
que les faces fe défendirent perpendiculairement........
■ Belidor , au contraire, donnant pus
du quart du côté de fon poligonne à la perpendiculaire
y feifrouvc avoir un angle de 126 degrés
, ou de> i’9 degrés moins obtus que celui du
•fyftême -de Cormontagne , . & en cela beaucoup
plus avantageux , puisque la défenfe des faces
dè ces bâfrions en devient moins oblique. Cet
avantage procure encore celui de diminuer l'obliquité
de l'angle que les faces de la demi lune
font avec les faces des bâfrions. Dans la méthode
de Belidor, cet angle n'eft que de 103 degrés,
tandis que dans celle de Cormontagne, il eil de
j 15 degrés; mais au moyen des tenaillons placés
entre la demi-lune & 1 Sangle flanqué des bâfrions,
dans la première des deux.méthodes, les défenfes
de ce front de fortification deviennent exactement
perpendiculaires.... L'on devroit donc dire
que Belidor a fuivi , dans fa difpofition de fes
ouvrages extérieurs, le précepte de Cormontagne
, qui preferit de chercher à bonifier la
direction des feux , tandis que lui-même n'a rien
fait pour remplir ce même objet.
Enfin Cormontagne entreprend de prouver que
le fyftême de Belidor eft infirment moins bon
que le fien, en établiiTant une attaque par nuit,
qui marche depuis la premièrè jufqu’à celle où
il fera parvenu à la dernière enceinte de la place.
Il fe ménage ainfi le moyen de rendre fon voyage:
auflfi court qu'il le voudra; car il peut établir a
volonté le progrès de fes attaques ; la garnifon
efr ici immobile, l’artillerie y efr fans poudre,:
ni balles, ni boulets ; & tandis que tout dort'
dans la place, il avance avec une audace qui lui
coûteroic ch e r , s'il avoit à furmonter tous les
obftacles que l’affiégé feroit dans le cas de lui
oppofer. On ne peut trop s'étonner qu'on ait pu
offrir férieufement un pareil plan d'attaque, &
le donner comme une démonftration du temps
qu'une place pourroit y réfifter.
Première nuit.
Dès la première nuit, l’ingénieur Cormontagne
établit des batteries de canon à 25 toifes
des chemins couverts; & quand il pourroit dire,
pour juftifier une femblable fingularité, qu'il
fupprime les 8 , 10 , 12 , iy & ±0 nuits qui
peuvent être néceflairts pour avancer les tranchées
& les fappes jufqu’à ce point, pour faire
la même fuppreflion dans l'attaque de fon fyftême
, il ne feroit point juftifié, parce que cette
fuppreflion des jours antérieurs fait perdre tout
fon avantage à celui des deux fyftêmes qui peut
oppofer plus de canons fur les attaques de l ’af-
fiégeant, par la difpofition & l'étendue de fes
remparts. O r , l’on peut vérifier que l’étendue
des remparts du fyftême de Belidor, où l'on
peut placer du canon, étant de iy à 1600 toifes.
à trois toifes par p ièce, donneroit 530 pièces j
tand's que ceux de Cormontagne n'ayant que
670 toiles d’étendue , n'en pourroient contenir
que' 2I3 ; ce qui fait plus du double d'artillerie
dans lé premier cas que dans le fécond.... Mais
une autre1 confidération encore plus importante,
c'eff qu’il ne faut que huit batteries a ricochet,
dirigées fur le front du fyftême Cormontagne *
pour en éteindrè toute Tar.illerie , & qu'il en
faut feize pour éteindre celles de Belidor. Or,
s'il faut feize batteries au lieu de huit, les difficultés
& le temps pour les furmonter feront
augmentés , de manière que les progrès des attaques
feront fort differens, que l’ on né peut
éva uer quelle fera cette différence. On voit
feulement qu'elle doit être très-grande , & que
ce n'eft pas comparer avec équité les deux méthodes
, en établi fiant les premières batteries à
25 toifes des ouvrages avancés ; mais il efr contre
toutes les règles de l’art de l'attaque, de commencer
un fiège par l'établilfement de femblables
batteries, avant d’en avoir établi fur le prolongement
des ouvrages ; afin d’en diminuer au
moins les feux, fi l'on ne peut les éteindre ; &
fans ce préalable, des batteries en avant d'une
troifième parallèle ', atifii près des paliflades du
chemin couvert, feroient impoffibles à conftruire.
Rien ne pourroit réfifter aux feux prodigieux
auxquels elles feroient expofées 5 mais comment
les premières batteries propofées pourroient-elles
en impofer aux ouvrages de la place ? Elles ne font
pas dans le prolongement d’aucune de leurs faces;
& chacune a contre elle le feu à bout portant
des lunettes avancées, le feu de la grande face
d'un tenaillon , et celui d’ une face de la demi-
lune formant environ 84 toifes de rempart, qui
peuvent être garnies de 28 pièces de canon,
dont aucune batterie à ricochet précédemment
établie n'aura pu en démonter une feule. L’éta-
bliftement de ces premières batteries fuppofées
par l'ingénieur Cormontagne efr donç démontré
impoflîble.
Les fécondés batteries n'auroient pas plus de
fuccès que les premières ; le projet de battre en
brèche la lunette par le flanc ne feroit pas praticable
, quand même le flanc de l’autre lunette
(qui peut être couvert dans un inftant, foit par
le glacis continué , foit par une traverfe ) ;refte-
roit découvert; car leurs flancs & faces peuvent
contenir chacun îy pièces de canon en batterie,
bien capables d'en impofer aux y ou 6 pièces
de la fécondé batterie , fur-tout étant fecondé
par le feu du tenaillon & de la çontre-garde ou
de la face du baftion.
Seconde nuit.'
Cependant, dès la deuxième nuit les premières
& fécondés batteries font achevée?, fuivant
l'ingénieur
l'ingénieur Cormontagne, les cavaliers de tranchée
à U toifes du chemin couvert le feront
suffi, malgré un feu de l'artillerie de la place,
capable de les rafer en une heure. Au jour, dit
l’ingénieur, les premières batteries tireront fur
les défenfes de la place, & les fécondés mettront
en brèche le flanc de la lunette avancée ;
c’eft ainfi qu’on vo it, dans les romans de féerie,
des châteaux forts détruits par un coup de baguette
, tandis que rien n'eft plus difficile que
l’exécution de femblables travaux , devant un
pareil front de fortification, qui peut recevoir
fur fes batteries un feu dix fois friperieur au leur.
Sur quelles défenfes tireront les premières batteries?
elles ne peuvent tirer perpendiculairement
que fur les angles flanqués du tenaillon, & l’on
ne détruit pas avec quatre batteries, de chacune
fix ou huit pièces , tous les feux d'une place
couverte par autant de dehors. Il en eft de même
de l ’établifiement des cavaliers de tranchée ; leur
conftrudtion fera impoflîble tant qu'on n’aura
pas éteint les feux de la place auxquels ils font
expofés : cependant ils font achevés ici dès la
fécondé nuit ; rien n'eft plus chimérique que de
femblables difpofitions.
Troifième nuit.
La troifième nuit offre de femblables chimères...
Le logement fe fait fur la crête du chemin
couvert des lunettes avancées, parce qu on ny trouvera
que peu ou point de troupes , les cavaliers de
tranchées les ayant forcées de les abandonner : mais
quand l’affiégé n'auroit pas tenu de troupes dans '
ce chemin couvert ( & en cela il auroit très-
fagement fait ) , le logement n’ en auroit pas
été plus facile, puifque les parapets des lunettes
bien garnis de fufiliers , ainfi que les chemins
couverts de la place et les ouvrages qui les dominent,
font le véritable obftacle qui s'oppofe à
l'exécution d’un pareil logement. On n’emporte
pas de vive force un chemin couvert, foutenu
d’aufli près par tous les feux d'un pareil front...
Il en eft de même du logement à faire, cette
même nuit, fur le fegment du glacis. Ce n’eft
qu'avec des fapes, d'un progrès très-lent, qu'on
parvient à établir de pareils logemens ; & quoiqu'on
n'y ait point fait les flèches dont parle
l’ingéniéur Cormontagne, l'accès de ce fegment
d'avant-chemin couvert ne demande pas moins
de précaution. A l'égard du canon qu'on fe flatte
d'y élever, il n’y a pas d'apparence que l’aflié-
geant en puiffe placer avec des embrafures pratiquées
dans un glacis ; ce qui fouffre de grandes
difficultés, d'où il eft facile de voir qu'il eft
impoflîble d’établir une.marche plus rapide, &
dont l'exécution ait moins de vraifemblance.
Quatrième nuit
On ne pourroit continuer de battre en brèche
Aft Milit. Suppl. Tome IVr%
les flancs des pièces détachées, que dans la fup-
pofiûon invraifemblable que les fécondés batteries
n'euflent pas été démontées & rafées par
tous les feux de la place, qui fe réunifient fur
chacun de ces points; & en fuppofant encore
que l'affiégé n'aura pas couvert ces flancs des
lunettes autant que le font leurs faces , ou par
des continuations de glacis, ou p_ar une traverfe;
travail qui peut être exécuté en vingt-quatre
heures, il eft donc , au contraire, très-vraifem-
blable que ces batteries auront été fans effet,
&c qu'il faudra revenir à la feule méthode connue
praticable, d'établir des batteries en brèche
devant les faces de ces lunettes , fur la crête
des chemins couverts ; ce qui exige un travail
de plufieurs nuits , & un travail très-perilleux
fous des' feux aufli directs & auffi multipliés.
On eft donc bien loin de convenir, avec l’ingénieur
Cormontagne , que l'afliége doive avoir
la prudence d'abandonner ces lunettes cette même
nuit ; il les occupera cette nuit & plufieurs
autres encore. Il n'a point à craindre d'être
coupé , puifque fa communication fouterreine
avec le chemin • couvert la lui assure jufqu’ au
j dernier moment ; cette communication eft femblable
à celle que l'ingénieur Cormontagne donne
à fes lunettes , & femblable à celle de toutes
! les pièces de ce genre ; ce qui donne la facilité
aux aflïégés de rentrer plulieurs fois dans de
pareilles pièces & y renverfer les logemens
des affiégeans : il y en a nombre d’exemples, &
*’ le mérite de ces fortes de pièces n'eft contefté
par perfonne.
Cinquième nuit.
On a vu dans la quatrième nuit les obftacles
qui fe font oppofés a l'attaque des lunettes détachées
pour cette cinquième n u it, & qu’elle
ne peut manquer d’éprouver de grands retards.
Ainfi 1 etabliffement fur les flancs de ces pièces
ne pourra point être fait comme on le fuppofe,
ni tous les prolongemens de fape indiqués.
Obfervations fur les murs crénelés.
Les murs crénelés n'ont point été rejettés par
tous les ingénieurs de tout tems en France ; ils
font d’ un bon ufage & de peu d'inconvéniens,
lorfqu'ils font d'une épaifleur convenable , &
qu'ils font placés de manière à n'être pas battus
de plein fouet par le canon de l'affiégé ; le maréchal
de Vauban ne s'eft pas aflujetti à cette
dernière condition , puifqu'ii a formé fes parapets
les plus élevés , c'eft-à-dire, ceux placés
au-deflus de fes tours baftionnées de murs, dans
lefquels il a pratiqué des embrafures de canon;
& en leur donnant huit pieds d'épaiffeur , il a
compté qu'ils feroient d’une folidité fuffifante