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commencent jamais qii’après le mois d’août, & fe
prolongent fouvent jufqu’en octobre. En été ces
montagnes préfentent le plus magnifique fpeôta-
cle : élevées en amphithéâtre les unes fur les autres
, elles font couvertes d ’une forte peloufe. Des
milliers de filets d’eau y entretiennent toujours,
& à tous les niveaux, la fraîcheur & la verdure.
Le printems y règne dans fon plus grand éclat,
car alors toutes les fleurs s’y développent & y
brillent.
L ’air de ces hautes montagnes ne convient
qu’aux, hommes qui y font accoutumés. L’hiver
commence plus tôt, & finit plus tard que dans nos
villes 5 cependant, dans les vallées & les gorges
que forment toutes ces montagnes, il y a ’un
grand nombre de villages, & même plufieurs
bourgs, dont les plus confidérables font la Calm
& la Guiole : le commerce de ces bourgs confifte
en beltiaux & en fromage.
De la Calm à la Guiole on traverfe une contrée
fillonée par des vallons profonds. La petite ville
de la.Guiole eft bâtie fur le penchant d’une montagne,
où fe montrent plufieurs maffifs de laves
bafaltiques, & au pied de laquelle coule la rivière
de Selve : il s’y fait un commerce confidérable de
fromage, qui dans cette contrée eft plus gras &
meilleur que dans les environs. D’ailleurs, le territoire
de la Guiole étant affez productif en fei-
g le , les habitans en échangent le fuperflu contre
les vins du Lot.
Les montagnes qui entourent le département
de l’Aveyron font prefque toutes voicanifées >
mais c’eft furtout depuis la Guiole jufqu’ à Nav.es,
village fitué à deux lieues au fud de l’ancienne
abbaye d'Aubrac 3 qu’ elles offrent des traces de
ces antiques incendies. On y admire beaucoup de
bafaltes prifmatiques, offrant des colonnes groupées
en jeux d’orgues, & des pilaftres à facettes
de différentes formes. Il feroit à defirer que ces
montagnes fuffent vifitées & décrites comme le
Mont-d’Or & le Cantal, par des naturaliftes qui
fuffent diftinguer les différens états où fe trouvant
les produits -des feux fouterrains, & qu’ ils
les rangeaffent dans un ordre méthodique , qui
eft la feule forme qui puiffe les rendre intéref-
fans.
Dans toutes les montagnes que nous venons de
décrire, les arbres fruitiers y font prefqu’incon-
nus. Pendant l’hiver, comme les troupeaux ne j
peuvent fortir, les hommes font occupés, dans
i ’interieur des.maifons* à foigner les beftiaux , à
battre,8c à vanner le blé.
La chaîne, des montagnes d’Aubrac fe termine
au point où^le Lot entre dans le département.
Non loin de là, cette rivière va divifer en deux
parties la.yjllede Sâint-Geniez. Du haut des montagnes
qu’ on quitte, fe précipitent plufieurs ruif-
féaux qui mettent en mouvement un grand nom-,
bre de moulin s.,: lefquejs fervent à fouler les*étof-
fes qui fe fabriquent à Saint:Geniez.
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AUDE. Ce département a pris fon nom de fa
principale rivière, qui eft Y Aude. Nous ne dirons
rien fur le phyfique de cette contrée intéreffante.
Nous renvoyons ces détails à l’article C a r c a s -
sonE, où nous ferons connoître furtout ce qui
concerne la diftribution & la forme du terrain à
travers lequel on a ouvert le canal du Midi. Nous
nous bornerons ici à donner la defcription raifon-
née du cours de la rivière à'Aude & des étangs-
de B âge s , de Sijean., de Fleury 3 de Gruijfan, de
Marfilette & de P aime, & nous finirons par faire
mention des grandes bordures de mer qui ceignent
ce département au midi, & parmi lefquelles nous
diftinguerons Pifievaques & f^ieille-Nouvelle.
A u d e , rivière qui prend fa fource dans le dé-
partément des Pyrenees orientales, arrondiffe-
ment de Prades, à deux lieues & demie nord-oueft
de Mont-Louis, coule au nord, paffe à Frona-
guerre, entre dans le département de l’Aude, ar-
rofe Quillan , A lle t, Limoux, Carcaffone, remonte
un peu au deffus au nord, & , tournant à
l’e ft, côtoie le canal du Midi, puis le quittant au
deffus de Narbone, fe fépare en deux branches ,
dont l’une va fe rendre dans l’étang de Fleury, &
delà dans la mer,.à quatre lieues eft de Narbone}
& l’autre defcend au fud, & fe rend dans l’étang
de Gruiffan, lequel fe décharge dans la Méditerranée.
Après le tracé fuccinft du cours de Y Aude t
nous allons donner une idée fort étendue des
changemens qui ont eu lieu dans le fol qu’elle a
parcouru depuis des fiècles , & furtout des atterriffemens
auxquels cette rivière a contribué , depuis
Narbone jufqu’à la mer.
On reconnoît encore cet ancien bord de la mer
en fuivant la branche de l’^ e qui fubfifte aux
environs du village de Cufcac} il fe prolonge vers;
la commanderie de Font-Calvi, aux environs du
village de Montels & de la ville de Capeftang,
d’où il fe replie vers le pied du haut coteau , fur
lequel eft fitué le village de Poijhés ; il remonte
de là vers les terres du bourg de Niffe, tafè la
commanderie de Peries, & après avoir parcouru
le Pas-de-Loup, les environs des villages de l’Ef-
pignon & Vendres,. il fe terminoit à la mer à
quelque diftance de l'embouchure de la branche
de la rivière d’Aude qui fubfifte.
Voilà quel étoit le contour des anciens bords
du Lacus Rubrenfis ou de l’anfe dont il occupoit la
place. Sa figure reffemble affez à celle d’une el-
lipfe, dont l’extrémité de l ’axe étoit vers le port
de la Nouvelle, & l’autre à l'endroit que nous venons
d’indiquer fur la plage, au-delà de l ’embouchure
de. la rivière d'Aude. La longueur de cet
axe eft d’environ fix lieues , & fa plus grande ordonnée
de trois lieues environ..
, Cé lac renfermoit plufieurs îles, donc l’une fe
trouve^.dans l’étang.de Sijean ; une autre, qui le
féparoit de la mer, s’appelle Sainte-Lucie, & une
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troifième , plus grande que les autres enfemble ,
étoit la montagne de la Clape, qu’on appeloit
Infula lacûs. Elle eft devenue, ainii que celle de
Sainte-Lucie, une prefqu’ île , au moyen des dépôts
des deux branches de la rivière d'Aude. Le
refte du Lacus Rubrenfis eft réduit en étangs & en
marais. On peut y comprendre aufli les parties du
baflin de la mer, fur lefquelles ces dépôts fe prolongent,
en même tems qu’ils s’étendent aufli fur
les étangs & les marais.
Il me refte une obfervation à faire fur l’étendue
des atterriffemens que la rivière d'Aude a formés,
foit lorfque ces deux branches fubfiftoient, foit
depuis qu’ il n’y en a qu’une , & que le canal de
Narbone a été fubftitué à la place de l ’autre : ils
embraffent l’efpace qui eft entre ce canal & la mer,
depuis les environs du village de Gruiffan jufqu’au
grau ou port de la Nouvelle, & , vers le milieu
de leur longueur, le grau de la Vieille-Nouvelle.
Cette étendue s’agrandit par les dépôts que continuent
de faire les deux branches de Y Aude. On
pourroit, en arrofant une grande partie de ce
vafte terrain, enleverffa falure & le rendre de plus
en plus fertile, foit par des arrofemens partiels,
foit par des inondations plus étendues } mais ceci
n’eft pas de notre objet. Il paroît que la nature ,
eii formant ce terrain, a laine encore à notre, dif-
pofirion les agens qui peuvent l’améliorer & le
rendre fertile en productions de diverfes efpèces ;
ce font les arrofemens, &c.
La rivière d'Aude avoir anciennement deux
bras, & fe débouchoit par tous les deux dans une
grande anfe que formoit la mer en s’avançant dans
les terres. Ses eaux étoient fort bourbeufes, &
le font encore fouvent ; c’eft pour cette raifon
qu’elles dépofèrent dans cette anfe les matières
qu’elles charioient fi abondamment. C ’eft ainfi
que , par la fuite des tems, cette anfe a été comblée
dans la plus grande partie de fon étendue :
fon nom étoit autrefois Lacus Rubrenfis 3 & pofté-
rieurement Lacus Narbonites.
La branche de la rivière d'Aude , qui paffoit à
Narbone, formoit au pied de fes murs un port très-
fréquenté, qui ne fubfifte plus depuis plufieurs
fiècles : on y a fubftitué un canal qui paffe dans
cette ville, & qui traverfe vifiblement les atterriffemens
qu’elle avoit faits. L ’autre branche qui
fubfifte, continue des atterriffemens conjointement
avec le canal, &. l’on peut dire qu’ ils font
très-àbondans. Pour reconnoîtrel’étendue de ces
atterriffemens, il fuflît d’indiquer le contour des
bords qu’avoit primitivement le Lacus Rubrenfis ,
lequel formoit dans les terres cette grande anfe
dont j’ ai parlé j & l'on verra facilement, en corn-:
parant les bords aéluels de la mer avec les anciens
bords du lac, combien la merVeft reculée de fes
premières limites, & que lié-eft l’étendue des at-
terriflemens formés par la rivière d'Aude.
• Il y a un moyen fort fimpler pour reconnoître
ces limites, c ’eft la falure.dont les dépôts anciens
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& modernes’ font encore imprégnés : il y en a
aufli un autre pour des naturaliftes, c’eft la.forme
des dépôts , qui diffèrent quant à l ’organifation
des couches anciennes & primitives de la terre }
mais en fe bornant au fe.ul indice de la falure, on
voit que les bords des étangs de Sijean, de Pey-
riac, qui faifoient autrefois partie du Lacus Ru-
b ren fis 3 n’ont que très-peu changé > fi l’on excepte
quelques petites anfes qui s’enfonçoient dans les
terres fur le bord de l’étang de Sijean, & que la
rivière de Berre a comblés par fes dépôts. On reconnoît
toutes ces anciennes formes par la falure :
cette rivière a épargné l ’emplacement des falins
qu’on a établis,auprès du bourg de Sijean. On a
formé aufli fur le bord de l’étang de Peyriac de
femblables falins, fitués à côté du village de ce
nom. C ’eft par ces deux établiffemens qu’on a
remplacé les falins de Mandirac, parce que les
atterriffemëns augmentés chaque jour par les eaux:
du canal de Narbone ont fait abandonner ces
falins. En fuivant de même les contours du baflin
de l ’étang de Bages, qui commencent aux environs
du château de Montfort, on voit que cet
ancien bord de l’anfe paffoit vers les métairies de
Saint-Laurent, de Lunes, de la Caforte, voifines
des falins de Mandirac : c’eft ce que défignent’les
terres faléés.
En recherchant ces traces de la falure pour déterminer
les atterriffemens de Y Aude qui ont anticipé
fur le baflin de la mer, on arrive à l’endroit
où étoit autrefois l ’embouchure de cette rivière,
laquelle paffoit, comme nous l ’avons d it, à Nar-
bone. Si l’ on dirige toujours fon examen par la
falure des terres, il eft aifé de reconnoître qu’un
terrain appelé la Rouquette, & qui a la forme d’ un
grand enfoncement lorfqu’on le compare à fes
environs, a fait partie de l’ancien port de Narbone
: on y a trouvé les ruines d’anciens, bâti—
mens. Mais, je le répète, ce qui me paroît prouver
mieux ces anciens événemens aux yeux d’ un
naturalifte, ce font les matériaux des dépôts, &
leur arrangement un peu tumultueux.
Si l ’on continue à rechercher le bord primitif
du Lacus Rubrenfis 3 on le trouve au pied du plateau
fur lequel eft fituée la métairie de Gréieal.
La falure des atterriffemens qui font adoffés contre
ce plateau, & encore mieux l’état des maté?
riaux, fait connoître aux observateurs inftruits,
que la mer y flottoit. On trouve la même difpo-
fition dans les terrains voifins des métairies de
Malert, de Balifte, de Rezinbaud & de Riveirot,
qui côtoient ce même plateau; puis.il fe replie
près de cette dernière, en formant une bordure le
long des jardins de Narbone : c’eft de là qu’après
avoir traverfé le canal, il va fe joindre au plateau
fur lequel paffe le chemin de Narbone à Saint-
Pqns. Cette bordure fe prolonge enfuite le long
d un coteau qui je lie aux Corbières. Cette autre
partie du bord primitif de l’anfe remontoir vers
l’endroit où la rivière d'Aude fe divifoit en deux