
nos continens , nous découvrons encore de toutes
parts :de$ débris & des décombres. Nous trouvons
quelquefois les lits &des couches coquillières dé
la terre rompues- boüleverfées 5 nous voyons
une infinité de maffes énormes qui ont été culbutées
5 enfin, nos continens noiïs préfentent dans
leurs montagnes j dans leurs vallées 8c fur les
bords des mers,- des-terrains, tranchés, coupés,
efcarpés, & , à certaines profondeurs, des-é'bou-
lemens & desaffaiffemens très-étendus. De grandes
régions & des chaînes cqnfidérables de montagnes
portent auffi: les marques inconteftables des
ravages & des éruptions des feux fou terrai ns,, &
ces produits du feu ne fe rencontrent pas feulement
dans les contrées où les volcans font en
aCtion, mais encore dans les contrées paifibles où,
de mémoire d'homme, aucun accident de cette
nature n'a été connu ni même foupçonné avant
ces derniers tems. Tou te la terre paroît donc,
depuis fou apparition hors des eaux , avoir été
dans un état de deftruCtion dans toutes les parties
dè fa maffe & de fa fuperficie, foit par leseaux,
foit par le feu.
Ces obfervarions ayant été multipliées de nos
jours, il n’eft pas poflîble de les confidérer comme
des.erreurs ou-des illufîonS de quelques écrivains
livrés aux hypothèfes. On en peut donc tirer cette
conféquence générale, que notre féjour a perdu
une ancienne forme & en a acquis une autre, à
laquelle la première fert de bafe, &~qui a une organisation
toute différente de la première, mais bien
régulière : ainfi les continens, après avoir féjourné
fous les eaux pendant une longue fuite de fièdes,
en ont été dégagés & mis à fe c , comme ils le font
actuellement, ou tout à la fois, ou fucceflivement.
On ne peut nier que la fituation des terrains , les
uns à l’égard des autres, n’ ait beaucoup changé
dans la fécondé forme : ainfi les mers & les continens
ont eu d’autres limites, 8c ont été mutuellement
déplacés.
Cet ancien état de la terre, S.* les conféquences
fi naturelles & fi fimples qu’on tire de tous les
monumens qu’elle nous offre dans fa fituation actuelle,
deviennent d’autant plus certaines, qu’ on
fuit avec plus de foin la marche des agens qui
ont altéré l'un & l ’autre état en formant toutes
les inégalités de fa furface j mais avant de prendre
un parti fi fage,jk.de fe borner au travail fucceffif
des pluies & des eaux courantes, on a imaginé les
hypothèfes les plus fingulières : on a voulu nous
faire voirfle monde entier, tantôt fous les eaux,
tantôt hors des eaux, offrant une viciffitude fi peu
conforme aux idées communes & aux lois aCtuelles
de la nature , que, pour expliquer ces changemens
& leurs caufes, on a cru ne pouvoir imaginer rien
d’affez extraordinaire. Les uns ont brifé le,globe
de la terre comme un vafe d'argile, & en ont fait
nager les débris, d’autres l’ont fait diffoudre par Te au , & quelques.-uns pafïer par le feu. Or, a
ralfemblé des eaux imaginaires dans tout le tourbtllon
terreftre, & même au-delà. On a inventé
des courans des pôles à l’équateur, & de l’équateur
aux pôles, de l’Europe aux Indes, & des
Indes en Europe. Pour expliquer toutes les irré-.
gularités de la furface de la terre, la formation de
nos montagnes & de nos vallées, on a multiplié
les tremblemens de terre & les affaiffemens des
cavernes fouterraines ; on a eu recours aux tempêtes,
âux courans, aux flux & reflux des mers qui
couvroient anciennement une grande partie de nos
habitations. L’imagination de l’homme n’a jamais
trouvé, dans aucun fujet, une carrière plus vafte
& plus propre à lui faire déployer , toutes fes ref-
fources ; mais l’imagination devoit-elle être con-
fultée dans toutes ces circonftances, quoique cependant
quelques-uns des moyens introduits dans
les hypothèfes dont je viens de parler, aient expliqué
, d'une manière affez fatisfaifante, certains
faits ? Jamais ces fyftèmes n’ont réuffi à rendre
raifon de tous les phénomènes , & on les a trouvés
incomplets lorfqu’ ils n’ont pas été reconnus, faux,
abfurdes & ridicules. En général, on peut dire
qu’ on s’eft trop prefle d’établir les caufes fans que
les effets fulTent parfaitement connus. On verra
par la fuite qu’on n’ a pas fuivi , foit dans la recherche
de ces effets , foit dans leur analÿfe ,
l’ordre chronologique qui auroit pu en rendre
l’emploi plus affuré.
Le déluge univerfel a été un de ces moyens
généraux d’explication j c’eft auffi l’unique époque
que la plupart des peuples ont adoptée : il n’y a
pas même long-tems que les favans en font défa-’
bufés. Je vois que Scheuchzer & fes contempo^
rains appeloient les coquilles foiïîles les médailles
du déluge. Mais depuis ce tems l’art de voir & de
raifonner fur ce que l’on voit s’étant perfeCtioriné,
les meilleurs obfervateur$,les théologiens, mêmes
ont reconnu que tous les monumens du féjour des
mers ne pouvoient trouver leur explication dans
certaines traditions. On fait que tout ce que nous
voyons d’extraordinaire fur la terre, & en particulier
la difperfion des corps marins fur nos continens
, ne peut appartenir à cette antique inondation
, mais aux dépôts formés pendant un ancien
& long féjour des mers. Cette opinion, qui a été
; celle des Anciens & de quelques favans du moyen-
âge , doit 'être mife au nombre, des plus belles
découvertes de notre fiècle. Les phyficiens , ainfi
dégagés des préjugés où ils ont été depuis fi long-
tems à cet égard, ne peuvent que s’avancer à
grands pas dans la carrière de l’hiftoiredu monde.
Ils ont vu qu’ il étoit plus raifonnable de s’en
rapporter aux réfultats des obfervations , en
tenant compte de la longue fuccelfion des tems
& de la diverfité des époques indiquées par
les monumens q u ife préfentent à la furface du
'globe.
C ’eft auffi cette dîftinCtion des faits 8r des tems,
fi indifpenfable dans l’étudé & dans l’examen des
opérations de la nature, que j’ aurai particulièrement
en vue dans cë grand article où je me pfo-
pofe de ramaffer & de réunir, dans un ordre rai-
ion né &c méthodique, les anecdotes de l'hifioire de
la terre, dont une multitude d’obfervations nous
inftruifent déjà en.détail.
La méthode qui m’a paru la plus naturelle &
en même tems la plus fimple pour fuivre exactement
les, traces des anciennes opérations de la
nature, 8c remonter aux premiers événemens, fi
tant eft que nous puiffions jamais les atteindre, a
été de confidérer jëparément la fuperficie de la
terre , pour en décrire les formes diverfes 8c les
inégalités, enfuite à faire connoître auffi féparé-
ment fon intérieur.
A l ’aide de ce genre d’analjife 8c de cette double
étude , :je crois être parvenu <à découvrir que les
phénomènes de la fuperficie font d’ une autre nature
que ceux de,l’intérieur , & que .de l’examen
des uns & des autres il rëfulte deux principes"
auffi fimples que propres à: guider nos pas : le
premier, que les matériaux qui font entrés dans
la compofition des maflîfs, qui non-feulement occupent
l’intérieur de la terre , maisencore fe distinguent
à fa furface, font d’une date antérieure
à toutes k s inégalités de la furface , & appartiennent
à un ordre de chofes.fk à des agens totalement
ditférens} le fécond , que les inégalités fu-
perficielles, empreintes dans les vallées & les
vallons, dont.les excavations plus ou moins profondes
ont produit les formes des collines & des
montagnes 3 font les plus récentes j en forte que
ce que nous voyons de dégradé, de déplacé à la
furface des parties dé nos: continens connues , ne
peut être eiivifagé comme le$ effets d’une révolution
prompte & fubite , mais comme la fuite de
1’aCtion des eaux courantes, tantôt:lente , tantôt
rapide, 8c des défi méfions qu’elles ont opérées
pendant un long efpace de tems.
Il m’a paru d’ailleurs que les phénomènes de la
eonftitutio,.n intérieure avoien t été produits à diffé-1
rentes reprifes , & néceffairement dans de grands:
intervalles proportionnés aux maffes de la moyenne
8c de la nouvelle terre. Quant aux principaux agens
8c aux caufes premières de tous ces grands événemens,
c’ eft fur quoi je ne crois pas devoir également
infifter avec la même certitude ; car outre
que l’on a vu à peine ce qui eft arrivé, on ignore
encore comment cela eft arrivé. Cependant comme
nous allons nous attacher, dans nos anecdotes , à
des faits conftans > ce fera , ce me femble, un
moyen de connoître un jôur ou de foupçonner
quelques-unes des caufes dont les effets font les
plus récens.
Les obfervations faites jufqu’ à ce jour ayant été
fouvent peu ftires, toujours très-vagues & fans
liaifon entr’elles , les époques diverfes de tous ces
faits offriront auffi quelques difficultés que je ne
prendrai pas à tâche de réfoudre en dernier reffort.
On ne peut tout au plus , dans ce plan de travail *
qu’indiqher l’ordre des événemens & leurs âges >
mats ce feroit une hardieffe témëraife que de prétendre
calculer leur durée*
A n e c d o t e s . Premier fupplément au n°. I , fur La
compofition de la moyenne & nouvelle terre.
La multitude infinie de coquillages répandus fur
toute la terre nous a offert les monumens les plus
naturels du féjour de la mer fur nos continens.
Nous en avons trouvé enfuite quelques veftiges
hiftoriques dans les traditions des diverfes nations
de l’Afie j mais ces opinions ayant été plutôt le
fruit de la folle imagination des hommes, que d’un
fouvenir du paffé, ne peuvent mériter d’être mifes
en parallèle avec les monumens refpettables de
la nature : il faut donc en revenir à ces monumens
authentiques qui font les témoins inconteftables
de l’ancien état de la terre, pour fuivre l’examén
des différentes productions marioes, pour en re-
connoître les formes, les efpèces & les familles.
Nous nous occuperons de ces objets dans différons
articles du Dictionnaire} mais ici nous devons-éle-'
ver nos regards fur la terre entière, 8c ôbferver en
grand s’il n’eft pas refté fur nos continens, dans
l’enfemble des maffifs, "des traces du féjour des
mers 8>c des effets de leur retraite de deffus les
dépôts qu’elles ont abandonné!.
Les continens que nous habitons depuis environ
foixanue - quatre fiècles dont l’Hiftoire faffe mention
, font en partie compofe! d’anciens maffifs
qui »’annoncent aucunement, ni parla nature ni par
leur difpofîtion des lubftances qu’on y ’ remarque ,
le travail des mers : à côté fe trouvent placés
diftribués deux autres -ordires. ds maffifs conftruits,-
tant des matériaux provenans de là démolition dès
plus anciens, que d’une multitude innombrable de
débris d’animaux marins, dont les parties les plus
foüdes fe font accumulées pendant tout le rems
néeeffaire à leur production. Le tems, ce deftruc-
teur , fans aucun ménagement, des ouvrages des
hommes y ne paroît pas exercer fur ceux de la nature
un égal pouvoir. Parmi les monumens de l’ancien
empire de la mer, il nous eft refté line pro-
digieufe quantité de frêles coquillages q u i, mal-,
gré une longue durée, ont confervé jufqu’à nos
jours leurs formes 8c prefque toute leur beauté
bien plus, nous diftinguons encore en beaucoup
d’endroits les contrées que leurs différentes familles
afFeCioient dans le baffin de la mer : leur
pofition , banc par banc & lits par lits , n’a point
changé non plus depuis ce tems y & l’odeur que
ces dépôts en avoient contractée , ne s’eft pas
même diffipée.
Comme dans ces tems reculés, les lits des mers
où tous les matériaux fe conftruifoient & s’amaf-
foient, occupoient néceffairement des climats dif-
férens : on ne peut douter que de là nè foient provenues
ces grandes variations qu’on remarque dans
la nature & dans la compofition des fols intérieurs-
de cos diverfes contrées. Dans certains lieux ce