
différences d’un terrein nu ou couvert de trou-
pes j 3c c . Ce n’eft pas en deffinant, dreflant des
itinéraires , faisant mouvoir des armées imaginaires
^ & fou vent ne voyant pas un foldat de
toute 1 année j que l’on peut apprendre â s’inf-
trune. fur le grand art des batailles. Ce n’eft pas
roeprifant la difcipline 3ç. les évolutions , ce
n eft pas en reportant tout aux reconnoiflances ,
aux marches , aux choix des portions ,- que l’on
atteindra le fublime du métier.
Sans doute il exifte une théorieSe des principes
pour reconnoître un pays, pour en démêler les dé-
tanSj les faifir & les calquer dans'la mémoire} mais
Je grand moyen pour devenir habile dans la fcience
dereconnoireles terreins, ce lî la pratique journa
liere. Après avoir acquis cette fcience, il faut ap-
prendre à voir un pays militairement, c eft-à-dire:
a demeler promptement & Purement quelle influence
ce pays peut avoir fur les opérations militaires
î quelle poiition il offre dans tel ou tel cas, à
1 armee ou au corps de troupes donc on fuppute les
mouvemens; quels y feroient les débouches & Pen-
iemble d une marche fur tel ou tel point j enfin, les
rapports généraux & de détail que. cette malle de
pays pourroit avoir avec les armées qui y aei-
roient. • «... .. .. 7 e ,
Il faut donc lier la fcience du coup-d’oeil avec
celle de la tactique. En effet, agit-il de choifir
une poiition pour une armée ? li celui qui la détermine
n eft pas taélitien , comment faura-t-il
combiner , relativement à la force de cette • ar-
n^ee, 1 étendue que cette poiition devra avoir?
Comment aura-t-il égard , dans le choix de cette
poiition , a l efpèce d’arme dansdaquelle l’armée
eit la plus forte ou lrplus foible ? à l’efpèce d’or-
drede bataille dans lequel il peut être le plus avantageux
de 1 occuper? Faute de cette combinaifon
on peut prendre des politions bonnes en elles-
memes, mais qui fe trouvent défeélueufes relativement
au nombre & à l’efpèce de troupes qui
les garni fien t. On prend des politions dont le front
ett redoutable, & où l’armée ne peut pas manoeuvrer
faute de profondeur. On en prend d’autres
qui lont formidables de toutes parts, mais dans
jelquelles l’armée, réduite à la défênlive, perd
1 avantage de pouvoir manoeuvrer & de profiter
des fautes de l’ennemi : on en prend enfin que.
par un mouvement imprévu ,• l’ennemi parvient ,
ou a tourner, ou à percer, ou à faire abandon-
ne^ ;a^s on ait le pouvoir de lui réfifter.
Mais quand une poiition eft déterminée & reconnue
avantageufe, foit relativement aux vues
d ofrenlive ou de défenfive , foit par rapport au
nombre & a l’efpèce de troupes qui doivent l’occuper,
il relie une manière d’y difpofer les differentes
armes , dans laquelle il faut encore que
la tactique foit combinée avec la connoiffance du
terrein, fans quoi on ne tireroit pas de la pofi-
tion, tout le parti dont elle eft fufceptible : fi au
contraire on fe porte en avantde la poiition, &aux
points par où l’ennemi pourroit arriver fur elle, on
en découvrira plus parfaitement l’enfemble & lesdé-
tails. On verra d’abord le terrein qui eft en avant
d elle, 1 afpeét qu’elle préfente à l’ennemi, la dif-
pontion d offenfive qu’elle peut indiquer. Se fup-
pofant enfuite à la place de l’ennemi, on cherchera
quels font les moyens par lefquels il pourroit attaquer
cette poiition, & quels/eroient les contre-
moyens que l’on pourroit lui oppofer. En voyant la
poiition de face, on jugèroit mieux de remplacement
qu il faut donner à chaque efpèce d’armes
les faillans avantageux à occuper par des batteries*
1 eftet^du feu de ces batteries fur les débouchés
par ou peut arriver l’ennemi , le point des hau-
teufs le plus convenable à occuper, pour que le
, u r f 1 infanterie ne foit pas trop plongeant $
les rideaux derrière lefquels on peut-mettre une
partie de fes troupes à l’abri du feu des batteries
ennemies, ou faire illufion à l’ennemi fur le nombre
de fes forces 3c fur la véritable difpolition
qu on lui oppofe.
Une bonne pofition eft un vafté développement
de terrein, dont le front & les flancs fourniffent
des emplacemens avantageux à l'armée' qui doit
les occuper, & pïefente à l’ennemi qui voq-
drotc l'en dépofter, des obftâcles difficiles à vaincre
; mais, autant que la chofe eft poffible, il faut
que cette poiition ne pilifte pas être tournée, à
moins que ce ne fût de très-loin & de manière
a pouvoir prévenir l’ennemi. Bien mieux vaudroit
encore choifir toujours cesL polirions très-rates,
qui, touchant a 1 objet qu’elles veillent couyrir,
ne biffent la-reffource de manoeuvrer ni fur leur
derrière ni fur leur flanc.
POSTES. Les conhoiffancès que le général doit
avoir relativement aux terréins & aux politions,
les officiers-généraux, les chefs de corps & même
les officiers particuliers doivent les avoir pour les
poftes. • -
Il y a deux efpèces de poftes : les uns, dont l’attaque
ou la défenfë eft confiée d des chefs fubal-
ternes,& fur ce point nous croyons pouvoir
renvoyer aux détails donnés au mot Ma iso n . Les
autres poftes font eux-mêmes des efpèces de pofition
dont on confie l’attaque ou la défenfe a des
officiers-généraux. Le meilleur choix des poftes,
u n?an*?re ^es défendre , celle d’attaquer ceux
choifis par l’ennemi, font des points importans de
& fcience i & tiennent par une infinité de
cotes à l’art des batailles.
POUDRE A C AN ON . ( Son influence
dans LA GUERRE ). Un officier dont le nom &
les ouvrages font trop peu connus en France,
M. Mauvillon , major au fervice du prince de
Brunfwick, a fait fur cet objet un excellent ouvrage.
i ° . On y voit que l’invention de la poudre
éft la véritable caufe du changement de l’armement
3c de l’ordonnance des troupes, 8c qu’il feroit
impoffibîe d’allier une ordonnance plus profonde
, même en fuppofant celle-ci naturellement
meilleure, avec les armes à feu ; i ° . on y voit
que la poudre a canon, formant la bafe de toute
notre armure, a dû avoir la plus grande influence
fur l’art auquel cette armure fert de moyens j 3°.
on y voit enfin que cette influence porte fur tout ce
qui concerne la manière, de faire mouvoir 3c agir
les troupes. L’auteur prouve ces différentes affer-
tions en traitant de l’armure , de l’ordonnance, de
l ’exercice , des évolutions , des marches, des
camps, du paffage des rivières 3c des batailles.
§ . Ier.
A rm u r e .
Il n’y a aucune comparaifon à faire, dit l’auteur,
entre les petites & les groffes armes de jet des
deux âges. Au moyen d’armes défenfives, on pou-
voit fe mettre à l’abri de la plus grande partie
des effets des petites armes offenfivesj 3c en précipitant
le pas & s’arrêtant à propos, un corps
de troupes pouvoir fort bien éviter les effets de
la décharge des frondeurs j & celle-ci faite, ils
pouvoient, fans trop fe preffer, les empêcher
d’en faire une fécondé, & détruire par - là les
dangers de l’arme de je t, la plus dangereufe des
anciens. Quant aux groffes armes de je t , elles
n’avoient rien de comparable à la force de nos
canons & de nos mortiers. Ainfi une des fuites
de cette fupériorité , ce fut le parti que l’on
prit de rejeter toutes Jes armes défenfives » forcé
de fe convaincre de l’inutilité des armes de main
& de la fupériorité des armes de je t , contre les.
coups defquelles il étoit impoffibîe de porter une
armure a fiez forte pour s’en garantir.
. C’eft donc la poudre à canon qui, d’après l’auteur,
eft la vraie caufe de l’abolition des armes
défenfives, 3c une caufe jufte 3c néceffaire. En con-
féquence, il ne. lui paroît pas poffible que l’on
puiffe raisonnablement rien -changer à la façon actuelle
d’armer les troupes , tant que la poudre
formera la bafe de notre art militaire.
§. 11.
O rd o n n a n c e .
Notre ordonnance diffère totalement de celle
des Grecs & des Romains. Les premiers fe formèrent
fur feize rangs, les derniers fur dix. Chez
les premiers, le foldat occupoit un efpace de
trois pieds en tous fens, & étoit armé d’une pique
de aix-huit pouces > chez lés derniers, le fol-
ciat occüpgit fîx pieds en tous fens, il étoit armé
d’un pilum 3c d’une épée.
Chez nous, on place l’infanterie fur trois rangs,
& chaque fantaffin , armé d’un fufil, occupe au
plus deux pieds ens tous fens.
En examinant nos armes on doit voir, félon
J auteur, qu’elles font le principe 3c le fondement
de notre ordonnance. Vu l’impoffibilité de donner
d’autres dimenfions, une autre figure ou un autre
mécanifme au fufil, il n’y a que trois rangs qui
puiffent faire feu enfemble. Notre ordonnance eft
donc la feule qui nous mette en état de faire le
plus grand tifage poffible de nos armes.
Ne pourroit-on pas cependant allier une ordonnance
plus profonde, en fuppofant celle-ci naturellement
meilleure, avec l’invention des armes
à feu ? L'auteur eft pour la négative 5 cependant
il accorde d’abord aux partifans de l’ordre'profond,
comme un point inconteftable, que de deux
corps d’infanterie s’abordant l’un l’autre , celui
rangé fur une grande profondeur percera, battra
& emportera infailliblement celui rangé fuivant
l’ordonnance moderne ; & il croit que le nombre
de feize rangs eft le plus grand dont l’effort puiffe
le rendre fenfible à l’ennemi dans le petit efpace
de tems que l’on peut nommer le'choc 5 mais fi, à
l’aélion purement phyfique , on joint l’aêlion morale
de la volonté , il eft poffible qu’ une profondeur
de plus de feize rangs puiffe fervir à rompre
l’ennemi, non pas par la violence du choc, mais
par la force de 1 adion dé tenfion, où les hommes
n’agiffent point par leur maffe & par leur vitefie,
mais uniquement par leur maffe mife en action par
leur volonté.
L’auteur veut auffi que l’on calcule la crainte du
danger, qui doit influer fur chaque foldat. Cet;e
crainte varie fuivant les occafions dans les mêmes
hommes > elle doit donc empêcher de calculer
avec une précifion foutenable l'effet de la profondeur
dans les combats, fans cependant de'-.
truire ce principe, qu’un corps rangé fur l’ordre
profond battra'toujours celui qui ne l’eft pas ,
loifqu il le joindra.
Mais ce n’est pas , félon l ’auteur , le point important
: il faut prouver qu’avec l’ordre profond
on eft en état de battre l’ennemi malgré tout fon
feu , & c’eft , félon lui, ce qu’on n’a encore
prouvé que fur le papier. Voici fes preuves :
Pour raifonner avec jufte fie fur des matières
militaires, la connoiffance de la nature morale de
l’homme eft très-néceffaire. Les hommes intrépides
, qui gardent leur fang-froid & raifonnent
dans le danger, font en général fort rares. Le
commun des foldats eft prefqu’uniquement déterminé
par leur imagination dans ces fortes d’oc-
cafions, 3c voici à peu.près à quelles règles cette
imagination eft affujettie.
L homme bien conftitué a communément le
courage qu’il faut pour expofer fa vie, furtout à
la vue & entouré de. fes femblables. Les impref-
fions habituelles de deypii* 8c de fubordination,
la honte de paroître lâçhe l’habitude de manier
4es armes , d’en voir les effets, qui le familiarife
avec l’idée de fon propre danger 3c ï’y prépare ;
tous ces objets ont allez'd’effet fur lui pour l’engager
à fe précipiter dans ce péril qu’il connoît ,
auquel il s’attend & dont il efpère fortir. De dix