
ne font que des. lits de pierres blanches 5 ailleurs
elles font grifes, plus loin elles font noires j dans
des provinces, ces pierres ont un grain fort gros ,
dans d’autres il eft fort fin : ici les pierres font
toutes finguliérement tendres , là elles font fort
dures & tombent en éclats fous le marteau. Si nous
parcourions plufiéiirs pays d’une’ étendue un peu
confidérable, nous trouverions là des marnes , des
terres glaifes 5 à côté 3 des craies ; enfin des traéfus
fort étendus de mines de fer en grain, & c . On
fent bien que cette diftinftion de matériaux , indiqués
comme ils fe préfentent à la furface de la
terre fur des cartes topographiques, pourroit, en
enrichiffant la géographie phyfique , fervir infiniment
à mettre le plus grand ordre dans l ’hiftoire
naturelle de la terre ; elle nous conduiroit vraifem-
blablement à des connoiffances précifes furies anciens
climats des contrées de notre globe, par les
animaux dont les fquelettes fe trouvent enfevelis
dans les couches de la terre & à de certaines profondeurs.
Pour peu que l’ on ait l'habitude d’obferver , il
eft fort aifé de mettre beaucoup d’ordre dans l’examen
des dépôts de la mer & de leurs différens états }
& au moyen des carrières ouvertes près des villes
6c des.principales habitations, au moyen des grandes
parties de bancs & de couches qui font à découvert
lè long des bords de nos grandes vallées
& fur une grande épaiffeur, on pourra-toujours
recueillir un grand nombre de faits & d’ obferva-
tions fort intéreffantes à ce fujet.
Il eft vrai qu’ il y aura des précautions à prendre
pour ne pas confondre les dépôts de la mer avec
çeux des torrens & des eaux courantes, pour ne
pas confondre dans les couches iridmée's les fec-
tions qui pourrôient être prifes fur plufieurs bancs
avèc le plan pris fur un feul banc fuperficiel. Effectivement,
il eft aifé de reconnoître en plufieurs
contrées, que les différentes qualités du fol y varient
, parce que la furface de la terre n’eft point
celle d’une feule & unique couche, mais de plu-
fieurs dont les extrémités fe découvrent d’un coté,
en plongeant de l’autre fous une autre couche qui
fe découvre de même.
En parcourant les différens maflifs qui peuvent
offrir Les réfultats des opérations fucceflives de la
nature , propres à être figurés fur des cartes, &
avec lefquels ontrâceroit lés fleuves 6c les rivières,
tous ces plans reffembleroient à des échantillons
de marbres, brèches formés de pierres de couleurs'
variées, qui, après avoir été polis , auroient été
rayés.accidentellement: on n’y vetroit pas plus de
rapport entre les veines naturelles du marbre &
des raies'accidentelles qui les auroient défigurées,
qu’on en verroit entre les maflifs des couches ter-
reftres & les ramifications de nos rivières ; car
dans l’un & l’autre cas il y a deux différens ordres
de faits qui n’ont aucune liaifon entr’eux, ni pour
les agens ni pour les époques.
Es feule & vraie régularité qui doit répondre
à la direction de nos rivières, ne fe trouvera que
dans les couches fuperficielles & poftiches des matériaux
qui ont été amenés par les eaux courantes
& dépofés le long de leurs lits, fuivant la gravité
fpécinque de chaque fubftance. Les vafes les plus
légères ont gagné les lieux bas & les plus éloignés
des endroits d’où les eaux les ont détachées : les
fablons, les graviers, ont été dépofés à des niveaux
inférieurs i mais les cailloux , les pierrailles & les
rochers font reftés dans les lieux les plus élevés &
les plus voifins du centre des inondations. Il eft
vifible que toutes ces matières déplacées ne doivent
point être cenfées appartenir au vrai fol des contrées
où elles fe trouvent préfentement, ni être
confidérées comme des monumens directs qui
conftatenc le féjour & le travail des anciennes
mers. ïbeft vrai que dans ces immenfes dépôts
de fables, de graviers & de cailloux roulés qui
'fe voient au fond de nos vallées fans aucune couche
fuivie, & dans les grandes plaines ^que renferment
les vallées , on y trouve ordinairement
un grand nombre de fubftances marines pétrifiées.
Ce fait certain ne détruit pas néanmoins lè réfultat
des obfervations précédentes , car les dépôts de
nos rivières & de nos fleuves ne font point les
monumens direéts du féjour des mers dans les lieux
où on les remarque ,. parce qu’ il n’eft pas ici quef-
tion de la matière de ces dépôts, mais uniquement
de leur poiïtion aéfuelle. Toutes les grèves,
dont la furface de la terre eft couverte en tant
d’endroits, fur des fommets fort élevés comme
dans des lieux bas, font fans contredit originaires
de la mer. Ce font les flots de la mer qui les ont
brifés, roulés'& arrondis Comme ils font, & qui
les ont enfuite abandonnés fur nos-continens lorf-
que l’Océan a été chercher un lit ailleurs} mais
les torrens qui font furvenus depuis fa retraité,
ont changé lapofitionde tous ces matériaux ifolés,
& les ont déplacés des lieux où il les avoit laifles.
Quand ces torrens ont trouvé ces amas fur leur
route, non-feulement ils les ont démolis, mais
encore ils en ont emporté les débris & les ont
dépiffés le long de leurs cours. Il n’eft pas étonnant
que ces torrens aient charié tant de corps
qui ont appartenu à la mer, puifque les parties
de nos continens où ces débris fe rencontrent,
font fortis de fon bâflin. Voilà pourquoi nous y
trouvons tant de produdlions marines 5 même fur
les plaines élevées 6c fur les fommets où les torrens.
ne les ont que foibletiîent détruits & déplacés.'
A n e c d o t e s . Second fupplément a u n ° . I , f u r
' differentes époques.
Toutes les révolutions que nous venons d’ indiquer
ont dû être furtout fort éloignées les unes
des autres de plufieurs milliers d’années , à en juger
feulement par la diftance du tems où nous
fqmnies, au tems de la dernière révolution. La
profondeur
profondeur de l’abîme des tems ou notre efprit
eft par-là obligé de fe plonger, paroît fi immenfe,
fi peu conforme à notre façon de penfer, qu’ il
n’ eft pas étonnant que le plus grand nombre des
hommes foit peu difpofé à croire à ces révolutions,
quoique vérifiées par plufieurs monumens.
Il eft vifible cependant que les terrains dont les
bancs couvrent régulièrement certaines parties du
globe, & conftituent de grands tra&us du folide de
ce que nous connoiffons de fa maffe , ne peuvent
être de la même époque que les vallées qui ont été
creufées & fillonées. De même dans tous les corps
qui en contiennent d’autres compoies eux-mêmes
de matières diverfes, on ne peut s’empêcher de
reconnoître des époques bien différentes $ car comment
concevoir qu’ il n’ y a eu qu’une même époque
pour la deftruétion de ce qui manque a nos terrains,
& pour la conftruétion des maflifs qui en font les
reftes ?. Comment, après toutes ces confidérations,
s’opiniâtrer à ne trouver dans l’hiffoire de la terre
que la révolution unique du déluge? C ’eft manquer
à toutes les vérités que l’obfervation nous fait recueillir
chaque jour. ;
Pour connoître, autant que nous pouvons, cette
maffe antique , dont les eaux courantes ont déchiré
une partie en fillonant toute fa furface, c’ eft
dans le fein de nos montagnes, fur les bords de
nos vallées qui en font les reftes , qu’ il faut faire
des obfervations & des recherches. Il eft vrai que .
les carrières & les mines déjà ouvertes pour, les
befoins des hommes , nous offrent auflî de grands
moyens d’inftruétion dans ce même genre, & qui
complètent abondamment ce que nous pourrons
defirer à ce fujet.
Nous y appercevons.des bancs^ & des lits remarquables
par leur pofition générale & par la nature
des matériaux qui les compofent : ils font régulièrement
cpnftriHts les uns fur les autres, dans
une étendue fi confidérable, qu’ ils régnent fous
des provinces entières, malgré les grandes & larges
vallées qui en réparent les diverfes parties, & les
montagnes qui les couvrent';. Ces bancs varient
entr’eux dans leur épaiffeur : Couvent elle eft de
plufieurs pieds j Couvent auflî ce font moins des
bancs que des couches fort minces , ou dès feuillets
dont le nombre eft infini, & l’épaifleur fi peu
confidérable, qu’elle échappe auxyeux ; mais pour
chaque banc, P épaiffeur eft prëfque toujours la
même dans telle étendue qu’il puiffe régner. Si l^
foimnet de certaines montagnes eft ainfi conftruit
par bancs ,: leur bafe n’offre Couvent que des maf-
fes fans aucune diftinâtion de lits : ç ’qft çe que j’ai
nommé ailleurs l’ancienne terre. Quelquefois ces
bancs , ces çouches, ces lits font brifés, culbutés
& hors de leur pofition naturelle , qui eft la pofition
horizontale , & ceci a lieu particuliérement
dans les montagnes élevées & efcarpées, plutôt
que dans les foUtérrains d’une certaine profondeur.
Autant la portion de cës bancs eft uniforme
& fimple , autant' leur conftruéUon intérieure îk
Géographie-Phyfique. Tome II.
particulière eft-elle bizarre & fingulière. Tantôt
c’eft un amas confus de pierres , de pierrailles &
de cailloux brifés , comme on en voit dans certains
marbres } tantôt ce font des fables & de
menus graviers ; tantôt des fablons & des criflaux
très-fins, comme dans les grès} tantôt enfin des
matières douces 6c tendres, comme les marnes &
les craies; Souvent ce font des lits de limons, de
glaife , de fablons, qui ont confervé leur état
primitif fans fe pétrifier. Quelquefois on trouve
dans le même banc , un amas informe.de toutes
ces. matières } mais ce qui étonne le plus, c’eft que,
dans prefque toutes ces différentes fubftances ,
foit molles ou folides , fe trouvent compris les
débris de tout ce que le règne animal ou végeral
peut produire de plus abondant fut la terre ou
dans, les mers. Ge font des parties d’animaux ter-
reftrés, fouvent des animaux entiers, des poif-
fons & des coquillages fans nombre , des troncs
d’arbres & d’arbriffeaux , & des plantes de nos
landes & de nos marais : rien furtout n y domine
avec plus de profufion que, les productions
marines : & nos continens, plus riches en cela que
la mer, nous ont fait connoître les dépouilles d’ un
plus grand nombre d’êtres vivans de cet élément,
que nous n’en avons connu jufqu’ à préfent dans
l’Océan tout entier : phénomènes admirables, ignorés
de l’antiquité , autant qu’ils ont étéRecueillis
des Modernes inftruits de leur importance !
Au refte, toutes les découvertes que l’on a faites
dans les différentes .parties du monde, ont
prouvé que ces fofliles fe trouyoient répandus
d^ns un grand nombre de contrées : d’où il ré-
fulte que la mer a formé les matériaux de la plus
grande partie de la terre habitable, où elle a fé-
journé. pendant tout le tems néCeftaire à cette
conftruCtion des couches, Ce font les réfultats
& les conféquences les plus juftes auxquels la
perfeCiiôn dé L’art de voir nous ait conduits après
avoir long-tems combattu contre les préjugés de
l’ignorance & de la fuperftition. Ces coquilles trouvées
dans la maffe dës/montagnes, fur leurs fommets,
comme dans les fouterrains les plus profonds,
nous ont fait connoître d’une manière in contestable;,
que le féjour des.eaux ..dela mer avoit été
fixe & conftant fut nos continens, comme il l’eft
préfentement dans les baflîns qu’elles .occupent,
& que c’eft pendant ce féjour que l^s bancs de la
terre , &.tout ce qu’ils renferment, ont été conf-
truits fucceffiyem^nt les uns après les autres, &
comme on les voit. Rien ne rèpréfente dans la maffe
.delà terre Sc dansk difpofition de lès bancs, la con-
fufion & le-défordre d ’une cataftrophe paffagère,
momentanée •& locale. Tout y eft gjépéral & uniforme.
Tout y eft aufti régulier que les affifes d ’un
bâtiment fait avec foin. Outre cela, les différentes
efpèces des corps marins .font cantonnées, les unes
dans une contrée fort étendue, les autres dans une
autre : ici c ’eft un affemblage de viffes, de bucï
cins, de chaînes, Sec. Ailleurs,. . . . . . . . ce font de-s huî-