
des marnes, des.fragmens de pierres dures * des
coquillages 8c d'autres productions de la mer 5
indices certains que Jes mines de charbon de terre
ont été conftruites lits par lits , 8c par des moü-
vemens réglés & alternatifs encre l’aétion des con-
tinens fur les mets, & l’aétion des mers fur les
çontinens. Quoique les lits des mines de charbon
foient ordinairement inclinés , cette difpofition,
qui n’ eft qu’accidentelle , ne doit point nous empêcher
de les confidérer comme ayant été primitivement
conftruits parallèles entr'eux 8c horizontaux
, car c’eft une loi confiante 8c invariable,
à laquelle les dépôts faits par les fluides ont été
cônftamment aflujettis.
Les ardoifes fembLnt être formées d’ un limon
argileux, délié, charié & dépole par,des eaux
changées de bitume. La fiuefie de leurs feuillets,.
& le parfait parallélifme qu'ils affc&ent tous en-
tr’eux, quoique les lits en aient été brifés 8c ver-
fés comme ceux des mines de charbon, font juger
que les eaux qui ont dépofé ces limons ont été
parfaitement réglées, périodiques , 8c fort tranquilles
dans leur cours. .
Les ardoifes ont encore cela de commun avec
les mines de charbon, qu’elles contiennent une
fingulière quantité de productions terreftres 8c végétales
; ce qui nous montre bien clairement que
les uns comme les autres maflifs ne font que des
dépôts d'anciens torrens bitumineux, qui ont
coulé fur la terre lors de quelques éruptions générales
des feux fouterrains.
Cependant les ardoifieres ne contiennent que des
plantes délicates, que des feuilles légères, toujours
couchées à plat, & affez fouvent mêlées avec
des poiflons fluviatiles 8e marins, parce qu’après
la décharge de ces. fleuves chargés-de bitumes,
les mers fans doute, 8e toutes les eaux qui s’y font
mêlées, ont confervé long-rems la même teinte,
8e font reftées chargées des parties les plus fines
de ces bitumes , des parties les plus légères du
limon, 8e des productions terreftres qui avoient
été entraînées, 8e que les marées avoient ramenées
& répandues fur les rivages. Nous ne voyons
donc dans les maflîfsd'ardoifes, de fubftances terreftres
, fluviales 8e marines, que parce que les
accidens qui Içsont produites, ont été desacci-
dens univerfels3 communs aux mers comme aux
çontinens. L’Océan feroit fans dpute aujourd’hui
une mer chargée.de bitume fi, à la faveur des fiè-
çle s, il n’eût pas dépofé, dans fon baflin 8e fur
nos çontinens, tout ce qui forme aujourd’hui nos
mines de charbon 8e nos ardoifieres.
Pour donner toute l’évidence convenable à notre
opinion fur l’origine que nous croyons devoir
donner aux difpofitions des mines de charbon 8e
aux maflifs à'ardoifes, U fuffira de faire connoître
que la nature produit encore, en de certains lieux,
des phénomènes (emblables, 8e d’examiner quelles
en feroient les-fuites fi ces phénomènes en étoient
ùips multiplias. La mer, en pluiîeurs endroits de
fes rivages, 8e notamment aux environs de la ville
de Caëh en Normandie, confirme, par fon flux 8e
reflux , 8e par la fuite des tems, une pierre fem-
blabie à Yardoife, 8e formée, comme celle de la
mer, de lames aufli minces 8e auflî déliées, qui
s’appliquent journellement les unes fur les autres.
Chaque montant apporte 8e répand fur le rivage
un limon impalpable , qui ajoute une nouvelle
feuillè aux anciennes: d’où réfulte, par la fuccefr
fion des te ms, une pierre tendre 8e feuilletée, qui
renferme dans fes feuillets des corps légers, foit
marins, foit terreftres , que le flot a dépofée, 8c
qui eft tellement femblable à Yardoife, à fa couleur
& à fa pofition horizontale près, qu'il paroit
hors de doute que Yardoife ancienne a été conf-
truite de même par le jeu tranquille 8c périodique
du flux 8c du r; flux .des mers. Si les mers de Normandie
étoient teintes de bitume, il paroît certain
qu’elles nous donneroient une véritable ar-
; doife bien feuilletée.
L’ éruption des bitumes n’eft point non plus un
fait fans aucun exemple dans l’état préfenr de la
nature : les volcans en fureur les répandent fur la
terre, 8c en forment dans leurs accès des fleuves
embrâfés, qui, comme nos rivières, fe précipitent
dans les mers. Dans une multitude de contrées
paifibles mêmes, nous avons encore des
fources chargées de bitume plus ou moins abondant,
qui s’épanchent continuellement ou feulement
périodiquement.
Nous pouvons donc aufli nous repréfenter ce
qui arriveroit à la.furface du globe fi les volcans
anciens s’enflammoient dans toutes Jes contrées
voifines des grands çontinens, s’i l s’en formoit
de nouveaux, 8e fi toutes .les forces intérieures
de la terre entroient dans une a&ion 8e une crife
violentes. Alors tous les bitumes feroient portés
à l’extérieur : nous ne verrions que des torrens
enflammés,8c des fleuves de bitumes, qui, d’accord
avec les eaux, dévafteroient tous nos conti-
nens, 8c charieroient vers les. mers des vafes bitu-
mineufes chargées des dépouilles, de tous les vé-
. gétaux terreftres 8c de toutes les productions fluviatiles.
Alors les mers lutteroient, par leur flux
8c reflux, avec les matières defeendues de nos
çontinens j les dépôts des mers, à l’embouchure
des fleuves 8c des rivières, feroient alternatifs ,
fuivant le jeu des marées, 8c lorfque la violence
des éruptions 8c des débordemens feroit ralentie
ou entièrement appaifée, le flux & reflux conti-
nueroit de ramener les fubftances les plus légères
, les boues 8c les limons les plus atténués >"8c
comme les mets en auroient été totalement chargées
8c troublées., elles dépoferoient, pendant
une longue fucceflion de.tems, à chaque montant,
une feuille de limon noir 8c bitumineux, avec une
multitude de végétaux qui fe placeroient fur leur
plat, 8c des poiflons de rivières 8c- des mers déjà
morts ou qui viendroient y mourir. Enfin, on
ne peut doqter. quJil n’en réfultât tous les phénomènes
phénomènes que nous remarquons dans nos mines
de charbon, 8c particuliérement dans les ardoifieres
y 8c ces phénomènes offriroient à la poftérité
furprife les mêmes problèmes d’hiftoire naturelle
8c de phyfique que ces antiques dépôts nous o f frent
aujourd’hui , 8c ils feroient comme eux les,
monumens naturels que les obfervateurs auroient-
à confulter pour faire l'hiftoire des différens ma,f-
fifs d’ardoife 8c de charbon de terre, formés dans
certaines contrées du globe.
Ce feroit en vain que je tenterois ici de chercher
la date de ces événemens, dont nous pouvons
étudier les résultats ; -ils ont dû être fi def-
truéleurs, 8c doivent être fi anciens , qu’il n’eft
pas étonnant que Thiftoire en ait fait li peu de
mention, 8c qu’il y ait à ce fujet fi peu de. traditions
connues8c détaillées; cependant nous pouvons
foupçonner que-ces révolutions, auxquelles
le feu a eu tant de part, font fort anciennes, 8c
il çft aifé d’en donner des preuves inconteftables
par l’étendue des parties de la furface du globe,
que les volcans éteints y occupent.
J’ai déjà remarqué que les lits des mines à'ardoifes
8c de charbon de terre étant toutes inclinées.
contre les lois de .la difpofition des fluides ,
fous lefquels ces lits fe font formés, c’étoit un
indice certain que, depuis les accidens qui ont
préfîdé à.ce beau travail, il en étoit furvenu d’autres
qui avoient produit ces dérangemens 8c ces
inclinaifons dans les couches. O r , ces derniers
accidens n'ont pu avoir lieu que long-tems après
leur conftruélion, 8c lorfque ces maflifs avoient
déjà pris, par le travail fort long de la pétrification,
une confiftance 8c une folidité dont les fractures.
8c les-arrachemens que nous y remarquons,
font des preuves confiantes. Joignons à cette
preuve une autre confédération : c’eft que la plupart
des mines de charbon 8c des maflifs d’ardoifes
, qui contiennent toutes entre leurs hts 8c entre
leurs feuilles, des fubftances marines mêlées avec
des fubftances terreftres, font aujourd'hui fort
éloignées des mers, quoiqu'elles n’aient pu être
conftruites que fur des rivages 8c dans des contrées
maritimes ou dans la mer même : autre témoignage
d’une révolution-poftérieure à leur conf-
truéfion primitive, qui, en changeant la fituation
refpeéti.ve des mers 8c des çontinens, a brifé ces
mines de charbon 8c à*ardoifes, en a incliné les
lits,. 8c a recouvert la terre de nouveaux lits horizontaux,
qui les chargent ou qui les environ-,
nent : par où il paroît que les premiers accidens
qui qnt donné lieu à la conftruétjon des uns 8c des
autres maflifs, ont occafionné par la fuite la fub-
merfion totale des lieux où ils étoient conftruits,
8c q u e , ltpng-tems après cette fubmerfion , de
nouveaux accidens ont fait reparoître ces terrains
anciennement affaifles; mouvemens qui ont produit
l’inclinaifon générale que ces maflifs pré-
fentent aujourd’hui, 8c les traélures qui s’y rencontrent
fouvent remplies de matériaux plus mo-
Géograpku-Pkyfique. Tome II.
dernes, qui ne datent que du dernier féjour des
mers.
Enfin, les mines de charbon, 8c finguliérement
les ardoifieres de nos climats tempérés, nous ont
confervé en grande abondance des végétaux ter-)
reftr.es totalement étrangers à nos contrées, 8c
dont les analogues ne croiflfent aujourd’hui que
dans des climats chauds 8c dans des régions très-;
éloignées des nôtres; monumens bien- authentiques,
encore, qui nous apprennent que, depuis la
conftruétion des maflifs de charbon 8c d’ardojfes..
le globe de la terre a fouffert .une révolution totale,
qui a changé ies climats 8c fes anciens afe.
prêts à l'égard du foieil.; Le dernier phénomène a
déjà été,expliqué par des obfervateurs naturaiif-,
tes , qui ont eu recours à des torrens des Indes en.
Europe, 8c de l ’Europe aux Indes ; mais , comme,
je l ’ai remarqué dans la Notice de P allas, on ne,
peut pas voir fur la terre les traces de ces torrens!
imaginaires, non plus que les vallées,qui feroient.
les filions creufés par ces prétendus torrens-} car
les vallées qu’on,peut trouver dans ce t r a j e t 8 c
creufées parles eaux courantes, n’ont aucun rapport
au .chemin que ces phyficiens font faire à-
leurs torrens ; 8c loin que. ces torrens, auteurs, de,
toutes ces vallées, aient pu contribuer à la coup
. truétion des mines de charbon 8c des maflifs d’ ar-
. doife, 8c de tout ce qu’elles contiennent, il eft
aifé, de reconnoître que ces torrens les ont ué-,
[ truites en partie ., puifque les pays de mines de
: charbon 8c. de maflifs & ardoifes, coupés par les
vallées comme tous les autres terrains, 8c plus
fouvent encore affaifles par leur rencontre, nous
annoncent le travail ordinaire des eaux courantes.
D’ailleurs, il eft très-vraifemblable que, lors
de la Qonftruélion des mines de charbon 8c d’ar-.
doifes dans nos contrées d’ Europe, les Indes & la
Chine, dont le fol fuper.ficiel ne porte que fur
des mines de charbon fans nombre, ainfi que fur
les ardoifieres , - n’éçoient pas encore ce qu’elles
font aujourd'hui. Les veftiges du feu font trop gé-.
néraux pour qu’il n’ ait pas régné à l.i fois dans le.
même hémifphère, 8c que les monumens qui. s’en
trouvent partout ne foient pas de même date. La
Chine'devoit brûler (s ’il y avoir alors une Chine)
lorfque l’Europe ( s’il y avoit alors une Europe}
étoit enflammée> car il eft probable que, lorfque
les lits de l’Europe fe conftruifoient fous les eaux^
ceux qui fervent de fondemens à l’Àfie dévoient
être dans le même cas. ,
Nous ne pouvons donc, conclure de la fituation
préfente des mines de charbon 8c d? ardoifes, ainfi
que de tous les phénomènes qu’elles renferment,
que dans la fucceflion des différente^ révolutions,
celle qui a été produite par le feu eft la plus ancienne,
8c celle dont la date eft par conféquent
la plus difficile à fixer.
La multitude des mines de charbon 8c d’ ardoi-
fes répandues dans toutes les parties du monde i
D d d d d '