
n'ont point à fe plaindre, puifqu’ils ne paient pas
plus chèrement les eff-ts, qu'ils ne les paieroient
s'ils les achetoient eux-mêmes 5 c'eft le marchand
feul qui, pour avoir une pratique affurée, fait
ces facrifices} mais les fous-officiers qui parlent
ainfi, ne difent pas que, pour leur accorder ces
gratifications & ne pas perdre néanmoins fes gains
accoutumés, le marchand fraude fur la marchan-
dife, & en fait paffer d'autant plus aifément de la
niauvaife , qu'il a l'attention de gcoffir les gratifications.
De pareils accords font donc de véritables
concuffions 5 & fi on accorde une haute-paye
aux fourriers , fi on les difpenfe du fervice purement
militaire, c'eft afin qu'ils puifient fe livrer
avec fuite 8c probité aux détails qui leur font
confiés. Si les chefs de corps & les officiers de
chaque compagnie furveiiloient leur fourrier avec
line attention fcrupuleufe, s'ils faifoient caffer
fans pitié, fans délai 8c furtout fans efpoir de retour,
tout bas-officier convaincu de la grivèlerie
même la plus légère , le nombre de ces concul-
fionnaires deviendroit infiniment moins grand, &
les fous-officiers ne s'éleveroient plus contre les
magafins & le confeftionnement du petit équipement
dans les dépôts. Une autre raifon milite encore
fortement contre les fous-officiers que l'on
voudroit charger de procurer aux foldats les effets
de petit équipement; c'eft le maniement qu'il
faut alors leur confier d'une certaine quantité d'argent.
Il n'eft pas un marchand qui, pour attirer
Oc fixer les fourriers dans fa boutique, ne leur
fa fie un crédit long 8c çonfidérable : d'où il s'enfuit
les plus grands inconvéniens. Munis de cet
argent, les fous-officiers font expofés trop fou-
vent à fe livrer, les uns aux filles, les autres au
jeu, ceux-ci au vin , ceux-là à la friponnerie:
d’où s’enfuit la perte des fous-officiers, 8c plus
’ fûrement encore les plaintes des foldats, plaintes
trop fouvent fondées fur la vérité, 8c quelquefois
fur la méfiance naturelle à des êtres foibles, toujours
tentés de croire que les perfonnes deftinées
à les protéger négligent un devoir fi important 8c
iî facré.
D e s m a g a fin s m i l ita ir e s p en d a n t la g ue rre.
Nous avons vu , en parlant des lignes d’opération
, combien étoit important l'emplacement des^
magafins militaires deftinés à fournir aux armées
leur fubfiftance & leurs autres befoins : on ne doit
donc pas s’en tenir aux grands magafins, qui bientôt
fe trouveroient trop éloignés des opérations,
& il eft prudent de faire entre les magafins &
l'armée, des dépôts qui facilitent 8c affurent les
tranfports.
Il y a une foule de précautions à prendre, relativement
aux magafins : il eft effentiel de les former
de bonne heure, & autant que poffible avec
des matières achetées chez la puiffance contre laquelle
vous devez faire la guerre. Si l'ennemi n'a
pas fes magafins bien fournis, avantage de refu-
ler la bataille > fi au contraire ce font les vôtres
qui ne le font pas, -avantage de combattre. Si on
entre en campagne avant que la terre foit couverte
, néceflité alors d'augmenter les magafins
& de les rapprocher de l'armée j néceflité de
remplir les magafins quelque tems avant de commencer
la guerre 5 avantage de fournir fes magafins
de moulins à moudre, tels que ceux inventés
par le citoyen Efquinemar 5 de* fours de campagne
, tels que ceux du citoyen Bonnemain , 8c
de tous les uftenfiles réparatoires.
Quand la néceflité force à détruire des magafins,
le général ne doit confier cette commifiion
qu'à des officiers dont il foit très-sur ; il doit
même' ne pas s'éloigner qu’il n'ait la certitude
que Ces ordres ont été exécutés. Dans la campagne
de i f 44, le dauphin, craignant de perdre
Epernay 8c Château-Thiéry, dans lefquels on
avoitfait des emmagafinemens de vivres, ordonna
à un capitaine d’infanterie d’aller enlever toutes
j ; les provifions, & de gâter ou de jeter dans la rivière
tout ce qu’on ne pourroit emporter : foit
trahifon, foit négligence, cet ordre'n'ayant pas
été bien exécuté, l’empereur arriva à Epernay x
s'en empara, ainfi que des provifions, & Paris fut
expofé par-là à devenir la proie de l’ennemi.
Le célèbre penfionnaire de Hollande, Wit, àvoit
propofé aux êtats-généraux d’attaquer, avant que
■ Louis XIV pût fe mettrè en campagne , la ville
de Nuys, 8c de brûler les magafins que les Français
y avoient faits ; ce qui les aüroit mis dans
l'impoffibilité de porter la guerre en Hollande.
En 1792, fi M. Beaurepaire, qui commandoità
Verdun , au lieu de fe brûler la cervelle quand
on l'obligea à ouvrir les portes de la ville, eût
mis le feu aux magafins immenfes qu'elle renfer-
moit, l'armée du roi de Prufie, fauté de vivres,
auroit été forcée de fe retirer, 8c il feroit difficile
de calculer combien ce feul événement auroit
pu influer 8c faire prendre une marche différente à
la révolution en France.
MAISON.
D é f e n f e & atta q ue d e s m a ifo n s .
Un officier particulier étant fouvent obligé ,
ou par les circonftances ou par les ordres de fes
chefs, de garder une maifon , de la défendre ou
de l’attaquer, nous devons offrir ici les maximes
générales d'après lefquelles il doit fe conduire
dans chacune de ces circonftances.
D e la m a n ié r é de m e ttr e u ne m a ifo n en é ta t de
d é fen fe .
Un officier chargé de conftruire un ouvrage en
terre eft a fiez ordinairement le maître de choifir
l'emplacement le plus favorable à fes projets , de
n’embrafier que ie terrein qui lui eft absolument
néceffaire, & de donner aux parapets qu'il élève la
figure 8c les proportions qu’iljuge les plus convenables.
Celui qui eft chargé de défendre une maifon,
ne jouit d'aucun de ces avantages : il faut
qu’il mette en état de défenfe la maifon qu'on lui
défigne ou celle que le hafard lui fournit; il peut
donc être obligé de travailler fur une maifon
bonne , médiocre ou mauvaife.
Une maifon eft bonne lorfqu'elle réunit les huit
qualités fui van tes :
i c. Quand elle eft fituée à l'endroit où elle eft
nécefiaire ;
2°. Quand elle commande tout ce qui l’environne
;
3°. Quand elle fournit les matériaux propres à
fa défenfe ;
4°. Quand elle eft d'un accès difficile, mais
qu'elle offre cependant une retraite fûre;
j° . Quand fon étendue eft proportionnée au
nombre d’hommes qui doivent la défendre & à
l'efpèce d'armes dont ces hommes doivent fe fer-
vir j 6° . Quand les murs font bons ;
70; Quand les parties qui la compofent, fe flanquent
mutuellement ;
8°. Quand il ne faut, pour la mettre en état de
défenfe, que le tems 8c les moyens dont on peut
difpofer.
Une maifon eft médiocre quand, jouiffant des
qualités,renfermées fous les numéros 1 & 8, elle ,
manque de quelques-unes des autres.
Une maifon eft mauvaife quand, poflTédant les
qualités énoncées fous les numéros 2 , 3 ,4 , y , 6
& 7 , elle eft privée de celles qui font comprifes
fous les numéros 1 & 8.
On fentira que fi nous avons rangé parmi les
maifons médiocres des édifices qui manquent de
fix d'entre les huit conditions demandées , tandis
que nous avons placé parmi les mauvais ceux
qui ne font privés que de deux des huit qualités
exigées, c'eft parce qu'il eft toujours ou prefque
toujours poffible de procurer aux premiers ce qui
leur manque 5 au lieu qu'il eft iir.pofiible de remédier
aux vices des féconds.
Nous allons nous occuper d'abord d'une maifon
que nous fuppoferons bonne , pour nous occuper
enfuite d’une que nous fuppoierons médiocre.
Lorfqu’un officier aura reçu l’ordre d'aller occuper
une maifon qu'on lui aura défignée, il
prendra toutes les informations qui font détaillées
dans le mot reconn o iffan c e | il marchera enfuite en
homme de guerre, & arrivera fans doute fansacci-
dens proche du pofte indiqué > dès-lors il s'arrêtera
dans un endroit fortifié par la Nature ; il enverra
un bas-officier intelligent, accompagné de quelques
foldats, fouiller la maifon qu'il devra occuper
; il leur recommandera de l'exaélitude 8c de
la diligence ; il fera en même tems reconnoître
aï ec le terrein qui environnera la maifon,'
afin d'éviter toute furprife.
j # Pendant qu'on exécutera ces premiers ordres,
il examinera lui-même les chemins par lefquels
l ’ennemi pourroit venir à lui, & ceux par lefquels
il pourroit fe retirer en cas d’événement fâcheux :
ce dernier point eft très-important : celui qui le
néglige, eft un imprudent qui ne mérite point de
commander, ou un ignorant qui ne le mérite pas
davantage, ou peut-être même un homme foible
qui n’cfe point calculer fur une attaque vive.
Dès l’inftant où le commandant aura été afliiré
que la maifon 8c fes environs ne font point occupés
par l'ennemi, il quittera fon dernier pofte, &
s'approchera de l’édifice en fe faifant précéder
par une avant-garde chargée de fouiller une fécondé
fois la maifon, & d'en faire fortir les habi-
tans, en les affurant qu’on ne leur fera éprouver
volontairement aucune perte, & que la difeipline
la plus exaéte veillera fur leurs poffeffions.
L’officier divifera enfuite fon détachement, de
manière à en employer une partie à travailler, 8c
l’autre à faire la garde 5 il placera des fentineiles,
& prendra, contre les furpnfes, toutes les précautions
d’ufage ; il fera enfuite abattre , autoi r
de la maifon , & au moins jufqu'à une grande portée
du'moufquet, les arbres, les haies, &c. à dix
pouces ou deux pieds de terre, & aiguiferla partie
fupérieure de ce qui reftera fur pied ; il.fera
démolir rez pied, rez terre, les maifons voifines
qu’il ne pourroit pas fortifier, & les murs de clôture
qu'il ne pourroit pas garder.
Il fera difperfer avec foin les menus matériaux
que la démolition aura produits, en confervant les
"groflespierres, les tuiles, les briques, & furtout
le bois, ainfi que les dépouilles des arbres 8c des
haies coupés.
Il fera combler les chemins creux, les ravins &
les ravines qui fe trouveront autour du pofte , ou
il les rendra impraticables ; il fera brûler les menus
bois , paille 8c foin qui fe trouveroient dans les
environs, en confervant néanmoins de quoi faire
des fafeines 8c des fagots.
Pendant qu'ure partie do détachement fera occupée
de ces objets, une autre exécutera ce que
le commandant aura jugé le plus convenable pour
mettre le rez-de-chauffée en état de défenfe.
On condamnera intérieurement toutes les portes
qui conduiront dans l’intérieur de la maifon;
une feule devra être exceptée, qiii fe trouvera,
autant que poflîble, fur le côté, 8c ne devant
point naturellement être attaquée par l'ennemi ;
les batrans de cette porte feront doublés, crénelés,
8c foutënus par de forts arc-boutans : on tâchera
d’y pratiquer un guichet qui reliera libre;
on creufera en avant de cette porte un foffé de
fept pieds de profondeur Sc d'autant de longueur,
8c l’on y pratiquera un pont-volant pour le paffer;
mais, pour rendre les abords de la porte encore
plus difficiles, on pourroit, fi l'on en avoit le tems,
fortifier ce foffé de la manière dont le propofe le
général Montalembert dans le fécond volume de