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d’autre , & l’ ordre mince a confervé la fuperio-
rité , non pas précifément parce qu’ il étoit préférable
, mais par habitude , & parce qu’un fouve-
rain , très-grand général , l’avoit perfectionné 8c
l’avoit confervé de préférence > & c’eft une ob-
fervation capitale à faire , qu un fouverain feul
peut opérer une très-grande révolution en tactique.
Ils’eft fait des changemens innombrables dans
cette partie de l’art delà guerre, depuis la multiplication
des armes à feu. La taébque de 1740 ne
reffembloit point à celle de 1 6 4 0 , & en remontant
depuis cette dernière époque, on trouvero't,
dans des périodes plus courtes, des variations plus
confidérables.
Laftelnau, Walhaufen & beaucoup d’autres
ont écrit fur la taCtique. On trouve dans leurs
ouvrages les principales règles pour exécuter avec
ju{telle les évolutions connues alors & adaptées
à l’ufage du tems 5 mais pour obliger les officiers
à donner toute l’attention néceflaire à ce que ces
mouvemens fe faffent fuivant ces règles , & à y
dreffer les foldats, il faut un fouverain militaire,
un fouverain qui ofe être inflexible, & punir a
l’inftant la moindre défobéiflànce. Conde, Tu-
renne , Luxembourg & Catinat commandèrent
des armées ; mais ce n’eft pas au milieu du tumulte
de la guerre que l ’on créé des règles de taCtique.
Frédéric , dans tout le cours de fes campagnes ,
11’îmagina ni n’introduiiït aucune évolution nou^-
velle ; c’ eft après la guerre, que l’on médite fur
les événemens. Mais, à la paix, ce ne feront ni des
chefs-de-brigade ni mémê des officiers-genéraux qui
oferont changer tous les ufages, en faifant faire aux
troupes des manoeuvres inufitées, & adopter un
ordre contraire à celui habituel : l’expérience diCts
bien quelques changemens ; mais ce font les ordonnances
qui y donnent leur fanCtion, & ces
ordonnances émanent du fouverain.
Les pas vers le perfectionnement de la taCtique
fe font donc tous en fecret, & paffent de leurs
véritables auteurs au fouverain, & de celui-ci
dans l’armée. Ainfi en eft-il arrivé en Pruffe , fous
le grand Frédéric, par rapport aux manoeuvres les
plus fa vantes & au perfectionnement de celles
qu’on connoiffoit déjà , mais qu on n executoit
encore que mal-habilement.
L’art de la guerre eut donc , fous ce rapport,
une deftinée particulière. Il parut un homme de
génie, & cet homme étoit un r o i , & ce roi avoit
une grande armée, dans le fein de laquelle , au
moyen d’une foule de perfeCtionnemens infen-
fi'bies, il fit avancer un grand pas à la taCtique.
Avec fon armée ainfi perfectionnée, Frédéric
exécuta des chofes étonnantes : il fenrit, en outre,
l’importance extrême de ces progrès, & c’en fut
affez pour diriger fes continuelles méditations
fur les moyens de perfectionner l’art. Comme
fouverain, il put foudaînement mettre en pratique
toutes les idées nouvelles , foit qu’elles fe
gréfentaflent à fon efprit, foie que d’autres les
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| lui enflent fournies $ il put retenir & introduire
fouverainement le bon en rejetant l’ inutile. Les
événemens extraordinaires & multipliés des différentes
guerres qu’ il fit ou qu’il eut a foutenir, dirigèrent
& guidèrent fes fpéculations, & elles
donnèrent l’elfor aux officiers qui travailloient à
fe faire valoir auprès de lui.
Dans de pareilles cireonftances, la taCtique doit
faire des progrès furprenans j mais ces circonf-
tances font infiniment rares, & depuis Guftave
Adolphe , aucun prince ne s’étoit trouvé dans le
même cas.
Ges cireonftances femblent cependant fe montrer
encore dans le moment où nous écrivons.
Un général, toujours victorieux, fe trouve le
premier magiftrat de la répub'ique françaife : il
vient de donner la paix au continent, & cette
paix eft due entièrement à fes victoires, à celles
des autres généraux, & à la haute^ réputation
de bravoure qu’ont acquife & méritée a fi jufte
titre les foldats français. La milice nationale a be-
foin d’ une nouvelle conftitution & d’une formation
differentes. Les généraux , les officiers particuliers,
les foldats eux-mêmes parlent encore tous
les jours des fuccès qu’ ils ont eus en attaquant à
l'arme branche l’ennemi déjà ébranlé par l'artillerie
: ils ont donc pu juger combien il fêroit
avantageux d’adopter un ordre plus profond , &
le premier magiftrat peut-feul , s’ il le v eu t, être
affuré de faire réunir les ordonnances militaires
qui émaneront de fon confeil, fur un objet aulli
important : car, qu’un officier particulier invente
le plus beau fyftème de taCtique , qu’il le publie ,
il y a cent à parier contre un que l ’intérêt particulier
de la pareffe, joint à beaucoup d’autres ,
empêchera qu’on effaie ou qu’on approuve les
innovations propofées par cet officier, encore
moins les--adoptera-t-on en forme de loi. Il faut
donc en revenir à cette vérité énoncée plus haut,
que le fouverain feul peut opérer une grande Révolution
en taCtique, & ajouter que jamais 1 on
ne s’ eft trouvé en France dans une circonftarree'
plus favorable à cet égard , puifque tout le militaire
doit être convaincu, par fa propre expérience
, des avantages que l’on retireront du perfectionnement
de la taCtique, d’après ce qui vient
de fe pafler dans la guerre de la révolution , où il
a fans celle joué un rôle fi brillant, prefque toujours
en fe fervant de la baiionète.
TAILLE. Les anciens avoient quatre mefures
différentes pour leurs foldats; la première étoit
de cinq pieds & demi, c’eit-à-dire, cinq pieds
un demi-pouce; la fécondé, cinq pieds fept pouces,
c’eft-à-dire, cinq pieds un pouce cinq lignes
(celle-ci étoit la plus commune) ; la troifième,
cinq pieds dix pouces , c’ eft:-à-dire , cinq pieds
quatre pouces deux lignes; & la quatrième, de fix
pieds romains, qui faifoient cinq pieds fix pouces
des nôtres.
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Néron fut le premier qui exigea la grandeur de
la taille dans les foldats. Avec le fyftème de a
cônfeription, il eft impoffible de rien fixer fur la
taille, ni même fur la vigueur des recrues : on
devroit cependant s’ attacher à deftiner, pour les
troupes légères à pied & à cheval, les hommes
d’une petite taille , mais forts & rdbuftes : ceux
d’une grande tailie feraient réfervés pour la grotte
cavalerie & les grenadiers j ceux d une taille
moyenne compoferoient l’ infanterie, en ayant la
précaution de mettre au premier rang les foldats
de la plus petite taille, afin qu’ ils gênent moins
ceux des derniers rangs quand il s’agit de faire
feu.
TENTES. Vers la fécondé année de la guerre
de la liberté, des commiffaires de la convention
envoyés proche des armées , crurent avoir trouvé
un grand moyen d’économie, 8f avoir beaucoup
augmenté la légèreté dans les marches, en otant les
tentes aux foldats & les forçant de bivouaquer;
mais cette méthode ,,auffi meurtrière que perm-
cieufe, eft peut-être , & ce n'eft ças peu dire, un
des plus grands maux dont les délégués du régime/
de la terreur furent alors la caufe. Il feroit difficile
de calculer la quantité de braves défenfeurs
de la patrie que les bivouacs jetèrent dans les
hôpitaux, & de là dans le cercueil; non moins difficile
encore de connoître tous ceux q u i, ayant
échappé à la mort, font reftés perclus de rhuma-
tifme, & font deftinés, quelques-uns à être eftro-
piés , plufieurs autres à mener une vie, languif-
fante, tous à reffentir le refte de leurs jours des
douleurs infupportables (1 ).
En effet, quel eft l ’homme qui ne fentira pas
facilement à quoi l’on expofe des foldats, trop
fouvent mal nourris, mal vêtus, extrêmement
fatigués, en les obligeant, dans un moment où
ils ont befoin de repofer pour réparer leurs forces
épuifées, à fe coucher fur une terre prefque toujours
humide, ou à s’y enterrer & à y être expofes
à toutes les vapeurs de la nuit ; qu i pleuve, qu il
vente, qu’ il grêle, qu’ il neige, qu’ il y ait des
brouillards, des vapeurs infeCtes, que le fol foit
fangeux ou marécageux, n’importe, il faut que
le foldat foit expofé à toutes ces caufes de mala-
(1)"On lit dans la vie de Hoche: «Dès fon arrivée
à l’armée de la Mofelle , il avoir fupprimé les tentes
comme embarrafiantes à la guerre, & indignes des
foldats républicains. La marche fur Kaifers-Lautern
s’étoit faite en bivouaquant. On étoit fort heureux
quand, vers la nuit, on pouvoit fe trouver près d’un
bois : on faifoit un grand feu avec les arbres. ^ Le
lendemain on étoit étonné de ne plus voir de forets;
les branches avoient fervi de lits, & le matin on brû-
loit les lits avant de fe mettre en marche. « •
Quelle manière affreufe 8c dévaftatrice de faire la
guerre 1
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dies; il n’a pas même de la paille pour fe coucher:
mais il se barraque, nous dira-t-on peut-être;
méthode encore plus daugçreufe, outre qu'elle
occafionne des dégâts incalculables pour fe procurer
les bois employés à faire des barraques. Dans
la conviction d’être plus à l’abri & plus chaudement,
le foldat fait des.creux dans la terre, &
c ’eft. là ou il fe couche, & où il eft encore bien
plus expofé à prendre des fraîcheurs & des rhu-
matifmes : auffi dès que le jour paroît, ou il eft
attaqué de la fièvre ou perclus de quelque membre,
ou tellement engourdi, qu’il n’eft pas en état de
continuer des marches pénibles, d’attaquer l ’ennemi
ou de fe défendre ; & tous ces maux, on les
aura occafionnés fous le prétexte ridicule d’épargner
quelques légers chariots chargés de tentes,
qu’ ils auroient pu porter à peu de frais fi l’on
avoit fu en confier l'entreprife à des hommes
jaloux de conferver leur réputation d’honnêteté.
TERREIN. On concevra fans peine combien
il eft effentiel pour un général, de connoître parfaitement
les terreins qu’il doit occuper ou parcourir.
Sont-ce des plaines, des bois, des montagnes,
des collines, des pays coupés, ouverts?
Y a-t-il des chemins, des ravins, des rui fléaux ,
des rivières , des torrens, des villes, des villages,
des hameaux, des maifons ? Les terres font-elles
fermes, fabloneufes, argileufes, molles, fangeu-
fes, maréeageufes, & c . ? quelles font les ref-
fources qu’ elles offrent en grains, paille, foin,
légumes , beftiaux , bois, boiffons, &c. ?
D’où s’enfuit la difpofition dans Iss marches,
les campemens, les combats, les pofitions,. & c .
tous objets qui néceffitent des prérau rions indiquées
par les localités , & dont un général habile
doit favoir profiter.
Nous efpérons aufli faire plaifîr aux militaires, à
l’occafion du terrein, de leur donner ici une table
de celui néceflaire pour mettre des troupes en
bataille. Plufielirs expériences femblent décider à
fixer l'efpace oxcupé par une file , entre vingt &
vingt-un pouces ; en conféquence ,
Files. Toifes. Pieds. Pou
P o u r . . . 1 ....................... I 1 ; .................... 9 3 6
3 ............• • • • . . . . . . » 5 3
4- .................... I 1 »
5 ....................... .............. I 2 9 6 . . . .............. . . . . . . I 4 6
; 7 . . . . . . . . . „ . . v . . 2 M 3 8 . .................... . . . . i . 2 2
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