
& fe tint couvert entre Schweidnitz & Striegaw,
bien perfuadé, fi le prince Charles defccndoit
une fois dans la plaine, qu'il le forceroit aifément
d'en venir aux mains. CoTtime le roi l'avoit prévu,
la manoeuvre enhardit les Autrichiens, qui fe
mirent en mouvement pour venir camper dans la
plaine de Rouftok, où ils arrivèrent à l'entrée
de la nuit, bien fatigués d'une longue marche,
& efpérant bien s'y repofer ; mais c’étoit-là où
ils étoient attendus. Frédéric q-ii avoit reconnu
le terrein où il vouloit drelïer un piège à les
ennemis, & prévu jufqu'à la pofkion où iljes
attaqueroit, ne perd pas un de leurs mouvemens ;
& fuppofant que , defcendus avec le foleil couchant
, les Autrichiens n’auront pas le tems de
faire .des difpofitions pendant la nuit ; au lever
de l'aurore il s’eft déjà mis en bataille près de
•Striegaw, & a pouffé le général Dumoulin en
embufcade au pied du Spitzberg, dont l'avant-
garde du duc de Weiffenfeld conronnoit la crête.
D.ès la pointe du jour, les Pruffiens ont culbuté
tout ce qui fe rencontre à leur droite , & ont
gagné le flanc gauche du corps de bataille des
Autrichiens. A la gauche, la cavalerie pruffienne
qui avoit débordé-celle des ennemis , fait des
prodiges ; & apres fix attaques confécutives ,
renverfe celle des Autrichiens. Dès-lors les deux
flancs de l’infanterie du prince Charles fe trouvant
très-expofés, ces deux ailes veulent faire un
mouvement en arrière, qui, ayant fait crever le
centre, le roi fe hâte de le faire attaquer, &
détermine une déroute générale. Ainfï dans cette
bataille, l'infanterie, la cavalerie, les huffards
& les dragons, fe distinguèrent chacun dans
leur partie, & toute l’armée eut part à la victoire
( i ) . .
: (i) Àinfî toutes les parties de la milice pruflienne
commencèrent à marcher de front & à tendre vers
cette perfection, vers cet accord qui feul conftitue
une armée & la rend formidable. D’ailleurs ce fut
ici une de ces batailles de grand maître, où le génie
fait tout plier devant lui, & qui font gagnées,dès le
début & prefque fans conteftation , ne reftant plus à
l’ennemi déconcerté, la poflïbilité de rétablir le dé-
fbrdre & de prendre .fur le terrein du. combat une
pofition nouvelle.
Nous écoutons le roi de Prufle lui-même parler
de cette bataille. Ce fut la troifième bataille qui fe
donna pour décider à qui appartiendroit la Siléfie y
& ce ne fur pas la dernière. Quand les fouverains
jouent des provinces, les hommes font les jetrons
qui les paient. La rufe prépara cette aétion, & la
valeur l’exécuta. Si le prince de Lorraine n'avoir
pas été trompé par fes efpiètps, qui T étoient eux-
mêmes , il n’auroit jamais donné auflï groflièrement
dans le piège qui lui étoit préparé ; ce qui confirmé I
la maxime de ne jamais s’écarter des principes pref- |
Quant à Frédéric, il prouva dans cette occa-
fion, qu'il n'étoit pas moins grand capitaine pour
imaginer un vafte projet & en dreffer les plans,
que pour exécuter 8c agir avec vigueur.
crics par l’art de la guerre, & de la cirçonfpeétion
qui doit obliger tout général qui commande à fuivre
invariablement les règles .exigées par la fùieté pour
l’exécution de fes projets. Lors même que tout
femble nous favoiifer, le plus fûr eft toujours de ne
pas allez mépriler ion ennemi pour le croire incapable
de réfiftance. Le hafard conferve toujours fes
droits. Dans cette aétion même, un quiproquo penfa
devènir funefte aux Prufliens. Au commencement
du combat, le roi tira dix bataillons dé la fécondé
ligne, fous les ordres du général qui les comman-
doit ; en même-tems il envoya un aide-de-camp
pour avertir le margrave Charles de prendre le
commandement de la fécondé ligne : l'officier, peu
intelligent, dit au margrave de renforcer la fécondé
ligne de fa brigade qui était à la gauche. Heureu-
fement le roi s’appèrçut de la bévue & la redrefla
_avec promptitude. Si le prince Charles avoit profité
de ce faux mouvement, il auroic pu prendre en flanc
la gauche .'des Ptufliens, qui n’étoit pas encore appuyée
au ruiffeau de ^Striegaw, tant le fort des
Etats & la réputation des généraux tient à peu de
chofe : un feul inftant décide de la fortune.
- Nous devons,' pour la fatisfaclion du militaire qui
veut s’inftruire, faire part ici de quelques réflexions
faites fur la bataille de Hokenfriedberg. On ju t ici
le roi d’après fes propres aveux, dans l’hiftoire de
fon tems, tom. II, pag. 104.
cc Wenfel Wallis eut ordre de~-s’emparer du ma-
gafin de Schweidnitz avec fon avant-garde, & de ià
» il devoit pourfuivre les Prufliens a Breflaw. Le
îs duc- de Weiffendds , avec les Saxons , devoit
33 prendre Striegaw, & de-ià fe porter fur Glogaw
33 pour en faire le fiège. »3
Les Autrichiens étoient donc bien affez vifible-
ment dans l’erreur que donne l’excès de la confiance
& de la préfomption,’ pour exécuter le dangereux
projet de faire attaquer en méme-tems Sriegaw par
l’armée saxonne , & de fe porter eux mêmes fur
Schweidnitz, qui n’étoit pas fortifié, afin d’en enlever
le magafin. Ainfï leur armée, en exécutant ce
projet, auroit eu le grand défavantage d’êcre féparée
& d’avoir mis entre fes ailes la diftance des deux
milles (trois fortes lieues de France) qui fe trouve
entre Striegaw & Schweidnitz.
Ainsi comme le corps faxon fe portoit fur Striegaw,
il paroît qu’en le laiflant encore marcher trois ou
quatre heures , il n’auroit plus été à port/e d’être
protégé par les Spitberg, & qu’ayant paffé le gros
ruiffeau de Sriegaw, il fe.feroit trouvé ifolé dans la
plaine de Ronftock ; c’eft-là où l’on auroit pu l’envelopper
& le détruire, puisqu'il auroit eu à franchir,
Soor.
Soor. — 1 7 4 5 . — 3 0 septembre.
Quelque tems après, le roi battit à Scor le
prince Charles qui avoit penfé le furprendre &
le forcer au moins à la retraite ; il étoit à la tête
de cinquante mille hommes : le roi en avoit à
peine vingt-cinq mille. Tout autre fe feroit retire
; & le prince Charles efpéroit engager une
affaire d'arrièrel* garde qui probablement auroit
entraîné la défaite entière de l’armée * c’est auffi
ce que préfuma le roi de Pruffe, 8c ce qui le
décida a attaquer , aimant mieux rifquer une
bataille que d'affurer fa défaite en fe retirant. Le
danger ne le trouble point; il conferve tout le
fan g-froid de la réflexion ; il n’a qu’un inftant
pour fe former, & il ofe le faire en faifaftt exécuter
à fa droite une converfion qui la mette à
même de préfenter un front parallèle à l’ennemi.
En vain vingt-huit pièces de canon femblent
s’oppofer irréfïftiblement au déplacement : il
s’exécute malgré un auffi grand obftacle ; aucun
foldat ne témoigne la moindre crainte, aucun
ne quitte fon rang, & cependant tous avoient
été expofés plus d’ur.e demi-heure au feu meurtrier
de l'artillerie , pour donner le tems à la
gauche de for tir entièrement du camp ; ainfï la
difeipline & la bravoure de fes troupes, fa fcience
& les fautes de l'ennemi, firent remporter au roi
une victoire complette fur des troupes qui fe
réjouiffoient déjà de fa défaite (1). (i)
pour pouvoir fe retirer, ce ruiffeau, affez profond
pour obliger la cavalerie à le paffer fur un pont.
L’armée autrichienne auroit eu également derrière
elle cette barrière ; & fe trouvant éloignée des
Saxons de trois lieues, elle fe feroit trouvée dans
une pofition où Ton auroit pu peut-être la couper
des montagnes ;. d’ailleurs , après la défaite des
Saxons, Frédéric aùroit eu toutes les facilités pour
déployer vis-à-vis des Autrichiens tous fes talens, &
lès écrafer. Ainfi dans cette occafion, il ne paroîtroit
pas avoir tiré le plus grand parti de tous les avantages
de fa pofition.
(i) Le projet de cette bataille (c’eft toujours le
roi qui parle ) , conçu par le prince de Lorraine ou
'par Franquini, étoit beau & bien imaginé. Le pofte
des Prufliens étoit, fans contredit, mauvais; Ton ne
peut les exeufer d’avoir penfé de préférence à leur
front, & d’avoir néglige leur droite qui étoit dans
un fond dominé par une hauteur éloignée de mille
pas feulement. Mais fi les Autrichiens favoient imaginer
, ils n’avoiept pas le talent de l’exécution.
Voici leurs fautes. Le prince de Lorraine auroit dû
former fa cavalerie de la gauche devant le chemin
deTrautenau & à dps du camp pruflien; eu barrant
ce chemin, l’armée du roi n’avoit ni terrein pour fe
former, ni moyen d’appuyer fa droite. Le prince de
Lorraine pouvoit auflï, en arrivant fur le terrein
An Suppl. Tome IV^.
Une campagne d’hiver vint terminer, en 1741,
cette guerre & la gloire du roi & de fes troupes
pendant fa durée. Le prince Charles, dont on 1
lâcher cette cavalerie pour donner à bride abattue
dans le camp pruflien ; le foldat alors n’auroit eu le
tems ni de courir aux armes, ni de fe former , ni de
fe défendre ; c'aurait été fe procurer une vi&oire
certaine. M. a’Aremberg , dit-on, avoit égaré fa
colonne pendant la nuit, & il s’étoit formé à rebours,
le dos tourné vers le camp du roi : cela fit perdre
du tems au prince de Lorraine, qui s’occupa à réparer
ce défordre ; mais lorfque les Prufliens commencèrent
à fe préfenter fur le champ de bataille,
qui empêchoit alors le prince de Lorraine de les
faire attaquer tout de fuite avec fa cavalerie ? cette
gauche auroit fondu d’une hauteur fur des troupes
occupées à fe former, 8c fur d’autres qui défiloienc
encore.
On accufoit le roi d’avoir commis autant de
fautes. On lui reprochoit furtout de s’être mis , par
le choix d’un mauvais pofte, dans la néceflité de
combattre 5 il auroic dû au moins, difoit-on, être
averti de la marche des Autrichiens. Il s’exeufoit fur
la multitude de troupes légères dont il étoit entouré,
& qui ne lui petmettoit pas d’aventurer les cinq
cents huffards qui lui reftoient. Mais, ajoutoit-on ,
il ne falloit pas s’affoiblir fi fort vis-à-vis d’une
armée fupérieure : à la bonne heure ; mais les corps
envoyés au prince d’Anhalt étoient l’équivalent des
Saxons qui s’en étoient retournés chez eux ; le détachement
du général de Naflau avoit été néceffaire
pour pouvoir tirer fes fubfiftances de la Siléfie. A
l’égard de ceux des généraux Dumoulin & Lehwald,
ils avoient été indifpenfables dans les gorges des
montagnes pour empêcher d’être affamé par l’ennemi
; on n’avoit des chevaux que le nombre fuffi-
fant pour amener à chaque tranfport de la farine
pour cinq jours. Qnant à fè retirer en Siléfie, le roi
préféroit de hafarder une bataille en Bohême ; d’ailleurs
une retraite précipitée auroit indubitablement
attiré la guerre dans ce duché ; enfin l’on confom-
moit en Bohême les fubfiftances de l’ennemi, & en
Siléfîe on auroit çonfommé les ficnnes.
On doit attribuer le gain de cette bataille au ter-
7rein étroit par lequel le prince de Lorraine vint attaquer
le roi : ce terrein ôtoit à i’enn.e'mi l’avantage
de la fupériorité du nombre. Les Prufliens purent lui
oppofer un fronr égal au fîen. La multitude des
foldats devenoit inutile au prince de Lorraine. Ses
trois lignes fans diftances, preflees les unes fur les
autres, n’avoient pas la facilité de combattre ; & la
confufîon s’y mettant une fois, elle rendoit le mal
irrémédiable. Heureufement pour le toi, la valeur
de fes troupes répara les fautes de leur chef, & punie
les ennemis des leurs.
Cependant malgré deux grandes vi&oires , te roî
p ppp