
Au-delà de Brenner, non la haute montagne
du T iro l, très-connue , on obferve quantité de
pierres qu’on a employées à l’entretien de la
chauffée : i° . du fchifte argileux verdâtre, mêlé
de veines de fpath calcaire; i®. du gabbro noir-
ou v e r t , avec des veines blanches de fpath calcaire;
3°. du quartz verdâtre, qui renferme de
petits grenats rouges.
Au-delà d’Infpruck il y a des collines peu élevées,
compofées de différentes couches de pierres
calcaires tendres &: farineufes, ou dures & compactes:
la couleur de ces pierres èft d’ un gris clair
ou d’ un gris noirâtre , avec des veines de fpath
calcaire blanc. Ces collines s’élèvent peu à peu,
de manière qu’au-delà de Barwis, elles forment
de hautes montagnes' calcaires grifes, compofées
de fortes couches, & fe réunifient, entre Nejfareit
& YErmoSj aux Alpes calcaires, qui y font très-
élevées.
Près de Y Ermos eft une haute Alpe calcaire
formée de pierre calcaire grife, qu’on nomme
Watterjlein. On exploite, au pied de cette montagne,
les mines de Silberleuten , qui donnent du
plomb & de l’argent..( Voye% l’article Adige, où
l’on parle des glaciers du T iro l.)
Je terminerai tous ces détails par des remarques
générales qui me paroiffent fort importantes.
Dans mon retour de l’Italie par le Tiro l, j’ ai d’abord
traverfé des montagnes calcaires, enfuite
des montagnes fchifteufes, & enfin des montagnes
de granit : ces dernières étoientles plus élevées;
enfuite je fuis defcendu de cette partie, la plus
élevée du T iro l, en fuivant des montagnes fchifteufes
qui m’ont conduit aux calcaires. Je dois
obferver qu’on trouve la même diftribution de
maflifs lôrfqu’ on monte les autres chaînes de
montagnes un peu confidérables de l’Europe,
comme nous le favons d’ ailleurs d’ après les voyageurs
qui ont vifité les montagnes de la Saxe, du
Hartz, de la Siléfie, .de la Suiffe, des Pyrénées,
de l’Ecoffe , de la Norwège , de la Laponie ; en
forte qu’on peut en tirer la jufte conféquence que
le granit forme les montagnes les plus élevées, &
en même tems les plus profondes & les plus anciennes
que l’on connoiffe en Europe, puifque
toutes les autres-montagnes font appuyées & re-
pofent fur le granit ; que le fchifte argileux pur,
ou mêlé de quartz & de mica, eft pofé fur le
granit ou à côté de lu i, &: que les montagnes calcaires,
ou autres couches de terres ou de pierres
dépofé&s par les eaux, ont encore été placées
par-deflus le fchifte. ( Voyeç T irol.)
V I . Alpes du Frioul & de la Styrie. Au fortir
de Vienne on apperçoitdu côté de la Hongrie,
de l’Autriche & de la Styrie, de longues chaînes
de montagnes fuivies & contiguës, qui fe déploient
fous différens afpe&s de l’horizon , &
que je confidère dans le moment préfent comme
Içs appendices des Alpes, On ne quitte pas ces
montagnes depuis Vienne jufqu*i IVippach.
Une grande partie de ces montagnes s’élève
jufqu’auxnues ; elles s’écartent & laiffent entr’el-
les de larges vallons & de vaftes plaines, arrofées
par des rivières qui prennent leurs fources dans
les fommets les plus élevés & les cul-de-facs les
plus profonds.
C ’eft à Wippach que l’ on commence à s 'a p e r cevoir
par les productions du pays & par la température
de l’air, de la douceur du climat de
i’ Italie. Une partie de cette chaîne fuit la gauche,
& traverfe le Frioul, s’étend le long de la mer
Adriatique, dans l’Iftrie, la Dalmatie, & jufque
dans l’Archipel ; l’autre partie va joindre fur la
droite les Alpes du Tirol, qui communiquent aux
montagnes du Trentin & du Véronois.
L’efpace contenu entre ces deux grands chaînons
eft un plat pays bien cultivé, planté dè vignes,
femé de maïs, de blé noir, de millet & de
forghau : il y a peu de froment & de feigle. La
pierre calcaire qui forme les montagnes eft généralement
d’un gris-blanc ; mais fa couleur devient
entièrement foncée, _ou bien elle eft feulement
parfemée de cônes noirâtres : il y en a même de
toute noire. Outre cela ces pierres calcaires diffèrent
par la dureté. Il y a en Autriche, en Styrie
& en Carniole des cantons d’où l’on tire de très-
bons marbres : communément le grain de cette
pierre eft fin, ferré & fort compacte ; elle eft
rarement écailleufe & rarement faline, comme
le marbre de Carrare ; elle renferme de grands &
de petits coquillages pétrifiés, mais en médiocre
quantité.
La partie de ces montagnes qui eft en Autriche,
& qui s’étend jufqu’aux confins de la Styrie, offre
en général à la vue des vignobles & des terres labourables
, fans forêts j au lieu que les montagnes
de la Styrie fupérieure, plus élevées, font couvertes
de pins & de fapins, tandis que les vallons
qu’elles bordent, font peuplés d’arbres à feuillages.
Il croît fur les montagnes de la Styrie inférieure
& de toiite la Carniole, des bouleaux, des
hêtres & des châtaigners, à l ’exception d’un très-,
petit nombre d’entr’ elles , qui portent des fapins
& des pins ; elles font toutes formées de couches
horizontales, plus ou moins épaiffes, entaffées
les unes fur les autres , & qui ont pour bafe un
véritable fchifte argileux, c’eft-à-dire, une ar-
doife bleue ou noire, ou bien un fchifte corné,
mélangé de quartz & de mica pénétré d’une petite
partie d’argile. Dans cette contrée l ’on a pref-
qu’ à chaque pas l’occafion de fe convaincre que
ce fchifte s’étend prefque fans interruption fous
ces montagnes calcaires, quelquefois même on le
voit à découvert s’élever au deffus de la furface
du terrain ; mais aufli après s’être montré pendant
un certain tems, il s’enfonce de nouveau deffous
la pierre calcaire. -—
C’eft dans ce même fchifte & au deffous des
couches accumulée« de pierres calcaires ftériles
qu’on exploite les mines de plomb de la Styrie &
les mines de mercure d’Idria'. Je pourrois citer plu-
fieurs obfervations fur le T ir o l, qui prouvent
qu’il en eft de même dans cette province limitrophe.
Il y a des~ mines de charbon fofiile à Votfchberg
à cinq ou fix lieues de Feiftritz, & de meilleures
encore à Luim, à dix milles de là dans la Styrie
fupérieure. En fuivant la Moor jufque par-delà
Goriz, la vallée que cette rivière arrofe, paroît
devoir fon origine à l’aélion des eaux courantes
qui ont peu à peu rongé'les montagnes.
Depuis Ernhaufen jufqu’à Marbourg on defcend
conftamment une haute montagne formée de pierre
calcaire grife. On trouve aufli le long de la route
quelques veftiges de pétrifications détachées des
couches; & lorfqu’on eft parvenu au pied de la
montagne & qu’on pourfuit fa route dans le vallon
, on n’apperçoit plus la moindre trace de
pierres calcaires. C ’eft alors que fe montrent l’ ar-
doife noire & blanche, ainfi que le fchifte corné,
& les morceaux de pierres détachées , & deftinés
à l’entretien du chemin, font de la même nature.
Dès qu’on recommence à monter, on retrouve la
pierre calcaire grife, qui renferme quelques grands
coquillages , comme oftracites, pcftinites, &c. Le
grain de cette pierre eft encore ferré ; mais une
partie de la couche fupérieure, plus lâche & plus
poreufe, reflemble au tuf : il s’y trouve des cailloux
roulés & autres fragmens de pierres liées
enfemble. On y voit auffi de la pierre à chaux
noire avec des veines blanches, & même entre
Ernhaufen & Marbourg différentes pierres détachées
, bleuâtres, plates, de trapp & des criftaux
de fchorl à quatre facettes , de grandeur médiocre.
On voit même entre Feiftritz & Cornwit% des
morceaux détachés de fchorl vert fpathique, qui
renferment de grands grenats rouges; quelques-
uns de ces morceaux de fchorl font écailleux &
d’un tiffu micacé ; quelques-uns offrent de grands
rayons noirs dans du quartz blanc, & enfin dans
du jafpe vert. Enfin les montagnes, calcaires font
.encore couvertes, dans cette partie, d’ une légère
couche de cailloux roulés, liés enfemble par
un ciment calcaire.
L’ardoife noire feuilletée fe montre entièrement,
à découvert en allant de Franitç à Ufvald:
cette ardoife s’élève à une allez grandie hauteur,
& s’étend à découvert jufque vers Laubach ; mais
on ne perd pas de vue les montagnes calcaires
limitrophes, qui en couvrent les prolongemens
avant qu’elle ait pris fon effor. .
Entre Laubach & Ober-Laubach 3 d’autres fols
fchifteux, femblables au précédent, fe montrent
encore de la même manière au deffous de la pierre
à chaux qui les couvroit. Depuis Ober-Laubach
jufqu’à Idria l’ardoife eft recouverte de pierre à
chaux ordinaire, q ui, pendant un certain trajet,
eft d’un gris, blanc devient noire dans quelques
parties.
En allant de Planina à Adelsberg, on traverfe
cette fameufe foiêt qui doit s’étendre jufqu’en
Turquie, & qui étoit autrefois infeftée de ban-
.dits turcs qui ravageoient les villages voifins, à
la fureté defquels des garnifons impériales veillent
depuis quelque tems.
11 y a , dans les montagnes calcaires des environs
de Planina & d’Adelsberg , diverfes grandes
grotes fouterraines, dont les galeries font revêtues
d’une grande quantité de ftalaétites très-variées
par leurs formes : ces grotes ont quelquefois
jufqu’à deux milles d’étendue dans le fein des
montagnes. C ’ eft dans ce même canton qu’ un fort
grand nombre de rivières fe perdent & font ab-
forbées au milieu des terres, parce qu’elles fe
précipitent dans différentes parties des grotes , à
l’excavation defquelles ces eaux fouterraines ont
contribué & contribuent encore. C ’ eft ainfi que
la rivière de Poique fe jette dans la grote qui eft
voifine à’Adelsberg. Nous favons d’ailleurs que le
fameux lac de C^irnit^, en Carniole, fitué à deux
lieues de Planina3 qu’on pêche, qu’ on enfemence,
& dans lequel on fait quelques récoltes dans la
même année, s’écoule dans une femblable caverne.
(.Voyez C zirnitz.)
De IVippach à Maiftro on traverfe une plaine
fertile en vins, plantée de figuiers, de mûriers,
femée en mais, & décorée de plufieurs plantations
des pays chauds.
VII. Alpes américaines. L’efpace intermédiaire
entre la fource du Mifiiflïpi, celle du fleuve
Saint-Laurent & celle de la rivière Bqurbon , eft
la plus haute terre de l'Amérique feptentrionale ,
& forme des plans inclinés jufqu’aux embouchures
dé ces rivières.
Cette terre fi élevée fait partie des montagnes
brillantes, rameaux de la longue chaîne qui traverfe
tout le continent de l’Amérique. On peut bien en
fixer Je commencement à l’extrémité méridionale
où la Terre de feu & Staten-land fortent.de la mer
comme des anneaux ifolés, &*, s’élevant à une certaine
hauteur, offrent à leur furface des pics ef-
carpés & pyramidaux fouvent couverts de neiges.
On peut ajouter la nouvelle Géorgie comme un
autre anneau, & fe détachant plus loin vers l ’eft.
Les montagnes qui environnent le détroit de
Magellan s’élèvent effeélivement à une étonnante
hauteur, & bien fupérieure à celle de l’hémifphère
feptentrionaj fous le même degré de latitude. Dans
Le continent de l’Amérique méridionale , elles
forment, à travers les. royaumes du Chili & d»
Pérou, une chaîne continue qui fé maintient dans
le voifinage de la mer du fud , & en plufieurs
endroits leurs fommets font les plus élevés qu’on
connoiffe fur le globe.. Il n’y en a pas mains de
douze, qui ont depuis deux mille quatre cents
jufqu’ à trois mille toifes au deffus du niveau de la
mer. Pichincha, voifin de Q u ito , n’eftqu’ à trente-
trois lieues de la mer f & la cime s’élève à deux