
gation eft impraticable dans cet endroit j ces montagnes
y forment trois cataractes , dont la plus
fo r te , celle à?Alata3 a bien quarante pieds de
chute : elles portent le nom à*Ire-le-Tégêa 3 & réparent
le Sennaar de YHabefck au fud. Au fud-eft
les frontières refpedtives de ces deux Etats fe retrouvent
à onze journées de Gondar & à quinze
de Sennaar. Ainfi quatre-vingt-deux jours de mar- .
che fur les bords du Nil conduifent les voyageurs
de Sienne à la capitale de l’Habefch.
De l'Habefch ou Abifinie.
L ’Habefch, dans fes plus grandes dimenfions,
s’étend entre le & le 15e. degré de latitude, &
entre le yo*. & le 58e. de longitude. Sa furface
peut être évaluée à dix mille lieues carrées.
. Douze provinces compofent ce royaume : leurs
productions & leurs températures varient comme
leurs lïtes. Le pays eft-montueux & fort élevé au
deffus du niveau de la mer 3 outre cela il eft couvert
de forêts : quatre-vingts rivières & ruiffeaux
çonnus l’arrofent dans toutes fes parties.
La chaleur, dans certaines vallées, eft prefque
infuppoitable, & dans d’autres endroits elle fur-
aire à peine celle des provinces méridionales de
Europe, & en général on peut dire qu’ elle eft
inférieure à celle qu’ on éprouve dans le Sennaar.
Quoique plus rapproché de la ligne, l’Habefch
eft plus habitable que ce dernier royaume. La
faifon des pluies fuccède à celle de l’été & des
chaleurs ; elle commence en avril & finit en fep-
tembre j elle eft accompagnée, pendant une durée
de fîx mois, de tonnerre 8c de tempêtes5 dans
les fîx autres mois le cie le ft fans nuages : pour
lors les jours font fort chauds & les nuits font
froides. Pendant les trois premiers mois de l’été,
des maladies nombreufes & aiguës affligent les
habirans : les exhalaifons humides parodient en
être les caufes principales.
Les productions principales de ce pays font le
blé, le maïs, l’orge, le r iz , l’eulète & le te ll,
plantes dont les habitans fe font des nourritures
agréables. Outre cela, la canelle, le cardamome,
le gingembre, l’aloé, le féné, la cafte, le tamarin
& plufieurs plantes médicinales^ s’y cultivent
en plus ou moins grande quantité. Les cannes à
lucre y prolpèrent tellement., que ce pays pour-
roit approvifionner l'Europe entière. Le coton 8c
le lin y font très-beaux en général, & l’on peut
préfumer que toutes les plantes des Indes orientales
s’y naturalilèroient très-Eacileoient.
L’encens, les gommes, le fel fbflïle, les émeraudes
fur tout, l’ivoire, le fe r , & l’or que les
rivières roulent dans leurs eaux, y font allez communs
pour en former des objets d’exportation.
De gras & d ’itrnuenfes pâturages «otmiftent.de
nombreux troupeaux de boeufs & de moutons.
Les chevaux y font vigoureux & beaux. Les ânes
& les mulets s’y multiplient avec fucces. On y ,
voit des forêts d’orangers, de citronniers & de
grenadiers.
Malgré tous ces grands avantages, cet Etat
éprouve fouyent des famines cruelles : elles font
occalïor.nées par les ravages des fauterelles. On
y entretient le plus grand commerce avec l’Egypte
par les caravanes, & avec l’Arabie parla
voie de Mufnach. On y envoie les marchandifes
déjà nommées à l’article des produCfions, & on
en tire des toiles de coton de Surate, greffes &
fines j du coton en balles, des criftaux, des miroirs
& de vieux cuivres. L’induftrie eft ptefque nulle
dans ce pays. La fabrication des toiles y eft très-
imparfaite : c’eft là cependant que la culture donne
le plus beau lin.
Les Mahométans forment à peu près le quart
des fujets de l’empire j iis s’occupent du commerce,
& c’eft par leur entremife que l’Habefch
trafique avec les Turcsvde Mafnah & des contrées
littorales-de la Mer-Rouge & de l’Arabie.
Les Abiffins font d’une belle taille 5 leur couleur
naturelle eft le brun-foncé j ils n’ont aucun
des traits caraétériftiques des Nègres 1 le nez eft
bien pris,les lèvres font fines, Ôc les yeux grands
& vils.
Depuis le départ des Portugais, le chef-lieu de
l’Habefch eft fixé à Gondar. Nous ajouterons à
cette remarque la mention des deux ports qui appartiennent
a l’Habefch fur les côtes de la Mer-
Rouge. Le plus important eft celui d’Arkecko ou
Mafnah: c’eltune rade fpacieufe où les plus grands
vaiffeaux trouvent un mouillage lur & profond.
Souakem eft le fécond port : il eft fitué fous lô
i9 e.degréde latitude : les Turcs en font maîtres.
La poffeffion de l'Habefch, ou du moins un commerce
foutenu avec ce pays & le Sennaar, en fa-
tisfaifant à cous les befoins de l’Egypte, fuffiroit
non-feulement à rendre l’Egypte, indépendante de
l’Europe, mais encore à muhiplier les objets fur
lefquels cette colonie pourroit établir fa corref-
pondànce la plus lucrative avec la France.
. Je terminerai cet article par une comparaifon
fort intéreffante des contrées fituées aux deux extrémités
de l’Afrique, le Cap de Bonne-Efpérance
d'un côté, & l’Egypte de l’autre.
On a trouvé .depuis peu, aux environs du Cap
de Bonne-Efpérdnce, une rivière qui éft fujète,
comme le N il, à des crues annuelles & périodiques
: c’eft la rivière d‘Orange. En prenant pour
points de comparaifon ces deux fleuves, des voyageurs
inftruits ent faifi une correfpondance très-'
frappante entre plufieurs antres phénomènes fern-
blables.
L’Egypte & la colonie du Cap de Bônne-Efpé--
rance font fituées fous des latitudes égales : elles
ont à peu près la même température, &, outre
cela, la même nature du fol, les mêmes plantes
& les mêmes animaux.
L’Egypte, fans le-Nil, ne feroit qu’un vafte
délèrt réduit à quelques plantes faiines, comme’
celles du grand Karroo, où il pleut auffi rarement. 1
Au moyen des débordemens de Y Orange 3 la
terre fablonneufe des environs du Cap elt auftï
fertile-que celle de l’Egypte.
Les pluies, dans les montagnes de l’Abiffinie,
commencent ordinairement en mai, & font déborder
Je Nil en juin, jufqu’àla fin de feptembre.
Les pluies, dans les grandes montagnes fituées
au-delà de la Cafrerie & des Tambookios, & au
pied defquelles coule la rivière à'Orange 3 que
groffiflènt à fon paffage les ruiffeaux voifins, commencent
en novembre, & produifent des inondations
vers le pays des Ramaques en décembre,
époque qui correfpond aux débordemens du Nil ,
les deux contrées étant fituées à peu près à la
même diftance de l’équateur, mais fur les deux
côtés oppofés, c’eft-à-dire, dans deux zones cor-
refponàantes. On a remarqué, fur les femmes
égyptiennes, la même conformation qui a lieu
cheVtoutes les femmes des Hottentots.
Le fingulier animal nommé caméléopard ( la girafe
) , paffe pour habiter l'Ethiopie, plus près de .
la ligne que l’Egypte, & on le retrouve dans les ;
parties méridionales du même continent, au-delà
du cours de Y Orange 3 qui s’approche auffi plus
près de la ligné qu’aucune des parties de la colonie
du Cap.
On pourroit citer d’autres phénomènes corref-
pondans, remarquables dans ces deux contrées,
mais Ce que nous en avons cité nous paroit bien
fuffifant pour établir une, reffemblance frappante
entre les deux extrémités de l’Afrique.
Combien de femblables comparaifons pour-
roient nous offrir des correfpondances auffi inté-
reffantes fur le globe, lefquelles feroient très-
propres à enrichir la géographie-phyfique ? Auffi
ferons-nous très-attentifs à les fainr.
Afrique.. Réflexions fur la conftitution de
fon fol.
Il y a des écrivains qui ont fuppofé que, dans
l’écoulement particulier des mers lors de leur retraite,
l’eau avoir rencontré un grand nombre
d’obftacles, & qu’elle avoit été retenue par les
fommets des différens baffins qui fe trouvoient
tous formés fur le fond qu’elles abandonnoient 3
en forte qu’après la retraite de l’Océan, la plus
grande partie de nos continens, & furtout de
l’Afrique & de l’Afie, n’a dû montrer qu’une multitude
fingulière de lacs & de petites mers particulières
& différemment configurées.
Mais ils n’ont pas décidé fi ces continens font
reftés long-tems en cet état, & fi tous Ces lacs ont
difparu tout de fuite, tous enfemble, ou peu à peu
& féparément. Ils penfenc même que la Nature ,
dans cet état de crife, fe fera fervie de tous et s
moyens pour deffécher entiérémènt nos continens.
Au refte, je penfe que, pour déterminer au jufte
l’exiftence de ces lacs, leurs emplacemens & leurs
defféchemens fucceffifs, comme on a fini pal'le
fuppofer, il au 'oit été néceffaîre d'être înftnms
plus particuliérement que nous ne le fommes lui
toutes les inégalités de la furface de la te rre ,&
furtout fur la difpofition des baffins tërreftres qui
fubfiftent encore au centre de l’Afie, de l’Afrique
&r de l’Amérique, foit ièptentrionale, foit méridionale:
on fauroit àpréfent fi ces baffins, aujourd’hui
defféchés 8c fans aucune communication
avec les mers, ont fubfifté long-tems couverts
d’eau, ou bien s’ils ont été defféchés par des conduits
fouterrains ou par une évaporation lente &
fucceffive.
D’après la defeription que quelques voyageurs
nous ont donnée des contrées intérieures de l’Afrique,
de ces contrées fameufes par les amas de
fables dont elles font encombrées, il fembleroft
qu’en ces endroits les dernières eaux des anciennes
mers auroientété abforbée's dans le fein de la terre.
Cette grande contrée du défer't, appelée aujourd’hui
mer fans eau par les Arabes, à mefure qu’on
la parcourt, offre un fond qui fe creufe plus profondément
en certains endroits 8c fe perd comme
en des abîmes, puis fë relève pour s’abaiffer encore
8c fe perd e dans un autre entonnoir auffi
profond. Ces vaftes trous font en très-grand nombre
: on y voit aboutir de toutes parts de larges
canaux ou ravines, & néanmoins toutes ces inégalités
de la furface de la terre n'offrent que des
déferts fablonneux qui renferment des pétrifica*
tions fans nombre, les plus dignes de la curiofité
des naturalises. S’il en faut croire tous les voyageurs,
qui s’accordent tous à confidérer ces affreux
déferts comme d'es baffins d’anciens, lacs 8c de mers
defféchées, on y rencontre affez fréquemment
des débris de vaiffeaux 8c autres bois foffiles,
Voyei Désert.
A quel tems, à quelle époque peutron rapporter
l’exiftence de ces lacs & leur deffécbement ?
Peut-on croire d’abord que ces lacs aient été formés
à la fuite de la retraite de l’Océan, qui a eu
lieu inconteftablement comme les dépôts foies#
marins abandonnés par lui le prouvent? Peut-on
croire que leur defféchement s’eft opéré lentement
par cette multitude d’entonnoirs qui fe font
ouverts, & à travers lefquels les eaux fe font fait
jour en fe rendant, par des canaux fouterrains,
dans des vallées latérales creufées depuis, & qui
leur avoient préfenté des débouchés faciles.
Nous conno ffons de même les vaftes plaines de
fables dont les baffins intérieurs de l’Afie font
couverts, & même nous y trouvons figurées fur
les cartes de Danville, comme fur celles d’Afri-
qùe par Wilkinfon, les eaux courantes qui s’y
perdent, 8c fe débouchent enfuite par des vallées
latérales qui font au-delà des enceintes de ces baffins.
Voye^ à ce fujet notre article Absorbans,
8c la defeription du plateau de la Tartarie & du
Tkibet dans ce Di&ionnaire & dans l’Atlas.
Il y a grande apparence que toutes ces eaux ont
difparu de ces contrées par l’ouverture latérale