
du Malabar & du royaume de Golconde ; mais la
Perfe paroîtêtre le lieu de retraite le plus fréquenté
par les troupeaux à*onagres. Aurefte, dans les montagnes
des environs de Casbin, on en trouve en
tout tems de l’année: lesPerfansen font la chafle,
ainfi que les Tartares nomades. Les Perfans tâchent
de prendre les jeunes onagres , parce que c’eft de
l’accouplement de ces onagres apprivoifés , que
provient cette belle race d’ânes qui fervent de
monture en Perfe & en Arabie.
Ces onagres.3 dansTétat fauvage & réunis en
troupeaux, font conduits par un étalon principal.
Cependant il paroît que, dans le tems où ils font
leur émigration vers le fud de la région qu’ils habitent
3 ils s’attroupent en plus grand nombre , &
e’eft précifément le tems où le rut eft paffé & les
femelles pleines. Leschaffeurs fe cachent, pour les
attendre au paffage, dans les environs des marais
d ’eau faumâtre où ils vont s’abreuver. Ces animaux
préfèrent l’eau falée à l’eau douce : ils pâturent
avec plaifir les plantes chargées de parties
falines , & les pays voifins de la Tartarie leur
offrent ce double agrément par l’abondance des
amas de fe l , des marais falés , & des plantes qui
affeétent les terrains qui font chargés de fel marin.
ANECDOTES i>E l a n a t u r e e t d e l ’h i s t
o ir e de l a t e r r e . Après avoir préfenté, dans
les notices du premier volume, le précis des travaux
de plufieurs favans naturalises fur la géographie
É phyfique, il me paroît convenable de
rèndre ces analyfes encore plus utiles, en rapprochant
méthodiquement, fous le titre d*anecdotes
les principaux faits qui y font expofés & difcutés,
ou que j’ai moi-même obfervés d’ une manière
particulière. Ici je n’ai point en vue de former un
corps de recherches liées enfemble, fans vides,
fans intervalles, & au milieu defquelles figurât un
.principe hypothétique, adapté au befoin de remplir
ces intervalles, comme on les hafarde dans
les théories de la terre.
Les différens écrivains qui fe font occupés des
corps d’hiftoire fuivis, ont recherché avec foin
s ceux qui avoient recueilli avant eux les anecdotes
concernant certains événemens d’une grande importance
, & où les détails lés plus intéreffans fe
\|rouvoient expofés de manière à faire connoître
les principaux agens & leurs influences. Outre
cela, les curieux en fait de recherches ont toujours
confidéré les Mémoires anecdotiques comme
les plus piquans & les plus inftru&ifs, où d’ ailleurs
les circonftances des faits étoient plus décidées
que dans les hiftoires générales , parce que les
auteurs de celles-ci ont fouvent fuppléé aux vides
par des préjugés & des hypothèfes dont il faut fe
défier le plus fouvent.
C ’eft à peu près dans les mêmes vues que, fous
le titre d'anecdotes de la nature, j’ai raflemblé un
grand nombre de faits qui doivent faire partie de
Yhifioire de la terre, très-circonftanciés, auffi euri
eux qu’inftru&ifs, & dont les détails intéreffent
d’autant plus, qu’on s’eft borné, dans leur expofi-
tion, à des points précis & dégagés de toutes difi
euflions qui aurcient pour objet les recherches
pénibles des agens & des caufes.
On verra donc figurer dans cet article les mo-
numens naturels des révolutions qui ont laiffé leurs
empreintes à la furface du globe. Ces monumens,
dont s’occupe la géographie - phyfique , furtout
quant à leur pofition, quoiqu’altérés à un certain
point, ont confervé les traces des opérations de
la nature, de manière à nous faire remonter vers
les tems qui en ont été témoins, & vers les agens
qui y ont laiffé leurs empreintes.
Mais dans ces a n e cd o te s on s’attache à ces monumens
& à toutes* les circonftances de leur formation,
fans en hafarder les explications en appelant
des caufes inconnues , & qui n’entrent
point dans le fyftème a&uel des agens naturels. Il
nous fuffit que ces monumens foient incontefta-
blement les reftes d’événemens paffés, & qu’ ils
exiftent fur de très-grandes parties du globe 3 pour
qu’ils foient rappelés dans ces a n e cd o te s. I c i, ce
que les Anciens ont écrit ne peut fuppléer à ce
que l’obfervation nous fait connoître. Cette fuite
d'a n e cd o te s eft donc la feulé reffource de ceux qui
recherchent fihcérement la vérité & les progrès
de l ’hiltoire de la terre fur des bafes affurées*
Tout ce travail e ft, comme on v o it , exécuté
fur un plan totalement différent de celui qu’ont
adopté les auteurs des théories de la terre, car
on a le courage d’ignorer ce qui n’eft pas fondé
fur des monumens inconteftables.
Je le répète : dans 'cette expofition des anecd
o te s d e la n a tu r e , je donne les grands faits pour
ce qu’ils font, comme la nature nous les offre, &
! dans les limites où je les ai reconnus i en un mot,
dans leur enfemble, & de telle forte que l’on n’y
ajoute aucun développement ni rapprochement}
ils font recueillis dans leur pureté pour ainfi dire»
parce qu'il ne s’y trouve aucun mélange de fyf-
tèmes.
Je dois ajouter ici que l’expofition de tous ces
faits & - anecdotes ne peut faire impreffion que
fur ceux qui ont une certaine habitude d’obfer-
ver, & d’en recueillir de femblables $ en un mot,
qui fentent le befoin de lesv vérifier.
N°. I. A n e c d o t e s fu r la fu p e r fic ie & la c o n j litu t io n
in tér ieu r e d u g lo b e d e la terre.
Le bonheur qu’ont les nations d’habiter, depuis
une longue fuite de fiècles, une terre heureufe &
tranquille, les a rendus diftraits fur les anciennes
révolutions du globe. Au milieu de leur félicité ,
elles ont oublié les tems de tourmente, & s’ il
furvient de nos jours quelques défaftres, leurs
I récits ne fervent qu’à alimenter les Journaux & la
converfation des ignorans. Le peu que nous favôns
des événemens des tems reculés eft allez générâlement
confidéré, par le plus grand n'ombre,
comme furnaturel, & tout ce que les obfervateurs
inftruits en ont découvert depuis deux à trois cents
ans, à mefure qu’ ils fe font attachés aux monumens
de la nature, a été confidéré comme fabuleux
par le commun des hommes.
Plus on réfléchit fur l’oubli que les hommes ont
fait des révolutions du globe, plus il paroît in-
compréhenfible. Nous allons montrer qu’il rie peut
être de l’hiftoire de la terre comme de l ’hiftoire
de ces empires dont il ne refte que les noms , &
dont les tems ont dévoré & dévorent encore les
ruines.
Si nous nous trouvions dans des circonftances
auffi fâcheufes, on ne pourroit avoir une preuve
plus forte de là vieilleffe de la terre, de la multiplicité
de fes révolutions, puifque ce ne pourroit
être qu’un efpace immenfe qui auroit fait difpa-
roîrre les veftiges d’événemens auffi remarquables,
& anéantir l’intérêt que les hommes de tous les
fiècles auroient dû toujours y prendre.
Effayons donc de rappeler ces fouvenirs inté-
reffans que des tems ont détruits. Quoique les
traditions fe foient ufées, affoiblies & altérées > &
qu’on en ait formé des fyltèmes bizarres & fortement
célèbres, il n’en a pas été de même des
monumens naturels qui fubfiftent non-feulement à
la furface, mais encore dans l’intérieur du globe.
A mefure qu’on les a plus obfervés, on s’eft convaincu
qu’ils ont furvécu aux anciennes religions,
au« empires , aux monarchies , q u i, ’comme éta-
bliflemens humains , ont paffé & ne font plus,
tandis que tout ce qui porte l’empreinte des lois
de la nature nous eft relié, & fubfiftera jufqu’à la
fin des tems.
Il ne faut que baiffer les yeux vers la terre, &
l’examiner avec une attention un peu fui vie, pour
reconnoître qu’une grande partie des contrées que
nous en connoiffons, ont été conftruites fous les
eaux & par les eaux. Non-feulement on y découvre
des bancs, des couches pofées les unes fur les
autres avec une grande régularité & fur une fi
vaftfe étendue, qu’ il n’y a qu’un élément comme
l ’eau qui ait pu produire un arrangement fi général
, & préfider à une conftruétion auffi régulière.
D’ailleurs , les matières qui forment ces
bancs & ces couches ne font prefqu’entiérement
que des productions des eaux , & des amas & des
débris de toutes fortes de fubftances animales &
végétales, qui n’ont pu naître, vivre, croître &
multiplier que fous les eaux. J’ajoute même que
s’il fe trouve des fubftances étrangères, elles
font en état de matières tranfportées & dépofées
par les eaux.
Plus on a fait de recherches, plus on a reconnu
que toutes les productions de la mer étoient raf-
femblées, à differentes hauteurs, dans les collines
& dans certaines montagnes. On y a vu les coquilles
furtout arrangées & accumulées par familles
, ainfi qu’elles le font dans le fond de la
mer la plus calme. Certaines contrées ont offert
des efpèces que d’autres ne renferment pas : c’eft
là furtout qu’on a rencontré des montagnes entières
, dont la maffe principale n’étoit que coquilles,
poudre ou femence de coquilles, en forte
qu’ il a été riéceffaire dê conclure , de cette fingu-
lière & étonnante compofition, que les coquilles
étoient plus anciennes que les maflifs des collines
& dés montagnes, & que ceux-ci n’auroient jamais
exifté s’il n’ y avoit eu antérieurement des mers
& des animaux marins pour fournir les matériaux
dont ils font compofés. Enfin, on a reconnu que la
nature ne nous étaloit, en aucun genre, une fécondité
auffi admirable que celle de la mer.
Indépendamment de ces coquillages & des
dépouilles des animaux marins qui fé trouvent
dans nos continens au milieu des couches terreu-
fe s , fabloneufes & même pierreufes, l’on y a
rencontré des dépouilles femblables d’animaux &
de plantes terreftres embaumées, & enfevelies fi
profondément au milieu des couches régulières de
chaque contrée, que leur pofition, comme celle
des animaux marins, a paru vifiblement précéder
le tems qui a préfidé à leur compofition, & par
conféquent vifiblement appartenir à une époque
antérieure à la formation des montagnes, à l’ap-
profondiffement des vallées & des lits des fleuves j
en un mot, à l’état où fe trouve la furface de la
terre j en forte que certaines carrières ont femblé
avoir été des charniers d’animaux connus & inconnus.
D’autres nous ont offert des forêts enfevelies
fous les lits & les couches de plufieurs
contrées : outre cela, les mines de charbons de
terre, ainfi que les ardoifières, fe font trouvées
tellement remplies des empreinces des plantes les
plus fragiles & les plus délicates, que ces matières
entaffées & comme embaumées dans le bitume,
ont paru quelquefois en former la fubftance principale.'
Enfin, la Sibérie, l’Amérique feptentrio-
nale & autres régions du Nord nous ont.confervé:
des offemens d’animaux qui ne vivent-aujourd’hui
que dans les provinces du Midi de l’Afie & de
l’Afrique ; & l’intérieur de la France, de laSuiffe
& d’aurres provinces de l’Europe ont montré des
plantes parfaitement confervées , qui ne croiflenc
naturellement qu’ à la Chine & aux confins de
I’A fie, phénomènes qui femblent rappeler la mémoire
d’ un ancien état qui n’ eft plus.
On voit donc que tous ces phénomènes em-
braffent la nature entière , & que les veftiges du
travail des eaux fe trouvent non-feulement partout
où il y a des coquilles , mais encore où il y
a des bancs étendus & réguliers. 11 ne s’agit que
d’obferver avec foin, & de fouiller plus ou moins
fuivant les lieux dont la fuperficie ne peut être
altérée, foit par les travaux des hommes, foit par
des accidens qui appartiennent à des époques pof-
térieures à la conftrûétion de nos terrains.
Avec toutes ces marques fenfibles & convaincantes
du féjour Sc des opérations de la mer fur