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ftriCtement défendu de l’ employer en tems de
guerre , fi ce n’eft pour attaquer l’ennemi ou pour
le repouffer : en tems de paix, que le foldat ne
l'entende que dans les exercices à feu , dans les
combats fimulés , dans les occafions enfin où fa
tête doit s’exalter, & où l’apparence d’un combat
doit faire naître en lui l’enthoufiafme de la
gloire. N ’eft-il pas évident qu’ un air que jamais
il n’aura entendu de fang-froid , retentira pour
ainfi dire dans fon coeur, & y fera renaître les
nobles tranfports qui l’agitèrent dans de fembla-
■ bles circonftances ? qu’à chaque nouvelle occafion
i l acquerra une puilfance nouvelle, puifqu’il réveillera
plus de fenfations à la fois., & qu’enfin cet
air fera j pour ces guerriers , le fignal de la gloire ?
Lorfque les drapeaux & les étendards arrivent
au milieu d’un bataillon, ils y font reçus avec
toutes les marques de vénération & de refpeCt. Si
Ion penfe qu’il foit intéreffant d’infpirer aux fol-
tlats ces fentimens, ne fera-t-il pas poffible de les
^rav^r plus fortement dans leur ame, en les faifont
exprimer alors par les inftrumens militaires?
Un air fimple , lent & mâjeftueux , exécuté par
les clarinettes, les cors-de-chaffe, les baffons &
les cymbales feulement , accompagnera le falut
que les troupes font à leurs drapeaux, & jamais
cet air ne fera entendu en d’autres circonfiances.
On fourira peut-être à la leChire de ces idées
on fera furpris des vues nfnütieufes qui paroiffent
les avoir dictées 5 mais fi l’ on daigne faire attention
que c’ eft par les moyens les plus foibles en
apparence, que les arts d’expreflîon produifent
les plus grands effets 5 fi l’on apperçoit que notre
mufique militaire n’eft maintenant qu’ un objet de
luxe ou d’agrément, qu’il n’en couteroit aucun
frais pour la rendre utile , que les moyeps pro-
pofés font puifés dans le coeur humain, qu’i!s font
fondés fur l’analogie & confirmés par l’expérience,
le critique dé (armé laiffera peut-être tomber de
fa main les traits qu’il étoit prêt à lancer, & fe
réunira à nous pour demander une innovation peu
confidérable', mais utile.
N
J M à TATION. Les Romains employèrent la
natation comme un moyen d’augmenter la force
du foldat, & à caufe de fon utilité à la guerre :
ji y avoit entre les jeunes^ gens une rivalité de
gloire à qui pafferoit,plus vite le Tibre à la nage ;
Caton, Sertorius & Céfar traverfoient ainfi les
rivières les plus rapides.
Si vous avez habitué de bonne heure les jeunes
citoyens à favoir nager, propofez aux foldats de
paffer des rivières, foit en nageant, foit fur un
cheval qui nageroit; faites-leur furmonter tous
les obftacles ; qu’ ils s’accoutument à ne croire à
aucuns î ils éprouveront fouvent les avantages de
.ces fages. précautions.
Céfar àuroit vu échouer fa gloire après la bataille
de Pharfale, lorfqu’il attaqua la flotte égyptienne,
s’il n’avoit dû fa vie au talent qu’il avoit
de bien nager 5 Alexandre paffa le Granique à la
nage j les Tartares ne connoiffent pas les ponts;,
le duc de Guife le balafré fe jetoit tout armé dans
une rivière & en remontoit le courant à la nage.
Peut-être l’empereur Chales-Quint ne feroit-il
pas parvenu à joindre l’éleCteur de Saxe à Mul-
haufen, fi dix foldats efpagnols 11’euffent joint à
beaucoup de bravoure Part de la natation. Les
Saxons, obligés par le feu de l ’armée impériale,
d’abandonner les bords de l’E lb e, mirent le feu
à quelques bateaux qu’ils avoient raffemblés, &
firent leur retraite; les Impériaux s'en étant ap-
perçus, dix foldats fe dépouillèrent fur le champ,
& prenant leur épée entre les dents, fe jetèrent
à la nage, mirent en fuite quelques Saxons qui
voulurent les arrêter, & fauvèrent des flammes
autant de bateaux qu’il leur en fallut pour achever
le pont. • x ^
,-M. de Chamilly éprouva, à l’ attaque de l’ile
d eM o ok , combien il eft avantageux de favoir
nager. Voyant que les officiers auxquels il avoit
confié la tête de l’attaque n’avançoient pas, il leur
en demanda la raifon ; ils répondirent que c’étoit
parce qu’ils ne favoient pas nager ; il leur répliqua
qu’il ne le favoît pas non plus, mais qu’il falloit
tous paffer ou périr, & s’étant jeté dans l’eau,
fon exemple entraîna le refte des troupes. L’auteur
de la relation du fiége de Grave obferve
néanmoins que M. de Chamilly favoit nager, &
qu’il n’avoit dit qu’il ne le favoit pas, que pour engager
tout le monde à paffer 5 en effet, il paffa &
repaffa la rivière à la nage.
Le fiége de Lille fournit un exemple de l’utilité
de la natation, & pour l’état & pour les particuliers
: la fupériorité du chevalier Dubois, dans
ce genre d’exercice, fut également utile au chevalier
de Boufflers & à lui : fous les yeux des ennemis,
il eut l’art de paffer deux fois fêpt canaux
à la nage, étant fouvent obligé de nager entre
deux eaux, pour n’être ni vu ni entendu.
NATIONS. Chaque nation eft un affemblag»
de différens caractères, & contient, quel que foit
fon gouvernemenr, un échantillon de là variété
qui doit réfulter de l’humeur, du tempérament,
dé la tournure d’efprit d’hommes occupés de tant
de manières fi différentes.
Il peut fe rencontrer chez les nattons policée*
une infinité de différences, produites par l’influence
du climat ou de la mode; mais ce.qui
conftitue les principales diftinéïions auxquelles
l’ on peut s/en tenir, c'eft le rôle qu’un peuple
eft obligé de jouer en qualité donation, ce font
les objets que l’état offre à fes regards & à fon'
aéiiyité, ou bien la cqnftitution du gouvernement,
qui, en prefcrivant à fes fujets les conditions
de la fociété, influe d’ une façon très-marquée
fur leurs idées & leurs habitudes.
La conftitution & k s moeurs des anciens états
de la Grèce & de l’Italie, relativement à la guerre
, portoient l’empreinte de la nature de leur
gouvernement républicain;celles de l’Europe moderne
fe reffentent du monarchifme, q u i, devenu
la forme prédominante dans cette partie du
Monde, influe puiffamment fur les nations, fur
celles même qui 'ne vivent pas fous ce gouvernement.^
D’après les maximes monarchiques, on conçoit
une diftinCtion entre l’état & fes membres, de
même qu’entre le roi & le peuple, qui fait que
la guerre eft une affaire de politique & non d’a-
nimofité particulière. Tandis que nous cherchons
à ruiner l’ intérêt public, nous voudrions épargner
l ’ intérêt particulier: nous confervons pour les individus
des égards & des ménagemens qui fouvent
arrêtent l’effufion du fang dans la chaleur
de la victoire, & font trouver aux prifonniers
de guerre les traitemens de l’hofpitalité dans la
même ville qu’ ils avoient en vue de détruire : ces
ufages font fi folidement établis, que le plus jufte
reffentiment contre un ennemi, la raifon de repréfailles
ou la néceffité du fervice pourroient
a peine juftifier ou excufer la violation de ces
règles', regardées comme des lois d’humanité,
ou faire que le; chef qui s’ en feroit rendu coupable,
ne devînt un objet d’horreur & d’exécration.
La pratique générale des Grecs Sc des Romains
étoit abfolument oppofée : ils s’appliquoient à
blefler un état en détruifant fes membres, en
dévaftant fon territoire, en ruinant lès poffef