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-affife dans l’intervalle de ceux de la première ,
& c. ainii chaque aflîfe diminuera d’un arbre : on
obfervera que la dernière aflife foit au moins com-
pofée de deqx arbres 3 8c que le tronc placé extérieurement
foit un peu moins gros que le tronc
placé intérieurement j on mettra extérieurement
entre chaque rang d"arbres des ronces , des épines
& des branches d'arbres dont on aiguifera la
partie Taillante. Pour conftruire les embrafures
on n’aura qu’à laifler un ,petit intervalle entre
deux arbres de la troilième ou quatrième affife,
fuivant leur grofleur.
Quand les foldats voudront tirer fur l'ennemi ,
ils monteront fur les arbres des premières rangées
qui leur ferviront de banquette.
On ne peut guères déterminer le nombre Marbres
dont la première couche doit être compo-
fée ; ce nombre dépend du plus ou moins de
grofleur de chaque arbre : on ne peut point , par la
même raifon , déterminer le nombre des couches.
On obfervera de mettre les plus gros arbres
dans la partie inférieure , & de placer dans la
même couche les arbres qui feront à-peu-près de
la même grofleur.
Autour de cet ouvrage , que nous regardons
comme un'des plus forts , on difpofera les têtes
des arbres en forme d’abattis. Voye% A b a t t i s .
Quand on eft privé 3 pour foutenir les terres
d ’un parapet 3 de tous les moyens indiqués dans
l ’article O u v r a g e e n t e r r e , on peut recourir
à des troncs d'arbre que l’on plante perpendiculairement
& proche les uns ’des autres 3 ce moyen
n’offrant aucune difficulté nous nous difpenferons
de le détailler.
On trouve dans un nouveau traité de fortifications,
comrpofé par un officier du corps royal
du génie , une idée relative aux arbres 3 faite 3
ce me femble 3 pour être adoptée. L’auteur vou-
droit que l’on plantât plufieurs rangs d’arbres fur
les glacis de toutes nos places de guerre, &
principalement fur le prolongement de la capitale
des demi-lunes , des baftions , & c . ces arbres
formeroient un coup - d’oeil agréable 3 aug-^
menteroient la falubrité de l’air , feroient utiles
dans nos arfenaux 3 8c ajouteroient , voici l’objet
eflcntiel, à la force de la place en cas de
liège. L’auteur fonde ce dernier avantage fur une
remarque bien fîmple j fur l’extrême difficulté
qu’on éprouve à creufer un fofle dans un ter-
rein rempli de troncs d'arbres & de grofles racines.
Il faut efpérer qu’il n’en fera pas de cette
idée , qui nous a paru Iumineufe 3 comme de la
loi qui veut que toutes nos grandes routes foient
bordées d'arbres.
Les ordonnances militaires défendent au foldat 3
fous des peines févères , de couper des arbres
fruitiers ou de décoration A & de prendre aucun \
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bois neuf ou vieux façonné. Voye^ l’article 15
du titre 28 du règlement pour l’infanterie.
ARBRE DE REM ARQUE . On donne le nom
d'arbre de remarque à un arbre ifolé , ou très-
remarquable par fa conformation, qui peut 3 ou
indiquer par fa pofition le chemin qu’ une colonne
doit tenir pour aller d’un endroit à un autre
3 ou marquer un alignement, ou fervir en un
mot de repère ou d’efpèce de jalon. Voye^ R e -
C O N N O IS SA N C E M IL IT A IR E .
A R C S DE TRIOMPHE . Récompenfe mili-
1 taire. On donne le nom d'arc de triomphe à un
monument qui a la forme d’une porte * & qui
a été conilruit pour conferver le fouvenir àq
quelque grand évènement militaire.
Le di&ionnaire des antiquités offre des détails
inférefîans fur les arcs de triomphe élevés par les
différens peuples j nous ne devons donc nous
occuper dans cet article qu’à examiner fi les
arcs de triomphe doivent 3 dè nos jours , être mis
au rang des récompeftfes militaires.
Il eft peu d’hommes , il eft même peu d’ écrivains
qui ne placent les arcs de triomphe, à la tête
des récompenfes qu’ on doit accorder aux généraux
qui fe font illuftrés par de grandes victoires.
Il importe à chaque gouvernement , dit - on ,
d’exciter dans famé de fes guerriers un v if en-
thoufîafme de la gloire 3 feul garant afluré des
grandes actions ; il importe à chaque nation d’offrir
à fes défenfeurs des objets capables de leur
arracher les facrifices difficiles que leur état exige 5.
o r , quoi de plus propre à produire ce double
effet, que des monumens authentiques & durables
, élevés à la gloire des généraux vainqueurs,
& deftinés à tranfinettre à la poftérité la plus
reculée le fouvenir de leur nom & de leurs grandes
allions. Les arcs de triomphe , dit-on encore ,
ont cela de particulier , qu’en récompenfant les
! guerriers illuftrés , ils décorent & embelliflent
1 les'lieux dans lefquels ils font élevés 5 ainfi la
nation elle - même jouit de la juftice qu’elle a
' rendue à fes défenfeurs. Les Romains, ajoute-t on,
enfin , ce peuple, militaire par effence , conquérant
par principes, & fait par fa fagefle pour fervir
de modèle à toutes les nations qui veulent
s’illuftrer par la guerre J ou qui ont feulement
befoin d’avoir une bonne armée ; les Romains ont
élevé à leurs généraux victorieux un grand nombre
d'arcs de triomphe, & l’hiftoiïe met Ces monumens
au rang des caufes de leur grandeur.
J ’appuyerai ces différentes aflertions , je donnerai
même en faveur des arcs de triomphe quelques
nouvelles rai fous 5 ils entretiennent, dirai-je ,
l’humeur belliqueufe dans la nation entière 5 ils
lui donnent d’elle-même* cette opinion avanta-
geufe, qui eft la mère de la confiance, & par
conféqueat des fuccés s ils offrent aux milles
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confommés des occasions de prouver leurs païens
; à leurs élèves , des modèles dignes d ’être
imités» & des objets propres à exciter leur émulation
: j’avouerai que les arcs de triomphe conve-
noient au peuple Romain , tuais je n’en dirai pas
moins , qu’ils ne conviennent point aux nations
modernes, fur-tout à la nation Françoife ; car
ils ne rempliflent pas toutes les vues que doit
avoir un fage ïégiflateur, en créant des récom-
penfes militaires*
Les Romains étoient maîtres d’une grande
partie de la terre j les nations modernes n’ont
chacune qu’un territoire très-borné : ils avoient
ra v i, raflemblé lés richefles de. tous les peuples,
elles font dans une grande pénurie d’or : ils avoient
confirait dans la capitale de leur empire , & juf-
ques dans les provinces les plus reculées , tous
les monumens que l’utilité publique exigeoit ;
elles ont bien élevé de loin à loin quelques
'grands monumens , mais comme ils font prefque
tous confacrés à des' objets frivoles , l’utilité
publique a plufieurs réclamations à faire , même
dans les capitales les plus célèbres : ils avoient
un grand nombre de bras fuperflus 5 elles en manquent,
tant pour l’agriculture que pour les métiers
les plus néceflaires : la république en corps,
& chaque Romain en particulier , étoient inté-
refles à. être- en guerre avec leurs voifîns j les
nations modernes ne gagnent rien à la guerre
la plus heureufe, ’& leurs chefs n’y gagnent
qu’une augmentation de travaux : différence im-
menfe , qui n’a point été aflez fentie par les
rois & leurs fujets : les Romains étoient inté-
refles à tenir dans l’humiliation les peuples dont
ils avoient triomphé ; les nations modernes ont
au contraire un intérêt puiflant à leur faire perdre
, fi ce n’eft le fouvenir de leurs défaites ,
du moins celui de leur honte : le gouvernement
romain ne pouvoit guères fixer les regards des
peuples que fur la gloire militaire 5 les gouver-
îiemens modernes peuvent les tourner vers le
commerce , les arts 8c les fciences.
Quoique toutes ces différences prouvent que
les arcs de triomphe ne conviennent pas aux nattions
modernes, 8c _à la France en particulier,
nous demanderions cependant qu’on en renom
vellât l’ufage , fi nous n’étions pas perfuadés ..qu’il
. eft poflîble de les remplacer d’une manière avantage
tife , pour les défenfeurs de la nation & pour
la nation elle-même.
Il eft peu d’années'où l’on ne fafle élever en
France quelque grand édifice public : i c i , on
creufe un canal j là , on rend une rivière navigable
5 ailleurs , on defleche des marais ; plus loin ,
on conftruit un vfuperbe pont'; quelquefois on
eleve des magafins, des citadelles , des forts, &c.
N e ferait il pas poflible de confacrer chacun de
ces monupiens a la mémoire d’ un général vie-
teiieux | La gloire de ce guerrier feroit-elle
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moins brillante , moins pure & moins durable ,
parce que le monument qui en tranfmettroit l e ,
fouvenir feroit utile? Non fans doute; elle n’en
feroit que plus éclatante, que plus généralement
répandue. Beaucoup de triomphateurs ont
été oubliés ; & l’on parle encore des hommes
qui ont donné leur nom à une voie romaine, à un
aqueduc-, à un pont, ou à quelqu’autre édifice
utile.
Si l’on renouvelloit l’ufage des a r c s d e t r iom p
h e plufieurs généraux victorieux feroient privés
de l’honneur "d’ un monument , témoin de leur
gloire ; fi l’on adopte ce que je propofe ils verront
tous , leur nom tranfmis fûrement à la
poftérité. L’idée de donner le nom d’un homme à un monument public n’eft pas nouvelle ; mais
on n’a prefque jamais gravé fur ces monumens
que le nom des rois 8c des princes. C e s hommes
, que leur naiflance place fi loin du peuple ,
peuvent fe pafler de ce fecours j leur nom fera
configné dans l’hiftoire , ils en font aflurés , auflî
ne font-ils point flattés de cette efpèce d’hommage,
& ne font-ils rien pour s’en rendre dignes.
Une infeription courte, fimple, en langue vulgaire
, placée de manière à être facifement lue
par tous , feroit donc pofée fur chaque monument
public ; elle pourrait confifter en ces mots
.A t e l g é n é r a l a p o u r a v o i r v a in c u a t e l e n d r o i t .
Je ne voudrais ni nations enchaînées, ni peuples
terraflés ; je ne voudrais même point qu’on
trouvât dans l’ infeription le nom des vaincus.
On fait que la haine du nom Romain fut propagée
par leurs a r c s d e tr iom p h e ; que la haine des
Flamands contre les Efpagnols fut entretenue ,
fortifiée par les ftatûes faftueufes & menaçantes
que le duc d’Albe avoit fait ériger 5 on fait que
la P l a c e d e s V i é lo i r e s a coûté à la France des flots
de Lang. Mais fubfiftera-t-il long-tems ce monument
de l ’orgueil de Louis XIV , ou plutôt de la
bafîeffe de fes courtifans ? La ftatue de ce prince-
fera confervée , fans doute ; mais le jour où les
nations enchaînées difparoîtront pour jamais, ce
jour glorieux pour tous les François ne peut être
éloigné. Un peuple qui veut compter autant d’alliés
, autant d’ainis qu’il a de voifîns ; un peuple
plus jaloux de la liberté & de la félicité générales
que d’ une vaine 8c faufle gloire leur facrifiera ,
fans peine, ce monument menfonger, & tous ceux
du même genre. La nation, l ’Europe entière, applaudiront
, j’ofe l’affirmer, à celui de nos repré-
fentans, qui le premier élevera la voix pour en
folliciter la deftruction.
Jamais cés monumens ne feraient décorés avec
trop ^ de fomptuofité; le luxe dans les bâti me ns
publics eft encore une de ces idées vaines , filles
d’un fiècle qui donnoit le nom de beau , non à ce qui étoit utile à la nation, mais à ce qui
éblouifloit fes regards, & frappoit. ceux des
étrangers, La vraie grandeur ^ la vraie beauté