
quelques-unes à la diftance prodigieufe de 46 degrés,
& après un cours de plus de 27 degrés vont
tomber dans ia mer Glaciale , à la latitude de 73
degrés 30 minutes. La feule rivière Yaik, qui prend
fon origine près de la partie méridionale du côté
oriental, prend fa direction au midi, & va fe jeter
dans la mer Cafpienne. La Dwina , la Pec^ora, &
un petit nombre d'autres rivières de la Ru (fie européenne,
démontrent l’inclinaifon de cette partie
: toutes fe rendent dans la mer du Nord,} mais
leur cours, en comparaifon de celui des autres
rivières qui font dans Y A fie, n’eft pas long. Une
autre inclinaifon dirige le Dnieper & le Do« dans
la Mer-Noire, & le large Volga dans la mer Cafpienne.
La .chaîne Altaïque, limite méridionale de YA-
fie, commence à la vafte montagne du Bogdo ,
paffe au ddfus de la fource de Ylrtifch & de YOby;
en fuite elle prend un cours inégal, montueux,
efcarpé , femé de précipices, couvert de neigts,
& riche en minéraux entre l ’irtifch & l’Oby : de
là elle s'avance près du lac de Teteskoi, qui eft
proprement la fource de l’Oby, puis elle fe courbe
pour.embraffer les grandes rivières qui forment
le Jenifei , & font comme enfermées dans ces hautes
montagnes } enfin , fous le nom de Sainnes,
elle continue fans interruption jufqu’au lac Baikal.
Ûne branche s’infinue entre les fources des rivières
Onou 3 higoda & Ickikoi, comprend des montagnes
fort hautes, qui s'étendent au nord-eft, &
leparent ces fources de la rivière d‘Amur, qui
fe décharge à l'eft dans l’empire de la Chine,
après avoir couru depuis la rivière Lena. & le lac
\Baikal.
Une autre branche de la chaîne Altaïque fe
prolonge le long de YOLeçma , traverfe la Lena au
deffous dè Iakoutsk, fe continue le long des
deux rivières fongouska jufqu’au Jenifei, où elle
fe perd dans des plaines garnies de forêts & remplies
de marécages.
La principale chaîne hérïflee de rocs anguleux
,& de pics s'approche des rivages de la mer d'Ock-
ho\t & s'y. maintient à une certaine hauteur, &
panant près des fources des rivières Outh3 Aldan
Main.3 fe diftribue entre les rivières de la partie
orientale, qui tombent dans la mer Glaciale : à quoi
il faut ajouter la branche qui,. tournant au fud,
traverfe tout le Kamtchatka & fe brife au cap de
Lopatka , dansdesnombreufes île$ Kuriles. Je ne
parle pas ici de cette chaîne marine qu’on a cru
reconnpître dans les îles fituées depuis le Kamtz-
çhatka jufqu'à l’Amériqne / mais qui fuppofent
beaucoup d'intervalles& d interruptions dans toute
â’étendue qu'occupe le détroit.
La plupart de ces îles, comme le Kamtchatka
lui-même , fe diftinguent par des volcans, dont la
plupart font en feu pendant que d'autres éteints
lainent voir Jes traces de leurs anciennes inflani-
mations.
Une dernière chaîne forme principalement le
cap Tfckutsky avec fes promontoires & fes rivages
efcarpés, & hériffés de rochers.
A l'extrémité nord de la grande chaîne Ural-
lienne eft le détroit de Waygat%, qui la fépare
de la Nouvelle-Zemble : le paffage eft étroit, em-
barrafle d’îles , & fouvent obftrué par les glaces.
Là, le flux & le reflux font irréguliers & incertains
par les vents. On a obfervé que la marée ne mon-
toit.qu’à quatre pieds , & que la profondeur du
détroit ëtoit de dix à quatorze branes. Les marins
qui ont tenté de pénétrer dans ce détroit ont été
arrêtés par les amas de glaces flottantes, & forcés
de retourner fur leurs pas..
La Nouvelle-Zemble eft compofée de cinq îles ;
mais les canaux qui les féparent, font; toujours
remplis de glaces : outre cela, ces îles font défer-
tes 5 mais elles font fouvent fréquentées par les
habitans de Mefen, qui y vont à la chafte des veaux
marins, des walrufes ou vaches marines, des renards
arêtiques, des ours blancs, les feuls animaux
de cette terre, fi l’on excepte, quelques rennes
qui s’y trouvent aufli. On a aufli tenté un paffage
aux Indes orientales par le nord de la Nouvelle-
Zemble j mais on n’a pas mieux réufli de ce côté,
que par le détroit de Waygatz. En 155)6, Barentz
doubla l’extrémité orientale, mais il y fit naufrage
avec fon équipage ; il y paffa l'hiver le plus déplorable
, fans ceffe affiégé par les ours polaires. Une
partie de l ’équipage périt du fcorbut ou de l’excès
du froid : ceux qui réfïftèrent, formèrent un
petit navire des débris de leur vaiffeau, & arrivèrent
heureufement chez eux l’année fuivante >
mais leur célèbre pilote fuccomba de fatigue.
Les côtes méridionales de ces îles font en quelque
forte inconnues : entr’elles & le continent dp
YAfie eft la mer de Kara , qui forme une profonde
baie dans le fud. L’on a reconnu que la marée y
entroit de deux pieds neuf pouces. Des pêcheurs
s'y rendent annuellement 4 e Peczora par Je détroit
de Waygatz /pour un commerce de pellete-
ries avec les Samoïèdes du gouvernement de Tobolsk.
Sous le règne de l’impératrice Anne, on fit
des tentatives pour doubler le grand cap Jaimai,
entre le golfe de Kara & celui de YOby : une feule
réuflit en 1738, après les plus grandes difficultés>
en forte qu'il paroît par-là que fi, pour faire la
découverte de la Sibérie, il avoit fallu la tenter
par mer, ce vafte pays feroit peut-être encore
inconnu maintenant.
L’embouchure de Y Qby forme une baie profonde,
qui s’ouvre dans la mer Glaciale à la latitude
de .73 degrps 30 minutes. C’eft la première
&la plus grande des rivières de la Sibérie 5 elle
fort d’un grand lac à 52 degrés de latitude, coule
paifibiement à travers huit cents lieues de pays
elle eft prefque navigable depuis fa fource } elle fe
groftit de la grande rivière de Ylrtifch, au 61®. degré
de latitude, laquelle a reçu pour lors, de chaque
côté de fes bords, des rivières confïdérables
dans fon long cours, parmi lefquelles je place au
premier rang la rivièré de Tobolsk : c ’eft à leur
confluent que la ville de Tobolsk, capitale de la
Sibérie,' fe trouve fituée.
Les bords de Ylrtifch & de YOby s & d’autres
fleuves de la Sibérie, font en pliiheurs endroits
couverts d’immenfes forêts, qui croiffent & prof-
pèrent fur un fol humide. Plufieurs arbres de ces.
forêts fe trouvent chaque année déracinés par la
force irréfiftible des gros quartiers de glace qu’amènent
les torrens formés par la fonte des neiges :
ces arbres font vojturés par. les eaux des fleuves
dans la mer Glaciale & dans les autres mers , &
fervent à compofer les convois de bois flottés
dont il eft fait mention à leur article* ( Voy. Bois -
F LO T T É S .)
Le canal de YOby, depuis fa fource jufqu’à la
Ket3 eft creufé au milieu de lits de pierres , mais
depuis cette rivière jufqu’à fon embouchure , ;
1 Oby coule fur une terre graffe. Après que ce*
fleuve a été couvert de glaces fédentaires pendant
quelque tems, l’eau en devient fale & fétide}
ce qui provient des vaftes marécages qu’elle traverfe,
de la lenteur de fon cours, & de la terre
faiée~ dont font imprégnées quelques rivières qui
s’y jettent. Le poiffon fuit donc les eaux de L’Oby,
& va s’affembler, en vaftes bancs, aux embouchures
des rivières qui viennent à la mer après
avoir parcouru des contrées formées par des lits
pierreux : c’eft là qu’on le prend en abondance.
La fétidité de l ’eau de l’Oby continue jufqu’au j
printems j alors la fonte des neiges purifie le i
fleuve. La T a z , autre rivière qui fedécharge dans
la mer Glaciale à l’eft du golfe de l’O b y , eft fujète j
au même accident, parce que fon canal fe trouve i
dans des contrées femblables à celles que traverfe
L’Oby.
Nous paffons maintenant au JenifeL Gmelin, !
comme naturalifte, voudroit y placer la ligne de j
démarcation entre l’Europe & Y Afie 3 parce que,
a partir de fes bords orientaux, tout change &
prend une autre face. Une certaine vigueur nouvelle
& extraordinaire fe montre dans tous les
végétaux & lès animaux qu’on apperçoit dans ces
contrées. Des animaux nouveaux, tels que Largali
ou moufflon, mouton fauvage , & plufieurs autres
auffi rares, commencent auffi à s’y montrer. Outre
cela, plufieurs plantes européennes difparoiffent,
& d’autres, propres à Y Afie 3 fe manifeftent &
marquent par degrés le changement.
Le Jenifei eft prefqu’égal à l’Oby : il eft formé
des deux rivières Ulu-Kem & Bei-Kem, à 51 deg.
30 min. de latitude nord, & à 111 deg. de longitude.
Il coule droit au nord , & fe décharge dans
la mer Glaciale par une embouchure femée .d’une
multitude d’îles. Le fond de fon lit eft en grande
partie un fol pierreux & fabloneux. Son.cours eft
fort rapide. Les poiffons qu’on y pêche, font très*
délicats. Ses bords, furtout ceux qu’il baigne à
l ’orient, font compofés de montagnes & de rochers
j,mais depuis Je fon de. Saiaenes jufqi/à la
rivière Dubiches,, ils font compofés d’une terre
noire, fertile & bien cultivée.- Le Jenifei eft entretenu
par un certain nombre de rivières latérales}
les deux Tungufcà , haute & baffe , font les
p r in ci pales les plus connues. La première fort,
près d’Irkutz, du grand lac Baikal, fous le nom
d’Angara, entre deux vaftes rochers qui femblent
avoir été coupés de main d’hommes, & elle tombe
fur d’énormes roches dans un lit d'un mille de largeur,
& dont la longueur eft égale.
Le choc des eaux fur les roches au milieu de
ce débouché que s’eft frayé le trop plein du lac,,
eft accompagné du plus grand fracas. La profondeur
du lac eft confid^rable ; fes eaux font très-
claires &r limpides , fans embarras d’îles , hors
YOLchon & la Sa:etckia..î\ eft navigable dans toutes
fes parties, & dans les tempêtes il a des vagues
comme la mer. Sa longueur eft de cent vingt-cinq
lieuès communes, & fa largeur de quatre à fept.
Les veaux marins de l’efpèce commune y abondent,
& il y en a de fi gras, qu’ils en deviennent
informes. Ces animaux doivent avoir pris leur
origine dans ce grand lac , attendu fon grand éloignement
de la mer, & que leur communication a
dû être interceptée par des cararaétcs intermédiaires.
Cependant les poiffons ont de grands-
moyens de pénétrer dans les lacs par les fleuves-
& les rivières.
L’Angara coule prefque nord pendant un long
efpace , enfui te il prend le nom de Tongufca „
tourne à l’oueft, & va fe réunir au Jenifei à la
latitude de 58 degrés. Le Tongufca inférieur
prend fon origine bien avant dans le fud-eft
approche de très-près de la Lena , & tombe dans
le Jenifei.
A la latitude de 65 deg. 40 min. au (fleflus de fa
jonétion, eft la ville de Manga^ea , célèbre par Kà
grande foire de fourrures de toute efpèee qui y
font apportées par les .habitans des contrées voi-
fines, qui emploient une grande partie de leur
long hiver à la chaffe. Plisfieuirs Ruffes y ont pris
des étabiiftemens dans les vues de faire le même
commerce, 8r de tirer un grand profit des dépouilles
des animaux de ce pays.
Le voifinage eft, durant l’été, le rendez-vous
d’une multitude d’oifeaux aquatiques. Vers lè
-mois de juillet le pays eft couvert des plus beUet
fleurs de la -Sibérie, dont plufieurs embelitiflent iks
jardins de nos climats les plus méridionaux.
Dans les tems anciens, JAanga^eu 3 ou , comme
on l ’appeloit alors, Mongacy, étoit fituée près
de l’embouchure du Ta^ mais-elle a été transférée
par les habitans fous un-climat phis doux ,,
juftement au côté 'méridional dû cercle polaire
arètique. Avant cette époque, c'étoit une place
d’un grand trafic, & qui étoit vifïtée par un grand
nombre de marchands d’Archange!, malgré le<
difficultés qu’il y a voit de parvenir au centre de
ce commerce , parce que ce pays étoit prefqu’ia-
acoeffible à caufe des boues & des glaces.