
fum e d’une autre plus modérée én elle-même, j
mais c’eft parce que les températures palïent fubi-
tement d’une extrémité à l’autre oppofée.
L ’été de la partie haute du Pérou achève la maturité
des fruits j mais s’il vient trop tôt, il les :
perd totalement. Si, après avoir été préparés à leur
maturité par les pluies 8c un froid modéré, ils
font atteints de la gelée, la première impreflion de
ce froid les fait rider ; la fécondé 8c la troifièms
les deflèchent ; car la gelée 8c le foleil de panas
produifent ici l’effet qui devoit réfulter de la feule
chaleur du foleil. Ain.fi dès que la gelée furvient
avant qu’ils aient atteint leur maturité convenab
le , ils fe de (lèchent j & refient fans fuc & fans
fubftance. Les effets de la gelée font ici plus
prompts que ceux des rayons du foleil; car en un
ou deux jours la gelée opère fur les fruits ce que
le foleil ne feroit pas par degrés en plufieurs.
Ce ne font pas les gelées qui font mûrir les ré coltes
dans les quebradas. En effet, quoiqu on en
voie quelques-unes, comme nous l’ avons d it, elles
ne font ni fortes ni durables. Lorfque les gelées,
fe font fentir dans les hauts pays, 8c que le ciel,
eft clair, le foleil, étant découvert 8c dégagé de
tout nuage, fait parfaitement mûrir les fruits, 8c:
il eft yifible que cet effet ne fe produit que par la
_ chaleur. On voit donc là que, dans une partie, la
maturité des fruits s’opère par les froids feuls,
tandis q u e , dans l’autre, ceci s’opère par la chaleur
; phénomène fingtilier, qui fe fait appercè voir
dans les deux contrées en même tems. ^
Les effets des gelées & de la fubtilité de l ’air
font fi fenfibles , que les corps 8c les métaux
mêmes en font également affeétés. Cet air fec dz
fub'til occafîonne une telle féchereffe, que 1 épiderme
8c furtout la peau qui recouvre les lèvres
fe gercent 8c fe fendent : on y fent de la douleur,
& bientôt le fang y paroît ; les mains deviennent
rudes 8c pleines de petites écailles. Ces àfpéritës
font particuliérement remarquables aux articula-1
. tions des doigts 8c à leur, partie fuperieure; lés
petites écailles y font plus épaiffes quailleurs,:&
'elles prennent une couleur noirâtre, qui ne fe.
dilfipe aucunement par les lotions. On y appelle:
ces affections chugno, terme par lequel les naturels
défignent une chofe ridée 8c durcie par lè;
froid. La force du froid s’y diftingue auffi, comme
nous venons de le dire , fur les métaux, en ce
qu’il fait "fendre les cloches, quoiqu’ on les y faffe
plus’épaiffesque,d’ordinaire ; mais cette précaution
.' dévient inutile. Çe phénomène, qui ne fe voir pas
auffi communément dans d’autres endroits où il fait
plus froid, prouve que la fubtilité de l’air ou fa
grand.e.rareté concourt a cet effet avec la gelée.
Le froid de ce climat , pendant l’é té , y garantit
les corps de là putréfadion, au point que le? poif-
fons; qu’ on pêche en mer à cinquante ou foixarit©
lieues au-delà., y font apportés } 8c mangés auffi
frais que fi on étoit fur le bord de la mer : non-
feulemént bn les" mange frais & fâins quand iis
arrivent, mais outre cela on peut les garder le
tems qu'on vêut, Sc ils fe confervent toujours
dans le même état où iis étoient lorfqu’on les a
pêchés.
Cependant nous devons dire qu’on n'obtient
ces avantages qu’avec des précautions. On ne les
prend en mer que le foir : on les vide auffitôt
qu’ils font fur le rivage ; en cet état on les arrange
dans des paniers d’ofier, 8c on les tranfpovte
pendant la nuit à travers le bas pays, afin d’arriver
aux premières éminences de la panas. Dès qu’ils
y font, il n’y à plus de rifque qu’ ils s’altèrent; car
la gélée les laiiit dans cette autre température,
8c ôn les y garde, comme nous l’avons dit, le
tems qu'on juge à propos. Ce poiffon eft alors endurci,
& quand on veut en faire ufage on le met
une demi-heure dans l’eau ; ce qui fuffit pour le
faire dégeler 8c revenir à l’état où il étoit au for-
tir de la mer. En le mettant dans l’eau froide à la
température du lieu, les parties refferrées par la
gelée fe retablrffent dans leur ancien état; la chair
en devient molle 8c flexible, 8c l’on peut fans
difficulté ën enlever les écailles. Mais l’eau tiède
ou chaude ne produit pas les mêmes effets. Il en
eft de m'ême à l’égard des viandes pu des fruits :
les premières fe gardent auffi long-rems que l’ on
Veut, fans rien perdre de leurs qualités. Quant
aux féconds, On les apporte des baffes contrées
qu’on appelle chaudes, & la geiéë qui les faifit les
conferVe également. Les hautes contrées , où il ne
vient pas de fruits, s’en procurent les1 meilleurs
par ce moyen. Mais ces contrées font privées de
cet avantage en hiver, à caufe des pluies abondantes
qui y tombent très - fréquemment.
Quoiqu’ il "fe pafle peu de jours fans pluie pendant
l’hiver de Ces hauts pays*, l’ air y eft fec en
tout tems. Les murs des maifbns font couverts
d’eau qui s’y introduit par la porofité des matériaux
qui entrent dans leur conftruétion, 8c le fol
eft très-humide pendant les pluies, fans qu’il en
ré fui te aucun mal pour la fan té. Les métaux n’en
éprouvent non plus aucune altération. Il ên ejft
tout autrement dans les contrées baffes : les pluies
y font très-fines, 8c forment à peine quelques
gouttes fenfibles. Cependant l’air y eft très -:humide.
Lé fer, l’acier, y font promptement attaqués
par la rouille,8c tout y eft, à proportion, imbibé
de cette humidité générale.
Les pays chauds font en général pluvieux, 8c
Ton y éprouve tolis les effets de cette tempéra-
ture. Cette différence qu’il y a entre cette contrée
baffe 8c le haut pays ne vient, comme je l’ai dit
plufieurs fois, que de la différente denfité de l’at-
mofphère, qui a toujours plus de difpofition à
réunir les particules aqüeufes à proportion qu’elle
a plus de denfité, 8c qui les làiffe échapper lorf-
qü’elle fe trouve plus légère 8c plus rare. Ces
effets font produits, parce que l’ atmofphère n’a
pas àffez de corps pour .retenir les particules flottantes
: elles fe précipitent fous forme de pluie,
& laiffent ainfi l’air pur 8c fec. Outre cela, comme
k chaleur du foleil fe fait fentir dans ces contrées
tout autrement que dans les pays bas, on y éprouve
le froid d’ une manière toute différente que dans
les climats naturellement froids, à. caufe de l’obliquité
des rayons folaires. Dès qu’on a quitté les
côntcéès baffes pour fe rendre dans les contrées
hautes , on éprouve une fenfation plus pénible
que celle du froid même. Aucun abri ne peut en
garantir nir en‘ modérer l’impceffion. Le feu n’y
procure non plus aucun adouciffemenf. Le lit le
mieux préparé 8c le plus mollet ne donne aucun
foulagement. Cette pénible fen fa tio n q u i dure
plufieurs jours, jufqu’à ce que le corps commence
à s’acclimater, affedte beauooup plus la nuit que
le jour. Lé fentiment du froid qu’on éprouve
malgré tous :les moyens de fe réchauffer, pénètre
tout d’intérieur du corps, de même que le froid
qui fe fait fentir dans-l'accès d’une fièvre tierce.
La raifon de ce fentiment pénible ne peut être
que le paffage fubit d’ une température douce &
modérée,à-un climat froid. Lesipores n'ayant pas
eu le tems:de fe refferrer dans .une proportion convenable,
les.particules de c-et air froid pénètrent
avec force, 8c affectent les fibres délicates des
mufcles en y caufant une fenfation de laquelle ré-
fulte l’état pénible où fe trouve toute-1’habitude
du corps. Voilà pourquoi aucune chaleur, même
le mouvement, ne peut en garantir ni même*y
remédier. Cette incommodité dure vingt à trente
jours, jufqu’ à ce qu’elle diminue peu à peu, 8c
que le corps foit lait au climat. Dès qu’on y eft
accoutumé, le froid n’y eft plus fi fenfible que
dans les contrées où. il y a beaucoup de différence
entre l ’été 8c l’hiver : on y a peu penfé à garantir
les habitations du froid. Quant aux habits, on y
porte régulièrement ceux d'hiver, mais fans être-
doublés, comme fembleroit l'exiger la dureté de
la faifon. On n y fait point de feu pour fe chauffe
r , 8c l’on vit à cet égard comme fi on étoit au
printems, quoiqu’on ak des preuves évidentes du
contraire dans les afpérités des mains, les gerçures
des lèvres, & dans la féchereffe de lapeau.
On voit donc par-là combien la nature s ’accommode
facilement aux différentes températures
lorfqu’elles font continues.
D’après les détails que nous venons d’expo fer
ic i , ôn comprend aifément que les températures
doivent varier dans ees contrées à proportion de
la grande élévation où fe trouvent les terrains,
ou de leurs approfondiffemens, 8e que, dans*cette
partie du Monde, les terrains élevés diffèrent totalement
du r-efte. En effet , les règles générales
diffèrent tellement ic i, que les fadfons, les températures
8c leurs effets s’y trouvent dans un ordre
renverfé. Ici l’on a l’hiver quand ce devrok être
le printems. Les vents.dominans font contraires à
ceux des bas pays. Quoiqu’ il y pleuve beaucoup,
l’ air eft fec : il g è le , & c’eft alors que mûriffent
les récoltes; au-moins elles y arrivent au dernier
degré de peffeélion , quoiqu’ il y ait peu de plantes
qui y réuffiffent. Enfin le froid 8c la chaleur s’y
font fentir d’une toute autre manière que dansJes
autre? contrées : celle-ci brûle. pendant que l'autre
pénètre de froid tout l'intérieur du corps-.
On remarque auffi , à un certain ,point, une d if ficulté
de refpirer dans les hautes contrées de la
province de Quito ; mais elle y eft moins pénible
qu’ailleurs : cela vient fans doute de ce que l’une
de ces contrées eft fous l’équateur , tandis, que
l ’autre en eft éloignée. On en a conclu que. les
panas ou cimes du Pérou font moins froids, &
que l’air y eft moins âpre que .dans les autres comt
rrées. Mais il eft bon-d'obier ver que ce .qui a: été
dit de Guancavelica peut être appliqué généralement
à c jus k s terrains qui fe prolongent vers lie
fudi •
Pour mieux comprendre (encore ces détails ,
nous obfermerons .ici que ce qu’on appelle panas.
au«Pérouïfe snoxïwnetyaramas -au royaume de Quir.
t-o , 8c que tout ce pays froid 8c defert, où il n’y
a aucune habitation , a le même nom., quoiquliJy
akdes: punas ou cimes plus haïutes les. unes que les
autres- : de là vient quion. appelle le foleil brûlant
foleil de punas , Se que les vents froid & ôe incommodes
ont auffi la même dénomination^ ( fToyeqi
les articles P a r a m o s 8c P u n a s , adnfi. que-celui
A i r d e s -c im æ s , 8cc.)
Czr-M AT.s è? mines de t Amérique méridionale.
Quoique nous ayons déjà fait connoatre en
grande partie les climats de l’Amérique méridionale
, en traitant des températures de fe s différentes
contrées hautes 3c baffes , nous croyons devoir
revenir ici fur cet o b je t, en rapprochant certaines
circonftances les plus remarquables. Nous di-
viferons en quatre claffes les climats de l'Amérique
méridionale , ou les différens pays confidé-
rés relativement à leur élévation au deffus du niveau
de la mer $ à leur température 8c à leurs productions.
La première claffe comprend la chaîne des
fommets de la Cordillière, qui font toujours couverts
de neige, Sc ies vaftes plaines ou paramos ,
fituées au pied de ces fommets., où il gèle prefque
continuellement, 8c où il ne croît que des joncs
8c des arbriffeaux , même dans les lieux qui font
à l’ abri des vents du nord.
La fécondé claffe embraffe cette bande de terrains
inférieurs à ce premier niveau, ou il ne gèle
qu’accidentellemènt, 8c où l’on récolte les pommes
'de terre , le froment, la pomme, la pêche
8c tous nos fruits d’Europe. C ’eft là qu’on trouve
Quito , Santa-Fe di Bagota &C-Pampelune.
La tfoifième claffe comprend un climat beaucoup
plus chaud que tempéré , lequel réunit l’avantage
des productions du fècônd climat avec
celés des-pays chauds. C ’ eft la qu’on trouve les
YÜk'S de Popayan} de Merida,-8cc.