
devroit les fuir , parce que tout ce qu*on donne
la volupté eft volé à la force : à cet âge on
»’obtient guères que des faveurs vénales, & celles
là font toujours funeftes j à cet âge la fen-
fibiüté eft dans fa fleur , & par cela même très-
aifee a flétrir 5 a cet âge l'argent a peu de prix,
on s’occupe peu de l’avenir, on compte rarement
avec foi-même: à cet âge , plus qu'à tout
autre , on eft aifement féduit par l’efpoir d’augmenter
fa fortune en jouant, & cet âge eft cependant
celui où l'on eft le plus facilement dupe,
parce qu’on n’a pas encore acquis une méfiance
trifte, mais^ nécefiaire : à cet âge on fe laifle
plutôt entraîner par les exemples que guider par
Ja raifon , & l’on ira pas le defir d'en voir de
bons ou le talent de les reconnoître > & cependant
c’eft à feize ans , c’ eft à cet âge tendre
qu’on abandonne les jeunes citoyens au milieu
d’une ville étrangère & trop fou vent corrompue}
c’eft à feize ans qu’on leur laifle pour la première
fois une entière liberté j qu’on leur confie
pour la première fois une -fomme- d’ argent un
peu confîdérable- N o n , je ne conçois point comment
les adminiftrateurs peuvent porter l ’infou-
ciance fi loin ; comment les pères ne réclament
point contre de pareilles erreurs, & moins enco
re comment on ne voit pas un plus grand
nombre de jeunes militaires, faire chaque jour
des naufrages effrayans. Voyei M en to r.
Beaucoup de gens fenfés prétendent que les
cercles font inondés par une jeunette fans docilité
, fans égards , & qui veut conftamment
primer par-tout : il y a bien un peu de moro-
fité dans ces plaintes , mais l’objet fur-lequel
elles portent n’en eft pas moins un vice. Si ces
moraliftes judicieux avoient obfervé attentivement
la démarche & le ton des jeunes gens dont
ils fe plaignent, ils auroient reconnu en eux l’air
& le ton militaire , & cela eft bien naturel :
.pendant que l’apprentif magiftrat & le jeune
eccléfiaftique , qui chaque jour affis fur les bancs,
portent néceffairement dans les cercles le ton
modefte & refpeélueux qui fied fi bien à la
jeunette, le militaire, déjà habitué à une'certaine
indépepdance & gâté par l ’accueij que lui
.ont fait quelques femmes frivoles ou perdues,
y porte une grande fuffifance, une extrême légèreté,
& fou vent même de l'impudence. C ’eft
ainfi qu’une feule erreur, qu’une feule faute peu
conféquente, en apparence A renverfe , ou trou
ble au moins l’ordre de la fociété. Pour mettre
fin à ces défordresil n’eft béfoin que d’un décret
prononcé par les légiflateurs : » I l faudra déformais
avoir vingt ans accomplis avant £ entrer dans
l ’armée en- qualité d'officier. C e mot importe au
bien de l’Etat. & à la bonne conftitution de l’armée
frahçoi fe, il importe au bonheur des pères ,
à celui des e-nfans, & par cela même à celui de
tous les François»
Voyeç , relativement à Y âge auquel les citoyens
devroient entrer au fervice , les lettres du marquis
de Lufîgny. Cirer un roman , dira - 1 - on
peut-être ! Mais fi ce livre eft bon, s’il peut être
utile , pourquoi ne confeillerois-je point aux militaires
de le lire ? F”oyeç auffi les réflexions du
vicomté de Tavannes fur le même objet , elles
font inférées dans les commentaires dont il a
accompagné les mémoires de fon illuftre p ère,
Gafpard de Saulx , maréchal de Tavannes. Quant
aux foldats , voye^ l’article C o n sc r ip tio n m il
it a ir e : on y a démontré que ce n’eft qu’à
vingt-un ans que les citoy ens doiyent y être admis.
A G E -M O G L AN S. C ’eft avec les âge-moglans
ou agia-moglans ou a^a-moglans , qu’on recrute
le corps des janittaires. Les âge-moglans font des
enfims enlevés aux chrétiens comme un tribut,
ou achetés aüx Tartares , ou pris à la guerre :
on enfeigne à ces enfans la langue turque , &
on les forme de bonne heure aux exercices militaires.
Cette manière de recruter un corps de guerriers
ne bleflat-elle point tous les droits de
1 homme en fociete, ne fût-elle point marquée
au coin du defpotifme le plus barbare , elle n’en
devroît pas moins être proferite. par un légifla-
teur fage : elle choque les principes de coiiftitu-
tution d une bonne armée. Que peut-on attendre
d un afiembiage d’hommes à qui on a fait em-
brafler un état pour lequel un grand nombre
d entr eux n etoient point nés ? L’éducation peut
beaucoup 3 mais il eft des vertus, des qualités
qu’elle ne donne point, & que là difeipline elle-
meme ne peut procurer} auffi faut il prefque toujours
recourir, dans les armées turques,. au bâton
, a 1 opium, ou à un fanatifme enivrant.
On a propofé fouvent de recruter les armées &
les efeadres françoifes avec une efpece d’hommes
qu on pourroit prefque regarder comme des âge-
moglans^ , ce font les enfans que la mifère ou le
vice dépôfent dans, les maifons de charité. Pour
être convaincu des inconvéniens de cette manière
de recruter nos troupes , il ne faut que
jetter un coup-d’oeil fur un difeours couronné en
1787 par la fociété royale des fctences & des arts
de Metz.^Cet ouvrage eft de M. de Boufmard ,
capitaine au corps roy al du génie.
AG IL ITÉ . Celui-là a de Y agilité,. qui eft léger
, difpos , & qui a une grande facilité à agir
& à fe mouvoir.
L'agilité eft fi évidemment utile au foldat &
au refte des militaires, que nous croyons devoir
nous borner à parler des moyens de la leur
faire acquérir. -
Il en eft de l 'agilité des militaires comme dé
l’adrefle qui leur eft propre} elle doit être plutôt
fondée fur la force aue fur la fouplefîe du corps;
ce n’ eft point Y agilité du baladin , dii danfeur de 1
corde qu’on doit chercher à leur donner, mais
celle d’un fauteur vigoureux, d'un bon coureur»
en un feul mot celle d’un athlète. Pourquoi n e-
xerce-t on point les foldats fantaffins a franchir
des foffés , à fauter pardelfus des haies épaiflTes,
& à parcourir de grands efpaces à la courfe ? C e
feroit par de,s exercices de ce genre qu’on les ren-
droit agiles. -
Quoique les ordonnances preferivent expref-
fément d’établir des jeux propres à augmenter
Y agilité & la force des militaires, & aux com-
mandans des corps d’exciter fur cet objet l’émulation
des foldats par leur préfence, je n’ai vu
qu’une feule fois des foldats jouer aux barres, &
encore n’étoit-çe point pour, eux qu’ils y jouoient :
c ’étoit pour charmer, par un fpeétacle d'un genre
nouveau, l’ennui que quelques femmes de la
capitale avoient traîné après elles en province.
Pourquoi n’exerce-t-on pas de même les foldats
des troupes à cheval à fauter légèrement enfeîle,
ou en croupe , & à faire, fur le cheval de bois,
les tours les plus utiles , d’entre ceux qu’enfei-
gnent & qu’exécutent les bons voltigeurs ? Le
corps des carabiniers eft le feul où les cavaliers
apprennent l’art de voltiger} il vaut mieux, di-
foit avec raifon un officier de ce corps , que nos
foldats s’amufent à volcîger qu’ à courir les rues,
qu’ à hanter les cabarets , ou qu’à périr d’ennui
dans leurs cafernes. Si l’o'ïi étoit un jour per-
fuadé de la néceffité des exercices dont nous
venons de parler, on devroit bien fe garder
d’en faire une inftruétion férieufe 3 c’eft un plaifir
qu’il faut en faire 3 c’ éft par des prix peu eon-
féquens , mais diftribués avec une forte d’appareil
, qu’on réuffira à les 'faife defirer & aimer
au foldat. On doit fe fouvenir toujours, qu’ avant
de chercher à rendre le foldat agile il. faut
l ’avoir rendu fort & adroit. Voye*. A dresse ,
C ourse , Ex ercices, J eux , M aniem ent des
a rm e s , M arch e , N a t a t io n , Sa u t . :
AGUERRIR. Aguerrir un corps militaire, ou
un des individus qui le compofent , c’ eft l'accoutumer
aux dangers de la guerre. Je n’ai point
fait entrer dans ma définition les mots Fatigues
& Fon ct io ns", parce qu’ ils font ce me femble
étrangers à l’ idée d'aguerrir. On peut être accoutumé
aux fatigues de la guerre fans être aguerri ,
& on peut être aguerri fans être accoutumé aux
fatigues de la guerre 3 on peut de même être
accoutumé aux fon&ïons militaires fans être aguerri
, & être aguerri fans être accoutumé aux fonctions
militaires. On peut accoutumer un corps
militaire aux fon&ions & aux fatigues de, la guerre
pendant la'paix , mais on ne peut Vaguerrir qu’à
la guerre ; car aguerrir n’cft autre chofe , ce me.
femble, qu’accoutumer les militaires à entendre•
le fifflement des balles fans étonnement , & le;
-bruilîement du boulet fans frayeur > à yoir l’ennemi
fans crainte 3 des blettes, des mouràns Sc
des morts , fans horreur.
Pour accoutumer à ces diflférens fpeélacles
qui tous font terribles, des hommes qui n’y ont
jamais affifté , il faut agir avec précaution & avec
lenteur} ne donner rien au h a farci ; 'commencer
par montrer de loin l’ennemi à fes foldats} atta-.
cher enfuite de légères efcarmouches } livrer de
petits combats } faire de petits fièges , & fur-
tout combiner toutes ces opérations avec allez
de fageffe pour qu’elles foient toujours heureufes.
Après ces préliminaires on peut former les en-
treprifes les plus périlleufes , &: efpérer de les
voir couronnées par la viétoire. On ne peut
guères, dans ce genre, offrir de meilleur modèle
que Scipion en Efpagne , Marius contre les
Cimbres , & fur-tout le connétable de Mont-
morenci pendant Ja campagne de 1536. Si la
méthode que je viens d'indiquer avoit befoin
d'être appuyée fur d'autres autorités , je citerois
pour exemples un grand nombre de généraux
anciens & modernes , & pour garants la plupart
des écrivains militaires } mais quand la raifon
parle d’une voix forte & claire , les autorités
& les exemples font fuperflus.
Quoiqu’il foît impoffible d’aguerrir une armée
fans la conduire à la guerre, n’exifte-t'il point
des moyens d’entretenir dans fon fein un nombre
attez confîdérable d’hommes aguerris , pour
entraîner les autres par leur exemple ? Oui il
en exifte , c'eft la fageffe elle-même qui nous
l’apprend. Voici comme elle s’explique par la
voix d’un de fes plus dignes interprètes. « II
faut , dit Mentor à Idomenée , avoir foin pendant
la paix de multiplier le peuple ; mais de
peur que toute la nation ne s’amolliffe & ne
tombe dans l’ ignorance de la guerre , il faut envoyer
dans les guerres étrangères k jeune no-
bleflfe } ceux-là fuffifent pour entretenir toure la
nation dans une émulation de gloire , dans l’amour
des armes, dans le mépris des fatigues
& de.la mort même ,. enfin dans [’expérience
de l’art militaire. *> C e moyen étoit bien connu
f par les anciens François , & Louis X IV lui-
même , qui n’avoit pas à crandre de voir . fon.
armée tomber dans l’ignorance de la guerre , l’a
employé plufieurs fois. Tranfcrivons encore quelques
lignes de Télémaque j cet ouvrage dont la
leéture eft toujours inftruétive & les citations
toujours agréables. ». V o ic i, dit Mentor à Phi-
lo clès , voici le moyen d’exercer le courage
d’une nation en tems de paix : vous avez déjà
vgi. les exercices du corps, que nous établif-
fons , Jes prix qu’exciteront l’émulation y les maximes
de gloire & de vertu dont on remplira
les âmes des enfans prefque dès le berceau , par
le chant des grandes aétions des héros 5 ajourez
à ces feçours celui d’une vie fohre & iaborieute .;
mais ce n’eft pas tout : aaffi-tôt qu’.un peuple