
fi afin e*, maïs tous les hommes dont une nation ,
dont une armée font compofées, font-ils fufcep-
tibies de ces paillons nobles , de cés fentimerts
généreux ? je ne le crois pas •, je ne le . regarde
même point comme moralement poffible» Je ne
dirai donc pas , avec un écrivain moderne , « Une
»• nation libre ne doit-point, pour encourager la
» vertu , multiplier les récompenfes. » Les François
libres offriroient des récompenfes à la vertu !
Ce mouvement eft beau, cette idée éft; grande -,
mais elle eft le roman du coeur humain & n’en eft
pas l’hiftoire 3 ce qui me le prouve , c’eft que
lës Grecs & les Romains, ces deux peuples qui
©ut porté l’amour de la patrie au fil loin qu’ il pou-
voit aller, avoient multiplié prefque à l’excès le s
moyens d’excifer Vémulation parmi leurs défen-
fiurs. Jnftruit par ces grands exemples, je dirai
que, li nous femmes fages , nous prodiguerons à
nos guerriers les récompenfes & les autres objets
faits pour exciter leur émulation ; je dirai que
nous devons choifir, avec une attention ferupu-
leufe, les récompenfes. 8c les "autres objets que
nous emploierons pour atteindre ce but 3. je dirai
que c’eft plus pendant la paix que pendant la
guerre que nous devons nons occuper des moyens
d’entretenir Vém u la tio n . ; je dirai enfin que nous
devons bien prendre garde, en excitant Y émulation
, de ne point faire naître la vanité , l'orgueil,'
la jaloufie & l’envie. Qu'on nous permette de
placer rapidement les différentes affermons dans
leur vrai jour. -
• Ce n?eff point la nature qui- eft avare de guerriers
faits pour être illuftres -, efefl êrre injufte à
fbri égard que de l’ acculer dé leur rareté 3 dans
tous les temps elle produit des hommes dignes
de devenir célèbres , ils n’attendent pour fe montrer
qu’une influence favorable. O u i, les grands
guerriers, les guerriers eftimablës paroiffent partout
où les honneurs , la gloire , les récompenfes
leur font réfervés , par-tout où Ton fait exciter
V émulation , en honorant les t al en s & les
vertus. E t comment les talens fe développe-
r-oient- ils. lorfqu’ iis manquent d’occafions, de .
moyens,, de fecours-, d’aiguillons. Ser-aTjë porté
au travail lorfque je verrai marcher devant moi
un homme qui me parokra indigne d'être mort,
modèle ? ferai-je encouragé à la vertu lorfque je
verrai derrière moi un homme eftimable par fes.
connoiffances, fon zèle & fes talens? Suppofons
au contraire que tous ceux qui me précèdent me
liirpaflent en capacité , en vertus 3 qu’Hs'-ént tous
çendmà l’état de plus grands & de^nteil leurs fer-
vices que moi 3 fuppofons encore que tous ceux
que je. précède me font inférieurs en mérite,
dès ce moment, comptant fur des diftinétions
proportionnées à mes. talens , je me livrerai tout
entier à mes devoirs. On ne fait point, on ne
faura jamais combien le défaut émulation a étouffé
de vertus,, de talens. 3 on ne. fait point combien
Pîn;ufte répartition des honneurs 8c des grâce«
ont fait avorter de grands hommes 3 on ne fait
point combien de militaires ont dit : pourquoi
m’impoferois-je des privations 3 pourquoi, rendrois-
je mes moeurs pures 3 pourquoi donnerais-je les
journées & les nuits à l’étude ou à l’accomplifle-
rnent de mes devoirs , puifque je n’en refterois.
pas moins confondu dans les rangs les plus inférieurs
, puifque je me verrois toujours commander
par des hommes qui n’ont d'autre titre au
commandement que leur nom , d?ati tre mérite que
leur naifiance. Nous n'aurons des militaires inl-
truits , des militaires vraiment eftimables , que
lorfqu’ils feront ehoifis à caufe. de leurs talens
■8c élevés à caufe de leurs vertus. Sans doute-,
l’amour de la vraie gloire , le défit de l'eftime
générale 3 fans doute la vue du bien public font
capables de foutenir les âmes nobles. & géné-
reufes 3 mais pour le commun des hommes, il?
faut plus que des vues métaphyfiques 3 il faut ,,
pour les arracher à leur indolence naturelle ,^pour
leur faire préférer le travail au. plaifir, il leur faut
des égards, de. la confidération , un rang, honorable,
des diftinélions flatteufes 3 fans toutes ces-,
récompenfes, ne vous attendez point à voir l'émulation
régner dans votre armée & fans émulation
y n’elpérez- point avoir des grands hommes
ni peut-être même beaucoup d’hommes eftimables*.
Pourquoi l’homme qui a le germe, des talens utiles,
à l’état les cultiveroit-il , s'il, ne peut compter
fur aucun falaire qui le récompenfe de fes efforts
qui le dédommage de fes facrifices ? Pourquoi s’ap-
pliqueroit-il à. dépafler tous, ceux qui parcourent
la même carrière que lui, fi la couronne eft donnée
d’avanc.e ? Voyez dans les, courfës. publiques,
les. hommes qui disputent le prix , ils refufent
d’entrer en lice , ou bien ils s’arrêtent dès.
que l’un des concurrens eft certain d’arriver le
premier au but. Les talens s'enfouiront par-tour
où ils ne feront point une fourc.e d’avantages
réels, & le feu du génie s’éteindra là où les
honneurs ne lui férvirent point, d’aliment.
On aura fans doute été étonné de m’entendre
avancer qu’il eft plus néceflaire d’exciter Y émulation
pendant la paix que pendant la guerre 3 mais
on conviendra bientôt que Cette aflertion eft une
vérité. L’amour de la gloire, la. crainte de la
honte , l’exemple , le préjugé ,. un refte d’énthou-
fiafme y le défir de conferver fa vie & fes. propriétés,
tout cela agite pendant la guerre le coeùr
de tous les militaires 8c fupplée a Y émulation j
pendant la paix , il n’en eft-plus de même 3 il n’y a.
point de gloire à acquérir en remplifiant obfcu-
rément des détails fubalternes .3 il n’y a. point de
honte à craindre en n’étudiant point l’art railir
rair.e 3 les préjugés fe taifent 3 les exemples font
pervers , & l’ënthoufiafme ne fe montre point.
Cependant fi les militaires-'ne fe (ont point infi*
truits. pendant la paix , ils. ne peuvent pendant Sa--
guerre être que bravés , & la bravoure ne fuffi-t
point. Il eft donc de l’ intérêt bien entendu des
nations que leurs légiftateurs s’occupent avec plus
de foin des moyens d’exciter Y émulation dans les
armées pendant la paix que pendant la guerre.
Nous né devons point nous occuper dans cet
article des moyens les plus propres à exciter
Y ém u la tio n , tant pendant la paix que pendant la
guerre : ces-moyens font développés dans les articles
Avancement , Ancienneté , Colonel ,
Lieutenant-Colonel, Gradation militaire ,
Encourager , 8c fur-tout dans notre article
Récompenses militaires.
Nous avons dit, en commençant cet article ,
qu’on devoit bien prendre garde , en créant des
motifs d,émulation , de ne point faire naître la
vanité, l’orgueil, la jaloufie , la haine 8c l’envie :
toutes cés pallions font en effet nuifibles à l’état,
& contraires au bonheur des guerriers. Voye[
notre article A mitié & Mésintelligence.
. Vémulation qu’on doit chercher à faire naître,
diffère de l’ambition en ce qu’elle ne défire point
la (upériorité du rang, mais, celle du mérite 3 l’autorité
, mais l’eftime : elle diffère de l’orgueil, .
en ce qu’elle ne regarde le mérite des autres que
comme un modèle eftimable qu’elle doit imiter 3
en ce qu’elle ne fe compare aux autres que pour
devenir meilleure : elle diffère de la jaloufie, en
ce qu’eUe ne prête jamais de défauts à fes rivaux 3
én ce qu’elle diflimule leurs fautes ,. & ne cherche
jamais à diminuer l’éclat de leurs vertus ,
de leurs talens & de leurs fuccès : elle diffère
enfin de la haine & de l’envie , en ce qu’elle voit
avec plaifir tout ce qui lui. trace la route du
grand 8c du beau , ou qui lui en offre le modèle 3
en ce que toute efpèce de mérite a des droits à
fon eftime 8c à fes éloges 3 éloges d’autant plus
vifs & plus fincères que l’émule véritable con-
noît mieux le prix de ce qu’il eftime, 8c qu’il
fent plus vivement la juftice de la gloire que l’on
acquiert en approchant de la perfection*
E N
. ENCADREMENT. (Aaion d’encadrer).. On
dit qu’une troupe eft encadrée quand fes flancs
font couverts par une file d’officiers, ou de bas-
officiers.
Il eft une efpèce d’alignement qu’on nomme
par encadrement, (C'eft celui où. les chefs de tous
les pelotons fe portent fur la nouvelle ligue de
direction , 8c s’y alignent , gardant entr’eux la
dïftance néceffaire à leurs, pelotons. Voye\ Alignement..
. ENFANS DE L’ARMÉE. Non ,. je ne le
diflimulerai point , j’ai éprouvé le plaifir le plus
vif au moment où m?eft parvenue cette ordonnance
, du i.q août 1786 , qui établit une école
d’éducation militaire en faveur de cent c-nfans
de foldats Invalides : école à laquelle on a donné
le nom d'Ecole des enfans de Yarmée. Eh n'étoit-
il pas bien naturel que cette ordonnance me
procurât des fenfations agréable* 3 sûrement elle
produira de grands avantages , & elle a flatta
mon amour-propre. Si la gloire d’avoir fixé la
premier les regards du miniftere fur les enfans
de foldat ne m’appartient point 3 fi j& n’ai pas
remis moi-même au gouvernement le plan qu’on
a l’uivi en formant l’école des enfans de Y armée ,
au moins puis-je me flatter d’avoir donné , il y
a plus de trois ans , dans l ’article Ecole des*
enfans-de soldat , des idées affez conformes
à celles qui ont été adoptées. On taxera ians
doute de vanité le rapprochement que je viens
de faire 3 eh bien , je ne m’en défends point r je
fuis infiniment flatté , je fuis même vain d’avoir
eu une idée utile à ma patrie -, j’avois befoin ,
je l’avoue, de quelque encouragement , 8c l’établi
11 ement de l’ école des enfans de Y armée en eft
un pour moi. Oui , je le regarderai toujours
comme une des récompenfes les plus flatteufes ,
les plus douces que je puifle obtenir. Voir le
bien s’opérer , n'eft-ce pas le but de tous les
écrivains qui aiment leur patrie.
L’école des enfans de Yarmée eft établie à
Liancourt, dans la généralité de Solfions 3 elle
eft deftinée à recevoir cent enfans de foldats
invalides, ou retirés, dans, les provinces avec
des penfions dû roi.
Les élèves doivent avoir fe.pt ans révolus avant
d’y être admis.
C’eft M. le duc de Liancourt qui en eft l’inf-
pedeur. C’eft lui qui , de concert avec- le gouverneur
de l’ hôtel royal des invalides , choifit
les enfans. qui doivent être reçus. Ils doivent
donner la préférence à des enfans d’invalides 8c choifir des fujets fains , bien conftitués , qui
foi en c orphelins , ou qui ont peu de refiburce à
attendre de leurs parens 3 au défaut d’enfans de
foldats invalides , rinfpedeur peut choifir parmi-
les enfans. de foldat encore en adivité.. ;
Cette *ble eft aux ordres d’un capitaine 8c
d’un lieutenant ^'invalides , & fur veillée par
deux fergens , quatre caporaux 8c dix bas-officiers
invalides.
Chacun de ces enfans coûte à' l’état dix fols,
par jour , huit fols pour leur folde , 8c deux,
lois par jour pour le» depeni.es non prévues-
comme bois , lumière, 8cc.
Au moyen de leur folde les, enfans font
nourris, habillés 8c entretenus.3 on leur enfeigne
à lire , -à écrire & à compter. On leur fait apprendre
auffi un métier , afin que le défaut de.*
taille , ou des infirmités , ne les mette pointdans.
l’impofiibilité d’être utiles aux armées.. '
Dès que les.; élèves. o.nr aruînt leur feizièm«;