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A in fi, particulièrement occupé dans cet ouvrage
de ce qui intérefle la partie militaire ,
nous nous permettrons bien peu d’idées fur celle
conftitutionnelle, politique , financière & admi-
niftrative. Mais pour fuivre un plan adopté quelquefois
averr fuccès dans j,ce dictionnaire , &
duquel peut-être on n’auroit jamais dû s’écarter,
nous entrerons dans quelques détails fur les variétés
d’organifation de la force publique,* depuis
les fociétés les plus fauvages jufqu’aux fo-
ciétés les plus éclairées , fans prétendre cependant
tirer avec effort de l'hiftoire , des inductions
qui pourroient plus fouvent nous égarer
qu’elles ne nous dirigeroient ; bien convaincu
que fouvent en nous portant dans un monde
^ui n’eft plus , l'hiftoire laiffe trop à l’ écart
1 univers qui eft habité.
Cependant le paffé peut inftruire |le préfent ;
& cette vérité inconteftable nous a déterminés à
confidérer la force publique fous trois points de
vue : la partie hiftorique, la partie critique , la
P R E M I E R E P A R T I E .
P A R T I E H I S T O R I Q U E .
Cette première partie doit renfermer plufieurs
époques.
La première, depuis l'origine de la fcience
de la guerre chez les anciens , jufqu'à fa deftruc-
lion , lors de l'inyalion des Barbares.
La fécondé , depuis cette deflruâion qui fem-
ble être l'époque de la création de la chevalerie
& de l’empire féodal, jufqu’à Charles VII en
Fiance.
La troifième , qu'on peut regarder comme
l'époque des armées falariées & confervées fur
pied , ce qui nous conduit jufqu'à nos jours.
On ne doit pas* s’attendre cependant que, nous
puiflions fatisfaire complettement la curiofité des
leéleürs fur tous les objets qui intéreifent la
forcé publique, dont nous nous propofons d’ef-
quiffer l'hiftoire dans les différentes époques indiquées;
les perfonnes qui ont écrit jufqu'à pré-
"fént fur ce qui a rapport à la force publique ;
fe font bien plus occupées en général de la manière
dont on rangeoit ou faifoit mouvoir les
foldats , que de celle dont on s'y prenoit pour
fe procurer des citoyens en état de fupporter
les fatigues militaires, & d e celle dont onavoit
réglé ce qui regardoit leur inüruébon, leur formation
, leur fubfiftance, leur difcipline &c.
Les peuples fur lefquels on nous a confervé
les détails les plus précieux, font îles Grecs &
les Romains pour la première époque. Dans la
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fécondé, l’art de la guerre femble être tombé
dans l’enfance, & la force publique fe reffentir
de la barbarie des conquérans; ce n'eft que dans
la troifième époque où l'art de la guerte femble
renaître de nouveau , s'accroître & fe former
prefque fous de nouveaux modes, & la force
publique, en prenant une forme plus régulière,
fervir fucceflivement à l'affermiflement du def-
potifme & aux conquêtes de la liberté.
Cependant la force publique embralfe plufieurs
parties s nous allons les tlaffer , & dès
que nous pourrons trouver la manière dont elles
ont été traitées chez les différens peuples civi-
lifés 8c connus qui fe font partagés la terre,
nous ne manquerons pas de la mettre fous les
yeux de nos leâeurs.
Nous croyons donc devoir borner les différens
objets qui intéreffent la partie militaire de la
force publique :
i ° . A la levée des troupe»;
a i Au nombre d’hommes deihnés à compofer
la force publique ;
3*. A la lôldej
4 '. A l'armée auxiliaire ;
1 - A l admiffion des troupes étrangères ;
s*. A la fureté de la police intérieure ;
7y* A la fubflftance ;
8°. A la difcipline ;
5°. Aux retraites.
En parcourant ces différens objets partout ou
nous en découvrirons les traces dans les différentes.
époques , ils nous fourniront fans doute
des exemples a imiter, ainfi que des occafions
d admiration ou de critique , dont nous ferons
ufage dans la fécondé 8c la troifième partie.
P R E M I È R E É P O Q U E .
Depuis l'origine ie la fcience de la guerre cher les
anciens jufqu’à fa deflruftion, (fc. lors de 'l’invajion
des Barbares.
Comme chez les Egyptiens chacun fuivoit la
profeOion de fes pères, celle des armes étoil
j rety ^ lreL» aPr^s tes familles facerdotales, celles
des defenfeurs de l’Etat étoient les plus honor
é J j on S g É t e Pari«i elles le nombre des
foldats dont on avoit befoin pour former les armées
ou les completter.... Ainfi en Egypte on
etoit bien éloigné d’éprouver le moindre em-
barras po,ur la levée des troupes. On a cependant
en Egypt« un exemple de troupes étran-
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C a r t h a g i n o i s .
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gères levées à prix d’argent par Sparmeticus,
dans la Carie 8c l’Ionie.
Tous les revenus de l’Egypte étoient divifés
en trois parts : l’une étoit pour les prêtres ; l’autre
appartenoit au roi ; la troifième , aux militaires
& û tous ceux qui étoient fujets aux convocations
en tems de guerre, afin qu’étant liés
à la patrie par leur propre bien , ils s’expofaf-
fent plus volontiers aux périls 8c aux travaux
attachés à leur profeftion.
Les foldats avoient douze arures exemptes de
tout tribut : l’arure étoit une portion de terre
qui répondoit à-peu-prês à la moitié d’un de
nos .arpens. Outre ce privilège, plufieurs hifto-
riens prétendent qu'on foumifioit à chaque lbi-
dat cinq livres de pain, deux livres de viande
& une pinte de vin , afin , difent ces auteurs,
qu'ils euffent de quoi nourrir une partie de leur
famille.
Les Egyptiens ■ encourageoient le mariage parmi
leurs foldats, afin que i’ etat militaire fe perpétuant
de race , ainfi que le courage , on n’eût
jamais befoin de troupes étrangères.
Voilà ce que les hiftoriens nous, apprennent
fur la le vée & la fubfiftanc.e des foldats égyptiens.
Ce qu’ils leur font donner pendant la paix pa-
roît très-fuffifanc pour fournir à la nourriture ,
au vêtement, à la guerifon & au logement d’eux 8c de leur lamifié, d’autant que , dès l’inftant
où les enfans males qu’ils pouvoient avoir étoient
en état de pouvoir porter les armes, ils étoient
probablement enrôlés & jouififoient des mêmes
avantages que leur p ère, à titre de foldat ; ce
qui dévoie occafionner des mariages avec des
filles choifies parmi celles de leur da ffe, & contribuer
par-là à l ’etabliifement & à la fubfiftance
des enfans des deux fexes.... Mais à la guerre,
avoient-ils une paye pour fubvenir aux dépenfes
indifpenfablement attachées aux différentes branches
de la fubfiftance ? o,u l’Etat :e chargeoit-il
de tes nourrir, habiller, guérir, lo g e r , & c . ?
Voilà certainement ce qui paroît le plus probable
, mais fur quoi nous n’avons aucuns détails.
J u i f s .
Chez les Juifs, il paroît que tops ceux qui
avoient atteint lage de vingt ans étoient clafles 8c enregiftrés, chacun dans leur tribu , pour
fervir au befoin > ce qui donnoit une grande facilité
de lever des armées.
Depuis l’ inftant où l’hiftoire fait fortir les
Juifs de l’Égypte, nous les voyons prefque continuellement
en guerre avec leurs voifins; mais
nous ignorons entièrement leur régime militaire.
3 Ï Ï
Les Carthaginois, qui n’auroient dû s’occuper
que du commerce au moyen duquel ils étoient
parvenus à amaffer de fi grandes richefles, 8c fe
borner à une force publique pour la police intérieure
, voulurent cependant être une république
guerrière , probablement dans l’efpoir
toujours fi dangereux d’étendre leur empire ;
mais pour fatisfaire leur double ambition du
commerce & des conquêtes , ils ne formèrent
leur puiflance militaire, ainfi que leurs armées,
qu’avec le fecours de leurs alliés, celui des
nommes fournis par des peuples tributaires, ou
avec des foldats qu’ils trouvaient tout formés ,
& qu’ils achetaient chez les étrangers, en ayant
foin de les prendre chez les peuples les plus
aguerris : ainfi la Numidie leur fourniffojt leur
cavalerie légère;!®* ifh s Baléares, leurs frondeurs;
l’Efpagne, leur infanterie ; les Gaules & la Grèce,
des troupes d'une valeur reconnue , & des foldats
propres à toute efpèce de guerre,
Carthage avoir auffi un corps de troupes com-
pofe de les propres citoyens ; mais il étoit peu
nombreux > 8c fervoit d’ecole à la principale no-
blefife; on choifififoit parmi eux tous les officiers
généraux qui dévoient commander.
Nous fommes obligés de dire fur les Carthaginois,
comme fur les Juifs , en vain favons-
nous que cette république combattit .environ
cent vingt-cinq ans contre les Romains, qu’elle
eut des armées en Efpagne, en Afrique & en
Italie ; nous ne favons pas davantage comment
on faifoit pour nourrir, guérir, v ê t ir , lo g e r , 8cc. les différens individus qui corpbartoient pour
cette république.
A s I B.
Les fiécles qui précédèrent celui de C yrus ,
ne fourniflènt rien d’inftruélif fur la force publique
ni fur la guerre : l'hiftoire s’occupe des
rois d’Aflyrie ; elle parle de Ninus, de Sémira-
mis , des Mèdes, des Babyloniens, des Per fes;
mais elle n’entre dans aucun détail inftruftif jufqu’à
la bataille de Thimbrée, livrée par Cyrus
aux Babyloniens 8c à leurs alliés. Jufques- là il
ne paroît pas que les fouverains euffent des armées
continuellement fur pied : les Satrapes ,
dans leur, gouvernement, levoient des troupes
quand on en avoit befoin ; & comme on atten-
dûit le moment où il falloit faire la guerre, ces
levées fe faifoient à la hâte 8c ne pouvoient
être compofées que d’hommes fans expérience
&c fans difcip’ine. Xénophon dit que , de fou
temps, les riches & les grands feigneurs fai-
foient monter à cheval leurs domeftiques, pour
tenir lieu des cavaliers qu’ils dévoient fournir