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n3être pas loué eft une infamie devant les hommes.
La mé.iifance devient un grand fcandale
quand elle eft faite contre les chefs. Cette per-
fonne de qui vous médifez , eft peut-être votre
ami qui s’eft confié à vous , & dont vous abu-
fez de la confiance pour le décrier. Voudriez-vous
vous excufer, parce que les fautes dont vous parlez
font connues de tout le monde ? Eh ! que favez-vous
fi ces fautes ne font pas des impoftures qu'on attribue
aux perfonnes dont vous parlez? Il eft tant
de faux rapports fur lefquels il ne faut jamais
compter 3 & qui cependant paffent pour vrais !
N'avez-vous jamais éprouvé là-deffus l'injuftice
des hommes ? Que favez-vous fi ce n’eft pas un
curieux 3 un jaloux , un ennemi 3 un concurrent
qui fait courir de faux bruits pour traverfer cette
perfonne dont il brigue le polie ? Que favez-vous
fi ce n'eft point un imprudent qui 3 pour avoir
lâché une parole, a donné fondement à cette mé-
difance ? Ces exemples' ne font-ils pas de tous
les tems , de tous les lieux 3 de toutes les perfonnes
? C’ eft donc une imprudence, de juger de
la réputation des autres fur le rapport de quelques
bouches malignes qui ont commencé à le décrier
fans fujet.
Peut-être ce que Ton avoit dit jufque-là de
certaines perfonnes, n'avoit pas fait beaucoup de
mal à leur réputation, parce que les gens qui
l'avoient publié, ne méritoient pas qu'on y ajoutât
fo i 5 mais vous, qui avez plus de poids & plus
de crédit, quand vous en parlez on vous c ro it,
& vous ne laiffez plus douter des faits qui sӎ-
toient répandus. N'êtes-vous donc pas bien injufte,
& par le mal que vous faites , & par le bien que
vous refufez de faire ? On vous eût cru fi vous
euffiez parlé en faveur de cet homme, & on vous
auroit cité pour excufer fes défauts, comme l’on
vous cite pour l’avoir noirci.
Voulez-vous avoir une idéejufte du vice affreux
de la médifance , écoutez le fameux Maflillon. « La
langue médifante, d it-il, eft un feu dévorant
qui flétrit les fleurs les plus belles, qui exerce fes
fureurs impitoyables fur le grain comme fur la
paille , fur l’efprit comme fur le corps, qui se
gliffe jufque dans les entrailles de la terre , pour
y déterrer ce qui eft mort au fouvenir des nations 5
qui va chercher dans de viles cendres renfermées
fous les horreurs du tombeau, de légers défauts
déjà pardonnés, que le tems a fait oublier, &
q u i, par les couleurs qu’il leur donne, les fait
paroître plus préfens que dans le tems que ces
hommes vivoient ; qui noircit ce qu’il ne peut
confirmer , & qui-fait brûler avant que de luire ,
de peur que l’on ne fe garantiffe de fes flammes.
La médifance eft un, orgueil fecret, q u i, faifant
des talens des autres l’objèt de fes cenlures, porte
un coup mortel à leur réputation. C ’ eft une haine
d’autant plus noire, qu’elle, ne fe déclare pas
ouvertement ; une perfidie indigne qui loue en
préfence & blâme en fecretj une barbarie de fan g-
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froid qui ne peut jamais trouver fon excufe. Ce
vice défunit les fociétés, alume les guerres dans
les monarchies, jette le trouble dans les républiques,
fème la difcorde dans les familles, arme
l’ami contre l’ami } c’ eft le crime des princes
comme de la populace, des perfonnes groffières
comme des hommes de la dernière politeffej enfin
, la langue du médifant eft pleine d’ un venin
mortel J fes traits font toujours empoifonnés, fes
paroles tuent 8c fon filence bleffe. »
Après cette peinture fi vraie & fi effrayante de
la médifance , quel eft le militaire raifonnable qui
ne fentira pas combien il eft effentiel d’éloigner
des hommes de guerre ce vice abominable, fi
nuifible dans toute efpèce de fociété, mais bien
davantage encore parmi des hommes qui ont un fi
grand befoin d'indulgence, de compaflion , d’humanité
5 qui doivent fe faire mutuellement tout à
tous, fe pardonner leurs défauts, excufer & diminuer
leurs fautes au lieu de les aggraver ; fe louer
avec franchife de leurs bonnes & de leurs belles
a étions, s’encourager au lieu de s’intimider, &
q u i, deftinés la plupart, où à ne paroître qu’ un
inftant fur la terre, ou à y refter trop fouvent
bleffés, eftropiés ou fouffrans, ont continuellement
befoin d’ être foutenus ou confolés ?
O vous donc qui ayez fait le facrifice de votre
vie pour la défenfe de votre patrie, fouvenez-
vous que rien ne peut vous autorifer à ternir la
réputation de votre camarade ! fouvenez - vous
que le véritable zèle cherche , non pas la honte,
mais la gloire de fon femblabîe, & que la médifance
, loin de le corriger , eft toujours nuifible
à fa réputation ! Corrigez-le donc par vos exemples
& non par vos cenfures.
MÉLANGE DES ARMES. Sans entrer dans de
grandes difcnffions fur les avantages que l’on doit
retirer du mélange des armes dans les combats,
nous nous bornerons à nous appuyer de l’hiftoire,
& à citer une grande quantité d’occafions où ce
mélange a affuré la victoire aux généraux.
La bataille de Mantinée prouve l’avantage
qu’ il y a à'entremêler la cavalerie avec des pelotons
de troupes légères. On doit fe fervir de ce
moyen quand la cavalerie eft moins forte que celle
de l’ennemi j deux armes inégales, jointes en-
femble , redoublent de force , de confiance &
d’émulation.
La bataille de Pharfale eft un des exemples le
plus favorable au mélange des armes. Pompée
avoit fept mille hommes de cavalerie j Céfar n’en
avôit que mille, qui ne furent pas battus, par la
précaution que prit ce général, de former un
corps d’élite d’infanterie qui devoir avancer pour
foutenir la cavalerie auffitot que celle de l’ennemi
l ’attaqueroit : Céfar avoit appris ce moyen
des Gaulois.
Guftave-Adolphe plaçoit fes efcadrons à dix-
huit ou vingt pas de diftahce les. uns des autres >
pour
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pour pouvoir y entremêler des pelotons d’ infante-
rïê j ce qu’il pratiqua toujours avec fuccès. •
Ainfi , a la bataille de Leipfick , il fuppléVaux
défauts des chevaux fuédois, qui n'étoient ni
affez hauts ni affez forts pour foutenir feuls le
choc des chevaux des cuiraffiers de l’empereur ,
en mêlant des. pelotons de moufqüetaires , q u i,
n’ayant jamais tiré qu’à bout portant, déconcertèrent
tellement la cavalerie impériale, qu’elle
recula & porta le trouble dans l’armée de l’empereur..
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A la bataille de Lutzen . Guftave employa les
mêmes moyens, qui lui affurèrent la viétoire.
Une des principales caufes de la défaite de la
cavalerie françaife à la .bataille de Pavie , fut la
précaution prife par Pefcaire, d’entremêlër fa
cavalerie allemande d’ un grand nombre de fan-
taffms efpagnols,' armés de pefans moufquets dont
on fe fervoit alors : cette méthode nouvelle fur-
prit les Français 3 8c rendit leur déroute générale.
.
A la bataille de Cerifoles , comme la gendarmerie
du comte d’Anguien étoit peu nombreufe,
on tira , des différées corps de l'infanterie, fept
ou huit cents arquebufiers choifis, qu’on mit à la
tête, 8c dont l’objet fut de foutenir la cavalerie.
■ •. •
A la bataille des Dunes, M. de Turenne plaça
quatre efcadrons de gendarmes derrière fa première
ligne, pour foutenir l’infanterie du corps
de bataille. , • .
Au combat d’Einsheim, ce général mit cinq
efcadrons entre fes deux lignes pour foutenir l’infanterie,
& entremêla les efcadrons de pelotons
d’infanterie. . : . : .
A la bataille d’Hofchtet , le maréchal de Tal-
lard, après que fa cavalerie eut été repouffée
deux fois, ayant imaginé que, pour la faire agir
avantageufement, il falloir la foutenir par le feu
de l’infanterie , fit avancer deux brigades, les.
entrelaça dans les efcadrons, ôc ramena fa cavalerie
au combat. Ges huit bataillons commencèrent
à faire, feu par portion de bataillon $ la cavalerie
, ainfi fécondée , culbuta la première ligne
des efcadrons de Marlborough ; mais en ayant
trouvé une fécondé 8c une troifième, elle fe rebuta
& lâcha le pied.
..A la bataille; d’Almanza , gagnée le avril
1707, deux fois la cavalerie de notre droite enfonça
celle des ennemis , mais deux fois elle fut
obligée dfe.fe retirer, & deux fois celle de l’ennemi
fe rallia, parce que le marquis de las Minas,
général portugais, avoit entremêlé fes armes par
gros, corps.
Toute troupe qui n’ eft pas foutenue, eft une
troupe battue : il faut dope foutenir l’infanterie,
avec de la cavalerie , & réciproquement. • C ’eft
pour cette raifon que M. de Saxe propofe de
mettre, entre les lignes de cavalerie , des bataillons
carrés, derrière lefquels la cavalerie puiffe fe
Art Milii, Suppl. Tom. IV ,
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rallier. On a appris du roi de Truffe à placer des
coJonn.es d’infanterie fur le flanc de la cavalerie
des ailes,, foit afin de fortifier la cavalerie , foie
pour mettre à Tabri le corps de bataille de l ’infanterie,
dans le cas de la défaite de la cavalerie.
MÉMOIRES. On diftingué deux efpèces d'écrits
dans notre Vocabulaire , portant le nom de
mémoires. Les uns font faits pour demander quelques
grâces, 8c les autres pour conferver ou pour-
donner des infini étions fur quelqu’objet militaire.
§. Ier-
Des mémoires-pour demander des grâces.
Un. militaire qui veut demander quelque grâce,
eft obligé d’adreffer un mémoire dans la forme
fuivante :
La feuille de grand papier fur laquelle(on écrit:,
j le mémoire, .doit être divifée en deux colonnes :
on met d’âbôrd au haut de-la page, 8c fur la colonne
de. gauche, les mots infanterie, cavalerie >
dragons , & c . & v is -à -v is , fur la colonne, dè
; droite , le nom du régiment ou de la place; au
: défions, & dans.le milieu de la feuille, on écrit
|l|objet du mémoire j au deffous, & fur la colonne
de gauche, on met fon nom, fon furnom, fon
\âge , fon grade & fes fervices ; vis-à-vis , 8c fuf
la colonne de droite, les motifs de fa demande i
on ligne au deffous de cette dernière colonne * 8c fi op n’eft pas actuellement attaché à un fer-
vice , on indique fa demeure.
. - Si la demande eft faite par un officier fubal-
terne, il remet fon mémoire au commandant de
la compagnie , qui le remet au commandant du
corps , & celui-ci à l’infpeéteur, qui l’adreffe au
miniftre : tous ces officiers mettent fur le mémoire-
leurs obfervations, qu’ils lignent. Tout officier ,
de quelque grade qu’il foit, fuit la même règle .,
en remontant de grade en .grade.
Les officiers , retirés font parvenir leurs mémoires
au miniftre de la guerre, par l’officier-général
commandant la divifion.
On doit obfêrver que le mot grâce 3 dans l’état
militaire,- eft un mot générique, fous lequel on
comprend toutes les demandes qu’un militaire eft
dans le cas de faire.
En obligeant les officiers à dreffer eux-mêmes
ou à faire dreffer .en leur nom les mémoires pour
lefquels ils demandent des grâces, on met ceux
qui ont beaucoup d’âmour-propre dans le cas d’étaler
leurs fervices avec trop de complaifance , &
ceux qui font naturellement modeftes, dans la
pénible obligation de parler d’eux d’ une manière
avantageufe.
En exigeant des mémoires pour toutes les demandes
que l’on a a faire, on furcharge les inf-
Ipeéteuïs de papiers .inutiles, & les chefs des bureaux
de la guerre de leétures rebutantes : il fau—
droit donc reftreindre les mémoires à ceux pour
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