
qui fe hafardent au-delà , en ont éprouvé chaque
jour de grandes pertes, ou n'ont obtenu, le plus
fouvent, que des productions de mauvaife qualité.
Je mets de ce nombre ces laboureurs peu réfléchis
qui cultivent le maïs ou blé d'El'pagne dans des
contrées peu favorables.
D'un autre côté, ceux qui, pour guider les agriculteurs
& leur tracer des limites, leur ont aflîgné
des lignes droites, font bien éloignés de favoir
apprécier les bons effets des abris daps certaines
parties feulement des vallées ; car on Peut dire
que, dans une étendue déterminée de pays ou de
climats, il y a autant de terrains contraires à des
productions quelconques, que de favorables. Dans
ce cas, la feule méthode exaCte de tracer ces
limites, eft d'indiquer des enceintes précifes où
tout ce qui doit être exclu, l’eft d'une manière
aifée à reconnoïtre. C'eft d'après ces vues que
des contrées ne renferment plus de certaines productions
qu'on y avoit rifquées.
Jufqu’ à préfent je n’ai confidéré que les pentes
des abris qui font concentrées de toutes parts par
les enceintes des vallées.
Cependant je dois rappeler ici en même tems
ces pentes, Amples expofées au midi & ayant vue
fur le baffin de la mèr, comme je les ai fuivies le
long des rivières de Gênes & des bords de la
Méditerranée, en Provence & en Languedoc.
J’y ai reconnu que ce feul ordre de pente fuffi-
foit pour férvir aufli utilement à des cultures très-
précieufes, qve les effets de la chaleur concentrée
dans les vallées les mieux expofées.
Une nouvelle confidération dans l’examen des
effets que produite nt les abris, eft celle de l'époque
& de la durée du tems où la maturité des fruits
a Leu. On ne peut douter que, fans ces effets, cette
maturité rie fe compléteroit jamais ou n’auroit
pas lieu , parce qu’elle ne f roit pas accélérée
par un degré de chaleur fuffifant, & avant que
les frimats s'étendiffent dans tous les réduits de
la contrée.
Quand oh acclimate certaines productions nouvelles
dans un pays, on fait fouvent une expérience
générale, fans s’attacher à toutes les circonftances
des abris qui peuvent en affurer les
fuc cè s , & alors on court tous les rifques, parce
qu'on s'expofe à toutes les variations des températures
de l'atmofphère. Heureux quand les productions
fe trouvent dans les limites qui leur conviennent.
ou du moins entre iefquelles elles ont
le moins de rifque à courir, & li l’on arrive fur
le champ à des réfultats auxquels on ne parvient
qu’avec des précautions fouvent qui, à tout prendre
, rentrent dans la doCtrine de nos abris !
C'eft furtout dans les réduits des vallées fecon-
daires que doivent être tentées ces épreuves,
car ils préfentent, d'une manière plus fenfible,
les nuances des effets qu’il convient pour-lors
d'étudier pour en connoître les emplacemens les
plus favorables. En fuivant, par exemple, ces
vallées fecondaires , j ’ai vu fouvent les points où
commence à fe montrer une production} enfuite
un autre point très-peu éloigné, où elle profpère
déjà. Après un certain intervalle, j'ai trouvé 1a
contrée la plus favorable & la plus étendue pour
cette même production } puis, pour peu que j’aie
fuivi cette obfervation, j’ ai remarqué quelle di-
minuoit en qualité, jufqu’à ce qu'elle ait difparu
entièrement. O r , ces phénomènes dépendent
non-feulement d’une ditpofîtion générale, mais
de plufieurs modifications particulières dans les
formes du terrain, dans les niveaux & dans la
nature des fols-.
Ceci me conduit naturellement à difcuter d’abord
ce qui concerne les formes du terrain &
leur expofition. On fa it, par exemple, que les
rayons du foleil échauffent les croupes d'une vallée,
qui font oppofées au fud} que la répercuflion
de cette chaleur fe fait fentir aux autres croupes,
de telle forte que les productions y profpèrent
avec un certain fuccès, mais que, fur les fommets
élevés , rien de pareil ne réuflit, à moins qu'on
n'y emploie les fecours des abris artificiels. Lorfque
la vallée a une certaine largeur , les croupes ex-
pof es au midi font certainement les plus favorables
} mais comme la maffe de la chaleur fe concentre
& fe diftribue uniformément partout, il
réfulte, de cette concentrât on, de bonnes productions
, dont les degrés de maturité dépendent
de l’expofitiôn des fols. Ainfi , il eft inconteftable
que les croupes oppofées au midi font celles qui
fe diftinguent pour les bons effets des abris j mais
les autres, quoiqu’offtant des nuances dans les
effets de la chaleur, m'ont toujours paru mériter
la plus grande attention.
des rayons du foleil ; telles font celles de la grande
vallée du Rhône & de la Saône. Toutes ces croupes
font également échauffées, foit celles qui regardent
le levant, ou celles qui font expofées au foleil
couchant. D’ailleurs, dans l'intervalle du
lever au coucher, le foleil agit très?efficacement
dans les excavations immenfes des vallons latéraux.
Enfin, dans les différens réduits des croupes
principales, à en juger par les productions où le
foleil agit directement, on y trouve non-feulement
des expofitions favorables, mais encore de
grands abris contre le nord & le nord-oueft. Les
quebrades font on ne peut pas plus prolongés dans
toutes ces vallées fecondaires } & la théorie des
quebrades , telle que nous l'expôferons par la
fuite , peut recevoir, dans toutes ces vallées,
différemment dirigées , des applications très-
be les & très-intéreflantes} & pour peu qu’on
ait bien faifi cette théorie, partout elle annoncera
les reffources les plus intéreffantes que la Nature
fait mettre à profit. On voit que, dans toutes
ces circonftances, l'induftrie des agriculteurs &
la Rature fe difputent à qui des deux faura mettre
plus de reffources pour favorifer les produits des diverfes
contrées. Je vois ici les grands objets fur lef-
queis je crois qu’il importe d’éclairer les hommes;
car tout ce qui concerne ces abris & leurs effets
étonnans , ont à peine, été apperçus par les phyfi-
ciens qui ont voulu guider les habitans des campagnes/
Après avoir parlé des formes des terrains & de
leurs expofitions, je paffe maintenant à çe qui
concerne la nature des fols. Ceux qui font argileux
font très-difficiles à échauffer, comme on
fait ; mais les fonds crayeux peuvent fervir à
communiquer la chaleur aux fubftances terreufes
dont on*garnit le pied des plantes, & furtout des
vignes qui font établies fur ces fonds. Je dirai, à
ce fujet, que les vignerons de Champagne dans
les environs de Rheims, d'Epernay, de Vertus
& même de Troyes, ont depuis long-tems découvert,
par une fuite d'expériences, que Je fol
crayeux des vallées de la Marne, de la Vefle &
des ruiffeaux qui y affluent, favorifoit tellement
les produirions des vignes qu'on avpit établies
dans ces contrées, que les fruits y parvënoient à
ime maturité parfaite, pendant que les vignes
établies fur d'autres fols, dans ces mêiçes contrées
, ne donnoient que des raifins d'une moyenne
qualité. Ces effets étonnans du fol ne peuvent
être confidérés avec trop d'attention, car, à côté
du clos de Voujeot, j’ ai vu une terre fubftantielle
dans laquel e on avoit femé des chanvres qui s’é-
toient élevés à là plus grande hauteur.
Quand on rencontre de ces expériences faites
en grand, comme celles des environs d'Epernay,
de Rheims & de Troyes, on n’ a pas de crainte de
nfquer des conféquences trop générales ; mais
dès qu'on revient à Voujeot & à beaucoup d'autres
vignobles fameux , comme l’Hermitage , où
l’on trouve des terres ordinaires fur des fonds de
granit, on voit qu'on ne peut trop modifier les
circonftances de la nature des fo ls , par celles de
l'expofition ou autres, comme elles ont lieu à
l'Hermitage.
Les niveaux font encore une confidération qii'il
faut fuivre avec la même attention que les deux
autres circonftances dont je viens de développer les
divers avantages. Effectivement, il eft de fait que,
dans une fuite d'abris, plus on s’approche des
bords de la mer, foit dans une vallée, foit fur
1 étendue d'une longue croupe, plus les productions
les plus délicates y profpèrent, toutes chofes
d ailleurs égales , & ces effets fe montrent affez
généralement dans tous les pays de la terre. C'eft
là ou fe vérifie, comme nous le ferons voir par la
fuite, toute la théorie des quebrades.
Il y a plufieurs niveaux dans les abris , fi l'on
en juge par les productions. Ainfi les abris qui
font-dans les niveaux les plus bas, donnent les
rruits les plus délicats & les plus rares, & fup-
pleent aux températures des pays les plus chauds.
Les moyens niveaux donnent des fruits qui de-
<*eograpkie-Phyfique. Tome IL
mandent uue certaine chaleur, mais dTin degré
inférieur. Je puis indiquer, à cette occafion, les
orangers comme occupant, foit fur la rivière
de Gênes, fc it en Provence, les niveaux, les
bas, puis viennent les.oliviers; enfuite les deux
autres niveaux ou régions plus élevé s, nous
offrent les vignes, les châtaigners & les arbres
verds, depuis les bords de la.mer jufqu’ à la Bo-
çhetta. Nous donnerons, à cette vérité importante
, un développement néceffaire dans les articles
des climats agraires & des bajjins de culture.
Nous y renvoyons.
Jufqu’ à préfent je n'ai parlé que des abris naturels
; il me refte à faire mention de ceux qui ont
•été établis par l'art. Ceux-ci font très-variés, &
occupent plufieurs fituations remarquables, mais ils
m'ont toujours paru avoir pour bafe principale la
difpôfition & la température des abris naturels.
T ou t, de la part de l’art, confifte à compléter les
bons effets de ces deux circonftances des abris
naturels. C ’eft ce que j ’ai reconnu dans plufieurs
parties de la Hollande , & furtout aux environs
de Harlem & de Beverveck, où les abris artificiels
font très-mtfltipliés fous les premiers abris
des dunes, & c . Je pourrois de même indiquer
plufieürs abris artificiels aux environs'de Paris,
furtout le long des collines méridionales de Montreuil
& des environs d’Argenteuil ; mais.il faut
faire connoître, plus en détail les abris naturels
qui ont attiré l’attention des cultivateurs éclairés
& attentifs. Il me fuffit de les indiquer ic i, parce
que je me propofe de les rappeler à leurs articles.
Après avoir expofé les vues générales qui précèdent
fur les abris, vues qui font les réfultats
d’un grand nombre d’obfervations, je dois confi-
dérer ces vues comme propres à guider les cultivateurs
qui font à portée d’en faire diverfes applications
utiles. Pour donner plus de confiftance à
cette doCtrine, je dois indiquer les cultures établies
dans diverfes contrées, & qui en démontrent
les avantages. C ’eft par tous ces détails que
je ferai connoître, i° . les fuites de plufieurs climats
agraires qui annoncent d’abord la diftribu-
tion graduée de certaines températures prifes depuis
les fommets de l’Appennin , jufqu’ au niveau
de la mer. C ’eft là où je pourrai faire voir les
abris de tous les niveaux, Iefquels favorifent la
végétation des plantes, & le développement des
produirions furie plan d’une feule pente, laquelle
fe montre depuis le fommet de la Bochetra, jufqu’à
Gênes, ou jufqu'aux autres bords de la
mer, dans la rivière du Ponent. i ° . J’ indiquerai
en même-tems, une autre fuite d'abris prife fur
un même niveau horizontal, & qui offrira chacun
de ces climats agraires, appropriés à une feule
production par laquelle je les caraCtériferai. 3®.
Enfin , en parcourant des parties de nos grandes
vallées & de leurs collaterales , je décrirai les
abris qui s'y trouvent difperfés , en m'attachant à