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articulations tendres, voulez-vous l’amener & l’af-
fujectir , fi vous n’avez ”pa;s la patience de
fouffrir les fautes qu’il fera *par foibleffe , fi
maiheureulement vous frappez l’ animal avec humeur,
jamais il ne fe fortifiera, & il fera altéré
avant d’être parvenu à l’âge où il aiiroit
pu vous rendre des fervices....... Combien de
chevaux ont les organes fenfibles & craintifs qui
nécefiitent la plus grande, patience de la part
de Y écuyer, fans cela plus d’accord entre l’homme
& le cheval ; ...... combien d’occafions- où le
cheval par fon ardeur, fa vivacité, fon étourderie
, pouffe pour ainfi dire à bout fon cavalie
r , fi dans ce moment il ne s’arme pas d’une
patience lavante & confiante; il augmentera infailliblement
par la crainte qu’aura le cheval
du châtiment, fa fougue, fon inquiétude & fa
lenlibilité; . . .. . dès-lors l’animal fera comme un
bon infirument dans les mains d’un homme qui
ne pourroit pas en jouer faute de favoir le
mettre d’accord.
Troifièmè qualité. L a hardieffe & le fang-froid.
Garez-vous de cette hardieffe du caffe-cou
qui ne vient que de l’ ignorance & de la témérité,
qui lutte avec l ’animal au danger de tous
les deux & à la ruine certaine du cheval ; ....
mais ayez cette hardieffe froide & rail’onnée
qui fait fentir à l’ animal qu’on ne le craint
pas. 8c qu’on applique le châtiment & aux cir-
conftances & aux fautes-, prenez-y bien garde,
le cheval vous réfifte , il réful'e l’obéiffance,
il vous tâte, pour ainfi dire , & pour peu que
vous mêliez de l’ incertitude dans vos aéiions ,
l’animal, s’en apercevra , il prendra de l’empire
& fe détruira pour le maintenir. Ne demandez
jamais à vos chevaux que ce qu’ils peuvent
N exécuter , alors ne foyez plus indécis;
fans quoi vous rendriez vos chevaux poltrons
& vicieux; ... fi après avoir préfenté une fois
votre cheval au bord d’un foffé pour le faire
fauter, vous avez manqué de hardieffe , une
autre fois le cheval ne fautera pas ou il fe
défendra long-temps avant d’obéir; un homme
hardi & de fang-froid voit le danger & le
prévient en employant les degrés néceffaires
pour obtenir l’obéiffance ; le caffe-cou au contraire
brufque tout par ignorance ou par fauffe
gloire, il ruine le cheval qui lui eft confié;.,
la hardieffe & le fang-froid font d’autant plus
néceffaires à Y écuyer, qu’avec leur fecours il préviendra
une grande partie des accidens auxquels
il s’expofera en montant des chevaux vicieux
ou indomptés , tandis qu’avec de la témérité
il courroit trop fouvent les rifques d’en être
la viéiime ainfi que l’animal qu’il voudroit
dreffer.
Quatrième qualité. La prudence,
La prudence eft une des.,qualités qui peut être
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la plus utile au çavalier & au cheval $*. queî-
ques exemples pourront venir à j ’appui der'èette
vérité...... Un cheval vient-il â fe défendre fur
les bords d’un précipice, la prudence indique
qu’il faut remettre la correélion à un autre moment
pour éviter des accidens ou un plus grand
défordre ; .... fi un cheval fe retient dans un
endroit gliffant , ce n’eft pas le moment de
le décider; la prudence indique donc qu’ il ne
faut jamais demander au cheval au -d e là de.
fes forces , & que ce ne doit être que par desmoyens
doux & raifonnés qu’il faut préparer les
chevaux à tout ce qu’on doit attendre d’eux,
& à tout ce qu’on peut être obligé de leur
demander. Un écuyer prudent faura paffer une
faute légère pou^ en éviter une plus grande ;
il s’inftruira par-là de la manière dont il faut
fe conduire avec l’animal qu’il élève , même
pour éviter à l’avenir la première faute.
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Cinquième qualité. JJaElivïtè.
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Sans une grande aâivité , quel efl l'écuyer
qui pourroit réfifter au travail confiant que demande
la fcience de l’équitation * & aux foins
continuels qu’elle exige.... Après avoir fortement
occupé fon corps & fon efprit dans les
leçons qu’il vient donner aux differens chevaux
qu’il a montés, à peine eft-il pied à terre, qu’il
eft obligé de veiller fur les détails définitifs &
effentiels de l’écurie. Le panfement, la nourri-
ture, l’exàmen des chevaux malades, les mêmes
foins pour les chevaux bien portans , la tenue
des écuries, des harnois, & c . Si un écuyer ne
veit pas tout ,- s’il ne donne pas le premier
l’exemple d’une activité exa&e 8c très - éclairée ,
jamais il ne fera fécondé & les chevaux périront
; plus exaéf & plus a&if au contraire à fe
montrer p ar -to u t, à préfider à tout, Y écuyer
n’aura à punir perfonne, aucun fubalterne n’aura
plus à fe plaindre des peines attachées à fon
état & tous concourront avec plaifir au bien
général.
Sixième qualité. La douceur, Vhumanité•
Sans les vertus fi précieufes de la douceur &
de l’humanité, le concours au bien n’aura jamais
le même attrait; il faut donc que Y écuyer ,
en exigeant de chacun de fes fubordonnés de
l’exactitude & en donnant l’exemple , n’oublie
jamais ces égards fi précieux que l’on doit aux
hommes, & que nous voudrions que l’on eut
pour nous fi nous étions à leur place......... Il
faut bien diftinguer entre la foibleffe & la
douceur; foyez jufte & humain, votre févérité
ne fera trembler que les mauvais fujets ; .........
cette même douceur fi néceffaire vis-à-vis des
hommes qui font fous fes ordres , Yécuyer doit
l’étendre jufqu’aux chevaux qui lui font confiés, il
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U leur doit foins & protection ; bien loi» d^a- I
bu fer du pouvoir que là force peut lui donner j
fur eux, il doit les accoutumer à l’obéiffance
par les voies les plus douces ; les châtier mal
à propos (croit les rendre vicieux, exiger d’eux-
un travail au-delà de leurs forces feroit les ruiner.
Septième qualité.: Les moeurs.
Si les moeurs font eflentiélles à tous les hommes,
elles font encore , bien plus néceffaires a
Yécuyer qui par fon état doit: être chargé..d’ap-
prendre a des jeunes gens à monter à cheval &
a devenir eux-mêmes des écuyers ; ..... n’euffent-
ils même que des chevaux à conduire 8c à dreffer,
encore feroit-il important pour les écuyers qu’ ils
fU fient lbbres 8c témpérans pour la- conferyation
de leur fan té. & d e leurs forces ; fans, des moeurs
il feroit bien difficile qu’un écuyer eut aucune
des qualités phyfiques 8c. morales dont nous
venons de parler 8c que nous avons regardées
comme e.ffen,déliés à l’excellent homme de cher
v al;.,., mais^deftiné à préfider à l’inftruétion des
jeunes gens dans la partie de.,l’équitation, . . .
deftiné à avoir fous fes ordres un grand, nombre
,de fubordonnés ,, combien n’eft-il pas important
que Yécuyer mène une vie ir ré p ro ch ab le ;..,.
toutiferoit perdu pour lu i, pour fon état, pour
fes élèy-es , fi l’on pouvoit feulement le foup-
çonner d’inconduite ou de mauvaifes moeurs.
Nous nous arrêtons ici pour ne pas paroître
trop, vouloir, .exiger de la part des pérfonries
qui fe deftinent à l’état fi pénible à'écuyer ;......
mais lorfqu’on aura eu le bonheur de trouver
réunis dans un homme de cheval les; connoif-
l’ances & les qualités dont; nous venons de
tracer l’efquiffe, qu’on fe hâte de lui marquer
toute l’eftime & de lui accorder toutes-les dif-
tin étions que mérite un talent qui peut être
auffi utile, on.oferôit me dire qui eft devenu
fludi néceffaire chez nous. En effet nous avons
befoin d’avoir une cavalerie nombreufe, 8c nous
n’avons rien encore ftatué de ftable .ni d’avantageux
pour la remonté, la nourriture , les harnois
des chevaux de nos troupes à cheval, &
encore-bien moins de quelle manière doit monter
un cavalier...... Tous ces objets ne peuvent être
-réglés fiii-yis & dirigés que par * d’excellens
écuyers j mais bien loin de nous occuper à en
former, nous en fommes encore à. difpurer fur
les premiers principes de féquitation , au lieu de
les avoir fixés tous d’une manière invariable , en
s’arrêtant aux meilleurs d’après les dil’culîions
de gens inftruits & impartiaux. (L e Chevalier
de Servan. ) • 1
ÉDUCATION MILITAIRE. Cet article fera
divile en deux ferions : dans la première nous
effayerons de diriger la marche des perfonnes
qui veulent élever un enfant deftiné à l’état
militaire : dans là fécondé nous parlerons, des
d i t . 'Milk, Suppl. Tome IV.
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moyens que la .nation doit employer pour le
procurer des dëfenfeurs qui aient reçu une
éducation analogue aux fondions qu’ils doivent
remplir : la première feéiion fera intitulée de
Véducation militaire privée , &: la fécondé de
Véducation militaire publique.
Nous n’ offrirons point tous les rameaux de ces
deux branches de Y éducation militaire , il faudroit
pour en graver les détails un champ vafte , une
main très-exercée , & un excellent ftyle. Raf-
fembler quelques principes généraux , ne rien
dire qui ne (bit poffible , qui ne foit utile à
exécuter , tel eft le but que nous voudrions
atteindre. Qu’on daigne donc fe reffouvenir fans
ceffe que nous n’écrivons point un traité général
fur l'éducation , & que, nous rions proposons
tout au plus d’ inférer dans cet article, les modifications.
8c les,.. exceptions ■ aux lois generales
des éducations ordinaires.
" § . 1.
De Véducation militaire privée.
J’ai entendu par les mots éducation militaire
privée l’éducation qu’ un père, peut donner. ou
faire donner , dans fa maifon , à ceux de les
enfans qu’ il deftine à Eétàt militaire.’
Mais je me trouve arrêté dès-le premier pas dans
la carrière qui s’ouvre devant moi : quoi,me dic-ony
vous préférez donc Véducation privée à Véducation
publique V quoi, vous fuppofez qu’ il petit y avoir
un père affez téméraire,, affez infenfé pour pré-
deftiner fon fils à l’état militaire , avant de favoir
s’ il aura du goût , dés difpàfitiohs pour la pr-
feflion.des armes :
Un jour viendra, fans doute , 8c ce jour n’eft
peut-être pas loin, où nos légiflateurs après avoir
rétabli la nation dans fes droits, remis nos finances
dans l’ordre, s’occuperont enfin de compléter 8c
d’affurer notre régénération, s’occuperont, dis-je..,
de la manière d’élëyer les enfans ; alors., fans
douté, il vaudra mieux les livr.er à l’éducation
publique qu’à l’éducation' privée,.; mais jufqu’au
moment où ce grand oeuvre fera opéré; , tout
homme fage 8c và- qui fa fortune le permet •,
doit, ce me femble , faire élever les Tiens fous
fes yeux & dans fa maifon. : obfervons d’ailleurs
que dans toutes les.. fuppofitions ,' les
enfans ne peuvent êtte_Jivres à .l’éducation .publique
que vers leur dixième année , & que cette
première:' époque entré pour.' beaucoup dàh$ le
plan de cet article.
Je fais & je l’ai C o u v e n t dit ; le plus grand des
malheurs c’eft. d ’ a v o i r embraffé un é.tat pour l e q u e l
on n’eft point no; une p r o fe f f io .n pour, l a q u e l l e
on n’ a ni,.un t a le n t ; n i ,u n goût d é c id é s j ’ a i ’ dit 8c je répéterai fa n s . c e f f e , qù’unrpèrq.qui contrarie
les inclinations de fon fils dans .le,.çho;x. d’un
' ' ‘O ’o ;