
On peut encore confidérèr comme des examens
lès théories que les infpe&eurs doivent'fairedors
de leurs revues. Voye\ R e v u e s & T h é o r i e .
Ç’eft beaucoup fans doute que les examens
dont nous venons de parler , c’eft beaucoup que
ces théories -, mais en eft,-ce affez ? c’eft ce que
nous allons examiner dans la fuite de cet article.
Si les mini lires , les généraux & prefque tousles
militaires n’éroïent pas convaincus que la guerre
eft une fcience qui a les principes & fes règles; que
l’experi nce ne fuffit-point aux officiers les plus
fubalterr.es , voyez E x p é r i e n c e ; que l’ignorance
rend toujours l’homme de guerre indocile,
l’ouvent incertain 8c quelquefois timide,-, que
l’ ignorant cenfure plus légèrement , plus haut &
avec plus d’aigreur que l’homme inftruit ; &
enfin qu’ une raifon cultivée eft le plus puiffant
antidote contre la corruption des moeurs , voye^
M oe u r s ; nous aurions prouvé , en commençant
cet article , qu’il eft utile de porter aufli haut
qu’elle peut atteindre l’inftra&ion des officiers
françois ; mais puifque l’on convient affez généralement
de la vérité des propofitions que nous
venons d’avancer, nous nous occuperons uniquement
des moyens faits pour augmenter cette
inftruâion fi défirable , 8c pour la répandre également
dans toutes les clafles de notre militaire.
Il n’y a que deux moyens capables de déterminer
les militaires françois à s’inftruire : la per-
fuafion & la contrainte,
La perfuafion feroit inutile , le paffé l’a prouvé ;
il faut donc recourir à la contrainte.
Avant de faire ulage de ce dernier moyen ,
attendrons-nous que les citoyens aient été reçus
dans„l’état militaire , ou l’emploierons-nous avant
de les y admettre t Une infinité de raifons , que
nous nous difpenferons de rapporter ici , parce
que nous lés'.avons détaillées dans l’article C a p i t
a i n e , démontrent que pour avoir des officiers
inftruits, il faut , que les citoyens aient acquis ,
ayant de recevoir leurs brevets , la théorie de l'art
qu’ils doivent profeffer.
Pour procurer aux jeunes citoyens cette théorie
indifpenfable ,. les raffemblerons - nous dans des
maifons d’éducation , 8c les y retiendrons-nous
jufqu’au moment où, nous les jugerons allez instruits
? Ce moyen coûtereit infiniment cher à
l’état & aux familles, il l’eroit très-compliqué
& ne produiroît certainement pas tout le bien
qu’on en auroit efpéré. Puifque ce moyen n’eft
point admilîible , il f ut ou en imaginer ou en
adopter un autre, qui ne conftitue ni l’ éta t, ni
les citoyens en dépenfes extraordinaires ; qui
»’ exige que le concours de peu de' pérfonnes ;
qui atteigne le but avec facilité , 8c dont la
bonté ait été démontrée par l’expérience.
Après avoir confidéré avec attention les diffé-
*ens moyens dont on gourroit faire ùfage , nous
avons trouvé que la voie des examens eft la feule
praticable j la feule qui n’offre aucune difficulté ,
qui ne préfente aucun inconvénient ; en un mot,
la feule qui conduit au but.
Avant de donner les preuves de cette vérité ,
nous croyons devoir indiquer les objets fur lesquels
les examens devroient rouler -, c’eft- à-dire ,
quélles font les connoifiances nécefTaires à celui
qui fe dèftine à l’état militaire.
Les officiers d’infanterie doivent connoître les
ordonnances militaires relatives au fervice des
troupes dans les places & dans les quartiers ,
ainli que celles qui fixent le fervice de campagne ;
ils ne peuvent ignorer fans crainte les difpofi-
tions du Code Pénal •; ils doivent pofféder les
détails relatifs, tant à l’ inftru&ion du fo-ldat 8c
a Tadminiftration intérieure des compagnies ,
qu’ à celle du corps entier, &c.
Apres ces connoifiances , qui font la bafe de
l’inftruâion des officiers , vient la fcience qu’on
a nommée la Science des Pofie* \ ou mieux encore
la Science de VOfficier particuliers
Tous les officiers doivent connoître la forme,
les proportions & la deftination des divers ouvrages
qui peuvent leur être néceflaires pendant le
cours d’ une campagne -, ils doivent favoir tracer
ces ouvrages, les conftruire , augmenter leurs
forces, les garder, les défendre & les attaquer ;
ils doivent aufli favoir mettre en état de défenfe
une maifon , une églife , un cimetière , un château
, un village , un bourg , une ville ouverte ,
un chemin , une chauffée , une digue , un défilé ,
un ravin , un gué , un débarquement ; augmenter
•1 a force de tous ces objets , les garder , les défendre
8c les attaquer, 8cc. -, marcher en avant &
en retraite , faire une reconnoiffançe militaire ;
conduire , défendre , & attaquer un convoi -, dref-
fer des embulcades à l’ennemi , éviter les fiennes
& lever des contributions.
A cette théorie les officiers de cavalerie doivent
joindre la connoiffance du cheval, de fa confor«
mation 8c de fes maladies.
Telles font à peu de chofes près les çonnoif-
fances qui font néceflaires aux militaires, & par
conféquent tels font les objets fur lefquels les
jeunes citoyens devroient être examinés ; j’ ofe
dire & même affirmer que je n’ai point aggrandi
inutilement le champ que j’ai ouvert devant eux,
& qu’un jeune homme de quatorze à quinze ans
peut à cet âge favoir parcouru avec fruit, fans avoir
négligé le refte des connoifiances qui concourent
à former un citoyen eftimable. Convaincu de la
nécefiité & des avantages des examens , j’avois
propofé au comité militaire de l’ affemblée nationale
de 1789, le travail que je vais tranferire
ici. Il pourra quelque jour être utile.
Perfuadé , difois-je au comité militaire, que
c’eft du bon choix des officiers Sc de leur inftruction
que dépendent, en grande partie , la bonté d’une
conftitution militaire, 8c par conféquent la gloire 8c le faltrt de l’état, car les objets font intimement
liés , je me fuis occupé du remplacement des
officiers de votre armée & des moyens de leur
procurer les connoifiances qui leur font néceflaires.
Je m’éftimerai heureux , fi en vous fourniffant -
quelques matériaux utiles au grand édifice que
vous avez entrepris d’élever , je parviens à vous
convaincre de mon zèle pour la chofe publique ,
de ma fidélité à vos principes , & du défir que j’ai
de rendre votre travail plus court 8c plus facile.
Je n’ aî point balancé un inftant à vous propofer
d’admettre tous les citoyens françois aux emplois
militaires ; vous favez que la valeur, le patriotifme, 8c le refte des qualités néceflaires aux guerriers
ne font uniquement concentrés , ni dans cette
clafle de citoyens que le ha fard a fait naître
de parens qui comptent une longue fuite d’aieux,
ni moins encore dans cette clafle d’hommes que
la fortune a favorifé de fes dons ; éclairé par vos
décrets je vous propoferai donc de confacrer de
nouveau cette vérité éternelle ; Les hommes naijfent
égaux en droits ; 8c ce principe de votre confti-
tution : Tous les citoyens font*également adittif-
Jîbles aux dignités , places ù emplois publics , fans
aucune dijlinclion que celle des talens & des vertus.
Ces premiers points ont été faciles , mais j’ai
rencontré des difficultés afiez grandes dès le
moment où j’ai voulu mettre à exécution la
fécondé partie de ce dernier décret.
La profeifion militaire, telle qu’ elle eft aujourd’hui
, exige, vous le l’avez meilleurs , que
tous ceux qui l’embraffent s’y livrent de bonne
heure , afin qu’ils puiffent , pendant qu’ils font
encore dans la force de l’âge , arriver aux emplois
pénibles qu’ils doivent remplir. Ma tâche
confiftoit donc à fournir aux examinateurs le
moyen de reconnoître parmi les jeunes citoyens
qui fe propoferont d’entrer dans l’armée- , en
qualité d’officiers , ceux qui réuniront le plus
de talens & de vertus militaires , ou plutôt, car
il eft impollible que cette réunion foit bien
marquée dans de jeunes adoîefcents , de faire
reconnoître ceux qui donneront les efpérances
- les mieux fondées à cette réunion. J’ ai penfé
que des examens fur toutës les branches des
connoifiances néceflaires à des officiers françois ,
donneront au pouvoir exécutif le moyen de faire
avec facilité cette diftinélion néceffaire. J’ ai été
conduit à ce refultat par des obfervations bien
fimplcs , j’ ai vu que les deux corps de votre
armée qui jouifient, dans l’Europe, de la re-
tiommce, la plus grande & la mieux méritée ,
font fournis aux examens pour le choix de. leurs
officiers, 8c l’on convient généralement que c’eft
aux examens qu’ils doivent une grande partie de
leurs connoifiances. Puifque les examens ont
produit ces effets heureux dans les corgs du génie
8c de l’artillerie, ils les produifent encore dans
l’infanterie & les troupes à cheval, car des mêmes
caufes n ai fient prelque toujours les mêmes
effets.
La fécondé obfervation qui m’ a conduit a vous
propofer d’adopter les examens pour l’infanterie 8c les troupes à cheval , c’eft que je n’ai vu
aucun autre moyen qui.foit vraiment conftiru-
tionnel, aucun autre moyen qui puifie écarter
l’arbitraire dans le choix des officiers, aucun
autre moyen qui affure à vos troupes des officiers
inftruits , aucun autre moyen capable d’écarter
de ces emplois importants tous les hommes qui
n’auront d’autre titres pour les remplir que leur
ambition ou leur nom.
La dernière obfervation qui m’ a conduit a
vous propofer les examens, c’ eft que j’ai reconnu,
ainfi que j’efpère vous le prouver, que ce moyen
ne fera dil’pendieux ni pour l’état ni pour les
citoyens, qu’ il éft d’ une grande {implicite, d’une
exécution très-facile 8c qu’il n’ offre aucun inconvénient
réel.
Il a été un temps, meffieurs , où j’aurois dû
chercher à m’ex eu fer du foin que je prends de
répandre dans l'armée un grand faifeeau de
lumières -, mais devant l’affemblëe des repré-
fentans d’une nation illuftree par fes connoif-
fances , mais dans le fiècle de la philofophie 8c
de la liberté, on ne craint & on ne peut craindre
que le manque de lumières. Il eft d’ailleurs certain
que la guerre étant une fcience difficile qui a fes
principes & fes règles , ne peut être trop tôt &
trop profondément étudiée ; il eft certain que
l’expérience ne fuffit point toujours aux militaires
même les plus lubalternes , que fes leçons font
quelquefois incertaines ou fairffes; fouvent cou-
teufes pour celui qui les reçoit, fouvent funeftes
à l’état 8c prefque toujours tardives... Il eft
encore indubitable que c’eft l’ignorance qui rend
prefque toujours l ’homme de guerre indocile ,
qui le rend fouvent incertain 8c quelquefois
timide ; il eft inconteftable que c’eft l’ ignorant
qui cenfure fes généraux 8c fes chefs le plus
légèrement, le plus haut & avec le plus d’aigreur ; 8c qu’une raifon cultivée eft le plus puiffant antidote
contre la corruption des moeurs.
Mais l'objection dp trop de lumières ne fera
point celle à laquelle on s’arrêtera ; on dira au
contraire que les examens n’ en produiront qu’une
quantité bien foible, 8c prefque nulle. Les jeunes
citoyens, dira-t-on , fe borneront Tans doute à
apprendre par coeiir les objets fur lefquels ils devront
être examinés, ainfi ils ne feront point
réellement plus inftruits après l’établiffement des
examens qu’ils ne le font aujourd’hui.
Nous ne lavons point aufii-bien ce que nous
avons appris de mémoire feulement , que ce qui
eft entre dans notre efprit par la voie de la
! réflexion ; niais ne vaut-il pas mieux favoir ainfi