
dée 5 nous avons dqnç fuppofé fuffifamment connues
la défenfe & la dépenfe de-chacun des fyf-
tèmes compare^. Mais fur la dépenfe , faute ur de
«lWf* défenjîf a dure que, d'après les devis détaillés
qu'il a faits & fait faire, fon fyftème eft moins
cher que le fyftème en .ufage. 11 eft vrai que mef-
lieurs du génie difent le contraire} cependant,
lans vouloir décider ces deux queftions, difons
que fi le fyftème du général Montalembert eft
-moins cher que le fyftême en ufage, ce fera fans
doute un avantage de plus en fa faveur ; mais dans
la fuppofition même que fa dépenfe fût double,
elfayons de prouver quai eft de beaucoup préférable
& même le feul à fuivre, fi feul il remplit le
grand objet de rendre la défenfe fupérieure à
l'attaque.
Ecoutons d’abord meflieurs les officiers du
génie. « Depuis un fîècle il n’y a rien de changé
*> dans le fyftème & l’ufage des armes offenfives
93 de l’Europe, ni par conféquent dans la con-
33 duite des attaques. » Ces meflieurs ont voulu
dire fans doute ( il n’y a rien eu de chargé dans f
le fyftème de la défenfe), & ils le.difent en effet
ten écrivant comme un axiome , ce Que l’attaque
93 reçoit néceflairement fes lois des précautions
35 qu'aura prifes l’ennemi pour fa défenfe, desobf-
33 tacles dont il feferoit couvert, &c. « Ce n’eft
donc pas feulement parce qu’il n’y a eu aucun
changement dans les armes offenfives, mais bien .
plus parce qu’il n’y en a eu aucun ou feulement de
très-légers dans le fyftème de la défenfe, qu’on
peut dire avec ces meflieurs : ce D’où il fuit que
» l'expérience de plus de cent trente attaques ou
33 défenfes de places, dont nous avons foigneufe-
Jj ment confervé les journaux détaillés, nous a
» fourni des rédactions fuffifamment exaâes pour
» que l’on doive raifonnablement tenir cette du-
33 rée progreffive des attaques comme parfaite-
» ment connue. »
Ainfi donc meflieurs les officiers du génie éta-
bliflent bien formellement, comme principe, que
la manière de juger de la défenfe d’un front de
fortification eft uniquement fondée fur l’expérience.
C’eft par elle que M. Cormontagne eft
parvenu à en former une efpèce de théorie} mais
toute théorie fondée uniquement fur l'expérience
ne peut abfolumeflt trouver d’application
que dans des cas femblables ou au moins peu dif-
ferens. Ces meflieurs ne peuvent donc pas s’en
fervir pour juger la fortification du général Mon-
talembert} car, félon eux : ce Cet officier s’écarte
» en tous points, dans fon fyftème, des ufages
» & tracés exécutés jufqu’à préfent dans toute
l’Europe. » Il ne leur eft donc plus poflîble de
dire : Il eft arrivé telle & telle chofe dans tel cas}
donc il arrivera la même chofe dans un cas en tous
points différent y ou en d’autres termes : Les caufes
font differentes, donc les effets feront femblables.
Qm ne peut donc pas foumettre à une méthode
uniquement fondée fur l’expérience, le jugement
d un fyftème qui s’éloigne en tous points des fyf*
tèmes fur Jefquels ces expériences ont été faites.
En vain meflieurs les officiers du génie renvoient
ils dans une note (au N0. 203 de leur Mé-
moire contre la fortification perpendiculaire') , 011 iis
prouvent, difent-ils, que les données qu’ils proposent
, doivent conduire exactement à des rélul-
tatsallez précis, &c. Voicilepaflagedu N°. 203 :
tc Les jeunes officiers du génie qui font géomc-
33 très , en lifant ce que nous avons expofé de cette
39 méthode , auront bientôt fai.fi qu’elle n’a rien
>3 déplus compliqué ni de plus difficile que celle
» dont on fe ferviroit pour calculer en combien
33 de marches on conduiroit un régiment de Paris
f à Péttrsbourg. 39 Mais, dans les-commiflVires
nommés par 1 Académie des Sciences pour l'examen
de ce Mémoire, on trouve M. Laplace &
M. Condorcet, qui auflï font géomètres , & qui
cependant difent en toutes lettres.: « Mais nous
33 croyons devoir obferveren même.tems que les
» auteurs du Mémoire n’ayant donné que les
>3 principes généraux de la méthode, & n’ayant
»3 rien publié fur les données d’après lefquelles on
33 peut faire l’application à des cas particuliers,
|1 l'Académie ne peut juger du degré d’exaCti-
33 tude & de précifion auquel on peut atteindre,
33 dans l’état aCtuel, de conftruire, de défendre
»3 & d’attaquer les places. » Çette conclufion eft
allez claire : revenons au N°. 203. « La diftance
33 eft connue , les obfiacles en ont été pratiqués : on
» fait combien de chemin un régiment peut faire
39 par marche en bon & en mauvais terrein ,
»3 combien de féjours il lui faut pour en fup.porter
33 la fatigue : on peut fuppofer, dans ce calcul,
33 que le régiment ne fera arrêté, ni par des tem-
33 pètes , ni par des neiges dans les montagnes, nj
»3 par des débordemens de rivières , ou fi ces ac-
» cidens font ordinaires fur cette longue route ,
33 on en connoît les délais, & l’on peut y avoir
33 égard. De femblables calculs fe répètent chaque
33 année pour tous les régimens qui changent de
» garnifon dans le royaume , & même chaqu
» jour par tout voyageur qui entreprend une lor
33 gue route. Or , dans notre calcul de la dure
»3 des fiéges , les données font de même , la ld-
33 gueur de toutes les tranchées, mefurée au planm
33 projet derattaque,cequecentoumillehomi€S
»3 peuvent en creufer dans une nuit de huirou
33 douze heures de durée, à la diftaoce de 20,
»3 de 1 y© ou de 30 toifes de chemin couver» le
33 tems néceflaire pour chaque opération paicu-
>3 lière des batteries , de defeente & de pffage
»3 de fo flé , & c . Rien n’eft arbitraire, ni d?s ces
»3 données connues des praticiens, ni dar leurs
33 réfultats arithmétiques, non plus que ^ns les
>3 données & réfultats de la marche au riment
»3 ci-deflus. 39
Mais à quoi bon p^opofer une auffi lon^e route
pour le régiment ci-dejfus.y dès que les oncles de
cette route ont été pratiqués? Des-lors fUte difficidré
eft levée : cependant quand on veut comparer
une route à un fyftème de fortification ,
quand ce fyftème eft nouveau , quand il n’a jamais
été ni attaqué ni défendu, quand il s’écarte en
tous points des ufages & tracés exécutés jufqu’à
préfent, ondevroit dire au contraire de la route
comme il en eft du fyftème : Les obfiacles nen ont
jamais été pratiqués , & alors tout ce paflage cité
tombe de lui-même : vouloir continuer de s’en
fervir feroit vouloir calculer la marche d'une armée
dans des forêts inconnues, fur la marche d'un
régiment de Paris à V-erfailles.
Voyons maintenant fi nous ne pourrions pas
fixer, d’une manière plus précife, fe mérite &
les avantages de la nouvelle fortification.
Quel que foit le fyftème fuivant lequeLune place
eft fortifiée , elle n'a de forces matérielles que la
réfiftance de fes murailles. C'eft à les détruire que
fe bo,ne l’ art de l’attaque, comme celui de la
défenfe eft de s’oppofer à cette deftruCtion 5 mais
comme il n'y a aucun moyen connu de donner
aux murs une folidité capable de réfifter à l’effort ’
de l'arme employée à les détruire,-il a fallu chtr-
cher-à détruire l'arme elle-même 5 & pour y parvenir,
il a fallu encore avoir recours à la même
arme : ainfi l’attaque & la défenfe des places font
.devenues uniquement des combats d'artillerie.
Tant que l'afliégé parvient, à l’ aide de fon canon,
à empêcher l’effet du canon de l’afliégeant, l'af-
fîégé eft tranquille derrière fes murailles, & la
place conferve toute fa force ; mais dès que l’af-
fiégean*-, à l’aide de fon canon, eft parvenu à empêcher
.l’effet du canon .de l’afliégé , l'aflîégeant a
bientôt renverfé les murailles, & la place eft en fa
puiflance. Tous les autres évémmens d'un fiége
ne font que des acceffoires qui influent plus ou
moins fur fa durée, mais qui ne peuvent décider
de fon fuccès.
De ce que l’aflîégeant & l’afliégé n’ont que le
même moyen à employer, il s’enfuit que l’avantage
doit refter à celui qui aura ce moyen en plus
grande quantité & dans une meilleure difpofition,
c'eft-à-dire, à celui qui pourra déployer le plus
de fe u , le foutenir plus long-tems & le mieux
diriger.
Mais puisque l’aflîégeant occupe un plus grand
terrein, il a donc plus d’efpace , il peut donc déployer
plus de feu, Puifqu’il eft maître delà campagne
, il peut toujours, ou au moins plufieurs
fois, réparer fes pertes, il peut donc foutenir le
feu plus long-tems} enfin, puifqu’il ne prend fa
pofition que d’après des pofitions connues & invariables
, il peut donc encore fe procurer facilement
les meilleures directions. Ces trois avantages
paroiflent donc appartenir néceflairement à l’attaque
, & par-là elle feroit toujours, comme elle eft
aujourd’hui, néceflairement fupérieure à la défenfe;
mais fi au contraire on parvient à procurer ces j
trois avantages à la défenfe , celle-ci deviendra à
fon tour néceflairement fupérieure à l’attaque.
O r , pour procurer à un terrein plus reflerré
l’avantage de i’efpace fur un terrein plus étendu,
il faut multiplier les .ecages ; ce qui eft toujours
poflîble dans la défenfe par la folidité des conf-
tmêlions, & ne fe peut jamais dans l’attaque par
la nature des fiennes. Conftruifez donc des batteries
à plufieurs étages, & vous placerez alors plus
de canons fur,l’enceinte de la place affiégée, que
fur l’enceinte formée par les aftîégeans, quoique
celle-là foit moins étendue que celle-ci.
Pour foutenir le feu plus l o n g - t e m s , quoiqu’on
puifife réparer fes pertes, il faut d’abord que l’af-
fiégé ait une plus grande quantité de f e u 5 il faut
encore qu’ il rende fes p e r t e s in f in im e n t rares,
c o m p a r a t i v em e n t à celles de l’aflîégeant, & p o u r
cela , au lieu de biffer fon canon tant à découvert
, expofé à tous les coups de l’ennemi, il faut
pouvoir le retirer fous de bonnes voûtes & derrière
ds bonnes murailles , où il ne puifle être vu
que très - difficilement ; il faut même empêcher
qu’on ne puifle tirer défi us.
Et quant aux meilleures directions, elles feront
encore ç ou tes du côté de là défenfe , puifque le
canon,ainfi placé, l’aflîégeant ne pourra l’attaquer
que de front, taudis que l’afliégé attaquera le
canon de Ta (fié géant dans toutes les directions
que lui donneront les contours du tracé de la
fortification.
En difant ce qu’il falloit faire , nous n’avons
dit que ce qu’ avoit fait le général Montalembert.
Ainfi , a moins de nier les principes que nous v enons
d’établir, & qui nous femblent inconteftables,
nous croyons qu’on ne peut pas d’abord fe dif-
penfer de convenir que cet officier a rendu à la
défenfe la fupériorité que l’attaque avoit depuis
fi long-tems ufurpée fur elle ; car enfin, fi l'attaque
& la défenfe des places ne font, comme p6 us
l’avons d it , que des combats d'artillerie-; fi le
fuccès de ces combats tient aux condkions que
nous avons expofées, &fi ces conditiorôTont toutes
exactement remplies dans la dé.fenf§^propofée par
le général Montalembert, cette défenfe eft ftipé-
rieure à l'attaque.
Cependant meflieurs les officiers du génie ont
fa it, dans leur mémoire , l’attaque de Louifville,
place idéale fortifiée d'après le fyftème du général
Montalembert ; & bien loin d’en juger la défenfe
fupérieure à l’attaque, comme nous le prétendons,
ils n’ont trouvé à cette place que vingt-
deux jours de défenfe ; mais comment ont-ils fait
cette attaque fans faire aucune mention des obf-
tacles, & pourquoi ? C ’eft que, dans le tems n é -
cejfatre , meflieurs les officiers du génie ont fait
entrer les retards qu apportent les obftacles ; mais
quels obftacles ? :Ceux dont ils ont Vexpérience
les obftacles qui ont été pratiqués , enfin les obftacles
du fyftème baftioné ; mais comment prétend
on trouver les obftacles qu’oppose à l’attaque
un fyftème quelconque , en calculant cette
attaque d’après les obftacles qu’y oppofe un autre