
lieues en mer : ces vafes en pente douce occupent
ainfi une large bande le long des rivages, depuis
Cayenne julqu’au fleuve des Amazones. L'on
ne trouve dans cette étendue que de la vafe , &
point de fable ni de pierres; mais a fept ou huit
lieues au deffus de Cayenne, au nord-oueft, juf-
qu’au fleuve Marony, on trouve quelques a-nfes
dont le fond eft de fable , avec quelques rochers
q<ui forment des brifans. La vafe outre cela en recouvre
une partie, ainfi que les couches de labié ,
& cette vafe a d autant plus d’ épaifleur, qu’elle
s'éloigne davantage des bords de la mer, & les
petits rochers n’empêchent pas que le terrain n’offre
une pente très-douce für plufieurs lieues d’é tendue
, en s’avançant dans le continent.
La partie de la Guiane qui eft au nord-oueft de
Cayenne, eft en général plus élevée que les parties
de la côte, qui le prolongent au fud-eft ; car dans
tout ce trajet on trouve de grandes favannes-
noyées & couvertes des .eaux de la mer, au lieu
que la plupart font deffethées Seau, deflus des eaux
dans la partie du nord-oueft.
Outre ces terrains, noyés actuellement par la
mer, il y en a d’autres dans l’intérieur des terres,
qui étoient noyées autrefois, mais qui fe font élevées
au deflus des eaux. On trouve aufli en quelques
endroits des favannes d’eau douce, qui ne
y>roduifent point de palétuviers, mais feulement
des palmiers lataniers.
On ne trouve pas une feule pierre fur toutes ces
côtes baffes. La marée ne laiffe pas d’y monter de
fept à huit pieds, quoique les courans lui foient
oppofés, & on s’en apperçoit alors jufqu’à quarante
& même cinquante lieues dans les fleuves ;
mais en hiv er, deft-à-dire, dans la faifon des;
pluies, lorfque les fleuves font gonflés, la marée
v eft à peine fenfible à une ou deux lieues, tant
îe courant de ces fleuves eft rapide , & agit avec
grande impétuofité contre la men
Il.femble que la vafe gagne tous les jours du
terrain fur les fables, & qu’avec le tems cette
côte nord-oueft de la Guiane en fera recouverte
comme la cote fud-eft.
Au-delà des favannes, dont quelques-unes font
fèches & les autres noyées, s’étend un cordon de
collines qui font toutes couvertes d’une grande
épaiffeur de terre & de vieilles forêts. Communément
cés collines ont trois cent cinquante à quatre
cents pieds d’élévation ; mais en s’enfonçant
davantage dans les terres, jufqu’à dix ou douze
lieues, on en trouve de plus élevées encore , &
peut-être de fept à huit cents pieds. La plupart
de ces montagnes font remplies de dépôts ferrugineux
qu’on a pris pour des laves, & qui ne font
que des hématites décompofées. par petits blocs.
( Voyei Varticle Gv ian é , où ces dépôts & ces
atterrijfemens fort modernes feront décrits en .détail.
Voyei àuffi A n t i l l e s , où ils font indiqués.)
.
Atterrijfemens de la Baffe- Louijîane.
Noüs ne devons pas omettre de faire mention
ici des atterrijfemens de la Baffe-Loùifiane, formés
par les dépôts très-étendus du Miflillipi , & que
les gens inftruits qui les ont ôbfervés, ont comparés
à ceux du N i l , Turtout parce que ce
fleuve eft fujet à des débordemens afll-z réguliers ;
mais pour donner à, ces phénomènes tous les dé-
veloppemens qu’ ils méritent, & dont ils font fuf-
ceptibles, nous renvoyons ce que nous nous pro-
pofons d’en faire connoîcre, à l’article Mis-
SISSIPI.
Atterrijfemens conjidérés comme des change me ns de
mers en terres.
On a dit affez vaguement qu’il y avoir le long
des côtes de France, par exemple , de très nombreux
changemens de mers en terres, & que nommément
plufieurs parties des côres de l’A unis, de
la Bretagne, de la Baffe-Normandie, de la Picardie
& de la Flandre, avoient été aband6nnées
affez récemment par la mer, comme une fuite dé
fa retraite & de fon abaiffement.
Quoiqu’ on n’ ait pas marqué précifément les
lieux qui ont été laiffés par l’Océan, je ne condam-
nerois point cette affertion fi l’ on eût aflîgné les
caractères auxquels on pouvoit reconnoître ces
terrains de nouvelle formation, & les circonstances
qui pouvaient déterminer les caufes &
les agens que la nature a mis en oeuvre. Comment
croire à ces affertions, fi l’on n’a pas des principes
propres à guider les obfervateurs dans la démar^
cation de ces terrains modernes ?
J1 eft évident quec’ eft faute de ces principes i
applicables à toutes les obfervations que les voya-
■ geurs ont pu faire dans les différentes parties dû
globe, qu’on n’a rien d’alluré fur la retraite de la
mer & l 'abaiffement de fon niveau le long des côtes
de nos çontinens. Que fera-ce fi l’on eft conduit
par de faux principes, & qu’on n’ ait pas foin
d’écarter toutes les caufes d’iiluiïon & d’erreur ?
Je fuppofe$ par exemple, qu’on apporte en
preuve des changemens de mers en terres ou de
la retraite réelle de la mer, la perte qu’elle a faite
fur les côtes de Dunkerque depuis un ou deux
fiècles, & qu’on ait trouvé que la plage , foit à
Dunkerque, foit à Mardick, ait été prolongée de
trois à quatre cents toifes au-delà des points où
fe terminoit pour lors la laiffe de la baffe mer.
Ceux qui favent apprécier les effets ce qu’ ils
valent, n’y verront réellement qu’ un prelongê-
ment dans les dépôts de fables qui s’accumulent
depuis long-tems fur cette c ô te , & qui m’ont
toujours paru fuffifans pour écarter la mer comme
des' jetées > mais je n’ai pu y voir les effets d’une
vraie retraite ou d’un abaiffement fucceflif.
En parcourant les cotes de Flandre, de Picardie
, de Normandie, de Bretagne & d’Aunis dans
cet efprit & dans ces vues, je n’ ai remarqué dans
les prolongemens des côtes que des effets lembla-
bles, & non de. véritables découvertes, opérées
par la diminution des eaux de là mer.
Tous ces atterrijfemens font produits par lesdé-
pôrs des fleuves & des rivières,.ou par des terres
que les flots,qui détruifenr les côtes, pouffent
dans le fond de certains golfes. Ainfi la mer comble
ici par des matériaux qu’elle détache plus
loin. 11 n’y a donc point de fait précis qui nous
prouve que l'Océan ait baifle de plufieurs pieds
iur quelques parties des côtes de France depuis
plufieurs fiècles.
Pour que ces atterrijfemens, Ces dépôts, prou-
vaflènt en faveur de ceux qui fuppofent la retraite
fucceftive de la mer, ne fàudroit-il pas que ces
prolongemens de nos côtes fuffent organifés de
même que ces anciens terrains, qu’ils portaffent
l ’empreinte du même travail? car, fans ces caractères
, ces dépôts doivent être rapportés à d’autres
caufes, à un ordre d’opérations de la nature
totalement différent; ce qui par conféquent ne
pourroit rien décider quant aux anciens événe-
•mens qui peuvent intéreffer l’hiftoire du glo be,
•ni fe raccorder avec ce qui précède l’état a&uel.
Au refte, nous allons expo fer en détail les caractères
qui peuvent guider nos obfervations à ce
fujet, & déterminer les différens ordres à’atterrif-
Jemens qui s’offrent à nos regards vers l ’embouchure
des fleuves & des rivières côtières, ou dans
toute autre partie des bords de la mer.
Atterrijfemens ou <rémens des rivières & des fleuves.
On entend par atterrijfemens, une terre formée
par le dépôt du limon d’ une rivière le long de fes
bords , & particuliérement à fon embouchure
dans une autre rivière , & furtout dans la mer.
Ces atterrijfemens fe diftinguent nettement de toute
autre terre de formation ancienne & primitive,
& qui n’eft pas crément par deux caractères fenfi-
bles. Le premier eft d’être formés par une fuite de
lits plus ou moins épais, peu réguliers & peu fui-
-vis, & fort fouvent ondes * où les terres vafeufes
font réparées par des veines de fables, où les gros
graviers & les gros labiés, font de même féparés
par des fables fort menus ; enfin, ces lits préfen-
tent les plus grandes variétés , foie par la nature
dés matériaux, foit par leur couleur, foit par l’é-
paiffeur des dépôts.
I,e fécond caractère eft de n’offrir, fur d’affez
grandes fuperficies, aucun lit de pierres folides &
uniformes.
Il eft aifé de s’appercevoir, en obfervant ces
atterrijfemens & les différens caractères qui Tes
diftinguent de toute autre partie de la terre, qu’ ils
font une fuite de ce qui Te paffe lors de leur formation.
Les rivières, dans leurs inondations, entraînent
ordinairement des fragmens de pierres,
des graviers, des fables, & enfin des terres limoïieufes.
Les pierres, comme plus pefantes, ne
fortent guère du fond des rivières , lur lequel on
les voit cheminer & s’ufer. Le fable s’élève plus
haut, & fuit les courans d’ eau qui débordent. Les
terres font tellement délayées dans l ’eau, qu’ elles
ne font qu’un feul corps avec-elle tant quelle eft
en mouvement ; elles ne s’en réparent donc pas
comme le fable, qui fe précipite dès le premier
inftant du repos, mais elles demandent un certain
rems pour fe dépofer.
Cela p o fé , il eft évident qu’ une rivière débord
é e , dont le lit a cependant une certaine profon.-
deur, ne porte dans une plaine qu’elle inonde,
que du fable & des terres dont les dépôts fuccef-
fifs forment aux deux côtés du canal, par lits
diftinCts & multipliés, ce que nous appelons cré-
mens , accrus , atterrijfemens > & comme , dans le
progrès des crues qu’éprouve une rivière , les
pluies générales ou particulières qui tombent
dans les différens bafiins des rivières latérales peuvent
amener fucceflivement des terres différentes
ou des mélanges de terres différens, on voit qu’il
doit fe trouver une grande variété dans les matériaux
qui compofent les lits fuccéffifs des atterrijfe*
mens.
Oh p eut, d’après ces détails bien reconnus &
bien examinés, déterminer l ’étendue des atterrif-
femens, leurs épaiffeurs &r leur nature; en un mot,
diftinguer le crément d’un fleuve ou d’une rivière ,
des couches primitives formées anciennement dans
le baflin de la mer, & qui ont été coupées par les
eaux courantes du fleuve lorfqu’ il fe creufoit fa
vallée. C ’eft ordinairement dans ces coupures que
fe trouvent les dépôts qui conftituent les atterrif-
femens.
Ces crémens font communs à un grand nombre
de rivières grandes & petites, & particuliérement
à celles dont les baflins offrent plufieurs bancs d’argile
& de marne, que les eaux pluviales délaient
facilement, & qu’elles entraînent enfuite dans les
canaux des rivières. Lorfque ces eaux ne rencontrent
que des fables, alors les atterrijfemens ne font
que fâbloneux : il fe fait un mélange de ces fables
avec les terres, & les atterrijfemens font formés
de ces mélanges, qui font ordinairement d’une
grande fertilité.
Dans l’examen de ces atterrijfemens il eft aifé de
voir que les dépôts fuccéffifs &■ multipliés qui ont
eu lieu en différens rems font diftingués par des
veines légères, par des raies plus ou moins fui vies
& plus ou moins régulières de matières hétérogènes.
Ainfi les dépôts fâbloneux fe trouvent distingués
& féparés par des bandes minces de terres
vafeufes : réciproquement les dépôts vafeux
font limités & terminés par des veines de fables
légers & fins. Ces diftributions de matériaux hétérogènes
font la fuite des différens états où fe
trouvent les eaux du fleuve dans le tems de leurs
crues & de leurs débordemens , & des dépôts
qu’ ils occafionnent. Sans l’interpofition de ces