
Si le jeune officier , infenfible à ce procédé délicat,
ne changeoit pas de conduite, le chef de la 'C a -
'Io.ce changeoit de méthode : il affembloit le corps
.des lieutenans , & en leur préfence il adrefloit au
.coupable une réprimande plus énergique que la
première •- Il l'amendement ne s’enfuivoit pas ,
ce chef fe, réfolvoit enfin, à employer la riglieur;
mais pour que la leçon n’eût point un air de
gravité qui en auroit rendu l’effet moins certain ,
 q s danfes, des chantons gaies, de vives plaisanteries
la précédoient & la luivoient. Une autorité
qui non-feulement étoit analogue au caractère du
militaire François , qu’elle corrigeoit en riant , &
qui étoit fondée fur une connoiflance approfondie
du coeur humain, devoit nécessairement avoir des
.fuites heureufes -, aufii pendant tout le temps où elle
a confervé fa force & fa vigueur, on a vu régner
parmi les officiers françois des vertus qui font aujourd’hui
bannies du milieu d’eux, & qui ne repa-
joitront peut-être qu’au moment où on lui rendra
ia première énergie.
Toutes les perfonnes qui connoifîent bien l’état
militaire conviennent que les ordonnances ne
peuvent defcendre jufques dans les détails de la
vie privée des jeunes officiers : qu’un colonel ne.
peut, à caufe des occupations nombreufes & variées
.dont il efc furchargé , fuppléer entièrement à ce
que les loix n’ont point prévu : que le meilleur
.lieutenant-colonel ne peut, à caufe des foins & de
l’adrefie que les jeunes officiers employent à éviter
les regards^ prévenir tous les effets de leurs pallions
, ainffi que ceux de la légèreté & de l’inconfé-
quence, fl ordinaires à la jeunefle : que la journée
entière d’un major eft abforbée , ou par le travail
du cabinet, ou par les foins qu'il doit donner a
Pinftru&ion -militaire , & qu’il faut par conféquent
établir dans chaque régiment une autorité qui puifle
fuppléer à celles que nous venons de nommer.
Toutes les perfonnes qui connoiffent le coeur humain
conviennent aufii qu’il y a une très-grande
différence entre les punitions qui nous font infligées
par un chef que l’autorité fuprême nous a
donné, 8c celles qui nous font impofées par un
.chef-que nous avons nommé nous-mêmes, fur-
tout quand celui-ci eft l’organe des hommes avec
lefquels nous fommes forcés de vivre, 8c dont l’ef-
■ time & l’amitié font nécefiaires à notre bonheur.
Les punitions que le premier inflige peuvent nous
paroitre l’effet de fa prévention 8c de fon humeur-,
kçe qui en elles nous affeâe le plus vivement, c’eft
la peine phylique ou les privations qu’elles nous
impofent ; aufii le fouvenir ne s’en prolonge-t-il
guères au-delà de leur durée -, aufii ne rougit-on
prelque jamais de les avoir, encourues -, aufii corrigent
elles rarement. Dans celles que le fécond
impofe , ce n’eft ni la peine phyfiqûe ni les privations
qui nous touchent , ç’eft l’air, le ton,
les manières & la difpofition du coeur de celui
qui nous punit; aufii rougit-on d’ay.oir m é r i t é les
peines qu’il nous inflige -, aufii fait - on les plus
grands efforts pour faire perdre le fouvenir des
fautes précédentes, & pour regagner les fenti-
mens dont elles nous avoient privés..
D’après toutes ces obfervations, nous nous
croyons autorifés à conclure qu’on doit fe hâter
de rendre au premier lieutenant de chaque régiment
l’autorité dont il jouiflbit jadis , & qu’on
fera 'plus alors avec un mot, qu’on ne fait aujourd’hui
avec des ordres rigoureux 8c des punitions
fréquentes. Il eft en France, un officier général
, diftingué par fon mérite & les talens ,
qui avoit rétabli dans le régiment dont il étoit
colonel l’autorité du chef de la Calotte , .& qui
s’eft conftamment applaudi de cette conduite : « il
faut, difoit-il, que les foldats 8c les bas-officiers
aient pour leurs officiers, non-feulement le ref-
peéWjue les loix de la difcipline leur impofent ,
mais encore une confidération fondée fur l’eftimç
8c iiir l’opinion avantageufe qu’ils ont d’eux ; comment
cela ferait-il ainfi dans un corps où l’on
donne chaque jour publiquement, 8c par la voie
des bas-officiers, des ordres faits pour ramener
MM. les officiers à l’exaâe obfervation de leurs
devoirs : en faifant paffer mes ordres ou mes avis
par la bouche du premier capitaine ou du premier
lieutenant, j’obvie d’abord à ce premier inconvénient,
& j’intérefie encore ces deux officiers, 8c
par eux tout le corps, à l’accomplifiement de ce
que le bien du fervice exige. Je me donne deux
aides de plus , & aux officiers.peu .exacts un grand
nombre de nouveaux furveillans. Je rends aux anciens
officiers une confidération qui leur eft nécef-
faire , qui leur fert d’encoura gement & de récom-
penfe. Je crée-des cenfeurs plus vigilans & plus à
portée de tout voir que moi , mon lieutenant - colonel
& mon major. J’insère de nouveaux échelons
dans la partie inférieure de l’échelle des châti-
mens , & par conféquent je ne fuis obligé \de recourir,
ni fi fouventni fi vite, à ceux qui font placés
dans la partiefupérieure. le"§.VII de l’article
C o n s ig n e . Depuis que j’ai confié au premier capitaine
8c au premier lieutenant un droit d’infpeâion
fur l’uniformité dans l’habillement, la régularité
dans la conduite publique & privée de leurs camarades
, mon régiment me donne infiniment moins
de peine, & il me fait infiniment plus d’honneur;
je fuis plus aimé, & cependant la difcipline eft
plus exaâe & plus févère j en un mot, mes officiers
& moi fommes plus heureux. On dira, je le fais
bien, que je m’expofe à faire renaître l’efprit
de corps -, je fuis loin de vouloir le nier, & plus
éloigné encore de vouloir l’empêcher ; ce n’eft
qu’en intérefiant tous les membres d’un eorps à
la conduite d’un feul, & chacun à la conduite
de tous , qu’on peut faire naître l’harmonie d’où
réfulte le bon. ordre. V o y e { Es p r it de corps.
Je fais bien encore que j’ai l’air de faire une arif-
toeratie d’un corps où fon veut que le defpotifme
fe montre fe u l-, mais fi j’atteins plus, vite
& plus sûrement au but, qu’aura-t-on à dire?
d’ailleurs cette ariftocratie n'eft qu’apparent© , je
n’en refie pas moins le fe u l, l’unique depofitaire
de l’hutorité , & les deux chefs nouveaux ne font-
pour moi que des miniftres fubalternes. En remettant
une partie de mon autorité a ces deux.officiers,
au lieu d’ affoiblir celle que je conferve , je la rend*
& plus forte & fur-tout plus étendue ; en leur
laiflant le foin de veiller fur les objets minutieux
dont quelques chefs s’occupent beaucoup trop ;
j’ai plus de temps à donner aux grands objets qui
doivent faire ma principale étude. »
Il avoit raifon ce colonel, tout chef de corps
q u i, à fon exemple , rendra au premier capitaine,
Si: fur-tout au*premier lieutenant , l’autorité pré-
cienfe dont jouiflbit jadis le chef de la Calotte, ;
verra avant peu fon régiment marcher vers la i
perfe&ion , dans tous les genres , avec une vîtefle
qu’ il n’auroit pu efpérer d’aucun autre moyen.
Quant aux fautes plus graves que celles dont
nous avons parlé dans cet, article , fautes q u i,
fans intérefler l’état & le bien du f e r v i c e , blef-
fent cependant les principes que doivent avoir les
corps militaires, c’eft encore au premier lieutenant
& à fon confeil à en juger -, nous croyons l’avoir,
démontré dans la féconde f e é l i e n de l ’article C a s s e .
Voy,e[ C a s s e .
La manière de rendre au .premier lieutenant
l ’ autorité que nous réclamons pour lui n’eft pas
indifférent© -, ce' n’eft point par une loi exprefie
qu’on doit la lui donner, mais par un consentement
tacite, par de grandes déférences, par des
encourage mens. L’autorité du premier lieutenant
dèviendroit vaine, f f elle étoit établie par une
ordonnance : l’établiflement de cette autorité n’eft
pas dans l’état militaire la feule chofé pour laquelle
il faut employer de l’adrefle , de l’art. Les gens
«de guerre font remplis de préjugés auxquels ils
obéiflent férvilement•, pourquoi ne tirerions-nous'
pas de ces reflorts, toujours puiflans, le parti qu’en
ont tiré nos. pères-, & avant eux les Grecs & les
Romains-?
C AM A R A D E . Les militaires font ufàge de
ce mot pour defigner les perfonnes qui fervent
ou qui ont fervi dans.le même corps qu’eux, &
qui ontroccupé un rang égal au leur.
Les officiers f e fervent aufii du mot. camarade
en s’adreffant à dès foldats ou à des bas-officiers;,
c’ èft' alors une expreflion amicale. On devroit
peut-être fe fervir toujours de cette expreflion ,
ou ne s’en fervir jamais : ce. qu’il y a de certain,
c’eft qu’on ne doit point en faire u f à g e dans'un
moment ^où.l’ on a grand befôin du foldat, fi
Ion ne s’en eft pas.fervi précédemment-, car elle
excite alors le iburire de la jSitié &. même
quelquefois, celui du mépris.
C AM P® . Une armée, une diyifiôn, un régiment
campent ïorfqu’iîs s’arrêtent un ou plusieurs
jours dans une pofition , au milieu des
champs 8c qu’ils y drefient leurs tentes.
CANARDIÈRE. On conftruifoit autrefois dans
les châteaux forts des efpèces de guérites , d’où
l’on pouvoir tirer, en sûreté contre les troupes
qui s’en approchoient : on donnoit à ces guérites
le nom de c a n a r .d ih e , à caufe de la ref-
femblance qu’elles, avoient avec les petites
hutes conftruites dans les marais pour tirer aux-
canards.
CANNE. (Récompenfe militaire.) Les Romains,
toujours ingénieux dans l’art d’augmenter
la volonté 8c le courage des défenfeurs de- la patrie,
avoient imaginé dë faire une récompenfe ,
du droit de porter une c a n n e ■ 8c afin de rendre
cette éfpèce de récompenfe plus générale 8c plus
fenfible , ils avoient varié la nature des c a n n e s ,
& attaché une idée particulière à chacune d’elles;.
Quelques centurions porto lent une c a n n e faite;
d’un cep de vigne, d’autres d’un bois dur.
Les ordonnances militaires françoifes ne défendent
point aux officiers l’ ufàge des c a n n e s ,
mais il leur eft a fiez généralement prohibé par4
les commandans des places-& par les chefs- de©-
corps. Si la loi defeendoit jufques dans ces détails
, le droit de porter une c a n n e deviendrons
une diftinélion honorable, ou au moins l’annonce
d’un grade fupérieur. La prudence ne demande-
roit-elle pas que l’ufage des c a n n e s ne fût permis
qu’à des militaires d’un grade un peu. élevé,
ou plutôt d’un âge un peu avancé.-
Dans, les régimens étrangers au fervice dè Ia=
■ France, les officiers ont a fiez, communément la.
permifiion de porter des c a n n e s y les bas-officiers,
font même obligés^ d’en porter ; les, c a n n e s que
portent les bas-officiers de ces régimens , font-,
ordinairement d’un bois dur, mais pliant ; elles-
|ont deftinées à la punition des fautes légères-
commifcs par les foldats : comme la punition de
la baftonnade ne fera jamais , félon les appa-
- renees., employée contre les-troupes nationales,-
les bas-officiers de nos régimens nationaux ne-
porteront, fans doute jamais- de c a n n e .. V o y e
B a s t o n n a d e .
CANON DE FUSIL. Le canon eft une partie■
de l’àrme de jet du foldat françois. V o y e y l’ar--
ticle A r q u e b u s ie r ; dans le aiéHonnaire■ des-
- arts-& métiers , 8c le mot C a r to n , d e f u f i l - dans,
le, diâionnaire. de l’artillerie;
• C a n o n . ( Punition militaire.) On trouver
‘ l’article luivant: dans les ordonnances-établies •
; en Piémont.'par le maréchal de BrifTac. Q u e n u l
n e f d i t , f i o f é d e t ir e r o u d e c r i e r a p r è s q u e là -
; g a r d e f e r a a j j i f e , f u r p e in e d u c a n o n ..
J’ai en vain cherché dés. détails fur cette pu*-
. nition. du. c a n o n * j’ài imaginé- enfin qu’elle;étoit ;