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pour eux, en 1780, un cours de mathématiques
gratuit, 8c une école de deffein infiniment bon
marché. Un bénédi&in, grand, mathématicien 8c
habitué à inftruire des enfans , le chargea de
f a i r e le premier de ces cours : il remplit pendant
plufieurs années , avec toute la patience & toute
l’intelligence po fiables, les obligations qu’il avoit
contra&ées, & cependant il ne parvint à conduire
a u c u n de l e s élèves à la fin de la géométrie
élémentaire. Un officier général, étonné du peu
de progrès que faifoient les cad'ets gentilshommes ,
m’en ayant demandé la caufe , je lui fis la ré-
ponfe fuivante : Qu’eft-ce qu’une leçon publique
par jour, lui dis-je, pour vingt-cinq ou trente
jeunes, gens qui n’écoutent point ou qui écoutent
p e u ; dont la plupart n’ont pas l e s premiers élémens
du calcul -, dont plufieurs- ne font pas en état
d’énoncer un nombre ; & à- quelques-uns defquels
il faut enfeigner à former - leurs chiffres ? Que
peut-on faire dans deux heures , quand l’un des
élèves en eft à la numération, l’autre à l’extrââion
des racines, & un troifième aux proportions? &c.
Celui qui eft au tableau eft prefque le fèul qui
p u i f f e profiter de la leçon ; car ceux qui ont
dépaffé la propofition fur laquelle on travaille,
croyent qu’il leur eft inutile d’écouter, & ceux
qui n’y, font- pas arrivés, penfènt q u ’ i ls ; écoute-
roient en vain : fi le profefféur eft impartial ,
chaque élève-ne va donc, au tableau qu’une heure
& demie ou deux heures par mois, & que peut-on
apprendre dans un- fi- court efpace de temps? ces
deux heures pourroiènt cependant être utiles , fi.
Tes-élèves, piqués par l’émulation, ou aiguillonnés
par la crainte des châtimens , étudioiént en leur
particulier ; mais ils* n-ont aucun châtiment a
craindre ; mais l’étude , vraie jouiffance quand on
l’àime, eft un tourment quand on la h a i t . ; mais
le travail, qui produit toujours des fruits quand,
on s’y livre avec plaifir, n’en rapporte aucun-
quand on le fait à contre-coeur. Qu’on , joigne à
tous ces v i c e s - , que.je ne fais..qu’efquiffer ici, le
tapage que font v i n g t - c i n q ou. trente jeunes gens
qui, portant depuis peu un habit militaire.,
croyent être entièrement libres.,, & l’on concevra
aifément. qu’une troupe de. jeunes militaires ne
doivent faire que très-peu de progrès en.luivant
un cours., de. mathématiques.
Après avoir prouvé que le cours dé mathématiques
ne pouvoit produire de grands fruits, je
paffai à l’écolade deffein, & je montrai de même
qu’ il eft prefque jmpoflible qu’un feul maître puiffe,..
dans un petit nombre d’heures, former im grand
nombre dé jeunes gens dont le goût pour s’inf-
truire n’eft pas v if & la volonté ferme. Ce qui
rendoit encore l’inftruéfion des cadets gentilshommes 8c plus difficile & plusJente, c’étoient les propos
dés jeunes, officiers avec lefquels ils vivoient, &
même ceux des .anciens qui daignoient quelquefois
cauféri ayec.eux.c, à entendre ces.deux clalfes.mili-
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taires , on auroit été tenté de croire que ces
derniers étoient fâchés de voir leurs fuccefleurs
avoir des connoiffances&des talens dont ils étoient
eux-mêmes privés'; & que les premiers crai-
gnoient qu’on les comparât un jour avec ceux de
leurs camarades qui auroient paffé par l’école
des cadets.
Ce que je viens de dire des mathématiques &
du deffein étant également applicable à la plupart
des fciences & des arts néceffaires à de jeunes
officiers, je puis, ce me femble , conclure que
des jeunes gens affemblés à la fuite d’un régiment
, ne peuvent que très-difficilement acquérir
les connoiffances néceffaires à des officiers François.
Voyeç les articles C a p i t a i n e , A g e -, E-x a m e n ,
M oe u r s , & M e n t o r .
Quant au coeur, ce que j’ai dit dans le troifième
alinéa de cet article, 8c les réflexions que
j’âi faites dans les articles .Moeurs 8c Mentor,
prouvent, ce me femble,. qu’un régiment eft une
école où la candeur Sc l’ innocence des jeunes
gens doit fe perdre avec vîteffe ; où. leurs-mai
nières, loin de fe polir, doivent devenir chaque
jour moins douces , .& où leurs moeurs "doivent
promptement fe corrompre : je ne prétends pas
faire entendre , par ces mots , que les moeurs des
officiers françois-ne font point bonnes pour eux,
mais qu’ elles ne font: point faites pour le.rvir de
modèle à des jeunes gens» qui quittent pour la
première fo is , & à l ’âge de quinze ans , le fein
de leurs familles.
Quant au corps, on croiroit au premier afpeâ
que celui des jeunes gens doit acquérir avec
promptitude , à la fuite des régimens, un développement
rapide , une force confidérable : on.
n’entend les militaires parler que d’èxercices , de
, manoeuvres, & c. Il n’y a néanmoins pendant la
paix que les routes qui puiffent aider au développement
du corps, des jeunes militaires^ Nos
exercices ne méritent vraiment, point ce nom :
des poftures méthodiques & toujours les mêmes;
une. immobilité confiante , des . pas lents & cadencés,.
des armes légères qu’on tient fans ceffe
dans la même pofition , tels font les exercices
de notre armée ; qu’il y a loin de tout cela aux
exercices auxquels la jeuneffe grecque fe liyroit
dans le Gimnafe, & la jeuneffe de Rome dans le
Champ de Mars ! qu’il y . a loin de là aux jeux
qu’on joue dans nos .collèges aux courfes. qu’on
y, fa it, &.à tous .les exercices que les inftituteurs
modernes recommandent avec tant.dè raifon !
Euifque l’efprit des cadets gentilshommes raf-
femblés,à la fuite des régimens ne peut s’éclairer,
leur coeur fe former, leur corps..fe développer,,
nous devons donc abandonner pour.: toujours
les . projets de ce genre. Mais quel parti prendrons
nous. pour préparer à nos armées des .officiers
. dignes d’en commander les petites fubdi-
, vifiops?. Sc de parvenir enfuite à.en commander.
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de plus grandes? formerons-nous plufieurs cent-
pagnies de jeunes gentilshommes , à l’inftar de
celles qui furent créées en 17x6 , 172-^ , Sc
1732. Toutes lies fois qu’on raflemblera un grand
nombre de jeunes gens , il faudra pour les loger ,
les nourrir , les vêtir 8c les inftruire , dépenfer
,des fommes énormes, & dont une partie confidérable
»fera totalement perdue pour l’état , car
on ne peut efpérer que tous ces jeunes gens
aient le goût du fervice & acquièrent les talens
néceffaires à des militaires ; car il eft impof-
fible qu’une foule énorme d’abus né fe glifTe
point dans des établiffemens fi vaftes. Conti-
tinuerons-nous a payer de greffes penfions dans
des collèges appelés militaires? Inexpérience nous
a prouvé que ce moyen eft bien peu profitable
pour l’état Sc pour les individus , Sc d’ailleurs
comment choilirions-nous aujourd’ hui le nombre
. de jeunes gens à qui nous croirions devoir faire
donner dans ces colleges une éducation gratuite?
Nous lavons que le fils du pauvre, de l’artil'an,
, du fermier ne doit point être privé de bas, de
f o u l i ê r s &. de m a î t r e de le âure, afin que le
fils du noble apprenne à danfer & à peindre.
• N’y eût-il point une injuftice c r ia n t e à former
des écoles militaires où on n’admettroic que des ■
nobles , puifions-nous faire élever indifféremment
tous les jeunes gens qui fe deftineroiept au fer-
vice militaire, je n’en dirois pas moins qu’a
tous ces moyens je préfère les e x am e n s j ils font
plus fimplès, plus économiques & plus c o n f t i t u - ;
tionnels. Voye{ E xamen,
CAFÉ. On donne le nom de café à des maifons
publiques dans lefquelles on vend la liqueur
connue fous le nom de café.
Un réglement militaire de la ville de ,
affefte un café particulier à chacun des régimens
qui y font en garnifon, & défend aux officiers de
fréquenter les cafés dans lefquels les citoyens fe
•raffemblent. Ce réglement eft infiniment fage &
digne d’être rendu général. Si ce n’eft point aux
cafés que les officiers françois doivent tous leurs
Vices , c’eft au moins à ces maifons qu’ils doivent
leur oifiveté , car c’eft-là qu’ils trouvent des objets
qui allègent le poids des premiers ennuis
qu’elle caufe : fi ce n’eft point dans les cafés
qu’ils compromettent leur fortuné, fouvent leur
vie, 8c quelquefois leur honneur, c’eft là qu’ ils
trouvent l’occafion de donner les premiers dé-
veloppemens aux germes deSfamour du jeu, que
l’avarice a, Cerné dans le coeur de tous les hommes;
I; c’eft là qu’ ils perdent leur fan té & leurs moeurs;
I c’eft hà qu’ils contractent des goûts vils, & qu’ils I apprennent a les fatisfaire ; ils y trouvent des
1 hommes dont les propos & les exemples leur en-
I lèvent cette pudeur heureufe qui leur fervoic de .
c frein; ils y font, en un mot, entourés de tout
ce qu’il y a de plus vil dans chaque cité : exceptez-
«n quelques cafés dé la capitale & des principales
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villes de province, le refte mérite plutôt le nom de
■ taverne ou même de -caverne que celui de café.
Gomme il faut cependant qu’il y ait dans chaque
grande garnifon un endroit où les officiers des
différens corps puiffent fé raffembler 8c fo vdir
quelquefois ; comme il eft néce(Taire qu’il y ait
un endroit fait pour devenir un point général
de ralliement, on pourroit, ce me femble, éta*
blir dans chacune de nos villes de guerre une
efpèce de club militaire, dans lequel on n’ad-
mettroit que des officiers fervans ou retirés avec
la croix de* S. Louis : toute efpèce de jeu , les
échecs Sc les dames exceptés , devroient être
bannis de ces maifons ; nulle efpèce de rafraî- ,
chiffeinenc ne devrôit y être vendue : des gazettes
, quelques journaux , des cartes de géographie
, quelques livres devroient en faire l’or-
. nement Sc les plaifirs; les chefs de corps devroient
les fréquenter fouvent : les dépenfes de
ces clubs feroïenc aifément couvertes par les
abonnemens que les corps payent aujourd’hui
aux .cafés qu’ ils ont adoptés, 8c qu’on .devrait
fupprimer à jamais.
Les rédaâeurs du réglement pour la police intérieure
des corps ont reconnu les vices des cafés,
& ils ont cherché à y remédier en engageant les
chefs des régimens à établir des efpèces de clubs
dans leurs maifons. Cette idée eft bonne, eft
heureufe ; mais elle ne fera praticable & pratiquée
que du moment où nous aurons des colonels qui
voudront être les pères , les amis de leurs officiers.
Jufque-là, & même alors peut-ê tre les
jeunes gens , eux qui ont lé plus befoin d’être fur-
veillés, fe renfermeront dans leurs chambres ou
dans des cafés, afin de jouir de la liberté, paf-
fion de leur âge ; un colonel peut d’ailleurs avoir
des torts avec des membres de fon corps , ou
même on peut lui en fuppofer. L’officier qui fe
croit l’objet de l’injuftice de fon ch e f, va-t-il avec
plaifir dans la maifon d’un homme dont il croit
avoir à fe plaindre ?
CAISSE. Le mot caijjè eft celui dont on fe fe r t,
ou au moins dont oh devroit toujours fe fervir
pour défigner l’ inftrument militaire dont on fait
ufage dans l'infanterie françoife ; ainfi on ne con-
fondroit pas l’inftrument avec celui qui en joue.
Le fût de nos caijjes, qui jadis étoitde bois, eft
aujourd’hui de cuivre. Comme chaque homme a
fa manière particulière de voir, il eft des militaires
qui regrettent les eaijfès de bois : ils
prétendent qu’on les entend de plus loin , &
qu’on diftingue avec plus de facilité les différentes
batteries. On a bien fait à Montlhéri des
■ expériences fur la propagation du fon & de la
.lumière, pourquoi ne feroit-on point dans une
de nos garni fon s des expériences fur les caijfcs de
cuivre Sc les caijfes de bois ; oh s.’y occupe de
chofes beaucoup plus futiles.
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