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de quelques explications,..,.. Aînfi l'Amérique,
voulant alïuret la liberté, auroit très-probablement
évité la guerre avec l'Angleterre, fi ,■
avant de rompre avec cette .puiflance, elle s'é-
toit allurée les alliances de la France , de l'Ef-
pagne 6e de la Hollande., 6e fi ces puilïances y
avoient fait palier des volontaires tous le titre
de nouveaux colons, de la poudre, des armes
& de 1 argent. — Ainfi la France n'auroit peut-
■ ê're pas été attaquée par les coalifës, f i , dès
le commencement de la révolution, après avoir
pris une connoiflance bien exàdte de fon militaire
& de la fituation de fes places fortes , elle avoit
porté fon armée fur uu pied formidable de dé-
fenfe , parfaitement réparé & approvifionné fes
places de guerre, alfuré des fonds & p'acé.en-
fuite militairement toutes fes forces fur fes frontières.......
On fait quelles furent les difcuifions
relativement à la déclaration de la guerre , au
commencement de i y j i . Falloit-il, ne falloit-il
pas la déclarer? Tel étoit le problème à réfou-
.dre ; & aujourd'hui encore, on accufe les députes
; de la Gironde & leurs partifans d'avoir
fait prendre le parti de déclarer la guerre. Ce
n'eft pas;içi le lieu de chercher à prouver f i ,
oui ou non, ils furént véritablement coupables,
.& s'ils ne furent pas plutôt le jouet & la dupe
de la cou r , qui avoit un fi grand intérêt à la
faire déclarer.,... Mais ce dont ils ne fe difcul-
peront pas aufli facilement, c'eft d'avoir montré
autant de crédulité pour le compte fi préfomp-
tueux, fi clairement menfonger, fi évidemment
fau x , que vint leur rendre M. Narbonne , miniftre
de la guerre, en revenant d'une tournée
faite en p o lie , & dans laquelle à peine avoit-il
eu le temps d’écrire , .en paflant, le nom des
lieux par où il avoit pafip. Eh ! ne fuffifoic-il
pas pour s’en méfier & examiner ce. compte',
de l'entendre affurer que tout étoit an mieux ?
d’ autant .que .ce .compte éto-it à peine rendu &
connu , & déjà les légiflateurs recevoienc de
toute part des adreffqs pour les, inftruire des
menfonges .du miniftre , & les mettre âu fait
du véritable état des chofes. - Malheureufemer.t
cette faute ne tut pas la .feule, & bientôt ils
en commirent une bien plus grave, celle d'ajouter
foi & de fe lai fier conduire par M. Dumont
ie r , minjftre-des affaires étrangères, mais dirigeant
celles de la guerre.... Il ne Je cache pas
dans fes mémoires, il s'y vante d'avoir décidé
la cour à faire la guerre, & certes il n'eut pas
fie la peine à réuffir ; mais en même-temps il
perfuada les l.égifiateurs , qui fe fioient à lu i,
parce qu’ ils le regardoient comme un homme
de leur choix , & à la nomination duquel iis
cvoyoient avoir contribué feuls ; & il entraîna
la France dans la guerre & des hofiilités , an
moment où il fa.vôit bien que rien .n’éroit prêt,
en ne dit' pas pour l'offenfive, mais même pour
Jla moindre çiéfenflve..,.,.. Qu'écriv.oiei)t en effet '
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les trois généraux réunis à Valenciennes, le i8
mai ? ce Us ont d'abord unanimement reconnu
M q a e , s'il étoit préjudiciable à la patrie que la
** guerre eut été déclarée dans un moment où
” lfis dépêches des généraux démontroient qu’au-
55 c-une des armées' n5avoit été mile en état
” /1s la faire , &rc. » Et cependant malgré ces
dépêchés, malgré les remontrances qu’on ne
ceiïbit'-de faire à M. Dumourier dans les bureaux
de la guerre {qu'il d irigeoit) , fur Eim-
poflibilité d'agir avant le 1er. juin ( & encore
bien foiblement ) , ce miniftre décida l’invalïon
des Pays-Bas, une marche fur Porentruy, des
camps à Newkirck, le Tierce let, Maubeuge,
Dunkerque ; il écrivit au général Montefquiou,
qu'au i j mai 30,000 hommes pourroient pénétrer
dans les états du roi de Sardaigne....... Et
après toutes ces perfidies, qui ne verroit bien
clairement M. Dumourier la feule caufe de la
déclaration de la guerre & des aggreflions, dans
un moment où nous n'étions pas même en état
de nous défendre fur aucun point; & quel étoit
fon but? De faire commettre une grande faute
âux légiflateurs qui avoient alors la confiance de
la nation j & de fervir la cour dans les projets
qui dévoient lui être les plus chers , & lui affurer
le plus promptement & le plus probablement
, un retour de puiflance & de domination
après lequel elle foupiroit uniquement.
Nous nous bornons à citer ici les deux guerres
les plus excufables, depuis celles des Hollandois
; contre l'Efpagne, & des Suifles contre les
princes de la maifon de Bourgogne , puifqu’elles
furent entreprifes pour conquérir &: défendre
la liberté ; & cependant on auroit pu probablement
arriver au même but fans faire la guerre;
&■ quels avantages n'en auroit-il pas réfulté pour
la tranquillité & le bonheur des peuples, &
l'afferniiflement de cette liberté , qui court toujours
.de fi grands rifques au milieu des horreurs
de la guerre & de tous les maux qu'elle occafionne.
La fécondé vérité, c'eft l.e befoin indifpen-
fable de fonds très-confidérables pour commencer
la guerre, la continuer & lui.affurer des fuccès, .. Mais ces fonds, on ne peut fe les procurer
que par des impôts ou des emprunts, bien
plus onéreux à la longue que des impôts; & de
ces furcharges fur la fortune des citoyens fuivent
néceflaîrement la diminution dans les avances
pour la culture , la pénurie pour les journaliers
& les artifans, la cherté des denrées & des marchand!
fes , le manque de matière première pour
les manufactures & les échanges ; le dépérifle-
ment du commerce , la dilapidation du numéraire
, fon écoulement chez l’étranger, & c .
D’après ces vérités à-peu-près inconteftables,
comment ofe.-t-.oja entreprendre .de faire la guerre?
Comment
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Comment les peuples , qui en font les inftru-
mens les plus attifs & qui en fouffrent le plus -,
peuvent-ils fe prêter à donnerla vie à ce fléau
deftrütteur, duquel découlent tous les maux ?
Comment fouffrent-ils que les tyrans de la'terre
puiffent difpofer plus long-temps-de leur vie &
de leurs biens . . . ces foldats contre lefquels
ils vont combattre, ne font-ils pas leurs frères?
Et ont-ils d’autres ennemis quê ces hommes barbares
qui les entraînent, malgré ^eux , dans tous
les dangers & les maux de la guerre?
On conçoit,, dans les temps ancien?, le defir
jdu peuple de faire la guerre}; les vaincus; deve-r
noient les efclaves des vairiqueurs;,çeux-ci fe
pàrtageoient leurs dépouilles , , & quelquefois
même leurs terres.. . . Ün peuple tout entier
quittoit le pays qu’il habitoit & dont il tiroit
trop peu de fecours pour fa fubfiftande & les
agréments de la v i e , il venoif attaquer des
peuples fixés dansées .contrées..plus heureufes..
S’il étoit vainqueur, il s’emparoit dû territoire.j,
des richëfles , &c. ;■ les vaincus deverioient' fes
efclaves , & il fe fixoit irrévocablement fur le
fol qui devenoit fa propriété. par droit de conquête;
droit de tous Je plus injufte , le plus
barbare , mais le moins côntefté | parce que la
loi . du plus fort fut toujours la meilleure. Les
fonds pour faire la guerre inquiétoient bien peu
alors le peuple qui vouloit la faire; point de
magafins, point d’artillerie ., point de folde, très-
peu de befoins, & conféqüemment nullés dé-
penfês à faire. La guerre alimentait la guerre’ . .
Etoit-on battu ? partie des combattans Jk de leur
fuite étoit réduite en éfclàvage , partie mife à
mort, le refte fe dirperfoit & retournoit dans
■ fes défèrts vivre de la’ pêché, de la chafie ou
avec le fecours de fes troupeaux . . . Etoit-on
vainqueur , on fe fixoit fur le champ de bataille
fes.dépendances , & le pays reconuoifloit dé
nouveaux maîtres., . qui fouvent eu adoptoient
les lois , les moeurs & les coutumes . . Combien
la différence eft grande avec ce qui fepafle.de nos
jours! Soüvent les fouverains qui ont tait la guerre
avec quelques fuccès, n'en retient aucun avantage;
.quelques mjniftres ont prolongé leurs pouvoirs &
favorifé leurs créatures ; des fournifleurs, des entrepreneurs
'fe font enrichis . . Mais pendant la
guerré il a fallu fe foumettre à des dévaftations, (
à .la mort de fes parents,, de fes amij , de fes
' enfans, à des impôts énormes, à des malheurs
fans nombre ; & à la paix, 1 Etat eft obligé de
’ diminuer fes dépënfes ordinaires, de faire des
économies, d’éprouver des privations ; les dettes
infiniment augmentées , le commerce languifiant,
la population diminuée , l’agriculture ne pouvant
recevoir les fecours & les avances nécef-
faires ; tout femble fe réunir pour attaquer la
profpérité nationale, & prouver , mais trop tard ,
les funeftes effets de la guerre , qui attaqne ac-
Art MUiu Suppl• Tome IV»,
F O R i m
tuellement, bien plus qu’autrefois, toutes les
fources des différentes jouiflances , par les fonds
énormes qu’elle confomme i dilapide , difperfe
& répand dans des pays & des mains d?où‘ il
faut un temps infini pour les ramener là où elles
peuvent faire reparoître l'abondance:: & cependant^
fi ceis fonds ne font pas toujours, aflurés
& aboridans , bientôt même au milieu des plus
brillantes victoires , tout eft paralyfé , & bientôt
aufli le vainqueur eft obligé de recevoir des lois
du vaincu , qui a l’avantage d’avoir encore des
fonds pour continuer la guer re...........E t malgré
ces terribles vérités 1 on ne Seefle , de: faire 1 la
guerre ; & la philofophie ,' la raifon , l’expérience
, le commerce qui a fi fort augmenté les
relations entre tous les hommes , n’ont pu réuffir
encore à diminuer la fréquence de cette^ma-i-
ladie épidémique , . qui afflige l’humanité depuis
l’ inftant où les hommes fe réunirent en fo-
ciété.
FORCE PUBLIOUE. Vouloir réfoudre.tout
le problème de la force p u b liq u e fe r o it ; fe
charger d’une tâche trop difficile à remplir ,
d’autant que ce problème eft bien loin d’être
aufii fimple qu’on pourroitMé penfer ; il renferme
plufieurs grandes confidératîons : les unes
! onc des rapports avec la Conftitution , d autres
font purement militaires 5 ici elles tiennent a la
politique , là elles font liées aux finances & à
l’adminiftration.
La force publique eft le lien & la cle f de
toutes les parties de l’édifice ; fans elle oh rie
peut être affiné - de rien contenir à fa place ;
fans la force publique, les pouvoirs , les contrepoids,
la liberté même ,.’ ne font qu’ un aflem-
blage d’idées vaines & fragiles. Que de lumières
il faudroit raffembler pour la folution de ce problème
, de laquelle peuvent dépendre le trouble
ou le repos ,' le bonheur ou le malheur , la fureté
ou l’anéantiffement d’ une nation de plus de
trente millions d’hommes !. . Qui ne feroit pas
effrayé en penfant à de pareilles contéquenc.es,
pour un nombre d’hommes auffi impofant, & à
l’influence des lois relarives, à cet objet fur tant
de deftinées ! ?
A la vue de l’importance & des difficultés de
ce problème , pour la réfolution duquel-on ne
faut oit réunir trop de génie & trop d’ expérience
, nons ne pouvons nous empêcher de réfléchir
à ce que nous fouîmes , pour nous ha-
farder de le réfoudre même en partie. . . Mais
aufli, peu importe la manière dont nous y réuf-
firoris ; fi nous nous trompons , cette erreur
fera peu dangereufe j & puis , ce n’eft pas la
folution dü problème que nous auronsTimpru-
dente confiance de propofer ; ce font des doutes
& des données pour y parvenir.
* Y y