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amas de glaces ont commencé à fe former depuis
très-long tems, que quelques?uns ont fait des progrès
affez fenfibles dans des tems peu éloignés du
nôtre j il n’elt pas moins vrai que plufieurs glaciers
ont auffi beaucoup diminué, & qu’ en général
la nature a tracé une ligne au. deffous de laquelle
la neige & la glace fondent tous les étés, & cette
ligne eft à peu près, dans toutes les Hautes-
Alpes, à quinze cents toifes au deffus du niveau
de la mer.
Audeffous de ce point d'élévation on ne trouve
fou vent aucune trace de végétation : le roc, dépouillé
de terre végétale par les fontes des neiges
8c leurs éboulemens, ne préfente qu’ un fol fté-
rile : auffi le tableau fi majeftueux de ces fommets
élevés ne préfentera bientôt, à l’oeil d’un obfer-
vateür, que le trifte afpeét d’un vafte défert.
D ’ailleurs , comme lés vapeurs fe reffemblent
abondamment en conféquence d’une température
froide autour de ces fommités-, elles font le plus
fouvent enveloppées d’épais nuages, d’où il tombe
enfuite une prodigieufe quantité dç neige pendant
la moitié de l’année,' ainlï que des pluies abondantes
dans l’autre.
Te l eft en général l’état delà région fupérieure
des Alpes} & c’eft pour le mieux faire connoître',
que nous croyons devoir réfumer les eonfidéra-
tions précédentes.
On peut prendre une idée de la pofîtiôn des
Hautes-Alpes & de la diftribution de leurs di-
verfes branches, en fuivant fur la carte le cours
des fleuves qui en découlent : on y fuivra depuis
leurs fources, le Rhône, l’Aar, laReuff, le Rhin,
l ’Adda & le Télîn, & tant d’autres rivières ou
torrens qui fe jettent dans ces fleuves} & cette
difpofition des eaux courantes , jointe à d’autres
circonftances,eft une prëuve que, dans l’intérieur
de ce circuit, fe trouvent les.cimes les plus élevées
des Alpes. Un détail fuccinét achèvera d’en •
convaincre.
Le Safrit-Gothard & les montagnes qui y font i
liées font au centre de ce maffif immenfe. Des j
glaciers de la Fourche, au midi du Saint-Gothard,
fort le Rhône ; il traverfe le Vallais dans toute fa
longueur de l’ eft à l’oüeft, & fe jette dans le lac
de Genève. Cette grande vallée eft bordée des
deux côtés par deux chaînes des Hautes-Alpes 5
celle qui la borde au midi fépare la Suilfe de la
Savoie,. & va joindre les glaciers du Faucigny:
c ’ëft dans cetfe bordure qu’on voit le Simplon
& le grand Saint-Bernard. On voit que la partie
la plus baffe des vallées 8c des maffifs qui les réparent*
eft la feulefufceptible de culture} les terrains
plus élevés donnent des pâturages, le refte
eft couvert de forêts 8c de productions qui dégénèrent
de plus en plus à mefure qu’on approche
de la région des glaces & des neiges.
“ La partie occidentale & féptentrionale de la
Sui/jfe occupe un grand diftriét du Jura, autre
çhaine de montagnes féparée des Alpes, 8c beaucoup
moins élevée, qui s’étend, en fuivant les
frontières de là France, depuis les rives du
Rhône au deffous de Genève, jufqu’à celle du
Rhin au deffous de Bâlë : elle préfente une fiic-
ceffion alternative de vallées & de cimes aflëz
élevées, qui cependant ne confervent la neige
.que jufque vers le commencement de juin.
Entre ces deux fyftèmes de montagnes, les
Alpes & le Jura, on trouve, depuis les bords du
lac de Genève jufqu’au Rhin & au lac de Conf-
tance, dans la diredion du fud-oueft au nord-eft,
un pays ouvert & fertile, entrecoupé feulement
de collines, où font fitués les lacs dont les baffins
occupent les lits des rivières } quelques-unes de
ces rivières, en fortant de ces IacS, font navigables
: c’eft dans cette région qu’on voit une
culture très-animée de grains, d’arbres frujtiers
& de vignes.
Nous terminerons ce que nous avons dit en
général des Alpes, par trois Confidérations affez
importantes.
La première a pour objet les amas de pierres
arrondies, ou ifolées, ou liées enfemble fous la
forme de poudings. .
La fécondé concerne les grotes 8c cavités d’où
l’on tire le criftal de roche.
Enfin, la troifième eft relative aux tranfports
des matériaux qui ont été faits hors des Alpes,
par les eaux courantes, lors de l’excavation des
vallées qui en féparênt les différentes parties.
On trouve, dans les Alpes & autres grandes
montagnes qui les avoifinent, des amas & des
maffifs de pierres arrondies ou poudings, qui
ont les couleurs les plus belles & les plus variées,
& qui font vilïblement formés par l’affemblage
d’un grand nombre "de petits fragmens collés les
uns aux âutres par un gluten ou lien qui fouvent
eft aqffi dur. que les cailloux mêmes qu’ il tient
unis. On voit que ces pierres font des fragmens
de quelques roches de la même nature qu’elles}
qu’ils ont été emportés par les eaux qui les ont
roulés. & arrondis. On a imaginé de grandes révolutions
pour expliquer l’arrondiffement des
cailloux dont cès^ poudings font compofés. Ce
qu’il y a de certain, c’eft que leur rondeur annonce
qu’ils ont été roulés & polis avant que
d’être collés & réunis enfemble. Au refte, nous
difcuterons en particulier ce qui concerne ces
pierres roulées, dans un article où nous ferons
connoître furtout la part que les flots^de la mer
ont eue dans leur arrondiffement. En attendant1,
nous croyons devoir indiquer les cailloux roulés
comme occupant dans les Alpes des portions
finguliérement remarquables, a’un côté fort élev
é e s , & de l ’autre les parties les plus baffes.
Nous pouvons citer ici l’ article A dige', où nous
avons commencé à faire envifager les principales
caufes de ces difpolïtions.
Les rochers dont les Alpes font compofés, offrent,
en quelques endroits, des cavités & des
grotes d*où les habitans de la Suiffe vont tirer le
criftal de roche. On reconnoît lapréfence de ces cavités
lorfqu’en frappant avec ae grands marteaux
de fer fur les roches , elles rendent un fon creux.
Ce qui les indique encore d’ une manière plus fûre,
ce font des veines ou filons de quartz blanc, qui
coupent les roches en différens fens : ces veines
font beaucoup plus dures que le refte des maffifs,
qui font ordinairement de talcites.
Un autre ligne auquel on connbît la préfencé
d’une cavité renfermant du criftal de roche , c’eft
lorfqu’ il fuinte de l’eau au travers du roc , dans le
voifinage des endroits où l’on a remarqué ies indices
qui précèdent. Lorfque toutes ces circonf-
tances fe réunifient 4 on ouvre la montagne avec
une grande apparence de fuecès, fort à coups de
cifeau, foit à l’aide de la poudre à canon : on forme
enfuite une ouverture femblable aux galeries des
mines. On a remarqué qu’ il fetrouvoit toujours de
l ’eau dans ces grotes } elle s’amaffe dans les réduits
inférieurs, après être tombée goutte à goutte
des différentes parties des voûtes.
Il y a quelque lieu de croire qu’on acquerrok
beaucoup de connoiffances fur la formation des
criftaux de roche, fi l’on examinoit la manière dont
la nature opère dans les grottes, & même lion
analyfoit, par les moyens que fournit la chimie ,
les eaux qu’on y rencontre, & auxquelles peuvent
être dus partie des phénomènes qu’on y remarqué.
( Voyez Cristal de roche. )
C ’eft particuliérement fur le Grimfel, montagne
de Suiffe , aux confins du Haut-Valais, que l’on
trouve une des plus riches mines de criftal, &
d’où l’on tire des pièces de quelques quintaux.
M. Haller nous affure avoir vu la plus grande pièce
de criftal qu’on en ait extraite. Elle pefoit fix cent
quatre-vingt-quinze livres.
Gn a beaucoup parlé des inégalités de la fur-
face du globe & des tranfports de matériaux d’une
contrée à une autre } mais on n’a fait envifager
que de petites caufes & des effets proportionnels
qui n’étoient d’aucune importance. Cependant on
pouvoit citer de grandes opérations des eaux courantes
, dont les réfultats s’offrent partout, & nous
annoncent des déplacemens de matériaux très-éren-
duSj les uns, qui occupoient le fond des grandes
& des petites vallées crëufées par les eaux courantes
; les autres, qui font venus remplir les premiers
vuides hors de ces Vallées 8c jufqu’à de très-
grandes hauteurs.
Les premiers matériaux déplacés font ceux qui
rempliffoient toutes les vallées grandes & petites,
principales & latérales , qui ont été approfondies,
comme nous l'avons dit ci-deffus , aü milieu des
Alpes.
Les autres matériaux déplacés font ceux qui
for?t venus remplir enfuite une partie des premiers
vuides produits lors de l’excavation des vallées.
On voir ailement qu’fis ont dû former des maffes
eonfidér.ables dans les plaines qui font au dehors
de ces vallées. C ’eft là que les premiers tranfports
ont eu lieu , & qu’ ils fe continuent encore chaque
jou r } mais une circohftancé qui nous fournit un
moyen bien lûr d’apprécier à peu près la quantité
de ces matériaux , ce font les rempliffages qui fe
font faits à l'extrémité inférieure des baffins de
tous les lacs qui occupent les différentes bordures
des Alpes } rempliffages dont on peut juger à peu
près par la profondeur des lacs eux-mêmes , laquelle
, comme on fa it , a été trouvée très-confi-
dérable} c a r , comme les baffins de ces lacs fai-
foient autrefois partie de ces vallées , il s’enfuit
que le fond du baffin des lacs, qui nous repréfente
l’ ancien niveau de toutes les parties fupé-
rieures & inférieures des vallées où ils fe trouvent
fitués, attefte en même tems. l’épaiffèur des matériaux
qui ont formé la digue , laquelle foutienc
les eaux du lac à leur hauteur aéfcuellë : celanous
donne en même tems un moyen de déterminer
utile a été à peu près la profondeur primitive
es vallées extérieures à la malïe des Alpes, 8c
ce n’eft pas feulement dans les environs de la digue
des lacs qu’on trouve l’accumulation des matériaux
transportés hors des vallées intérieures, mais
encore dans prefque toute l’étendue des plaines
recouvertes vifiblemént par ces mêmes fnatér aux,
dont la plus grande partie eft formée de pierres
roulées. ( Voyez Lac , C ailloux roulés. )
II Alpes suisses. Ces grandes montagnes renferment,
i°J a chaîne qui court entre le Vallais &
le canton de Berne 5 i ° . la chaîne du grand Saint-
Bernard : j’ajoute à cela les maffifs énormes qui
s’étendent vers le Saint-Gothard y c’eft là que j ’ai
vu le mont de la Fourche, le Schreck - Harn d ?ün
cô té , 8c le Simplon de l’autre". C ’ eft ici que font
les fources des grands fleuves qui parcourent les
differentes contrées de l’Europe j c’eft de là qu’on
peut fuivre le Téfîn , qui verfe fes eaux dans i’A-_
driatique parle Pô j le Rhin, qui parcourt la Suiffe,
l’Âlface , une grande partie de la Weftphaiie , &
qui fe rend par deux branches dans la mer d’Allemagne
} lè Rhône, qui va fe jeter dans la Méditerranée
; enfin TInn , qui porte fes eaux dans la
Mer-Noire, conjointement avec celles du Danube.
On voit par-là que le groupe des montagnes que
je viens d’ indiquer eft le centre des piincipales
vallées qui découpent le grand maffif des Alpes ;
quelques-unes même des montagnes qui font à la
tête de ces vallées, ont jufqu’à quatorze mille pieds
d’élévation perpendiculaire au deffus du niveau de
la mer, & s’apperçoivent de plus de quatre-vingts
lieues de diltance.
Les Alpes fui fies réparent l’ Italie de la France ,
& commencent aux bords de là Mediterranée, près
de Monaco , entre l ’État de Gênes 8c l ’État de
Nice; elles longent le Piémont, qu’elles divifent
de la Provence 8c du Dauphiné ; elles couvrent la
Savoie, la plus grande partie de la Suiffe, & jettent
plufieurs rameaux le long des limites du canton de