
Lorraine allemande, y laifîe .rétablir fon armée
dans les bons quartiers 3 & .après avoir reçu
des fecours de la Flandre par une marche cachée
cuculli à Vlnsheim & au-delà, vers Rothenhourg,
»» n étoit qu'une démonftration pour éloigner i ’ar-
mée française & l'attention de Turenne , afin de
»» s’approcher enfuite de cette rivière fans que ç.e
•» dernier pût s’y oppofer ».
Les marches des Autrichiens, depuis Langenzen
jufqu à Brechtzhuffen , furent donc une rufe qui
trompa le général français.
<* Turenne avoir propofé un projet dont l’exé-
* cution eût empêché les Impériaux de former au-
« cune entreprile ; c’étqit daller malquer les dé-
** bouchés de la Bohême. Louvois répondit au gé-
*• neral français, que le roi ne difconvenoit point
• ** qu’il °e fut très-avantageux d’y retenir les forces
>? de l’empereur j mais qu’en confidérant la, longue
»» marche que l'armée ferait obligée de faire f il
» fuffifoit d’empêcher l’.ennemi de s’avancer beau-
» coup au delà de Nuremberg. Le maréchal, obligé
»» ainsi dé s établir fur le iM-ein, ne put s’oppofer à
» ce que les Impériaux pénétraient en Franconie j
» il couvroit le Haut-Rhin, où ils ne vouloient
» rien entreprendre ; mais il était très-difficile, pour
» ne pas dire impoflîble, de leur barrer le chemin
» du Bas-Rhin. Moutécuculli cacha parfaitement
» fon deiTein , & manoeuvra habilement pour l'exé-
*» cuter ». r
Le yicpmte , trompé par les apparences., paie le
Taulier pour couvrir les .plaçes jGtuées fur cette
rivière, & même pour combattre les Allemands s’il
en trouvoit ,1‘oc.afion. Le général de 1 empereur
feint aufli de defiier une bataille 5 & tandis qu’il
aroît s’y difpofer, fes troupes s’approchent du
lein & s’érabliflent près de cette rivière. On ne
peut difccny.enir que Turenne fut, dans cette occa-
hph , dupe de fon adyerfaire ; mais la faute du
general français donna feulement aux ennemis le
moyen d’exécurer leur projet quelques jours plutôt.
La campagne de 1674 fut ouverte par le combat
,de Fintzheim 3 le vicomte , un peu entraîné par
l’usage du moment., y fut peut-être plus entreprenant
que fage & mefuré. En effet, s’il avo.it été
battu, comment ion armée auroit-éïle pu faire fèpt
ou huit lieues pour regagner Philisbourg au travers
de défilés & de bçis dans un pays .ennemi, fans .être
expofée à £e voir anéantie ? D’ailleurs cette frontière
n’avoit que cette armée pour ia garder j & en perdant
la bataille, on i’expofo.it entièrement à l’ennemi.
Au relie, on doit à ja gloire du vicomte & à
. f*s talens militaires, de faire remarquer fon attention
à déployer fa ligne av.ee ordre ; celle Savoir interdit
i arme à f?u, & davoir fait faire ufage uniquement
de -l’épéçj céllç d’avoir mêlé des pelotons d’in&n-
^«fie aux efeadrons , & d’avoir fait déployer ces deraux
ennemis, il fe porte au milieu de leurs
quartiers dans la Haute-Alface, il en enlève
plufieurs, bat ceux quis'étoientraflemblés auprès
nières forces fous le fèu de fon infanterie. Ces précautions
fages furent les .caufes du glorieux fuccè«
de cette journée.
Ajoutons-en quelques autres avec le général .Gri-
moard.
Premièrement, l’objet du maréchal dans cette bataille,
fut conftamment de déployer toutes fes forces
obliquement en gagnant du terrain vers là droite, qu’il
fit protéger par de l’infanterie qui prenoit en flanc
la cavalerie ennemie , & en réfutant fa gauche, protégée
de même par de l’infanterie potlée . dansF les
haies, & prête à prerdne en flanc les troupes de ia
droite des ennemis qui auraient voulu tenter d’attaquer
cette gauche.
Secondement, les ennemis s’étoient fi mal établis
dans lepofte de Sintzheim, qu’ils forcèrent pourainfi
dire le maréchal à profiter de leurs fautes. Ils dévoient
pofter dans Sintzheim, dans le château, 8ç derrière
les haies, toute l’infanterie, foutenue d’une partie
de leurs dragons 5 garnir le défilé avec le refte,
fécondé par quelques -efcadrons, & ranger toùte la
cavalerie de manière qu’il ne refiât pas de terrein à
Turenne pour fe mettre eh bataille, dans le cas où
il eût paffé le défilé qu’on poavoit boucher par un
abattis. Les confédérés s’éloignèrent fi fort de la
gorge dont un rideau leur cachoit l’entrée & lu
lortie, qu’ils ne pouvoient découvrir les mouvemens
du vicomte. Cependant le duc de Lorraine & 'fe
comte de Caprara dévoient avoir pour unique objet
de battre les Français en détail à roefure qu’ils paf-
feroient le défilé. Turenne profira donc habilement
des fautes des Allemands 3 & quoique , le deflein de
les combattre paroifle, au premier coup d’oeil,
fort hafardeux, leur mauvaife difpofition y enga*
geok. ^ p
De fon côt.é, le prince, de Condé faifoit une
campagne bien favante dans l’art des campemens
& prouvoit combien il pofledoit la vraie fcience
militaire.
Cependant le vicomte n’ayant pu empêcher les
ennemis de pafler le Rhin fut le pont de Strasbourg
& les voyant les maîtres de' s’étendre en Alface, In
Lorraine & ,en Franche-Comté, par leur ionfiion
aux troupes de l’éleéteur de Brandebourg, prit le
parti d’aller les attaquer avant cette jonftion, quoiqu’ils
euffent quarante mille hommes Sc lui feulement
vingt-deux.
Leur négligence à garder la Brufch en rendit le
paflage aifé aux François, & facilita le gain de la
bataille. On voit dans cette adion combien l’ufage
de partager fa cavalerie en deux corps égaux, placés
Sur chaque aile, étoit accrédité. Si l’on avoit alors
dè Mûlhaufem & de Colmar, & force l’armée
ennemie, encore fupérieure à la fienne, à
repafler le Rhin pour aller prendre des quarf\
i marcher en colonnes, l'armée françoife, en marchant
ainfi, auroic développé fur fa droite, & aurait
ch allez de force pour emporter ce bois & s’y établir
folidement ; au Heu de cette manoeuvre eflentielle ,
3 lui fallut batailler tout Je jour pour s’en emparer.
Sa gauche étoit trop près de l’ennemi, puifqu’il fe
trouva à porté© de l'infuker aufli vivement, et le
vicomte ne put parvenir à fon graud but, de fépârer
cette armée de Strasbourg j-aufli cette journée fut-
elle plus brillante que réellement utile;
Les confédérés, outre la faute de s’être éloignés
de la Breufch, de- manière que* le vicomte de Turenne
pût fe former entre leut front et cette rivière,
en* commirent plufieurs autres, foit dans là difpo-
fïcion des troupes., foit dans la conduite de l’action:
ils dévoient garnir d’infanterie & de canons le bois
qui couvroit leur gauche , afin d’empêcher le général
francois d’attaquer cette aîle avec* avantage^, le
grand nomb e de troupes placées à la droite ne
fèrvit à rien, & l’encreprife contre la gauche du
maréchal fur mal dirigée. Au moment où Caprara
tournoit l’infanterie françoife, le refte de la droite
aurait du marcher de'front- au comte de Lorge, &
lés dragons & les Croates le prendre en flanc ; alors
lé maréchal'viâorieux à la gauche et battu à la
droite, aurait eu le defavantage de fon côté 5 les
ennemis pouvoient aufli laifler leur droite dans
l’inaélion , & s’en fervir pour renforcer leur gauche
& battre le maréchal. Ils firent aufli une fauté
énorme en abandonnant lè champ de bataille, &
s’avouant vaincus en fe rapprochant avec précipitation
de Strasbourg.
On trouvera en même-tems très-éranrrant de la.
part d’un général aufli fage que M. de Turenne, de
lui voir hafarder le paflage de la Breufch avec des
forces la moitié moindre» que celles de l’ennemi,&
dè le voir combattre fans connoître le terrain qu’ils
occupoient 3 car il ne fit fouiller le bois qu’à l’approche
de l’armée françoife ; si les Allemands ne
r'euflent pas négligé , lé vicomte aurait vraifembfci-
blement évité toute efpèce d’engagemenc, & il fe
fut pofté & retranché à la vue des ennemis pour les
contenir & les reflètrer jufqifà l’arrivée de l’éleélswr
de Brandebourg.
L’éleéteurde Brandebourg vintbientôt fe?jpindie
à l’armée allemande & augmenter encore fa fupé^
riorité en nombre de la manière la plus décifive.
Pour en profiter, il-ne tarda pas à marcher fur
Turenne , qui s naturellement dèvoit être écrafé par
lé nombre j mais la mollefiè des manoeuvres de
l’ennemi j & la juftefle des fîennes,. lui valurent
l’avantage de fe tirer d’un auffi mauvais pas.
Peu de .mois après il fit cette, belle marche, dans
tiers d’hiver très - éjoigaés , ce qui changea
entièrement la nature des af&ires & dè la
guerre.
laquelle, étant parti d’Ingervillerau milieu du mois
de décembre, il rentra en Lorraine par le défilé de'
la Petite-Pierre 5 &; ayant fait rafraîchir dans cette
province les renforts qui lui étoient arrivés de Flandre
y il les fit marcher du côté de la Fianche-Comté,.
en'leur envoyant des ordres de route qüi abouti!-
foient tous au pied de la chaîne des voiges. Dès
qu ils y furent arrivés il s’empara du paflage important
de Remiremont, & fit paraître des têtes de
colonnes dans tous les défilés par où l’on peut entrer
d.e Lorraine en Alface. De fon côté, le duc de
Duras étoit verni de Franehe-Comré avec quelques
troupes 5 & s’étant porté fur Béfort pour veiller à
la fureté de cette place , il battit un quartier des
ennemis. Sur-le-champ le vicomte porta la têre de^
fon armée vers cette direftipn ; & quoique les ennemis
euflent commencé à reflerrer léurs quartiers
vers Alt-Kirck & Colmar, m ne firent pas aflez de
diligence pour empêcher le vicomte de battre j-
prefqu’en débouchant en Alface, un gras corp<r de
cavalerie-à Mulhâufen. -
En arrivant enfuite auprès de Colmar, il trouvé-
les Impériaux derrière la petite branche de la Feçh.
Le vicomte voyant la difficulté de forcer de front le*
paflage de certe branche , fit manoeuvrer par fu
droite, comme fi fon projet avoit été dattaquer
Colmar. Les ennemis ayant cru à cès'démonftra-'
rions d’attaque 3 y portèrent une partie de leurs
forces. Pendant ce tems cet habile- général faifoitf
pafler cette petitê branche de rivière un peu au-dessus
de fa gauche, par un gros détachement. Les Impériaux
s’étant apperçus tard'de cette manoeuvrer firent
de bien foibles efforts pour s’y oppofer.
Un peu avant U nuit, le détachement français
s’étoit emparé des ponts des ennemis fur la grande
branche, de l'a Fech , àc il avoir pris poffeflion de-
Turkeim après- un léger combat. La prife de ce
pofte ttabliifoit ce-détachement fur le flanc droit
des ennemis. Polir s’y maintenir plus fûrement , ane
■partie fe porta fut- la montagne qui commande cette"
petite place!
Le refte de1 l’armée françoife éroit refté en-deçà’
de cette branche de rivière , & y entretenoit un
,,combat allez vif par lé feu, pour en faire Térirèr les
Impériaux, le vicomte ne voulant jamais confentir'
à- lés faire pourfuivre.
Sa pofirion menaçante'fur l'ë flanc droit , &Ta?
vigueur des troupes françoifes, avertirent les ennemis'
•du danger où ils étoient j pendant la nuit, ils allèrent
prendre une autre pofition vers Scheleftat, afin de
pouvoir faire défiler fûrement leurs bagages & fe-
retirerun peu en ordre fur Strasbourg,
Xe vicomte fe-borna alors à les &ire un pea •