devons
faire ufage des armes de je t , comme, le fufil, le
canon, & c . & celles dans lefquelles nous devons
recourir à l'arma blanche , comme la bayonnette ,
le fabre, &c. Cette queftion eft une des plus importantes
à réfoudre ; elle a été débattue dans
beaucoup d’ouvrages, polémiques modernes , mais
on paroît avoir cherché plutôt à foutenir le fyf-
tême qu'on avoit créé ou adopté, qu’à trouver
la vérité. Celui qui voudroit répandre des lumières
fur cette queftion , devroit, après avoir lu les
ouvrages de M M. Dumenil Durand , Guibert, 8c ceux de leurs adhérens refpe&ifs , parcourir
les commentaires de Folard , tome 1 , pag. 1164
tome 3. ,. pag. 290 ; tome 4 , pag. £4 , 9 0 ,18 3 ,
3,51 ;.tome 5 , pag. 86 ; tome 7 , pag. 91. 11 devroit
lire dans le commentaire de M. de Turpin
fur Montécuculli , les pag. 9 5 , 96 8c 180 du
tome 1 ; dans les rêveries du maréchal de Saxe,
la page 38 du tome 1 ; dans les mémoires de
Montluc , la pag. 121 du tome i ;.dans les mémoires
de M. de St-Germain , la pagv 206 , 8cc.
Il devroit, fur-tout, étudier avec foin l’hiftoire
des tems modernes, j c’eft-là que les militaires
peuvent puifer des lumières sûres.,, car l’hiftoire
n’eft que rarement aveuglée par l’efpritde fyftême.
Armes défenfîves-.
§. y.
Faut-il donner des armes, défènfives a l*infanterie
moderne ?
», .aujPurd’bui tout, auffi convaincu qu’on
1 étoit jadis, des avantages que produiroient de
bonnes armes défenfîves : on fait qu’ un foldat e3c-
pofé nud aux coups des ennemis doit combattre
avec moins d'affurance qu’un foldat couvert d’armes
défenfîves. Tons les guerriers feroiènt des
Achilles, fi comme lui ils étoient invulnérables.
Pourquoi ne donne-t- on donc pas des armes dé-
fenfives à l’infanterie ? Seroit-ce à caufe de leuè
chèreté ? Seroit-ce parce que l’humeur françoife
ne compatit point avec cette efpèce d’armes ? Seroit
ce parce que nous fommes trop foibles, trop
mous pour en porter ?
La chèreté des armes défenfîves ne peut être le
motif de leur exclufion : l’équipement du foldat
tué fur le champ de bataille eft prefque toujours
perdu pour le fouverain. Un homme de recrue
coûte très-cher à lever , à équiper, à tranfporter
à fon corps : un foldat blefie coûte infiniment à
guérir? un foldat eftropié eft une charge pour
l’Etat : 0.0 fait d’ailleurs qu’ un homme de recrue
ne remplace point un homme fait ; & enfin l’armure
produiroit une économie fur l’habillement:
les armes défenfîves feroient donc plutôt économiques
que difpendieufes.
La fécondé raifon, qui eft celle que nous donne
M. de Feuquieres , n’eft point meilleure. Si elle
étoit vraie, les autres peuples de l’Europe,eux
qui n’ont point les mêmes préjugés que nous, au-
roient confervé les armes défenfîves. C e n'eft
point pour nous imiter qu’ils les ont abandonnées,
ils copient nos frivoles modes, mais ils- ont une
opinion trop défavorable de nos inftitutions militaires,
pour les prendre pour modèles ; c’eft nous
q u i, dans ce genre , fommes le peuple imitateur.
La troifième raifon n'eft point meilleure ; ceux
qui la donnent font plutôt entraînés. par; l’humeur
que par la vérité. Les hommes font
auffi forts , auffi grands qu’ils l’ont été jadis.
Si depuis le moment où le premier des hiftoriens
a donné à fes ^contemporains le nom de race dégénérée^
les hommes avoient continué à perdre de
leur vigueur ou de leur taille, nous ferions de
vrais pygmées. Les reproches que l’on nous fait à
caufe de notie taxe 8c de la diffolution de nos
moeurs , ne font pas mieux fondés : nos. pères
n’ étoient ni plus fobres , ni plus continens que
nous. Les nobles étoienf peut-être jadis plus vigoureux
qu’ils ne le font- aujourd’hui , mais le
peuple eft auffi fort aujourd’hui qu’il l’étoit autrefois.
N o s fantaffins employent en tems de
guerre autant de force qu’en employoient les foldats.
Romains* Leurs armes 3 leurs munitions de guerre 8c de. bouche leur équipement & leurs ; bagages pefent environ quatre-vingt livres , & il
n’eft guères poftible que des hommes aient jamais
porté: pendant huit ou dix heures de fuite un
poids plusxx>nfidérable. Trompés par le poids des
preux.j nous nous fommes fait <i«s