
leurs j & comme ce n'eft que par hafard que l'on
a trouvé ceux des animaux, par les mêmes hafards
on en peut rencontrer auflî des anciens habitans
de la terre.
Ne pourroit-on pas dire (car je crois devoir
recueillir ici toutes les objections) que, quoique
le déluge de Noé n'ait couvert totalement les
terres que cent cinquante jours, les eaux ont été
bien des fiècles à s'écouler ? que les fources en
éruption ne fe font ralenties que peu à peu, &
que c'eft pendant la durée de ce long écoulement
des eaux, & par leur moyen , que nos vallées ont
été ébauchées & fillonnéefc dans les terrains vafeux
que le déluge total, & dans la force des cent cinquante
jours, avoit d'abord délayés & chariés, &
que la variété & les directions multipliées & changeantes
des courans avoient enfuite troublées &
bouleverfées à piufieurs reprifes? Mais c'eft une
façon de raifonner que j'ai déjà réfutée, & je
répète qu’elle contredit également, & la nature,
& l'Écriture même, fur laquelle fe fondent ceux
qui pourroient propofer de telles objections.
Elle contredit la nature en ce que les terrains
les plus élevés, s'ils euffent été de vafes molles
après le premier degré de l'abaiffement des eaux,
fe feroient émouffés & affaifles, au lieu que l'on
obferve au contraire que les lieux hauts font les
plus hériflés de rochers & de pointes aiguës, de
fommets, enfin d'efcarpemens 3-en forte qu'il n'y
a que les lieux inférieurs & les autres inégalités
qui foient adoucis fans cimes taiguës & fans arêtes.
O r , les premiers terrains découverts auroient
dû fe mettre plus ou moins de niveau 5 le flanc &
le contour des montagnes fe feroient adoucis, &
l'on auroit vu plus généralement les bancs fupé-
rieurs s'incliner & fe terminer toujours en diminuant
d'épàiifeur vers leurs bafes 3 au lieu que ,
dans les montagnes les plus élevées, les fommets
ne font que des monceaux de ruines, & les bancs
dans les côtes, quelqu’élevés qu’elles foient, fe
trouvent tranchés nets, pendant que les lits , parallèles
entr'eux, fe font foutenus & fe foutien-!
nent encore : il en réfulte néceffairement que ces
maffes étoiënt d'une nature dure & folide avant
comme après les grandes eaux qui les auroient
dégradées 3 elles contenoient donc dès-lors tous
lès corps marins & terreftres qu’elles contiennent
encore aujourd'hui 3 enfin elles ne dévoient point
aux torrens leur conftruCtion, ainfi qu’il en a puêtre
des lieux bas qui la doivent certainement , en bien,
des endroits, aux eaux des dernières inondations.
Cette objeClion contredit l’Écriture, qui, après
le .d é luge , nous Fait voir les hommes habitant^
d’abord les pays fort bas, & cherchant enfuite les
lies des Nations & les autres contrées que nous'
connoiffons 5 ce qui n auroit pu être ainfi -s’il n'y
eut eu d’abord que les fommets de l’Afie mineure,
& en particulier ceux de l'Arménie de découverts.
Çes Commets auroient dû être, pendant piufieurs
fiècles/ les feuls lieux habités, & dans le tems
de ce long écoulement pendant lequel les vallées
profondes de l'Arménie auroient encore contenu
des torrens rapides 3 en forte que les pays inférieurs,
tels que la Méfopotamie & la Caldée,
auroient été fous les eaux, & les montagnes feules
auroient été les berceaux des nations : elles n'au-
roient offert ainfi que des îles entrecoupées &
divifées de mille"manières différentes par le nombre,
la grandeur & la rapidité des torrens, qui
auroient empêché les hommes de fe communiquer
comme ils firent peu après, & la Bible même,
en nous apprenant l’augmentation & la difperfion
fucceflîve des peuples, nous auroit donné en même
tems les époques différentes de la retraite anffi
fucceflîve des eaux &de l’augmentation apparente
des continens.
Il eft facile d'ailleurs de remarquer que les ex-
preflions de la Genèfe nous offrent d’abord la
fuperficie de la terre, variée de toutes les mêmes
inégalités que nous remarquons aujourd’hui. Nous
y voyons, dès le commencement, des terres &
des mers, des montagnes très-hautes, & par con-
féquent des vallées très-profondes > des fleuves
d'un cours finueux , ayant des directions diverfes
& des confluens, par conséquent une terre inégale
3 des lieux extrêmement fertiles, & des lieux
qui l'étoient moins 5 des pays de pâturages & des
pays de labours 3 des vafes, des limons, &c. Ainfi,
quoiqu'il ne foie fait aucune mention direCte des
différens accidens qui ont précédé cette fituation
du globe de la terre & qui y ont concouru, toutes
ces expreflions doivent parfaitement les faire re-
connoître.
Si dans la Genèfe il eft queftion de la différente
direction des fleuves qui nous donnent une idée
des inégalités de la terre d'alors , comme le nom
de ces fleuves & leur pofition font très-connus.,
ainfi que le groupe des fommets d’où ils defeen-
doient & d'où ils defeendent encore, ainfi que
nous l'avons fait connoître, on ne peut douter
que ces fommets n’exiftaflent dès-lors 3 qu'ils ne fuf-
fent, dans leurs maffes, conftkués comme ils le font
aujourd’hui, & remplis de matières étrangères à
ces .fleuves.5 car les accidens qui ont pu'arriver
depuis dans ce continent, loin d’avoir été capables
d’en conftruire de femblables, n'ont été uniquement
propres qu'à les dégrader & à les détruire
en partie. Quelles révolutions toutes ces
c.hofes ne nous; apprennent-elles pas être arrivées
avant le tems que,la Genèfe nous fait connoître
par elles ! La nature nous dit que non-feulement
il y a eu des continens fupérieurs aux montagnes
les plus hautes, p§ que généralement nos terrains,
& les inférieurs furrout, ont été chargés & couverts
de bancs qui n’exifterit plus.
Toutes les montagnes offrent le même fpeCtacIe
que le mont Àrarat les environs de ces. ruines
font ordinairement récouverts. de: pierres brifées
& d’une multitude d'éclats de roches dont lés
gîtes font ailés à reconnoître.
Tous les voyageurs ont trouvé, non-feulement
dans lés hautes régions, comme de grandes parties
des Alpes, mais aufli. dans celles,qui font les
plus baffes, comme font les plaines de nos rivières,
& particuliérement celles des environs de Paris,
des 'maffes errantes & ifolées y n'ayant aucun rapport,
par leur grain & leur nature , aux qualités
des pierres fur lefquelles ces maffes réfîdent. D’où
viendroient-elles donc, fïnon des débris des bancs
fupérieurs qui ne font plus, & dont elles étoient
fans doute les parties les plus dures & les plus
folides ? C ’eft une chofe fi probable, qu’il y a eu
en France, en Allemagne3 en Italie, en Grèce,
én Anatolie & dans le. refte.de l’Afie mineure, des
terrains contigus & continus avec les Cévennes,
le Jura du Dauphiné & de Franche-Comté, les.
Alpes , l’Apennin , les monts Taurus , Imaiis,
Caucafe & autres » qu'ils couvroient 'prefqu'en
entier toutes , les contrées inférieures de telle
forte, que généralement la coupe de tous ces terrains
, dans les lieux découverts & efearpés, nous
préfente l'arrachement de leurs lits & les extrémités
de leurs bancs. Si les pierres d'attente de
nos bâtimens font connoître ce qu'on projette
pour l'avenir, & fi, dans des démolitions antiques,
ce qui refte furpie,d fait juger de l’état des
conftruélions toutes çntieres» fi3 Iorfqutil n’y a
qu’un débris de colonne & d’entablement, je luis
autorifé à me repréfenter une colonne entière &
une continuité d'entablement, je puis & je dois
en juger de même au fujet des différens fpeétacles
qu’ont dû préfenter de tous tems les montagnes
, monumens fi anciens dans la mémoire des
hommes. De même fi je vois des lits rompus &
inclinés, comme ce n’a jamais été leur pofition
naturelle & primitive , je les redreffe par la pen-
fée 5 enfin fi je les rencontre interrompus & tranches,
je les continue, & j'apperçois du même
coup-d’oeil leur prolongement par-deflfus les villes
& les tours que nous avons conftruites & que
nous habitons. C’eft par-là d'abord que nous avons
jugé, én voyant à découvert des lits femblables
& uniformément appareillés dans deux, croupes
correfpondantes qui bordent nos vallées dé part
& d’autre, & même les manches & les bras de
mer : j'en conclus qu'il y a eu un tems où ces terrains^
n’ont dû former qu’une feule & même malle
continue, & c'eft ainfi que nous avons commencé
a foùpç.onn'er qu'il y avoit eu une infinité de dégradations
à la furface de la terre ; .enfin c'eft
par-là que les lits de nos plus 'hautes montagnes
efearpées & ifolées., terminés ,de même en arrachement
, nous ont prouvé que routes. les di,ffé^;
rentes chaînes qui courent ç\ &; la fur nos con-;
tinens , n'ont aufli anciennement, formé qu’une
feule & même mafife continue , avant, que des
accidens les aient réparées.& deTuniès.én empor--
tant tou? les terrains donc l'enlèvement, nous les
fait paroîtye fi grandes & fi élevées, & ont çreufé.
les bâffins dé nos fleuves & -occafionné l$s 4®"
pots & les vafes qui en ont comblé de grandes
partie».,
De toutes ces difeuffions il en réfulte piufieurs
çonféquences que nous ferons valoir. i°. Tous les
terrains fupérieurs, & les terrains de nos montagnes
& les parties les plus élevées de leurs cimes
qui n'exiftent plus, ont dû leur conftruétion à
> l'Océan lors de leur pofition relative fous les
eaux.
, 2°.. Tous les terrains qui leur ont été fupérieurs
& contfgus, même à l'égard de leur pofition actuelle,
tous ces terrains n'exiftoient déjà plus dès
le commencëment des opérations de la nature dont
nous parle la Genèfe : il n'en reftoit plus dès-lors
que les débris & les chaînes de nos montagnes,
& les autres fommités. des contrées inférieures
qui préfentoient aux fleuves & aux rivières une
pente fuivie.vers les mers, & qui oeç^fionnoient
les finuofités & les ofcillations de ces fleuves, &
les amenoient à des confluences.
En tout tems ces confluences ont été fertiles
par les mêmes raifons qui rendent, fèrtiles celles
de nos rivières & de nos fleuves. Si l'on pouvoit
les faire palfer toutes en revue, on reconnoîtroit
la généralité & l’étendue de cette vérité 3 car on
fait, par exemple, que ce font aux différens confluens
de l'Inde & du Gange en particulier, que
font les plus riches contrées 5 que les plus agréables
contrées de la Chine fe voient au confluent
du Kian & du Whang-Ho,.& fans aller pins loin,
c’eft le confluent de la Marne & de la Saux en
Champagne , qui a fait la fertilité du Perthois.3<;
c’eft le confluent ancien de la:Seine & de la Marne
qui a, fait la fécondité de la France & de .la Brie ;
c'eft je confluent du Rhin & du Mein qui a fait
1 abondance &r la beauté du Palàtinat5' enfin il n’y
a ni royaume, ni province, ni contrée, où les
meilleurs.terrains ne fe trouvent aux débouchés
des grands fleuves dans les mers, des rivières dans
les fleuves, & des ruiffeaux dans les rivières, les
amas de vafes, & d’autres matières qui s’y, trou--,
vent toujours fur une épaifleur & à une profondeur
confidérables, notant que les dépôts que les.
anciens torrens y ont formés lorfqu’ils furpaffoient
de beaucoup la hauteur & la Force des eaux préri
fentes.
C’eft pourquoi je peux dire encore ic i, avec la
pins grande & la plus entière certitude, que les
vafes chariées par les torrens,. dont l’Euphrate 8c
le,Tlgre. n’étoient que les: reftes, avoient formé
à leur confluent les; plaines fpacieufes , fertiles &
délicieufes que -les hommes d’avant & d’après le
dernier déluge .connu avojent habitées'} & le fol
a fi peu changé depuis foixante-quatre fiècles, que
ce font encore aujourd’hui les plus vaftes plaines
Sdes plus beaux pays du monde- La Méfopotamie,
par fon nom feul , a rendu d^ps:tous les teins raifon
de fa-fertilité. . .
Nous avons des lieux mêmes en France qui
peuvent nous Faire juger de l’état où ces belles