
des Suédois quoique moins nombreufe, mit
en déroute celle des impériaux , qui fut rompue
par le feu de l’infanterie qui foutenoit les efça-
drons fuédois, & qui fe jetta au milieu de ceux
des impériaux.Du côte de Tinfanter e,lcs colonnes
fuédoifes trouvèrent peu de réfiftance contre
les piques dont elles étoient hériflees 5 & la feule
colonne de lâ brigade jaune renverfa une partie
des maffes formées par Walftein avec fon infanterie
; ce qui facilita encore la victoire , c’ eft
l'ordonnance des troupes de Cuftave qui leur
donnoit une mobilité inconnue & ivnpoffible aux
troupes impériales , & qui aida le duc de
Weimar , a abord à chaîfer les Croates qui
étôient parvenus à tourner la gauche de l ’armée
fuédoife. Enfuite au moment où 'a première
ligne en étoit aux mains 3 de marcher avec une
partie de la fécondé contre la droite des impériaux
j & enfin de former une feule ligne avec
les bataillons des deux , en mettant les colonnes
en avant 3 lorfqu’ il fallut foutenir un fécond
combat 3 contre les troupes emmenées par
Papenhaim.
Peu de batailles * même celles données par
les généraux de l’antiquité, offrent plus de
précautions, plus de fagefle g plus de manoeuvres
Pavantes & une organifation plus fufceptible
de toutes les formes exigées par le terrein & les
circonftances. Cepèndant parmi les militaires qui
fe font appliqués à cônnoître leur a r t , quelques
uns ont penfé que Guftave 8c Naflau, admirateurs
trop outrés des anciens, en avoient
appliqué trop fervilement les principes au tems
où ils vécurent & aux armes en ufage alors.
Ils ont cru voir dans cette manière la caufe du
retardement des progrès de la fcience de la
guerre & l’obftination, d’après leur autorité,
à foutenir trop long-temsles préjugés des piques
& de Tordre de profondeur D ’autres non moins
inftruits peut-être ont foutenu la manière dont
ces grands' capitaines avoient ordonné leurs
troupes comme la mieux faifie & la feule admif-
fib'e , regardant la profondeur & les piques
comme d’üne néceflité abfolue pour affurer de
h confiftance aux troupes, avec les moyens
de fe mouvoir & de prendre les formes les plus
convenables de la manière la plus fûre & .là
plus prompte. C e qui ne peut être révoque en
d ou te , c’eft la renaiflance de l’art 8c de la
fcience militaire fous le génie fécond de ces’
grands capitaines, & l’étonnement de l’Europe
entière en voyant lés troupes & les fuccès de
Guftave.
' Après la mort de Guftave, on vit marcher
fur fes traces, & quelquefois le furpaffer,
Lannier, Weimar, Gaflion, Rohan, & c . Sous
ces généraux, l’ art militaire fit quelques nou- 1
veaux progïèsj on vit des officiers d’ un mérite j
diftingué faire de grandes chofes à la tête de
petites armées; mais la taélique reft. encore
ignorée, on n’ofoit perdre de vue fur ce point
les premières inftitutions. Le duc de Rohan
s’ illuftroit par fes exploits & prouvoir par fes
écrits & encore plus par fes aétions, combien
il avoit étudié & médité avec fuccès les écrits
& , les faits des anciens.
Darçs les campagnes où il défendit la Valteline,
Rohan rappella aux modernes étonnés , les généraux
les plus fameux de l'antiquité dans la guerre
des Montagnes. Avant de commencer cette campagne
, même au moment où Ton avoit pro-
jetté d’envoyer des troupes dans la Valteline,
afin d’empêcher les impériaux de porter ..des
troupes dans le Milanès., on ne conçoit pas
comment pourra faire le duc de Rohan pour
remplir fa million. Le duc de Lorraine gardoit
le paflage du Rhin vers les quatre villes foref-
tières qui font à l’entrée de la Forêt Noire en
Souabe ; & il étoit affez douteux fi les Suifles
laifleroient paflfer une armée chez eux & lui
fourniroient des fubfiftances. Le .duc de Rohan
furmonte tous ces ©bftacles, 8c d’après fes ordres
& fes précautions, déjà il étoit en Suiffe & l’on
ne favoit point encore s’ il devoit y paffer, le
pain de munition fe faifoit à Berne & Ton ne
foupçonnoit pas s’il devoit y venir une armée.
M. Dulandé s’étoit emparé de Bornio , de la
rive de Chiavène, & le duc étoit campé au
milieu de la Valteline , avant que l’ambaffadeur
de l’empereur en Suiffe en eût été inftruit.
Cependant Rohan arrivé fur le théâtre de la
guerre étoit peut-être plus embarraffé; après
les précautions les plus fages & les difpo-
fitions les plus favantes , pour une défenfive
très-difficile & très-étendue, il ne fe trouvoit
plus avoir fous fes ordres que trois mille hommes
de pied & quatre cents chevaux , pour faire tête
à près de fix milleEfpagnols du côté du Milanès,
& à neuf ou dix mille Allemands du côté du
Tyrol. Ma s quoique cette pofition fut infiniment
embarraffante du côté de la foibleffe des
forces, & non moins par rapport à la difficulté
de fe procurer les fubfiftances néceffaires aux
troupes ; elle devint encore bien plus épineufe
par l ’inconduite réitérée de M. Dulandé, qui
en jettant le général dans de grands embarras
le mit heureufement plus à portée de développer
davantage tous les talens militaires. Au moyen
de marches favamment combinées les troupes
françoifes furprennent les Impériaux dans le val
de Luvin; & après les avoir battus rentrent dans
la Valteline. Cette viéfcoire devoit décider les
Grifons en faveur des Français, mais elle dimi-
nuoit encore bien peu le danger de leur pofition
& des difficultés fans nombre pour fe procurer
des fubfiftances; les Efpagnols fe préparant à
entrer dans la Valteline ; & les Impériaux après avoir
avoir furvi l'armée du duc fe trouvant déjà très-
près du Tiron où ils s'écoient arrêtés. Mais,
fuivez le général français dans une otcafion aufli I
critique : les Allemands vont paiTer l ’Adda pour :
l'attaquer; les Efpagnols viennent d’entrer dans;
la Valceline par le fort de Fuentes; il n'a point1
de lùbfiftincesj & à en croire des avis diètes
par la timidité ou par l'ignorance, la retraite
eft le feul parti qui luirefte à prendre. Cependant,
pour fe décider, Rohan .prend confeil
de lui feul, 8c au moment où tout paroitdéfef-
péré, au moment où l’avant-garde des Impériaux
avoit paffé l’Adda 8c où le refte de l ’armée
fe préparoit à la Cuivre, inftruit du deffein des
Efpagnols de marcher fur Tiron dans deux jours,
il a bientôt pris fon parti, voyant dans la marche
des Impériaux une faute dont il peut profiter,
H ordonne de marcher aux ennemis 8c de les
attaquer pend nt le tems où ils font encore
occupés à paffer la rivière ; fes ordres font
exécutés avec promptitude 8c valeur ; les Impériaux
, malgré la manière avantageufe dont ils
étoient déjà polies, font culbutas, bientôt leur
pont fe rompt, très peu peuvent le paffer, le
refte eft tué ou pris ; 8c fix cents Grifons, aux- .
quels le duc avoit donné l'ordre de marcher
fur la rive droite de l’Adda, arrivant dans ce
moment fut le flanc des Impériaux qui étoient
reliés de ce c ô té , jettent l’épouvante parmi
eux 8c les mettent en fuite. Après une victoire
aulfi complette 8c aufli glorieufe, il reftoit encore
au duc de Rohan de repouffer lés Efpa-
gno-ls, qui auroient pu s'établir dans la Val-
teline, fi on leur en avoit donnéjietems; 8c
il n’héfite pas de marcher tout dè fuite contre
Serbellen; 8c après l’avoir forcé de fe retirer
dans le Milanois, par la fagefle dë fes difpo-
fitbns, il revient fur Bornio où il attaque encore
les Impériaux 8c les oblige de rentrer
dans le Tyrol. Cependant une campagne aufli
glorieufe 8c aufti favamment conduite , ne fut
pas fuffifante pour affurer au duc de Rohan
la poffeffion tranquille de la Valteline. Les
ennemis étoient inftru'ts des foiDles fecours qui
lui avoient été envoyés ; en conféquence iis
réfolurent d’augmenter leurs forces 8c leurs
efforts, afin de pouvoir réuffir plus tûrement
à chaffer les Français de la Valteline. En effet
le 24 oétobre, les Impériaux rentrèrent dans
la Valteline par le» val-de Fréet ; mais leur
général avoit envain formé le projet de pénétrer
plus avant ; le duc qui avoit calculé a
l'avance tons les mouvemens de l’ennemi, 8c
qui avoir aufti arrêté fes difpofitions en conféquence
, fe décida bien vite à les attaquer
dans le val même de Fréet'. Et. c’eft-là où
l’on .le vit combattre les'.Impériaux par des
attaques fi favamment difpofées & fi vigoureu.
Cernent exécutées, que'fi .DuîaniéUavoir futvi
fes ordres, les Allemands qui fe trouvèrent
Art Mille. Suppl. Tome l y .
trop heureux de fe retirer dans le T y r o l , enflent
été ce jour-là à la merci des Français. Après
cette importante vi&oire, Rohan manquant de
fubfiftances de recrues, avoit le. plus grand
befoin de faire repofer fes troupes ; mais les
Efpagnols déjà campés à Môrbeigne, paroïf-
foient décidés à venir attaquer les Français ; &
il étoit du génie militaire du duc de Rohan
de les prévenir, foit pour profiter de la bonne
volonté de fes troupes, foit pour ne.pas, perdre
les avantages de Toftenfive, foit aufli pour cow-
ferver la Valteline. Pour parvenir à battre les
Efpagnols, il fa llo k , il eft v ra i, avec des
troupes fatiguées, mal nourries 8c très inférieures
en nombre , les forcer^ dans leurs retranchement
, 8c les défaire enfuite dans une place
dont ils étoient les maîtres; tous ces prodiges,
les Français les firent à Morbeigne. Ce furent
auffi des fuccès aufti réitérés qui rendirent le
duc de Rohan maître d e là Valteline, & lui
méritèrent à jufte titre la réputation d’un des
plus grands généraux connus. Depuis Sertorius
on n'avoit pas vu un général qui eût donné
autant de preuves de cette fagefle, de cette
prudence,-de ce courage, de ces connoiflances
fi néceffaires dans la guerre des montagnes.
Aufli n’a-t-on pu réfifter à donner Tefquiflè de
ces campagnes, non-feulement afin de faire con-
noître les progrès de l’ art de la guerre à cette
époque, mais aufli afin d’obferyer que depuis
lors, perfomie n'a furpaffé , ni peut-être même
égalé le "due de Rohan, dans cette partie fi
difficile de la fcience militaire. COCO
Les grands exemples de Guftave avoient appris
à tous les généraux futilité de fe conformer à
fa nouvelle manière de fe ranger en bataille , 8c k
établir dans la conftitution & l’armement de fes
armées,-le- même ordre & la même difcipline à
l’aide defqueîs ce héros du Nord avoit en les
brillans fuccès dont nous venons de tracer quelques
traits.' ' J .
D’un autre côté Naffau avoit démontré par de
moins brillans, mais de bien folides exemples
l’utilité de fe retrancher fur une défenfive prête à
fe retourner en offenfivc au moment où Toccafiou
fe préfentoit.
Les grands généraux qui avoient paru après ces
deux grands maîtres j avoient fuivi avec grand fuccès
ces utiles leçons, & ils y avoient encore quelquefois
ajouté dès changemens avantageux; mais queT&que
puflerit être les progrès de ces généraux, ils ne pa-
roilTent pas avfir adopté d’autre ordre de bataille
que le parallèle. Cet ordre , où toute l’armée s’en-
gage en même-rems,, éft pourtant peu propre à procurer
au général qui le met en ufage aes avantages
conftans i8c allurés. En faifant combattre toute
l’armée de cette manière, il fe prive du parti que
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