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qu’elles puiffent ê t r e ; corrigea lentement» réparez
avec foin ; mais ne détruitez pas pour
reconftruire.
En général rien n’eft plus rare chez les hom-
m£s > ^ fur-tout chez les François, que l'elpiic
de fuite $ la confiance de l’homme cft de changer
toujours.
Cette légèreté-, qui vient de la foibleffc de
nos organes 8c de la vivacité de l’imagination,
tourmente les gouvernemens autant que les individus
, 8c l'on trouve moins d’efprit de (dite
à tel gouvernement pour fes intérêts , qu'à tel
homme pour les liens. Dans un 'gouvernement monarchique, la mobilité des miniftres doit
s’oppofer continuellement à l’efprit de fuite ; &
ce qu’ il y a de malheureux , c’eft que l’ Etat iemble contracter tous les défauts du minifire
qui le gouverne. A in fi, pour ne parler que de
ce qui fe paffuit en France à l’égard du militaire
, voyoit-on toutes les ordonnances marcher
rapidement de la jeurtefle à la décrépitude ; &
à peine venoit-on de publier une loi nouvelle,
que déjà l ’on pouvoir 8c l’on devoir même y
contrevenir avec impunité. Qui n’auroit cru cependant,
a voir comment chaque minifire chan-
g e o it, detruifoit, édifioit, bouleverfoit, multip
l e t les ordonnances , que tout feroit pour le ’
mieux ! mais il arrivoit dans cette partie, ce que j
nous voyons éprouver aux filles de jo ie , chez
lefquelles la multiplicité des germes produit la
fté.ilité.
Dans la nouvelle conftitution adoptée par Ies
Fiançois, il doit y avoir, néceffairement plus de
ténacité & d’efpnt de fuite; fi la vérité peut y
rencontrer des obftacles, une fois bien connue
& admife, fon régné doit être plus durable &
fes droits imprefcriptibl.es. Habitué dans un gouvernement
repréfentatif à examiner ik à critiquer
les penfées des lé g ifla teu r son évite les grands
inconvéniens dé l’emhoufiafme, fi communs
fous la verge du dëfpotifme : car il en ëft des
enthoufîafies pour les rois & même les fyftêmes,
comme de ce grand-prévôt de l’hôtel, qui racon-
toit quelorfque, fuivant les prérogatives de fa
charge , il fe préfentoit dans le cabinet de
Louis X IV , ce prince lui difoit : Qui e ft-ce ?
C ’eft toi ! va-t-en, tu m’ennuie ; 8c il terminoit
ce récit, en s’écriant : Oh le bon roi ! oh le
monarque incomparable !
En s’occupant d’ une conftitution militaire, il
faut donc lui affurer ces grands avantages d’ être
tellement adaptée à l’efprît de la nation & du
gouvernement, qu’elle ne foit pas expofée à
des réformes ou à des changemens eflentîels j
d’être infiniment £eu à charge aux citoyens, 8c
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d’éloigner cependant de l’efprit des puilïance-s
de l'E uro p e toute idée d’ofer déclarer-la guerre
à une nation qui fe fera affinée des moyens au (H
puiiians pour la faire avec fuccès. Eh ! qui plus j que les François, doivent de fi ter récabliifemeht
d une force publique qui affure la perpétuité de
I la paix. Toujours vi&orieux en combattant pour
leur liberté, combien, au moment de la paix,
n’ont-ils pas de larmes à répandre fur les maux
incalculables occafionnés par cette guerre fi defaf-
I treufe. La plus heureufe, ( difoit le duc de
Bourgogne, père de Louis X V , ) eft toujours
! funefte-, 8c chaque bataille gagnée eft une plaie
| pour l ’iÇtatj il n’y a de guerre jufte que celle
qui eft néccjfairt, & il faut fonger que l’ on ne
peut en venir à cette conclufion, la guerre eft
nécejfaîre, fans conclure en même-tems, il eft
néce/faire que l’Etat s’épuife d’hommes 8c d’argent
, il eft néujfaire que les Ioix fe taifent &
que les abus fe multiplient;; il eft nécejfaîre, en
un mot, que l’on foudre une infinité de maux,
. 8c que l’on foit fans ceffe expofé à en fouffrir
de plus grands encore; car telles font les fuites
inévitables de toutes les guerres.
Le grand, l’unique but aêfcuellemènt doit être
de tirer parti des peuples 8c des terres, d’augmenter
la puiffance publique par les vertus des
particuliers, de travailler fur les loix , les moeurs,
les opinions ; jufqu’ à préfent, on s’eft trop fervi
de l’ôr dans l’adminiftratïon , on en a fait le
moyen de l’avancement 8c de la confidévation
des particuliers, la folde du vice qu’il augmente,
la récompenfe de la vertu qu’il avilit , Tobjet
de la cupidité de tous les citoyens.
Travaillons à perpétuer parmi nos militaires
les traits de cet néroïfme patriotique noblement
populaire, qui feul purifie, éternife la gloire
des grands hommes en la rendant préeieufe a
tout un peuple, 8c fait de leur nom pendant
leur vie , & de leur mémoire après eux , une
richeffe publique 8c comme un patrimoine national.
\
Le retour d’un peuple à fa liberté, la régénération
de fa conftitution doivent porter, dans
toutes les branches de l’adminiftration , un effet
falutaire.
Les vices 8c les abus q u i, défendus par l ’intrigue
8c par un long ufage, ont oppofé juf-
qu’ici une réfiftance invincible à tous les efforts,
tomberont fans réfiftance devant l’efprit national
, quand il fe montrera éclairé par l’ expérience
8c la raifon. C ’eft alors que les braves militaires,
animés de l’efprit public , accorderont à une
bonne conftitution de la force publique , l’en-
thoufiafme 8c le dévouement qu’ils portent dans
les combats.
TROISIÈME
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T R O I S I È M E P A R T I E .
P A R T I E S Y S T É M A T I Q U E .
C ’eft pour la France qu’il faut écrire, c’eft:
au milieu des circonftances qui nous environnent
qu’il faut parler.
La force publique doit avoir pour objet de
pourvoir à la fureté commune de la nation, contre
les troubles 8c les défordres du dedans 8c contre
les ennemis du dehors.
Si toutes les a«tres grandes nations de l’Europe,
n a voient pas des armées régulières 8c permanentes,
fi la guerre n’étoit pas un a r t , fi la-
France n étoit qu’un petit pays qui eût toutes fes
frontières fous fa main > s’ il n’y avoit en France
ni richeffes, ni luxe, ni commerce, ni fciences,
ni arts, la force publique y feroit très-aifée 8c
très-fimp’.e à conftituer.
Mais des données toutes différentes foit dans
les proportions, foit dans les intérêts, foit dans
Us circonftances rendent la conftitution de la
force publique de la France, bien autrement
compliquée 8c difficile à établir.
Un rang , des droits , une dignité nationale à
maintenir , parmi de grandes puiffances fortement
armées, jaîoufes injuftement irritées, des
frontières 8c des côtes d’urù immenfe développement,
des colonies lointaines à conferver, des
rapports politiques à entretenir, voilà ce qui
doit entrer dans la combinaifon de la forcé publique
pour le dehors.
Toutes les parties d’un grand pays, plufieurs
peuples conquis 8c réunis, les reftes d’ un efprit
inquiet 8c remuant, une vafte adminiftration à
contenir dans l’ordre 8c l’harmonie néceffaires ;
toutes les lois à faire re fp e â e r , toutes les
propriétés à garantir, toutes les libertés individuelles
à protéger; une conftitution naiffante à
fortifier 8c à défendre long-tems contre des
préjuges , des reffentimens 8c même des entreprîtes:
voilà les confédérations qui doivent influer
fur la combinaifon de la force publicue pour le
dedans. ?
, Avec des objets aufli multipliés, aufli variés 8c
dont quelques-uns même impliquent contradiction
entr’eux, cette force publique doit être
compofée d’élémens qui puiffent tellement fe
combiner 8c fe féparer, que la force pour le
dedans alimente en partie celle pour le dehors,
Sue 1 autre partie foit elle-même alimentée, par
celle deftinée à combattre les ennemis de l’extérieur,
8c que toutes trois concourent à la
fureté 8c à la tranquillité intérieure 8c extérieu
re ..,* . C ’eft à la faite de ces obfervations
Arc Milit. Tome IV .
F O R 4:9
que fe préfente très-naturellement la foïution
de plufieurs intéreffans problèmes. Nous allons
taclier , finon de les réfoudre de la manière la
plus fatisfaifante , au moins de donner des idées
qui phiffent en rendre la foïution plus' fûre &
plus facile.
$. I * .'
Faut-il dans une république telle que la France avoir
pendant la paix des troupes continuellement foldées
& fur pied.
Pour une nation qui ne penfe qu’ à fe garder
elle-même 8c qui ne veut point conquérir, une
armée continuellement fur pied eft un fardeau
aufli inutile que pénible 8c dangereux ; fon feul
poids détruiroit une partie des bons effets de la
liberté, lors même qu’à la longue il ne devroit
pas l’affervir. Il eft donc important pour tout
peuple qui veut être libre de ne point s’en Jaiffer
impofer à ce fujet par d'adroits 8c impudens
fophifmes.
A entendre les fuppôts de la tyrannie, fans
une armée fur pied, un pays peuplé de plus d e ’
trente millions d'habitans, feroit fans défenfe
contre des puiffances continuellement armées-. On
ne peut apprendre félon eux la difcipline militaire
que dans l ’oifîveté 8c la corruption des garnirons
8c des cazernes, 8c le courage même ne:
peut fe trouver que dans les foi lats formés félon
les ordonnances, les lois 8c les intérêts du
.defpotifme.
Oh ! combien font aftucieufes 8c perfides ces
affermons avec lefquelles on a trompé de nos
jours tous les peuples fur l’organifation de la
^ force publique.
En 1647, l’armée du parlement d’Angleterre,
après avoir courageufement défendu la liberté
durant plufieurs années, devint l’inftrument de
rafteryiffement le plus haïffable fous un tyran
militaire.
Les milices nationales elles-mêmes trop long-
tems retenues hors de leurs foyers, perdroient
bientôt de vue la vie domeftique, de citoyens
libres elles deviendroient de pures machines,
des foldats efclayes de leur paie 8e de la faveur
de quelques chefs. Alors fer vilement fouraifes
au commandement, on leur perfuaderoit avec
facilite : qu un foldat n a plus le droit de juger par
lui-même ; c’eft ainfi que des citoyens comme des
fatellites k s plus aveugles fe perfiraderoient
enfuite qu’un foldat doit fervir fans examiner
l’injuftice ou la juftice de la guerre ; c’eft ainfi qu'ils
fe foumettroient à cette obéiffance psffive - &
aéïive en même tems , qui fait du foldat l'inftru-
1 ment de la tyrannie.
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