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.defquels cette fécondé ligne , dans le cas où
1 ennemi eut tourné les ailes, devoir s’ouvrir
du centre vers les aîles, pour former un quarré
long a centre_vide , & oppofer un front à l'en-,
nemi jur chaque point attaqué. Les différentes j
manoeuvres des deux corps de cavalerie qui ■
étoient en avant de la droite f celles de l'infanterie
légère qui les foutenoit > les mouvemens
de la cavalerie commandée par Alexandre pour {
Je former en ordre de marche & entrer dans les !
intervalles de la ligne ennemie ; les agirafpides
fe formant en colonne , pénétrant auffi dans la ■
ligne, & manoeuvrant enfuice pour plier cette |
ligne fur elle-même , en la combattant de la î
droite au centre 5 les manoeuvres de la caya- i
lerie d elà gauche venant fe rallier derrière les!
Theffaliens ; celles de la fécondé ligne "marchant ■
pour prendre à dos les Perfes qui avoient pénétré
jufqu’au camp > le mélange favant des troupes
légères avec la cavalerie 5 tout enfin pré- '
Tente dans cette a&ion, 8c fous un feul coup
d oe i l , 1 application des plus grands principes
de 1 art des batailles.
Sans doute Alexandre dut en partie un fuc-
cès aufli complet aux fautes de Darius, à fes •
troupes fans reffort, fans difeipline, fans inf-
tru&ion , a fa manière de fe former , de combattre
, 8cc. Peut-être auffi commit-il lui-même
une faute, en n’affurant pas davantage fa gauche.
Mais l’art de manoeuvrer devant l’ennemi
pour lui donner le change, pour le dépaffer en-
fuite brufquemeht par une grande évolution, &
embrafler Ion flanc par la formation même de
l’ordrerde bataille , Alexandre feul le créa à:
Arbelles , & il laifîa aux généraux de tous les
tems & de tous^ les peuples de grandes leçons
dans l’art de préparer une bataille, & furtout
de la livrer avec des troupes allez marioeuvrières
pour leur faire prendre, à fon gré & fuivant les
circonftances , toutes les formes & toutes les
polirions les plus avantageufes pour s’alfurer la
viéioire.
Après ces détails , il feroit affez difficile de
douter des progrès qu’avoit faits alors la feiènee
de la guerre ; cependant nous ne faurions nous
empêcher d’en donner encore quelques nouvelles ’
preuves.
Passage et bataille de l’Hydaspe. V Ie.
d isposition. Alexandre venoit de traverfer l'In
dus, & avoit reçu dans fon alliance quelques
rois de ces contrées , il fe décida à s’approcher
des bords de l’Hydafpe., où il favoit Porus carn-
pé pour en défendre le palfage. Mais ici Alexan
dre n’a voit plus à fe mefurer avec des monarques >
efféminés , arrachés de leurs palais par la nêcef-
fité de fe défendre j il avoit à combattre un
prince valeureux , réfolu de conferver fes Etats
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ÔU de mourir les armes à la main ; auffi , en arrivant
fur les bords de l’Hydafpe , reconnut-il
les précautions d’un homme dé guerre pour lui
empêcher de palier le fleuve, 8c fut-il obligé
de prendre des moyens plus favans pour tromp
e r , combattre & vaincre Porus.
En e ffet, combien Alexandre n’employa-t-il
pas de fimulacres, de marches faufTes & trompe
ufes , pour donner, le change à Porus $ en même
tems quelle fagacité à faifir le feul endroit où
1 on pouvoir paffer le fleuve, & faire les préparatifs
neceflaires pour ce paffage, fans être ap-
perçu ni inquiété par l’ennemi. Bientôt le moment
de l’exécution eft arrivé : de faux prépa-
ratifs, exécutés en préfence de Porus , doivent
1 inquiéter, ou au moins le laiffer dans l’incer-
titude j mais Alexandre a déjà paffé l ’H ydafpe,
déjà il a pris des de vans avec fa cavalerie, 8c
après avoir renverfé un corps ennemi qui étoit
venu à fa rencontre, il s’eft trouvé en préfence
de 1 armee de Porus , & bientôt après ,elle à été
complètement mife en fuite. Mais ces efpèces
i de prodiges, le héros macédonien les dut tous
a fon genie militaire. On ne peut s’empêcher
d admirer fa marche hardie à la tête de fa cavalerie,
après avoir paffé l'Hydafpe : arrivé d e vant
1 armée de Porus , il falloir lui en impofer
de manière a s affurer la victoire , en donnant
le-tems a l’ infanterie macédonienne de le joindre.
Dès - lors Alexandre envoie une partie
de fa cavalerie fe mettre en bataille devant
celle de la droite de Porus ; devant celle de la
gauche , il forme fes archers à cheval, derrière
lefquels il place une partie des archers à pied ,
auxquels il appuie obliquement ce qui lui refte
de cavalerie 8c d archers a pied , cette ligne
s allongeant fur un petit revers qui la déroboit
à l’ennemi.
Alexandre prenoit une -difpofïtion auffi favante
& câchoit ainfî à l’eT nemi fes forces & tous fes
projets. Sa phalange arrive en colonne 5 il l’ arrê
te , lui ordonne de fe repofer & de fe former
pour attaquer 1 ennemi au moment où il fera
ébranlé. Dè;-lors il fait commencer l'attaque par
fa cavalerie de la droite & de la gauche , & il
marche par le fl me avec fes efeadrons , pour
depaüer 1 ennemi ; ainfî par- des moyens auffi
fubiimes de manoeuvres 8c de radique, Alexandre
s’affure la vi&oire J & laifTe à tous les généraux
des prim ipes pour combattre en oblique.
P yrrhus.^ Alexandre' en mourant avoit Iaiffé
de grands généraux 5 ils fe partagèrent fes conquêtes,
& fè firent mutuellement la guerre pour
foutenir ; leurs différentes prétentions. Pyrrhus
s étoit forme fous eux, il avoir donné des preuves
de fa valeur & de fon intelligence à la bataille
d’ ipfus i 8c depuis, Annibal , fi excellent
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juge en fait de mérite militaire, avoif pris Pyrrhus
pour modèle , il le regardoit comme le
plus grand de tous les capitaines* & le mettoit
même au-deffus d’Alexandre. En effet, Pyrrhus
en adoptant l ’ordre en phalange , en avoit perfectionné
les déploiemens, des doublemens &
les dédoublemens des files.* & s’étoit mis par
ce moyen bien plus à même d’en tirer parti dans
tous lcs terreins & toutes les circonftances. Il
s’étoit appliqué au grand art de ranger une armée
en bataille, & il avoit joint à ces connoif-
fances celles des rufes & des ftratagêmes de
guerre. Il remporta plufîeurs vi&oires toujours
çontre d’excellens généraux 8c des troupes exér-
cées , endurcies aux fatigues & très-braves. S’ il
avoit eu moins d’inquiétude dans l’ efprit & plus
de fuite dans fes projets , il fe feroit fait une
grande puiffance 8c une bien plus grande réputation.
Philopemen.— Sous ce grand homme, appelé
le dernier des Grecs, >a fcience des évolutions
& des marches fut portée dans la Grèce à fon
plus grand point de perf-Ction. Dans le Tpe&a.cle
d’une revue générale donnée par ce grand officier
à la Grèce afllmblée, il fit admirer des
évolutions dont jufqu’alors on n’avoit point
d’idées > les mouvemens des corps entiers dans
tous les fens s’y firent avec autant de célérité 8c
de jufteffe que ceux d’ un fimple cavalier j toute
fa vie Philopemen avoit étudié cette partie fi
effentielle qu’ il perfectionna. Dans fes promenades
, ou en chaffant, il fe plaifoit à coafidé-
rer le local fous tous les différens points de vue,
& il s’ arrêtoit fouvent dans les polirions qui lui
paroilfoient fîngulières , afin de' difeuter comment'il
devoit arranger ou conduire une troupe,
dans le cas où il auroit à fe défendre, à attaquer
, ou à faire retraite dans ces lieux difficiles.
Dans aucune de ces combinaifons , il eft v rai,
cet habile homme ne fe fuppofoit à la tête d’une
armée de quatre-vingt mille combattans , de cent
mille commis , vivandiers ou valets, de cinq
cents machines de guerre 8c de deux cents mille chevaux
de monture , de charge ou de trait. Philopemen
avoit arrêté fes idées: fur une armée
formée pour la guerre & les combats j étant
général, il tenoit à honneur'de pouvoir marcher
beaucoup à pied , , de coucher au bivac , de
manger du pain de munition , enfin de montrer
l’exemple aux officiers & aux foldats-, de foute-
qir la fat:g,ue & de chérir les? conno: fiances militait
es j de-là, cette facilité fi précieufe de
pouvoir donner à une armée,Toit dans- la marche
, foit dans la bataille , foit dans la retraite ,
foit dans le camp , la meilleure forme analogue
au terreih. On croit important d’en donner un
exemple bien frappant & bien inftru&cif dans la
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bataille livrée par Philopemen à Mécanidas dans
les plaines de Mantinée 5 aucune , depuis, n’a
offert peut-être des manoeuvres plus" lavantes ,
ni en plus grand nombre j aucune ne peut mieux
fervir à prouver le point précis des progës de
la fcience militaire chez les Grecs.
Au premier avis de la marche de Mécanidas ,
Philopemen vient fe ranger en bataille fur un
terrêin dont il avoit fait choix depuis long-
tems pour y attendre l’ennemi. U y avoit devant
la ville de Mantinée une large plaine, terminée
des deux côtes par des montagnes. Du pied
de celle qui étoit au couchant, il fortoir un ravin
plein d’eau en hiver & fec en é t é , lequel
traverfoit la plaine jufqu’aux hauteurs qui étoient
à l ’orient j les pentes de ce ravin étoient fort
douces , 8c le ravin lui-même n’éroit pas ap-
perçu, à moins d’ en être tiès-près. Philopemen
vint occuper fes bords , & s’y mettre en bataille.
Seconde bataille de Mantinée.— L ’a&ion
ne tarda pas à s’engager, & Philopemen après avoir
déployé toutes les refiources de l’a r t , de fa
préfence d’efprit, de fon génie, & après avoir
tué de fa propre main le général lacédémonien ,
remporta la viétoire la plus complette.
Dans cette bataille, qui furpaffe en i; ftruc-
tion & en fcience la première de Mantinée,
le général Achéen développa toutes les reflources
de la fcience fi difficile* de la tadtique, qui eft
une des principales parties de la fcience de la
guerre. Cette adlion^ il,è ft v rai, ne fuc précédée
ni de marches bien favantes, ni de cam-
pemens bien difficiles ; mais c’étoit déjà beaucoup
de la part du général Achéen d’avoir forcé
Mécanidas à venir l’attaquer , dans une pofi-
t on dont il connoiffoic tous les-avantages, &
dont il avoit calculé toutes les reflources. En
e ffe t, voyez Philopemen à la nouvelle de la
i marche de Mécanidas, fortir de Mantinée fur
trois colonnes avec des troupes bien repofées t
arriver fur le terrein après une marche très-
courte & s’y mettre en bataille 5 on diroit d’une
troupe qui fort de fes quart ers pour faire un
| exercice. Examinez enfuite les difpofitîons de
i ce général, cette manière fi nouvelle & fi
favante de ranger fa phalange fur deux lignes
i par ferions en échiquier ; cette partie de fon
’] armée étoit-elie attaquée par la phalange lacé-
j démon enné , . là fécondé ligne marchoit en
avant , re.npliflfoit les interva les , & le centre
fe trouvoit dans un ordre égal en force à celui
des ennemis. Gette partie au contraire n’étoit-
elle pas attaquée à caufe-du ravin qui fe trou-
1 voit devant elle 5 alors le général avoit fa fécondé
! ligne à fa difpofition, foit pour renforcer fes
1 ailes, foit pour les remplacer. Quel avantage'