
forbans que la Géographie-Pky(ique nous a fait con-
noître dans les pays étrangers. On verra :
i ° . La partie orientale du Jura, qui domine
le pays de Neufchâtel j
2°. La Tartarie chinoife $
3°. Le Tibet ou Boutan,
4°. La Tartarie, la grande & la petite Bukarie $
le pays de Geté & d’Eygur ; le petit 3c le grand
Tibet j
y 0. La P erfe}
6°. L’Arménie & la Syrie 5
7 0. L ’Afrique ;
8°. L’Amérique méridionale.
I. Absorbant ( Canton ). Partie orientale du
Jura , au deffus du pays de Neufchâtel.
Je commence cette description par un canton
voifin des frontières de France ; }e veux parler de
la partie orientale du Jura, de celle qui domine le
ays de Neufchâtel. C ’eft là que j’ ai eu occalion
’examiner les petites tombes 8c les grandes , dont
la plupart font les baffins des lacs defféchés , air.fi
que ces lacs dont les eaux fe perdent dans des
gouffres fort larges. On auroit tort de confidérer
les combes ou les baflîns des lacs defféchés, comme
des effets qui ne méritent aucune attention. Plus
je les ai examinés, plus j’ ai reconnu les grands
ufages que la Nature a fu en faire , ainfi que l’in-
duftrie des habitans.
Une première circonftance qui m’a rendu les
combes ou vallons fermés intéreflàns , c’eft qu’ils
accompagnent toujours les fources abondantes ,
attendu que ces effets font produits par le travail
des* eaux'intérieures qui ont occafionné ces affaif-
femens, 8c que les eaux pluviales qui tombent
dans ces combes, continuent à s’ y perdre, jufqu’ à
ce qu’elles aient trouvé des débouchés fuffifans
par les fources.
La fécondé circonftance eft celle des couches
inclinées de la moyenne terre , femblables à celles
du Jura. C ’eft là où j’ ai trouvé de même de ces
déplacemens qui favorifent la circulation particulière
& locale des eaux courantes, & leur abforp-
tion par des entonnoirs fort mu tipliés & fort
larges.
Il fe trouve dans les montagnes de Suiffe, &
furtout dans la chaîne du Mont-Jura , plufieurs
amas d’eau ou lacs, dont les eaux fe perdent dans
des foffes très-remarquables 5 & ce qui eft également
intéreffant, c’ëft que çes eaux refforte.nt
enfuite des entrailles de la terre, fous des formes
de rivières confidér:blés dès leur origine. Pour
peu qu’on examine avec foin lés1 environs de ces
foffes ou entonnoirs où les rui Beaux & les eaux
des lacs de cts hautes vallées du Jura fe perdent,
i paroît certain qu’elles reparoiffent dans des
vallées plus baffes. Effectivement , daris ^ cette
même chaîne du Jura, où il fe perd beaucoup
j d’eaux courantes au milieu de plateaux fort éle-
I v é s, on obferve, aux niveaux les pius bas, des
fources abondantes , qui font inconteftablement
les produits des rivières perdues, q ui, ayant continué
leur cours fous terre, ont reparu fans aucune
diminution fenfible.
Il eft facile de retrouver plufieurs de ces fources
aux environs de Saint-Sulpice, 8c furtout celle de
la Reuff, qui eft fi forte, qtie, dès fin fiant où elle
fort des couphes de la terre, elle fait mouvoir
toutes les batteries d’une belle papeterie & plufieurs
moulins à blé. L’afpeCl de cette fource me
rappela celui de la fontaine de Vauclufe, quoique
fort different à beaucoup d’égards. Je puis citer
auffi l’Orbe , qui fe perd fous terreau fortir du
lac des Charbonnières, 8c reparoît au deffus de
Vaîorbe , fe perd enfuite à Elclay & reprend fon
cours jufqu’au lac d’Yverdon.
J’aurois encore des obfervations à faire fur ces
pertes, furtout lorfqu’elles ont lieu par rapport
à de grands volumes d’eau, 8& fur les craintes
qu’on pourroit avoir’ dans le cas ou les entonnoirs
& les routes fouterraines éprouveroient
des obftru&ions plus ou moins durables.
La vallée, par exemple, de la Chaux-dë-Fond
ne paroît féparée de celle du Locle que par une
petite montagne peu confidérable : les eaux de la
Chaux-de-Fond ont leur pente vers l’eft, 8c il eft
très-vraifemblable qu’elles v o n t,, par des routes
fouterraines, former les fources des ruiffeaux qui
abreuvent les vallées inférieures de la Suifie, &
qui vontfe jeter dans les lacs de Neufchâtel & de
Bienne. On aflure même qu’ elles forment la fource
qu’on nomme le Toret.
Les eaux du Locle, au Contraire, vont à l’oueft
frapper contre une côte qui fait la limite de
l’état de Neufchâtel & de la France ; & fi ces
eaux vont également, par des routes fouterraines ,
former les fources qui font de l’autre côté de la
colline , elles doivent fe jeter dans le Doubs.
Voici maintenant ce qui m’a paru mériter grande
attention dans la vallée du Locle.
La côte qui fépare cette vallée de la France',
a plufieurs cul-de-facs auxquels il n’y a aucune
iffue. C ’ eft au fond d’ un de ces cul-de-facs qu’on
nomme , dans le pays., le Cul-des-Roches , que le
ruiffeau va frapper contre la montagne & fe perdre
entièrement, après avoir déjà perdu les trois
quarts de fe$ eaux, dans plufieurs gouffres qui fe
trouvent Le long de fon cours , lequel eft à peu
près d’ une demi-heure, depuis le village du Locle,
jufqu’ au Cul-de s-Roches.
Or, à. ce Cul-dès-Rpéhes. la montagne eft coupée
par le haut jufqu’ à foixante à foixante - dix
toifes au deffus du fond de la vallée du Locle.
Elle eft coupée, dis-je, des deux côtés, comme
Ifi ce travaiîeût été fait de main d’homme : il eft
; cepèndant bien.certain que jamais homme n’y a
tniVailiê.
A l’afpsél de cette vallée du Locle , entourée
de montagnes, fans aucune iffue de tous les côtés,
& de cette coupure à pic, il m’a paru évident que
toute la vallée du Locle a été un lac qui s’etoit
ouvert un écoulement par cette coupure , 8c
plufieurs compagnons de voyage que j ’avois avec
m o i, en ont été également frappes.
| Nous avons penfé en même tems que l’eau du
lac s’étant creufé par le fond de fon baffin^ des
i. iffues fouterraines, la vallée s’étoit trouvée à fec
, & dans l'état où elle eft à prefent5 mais que f i ,
par quelque maiheureufe cataftrophe, les conduits
iouterrains venoient à s'engorger , la vallée
redeviendroit un lac dont l’eau s’éleveroit jufqu’au
niveau de la coupure, 8c que le charmant
village du Locle , qui eft plus riche & plus flo-
riffant par l’induftrie de fes habitans, que bien des
villes de France , feroit totalement fubmergé.
L’ouverture du dernier gouffre elt,'élargie à ia
v é r ité , mais ce n’eft qu’à la profondeur d’une
centaine de pieds : & c’eft toujours un gouffre
étroit où le moindre encombrement pourroit arrêter
le paffage des eaux , de manière à les faire
refluer fur le fond du Locle.
^ Au refte , je n’ofe affurer qu’un tel accident
fort «bien polfible. Je fais qu’on peut me dire que
l ’eau s’étant creufé un paffage qui à fuffi au dclfe-
chement du lac ancien , tous les efforts tendent
à l’agrandir plutôt qu’à en permettre l'engorgement.
Malgré cela, il feroit téméraire d’affu er
que cela ne peut arriver , 8c j'ai cru qu’il feroit
important d’ouvrir un paffage au niveaii du fond
du baflin , à travers la coupure du Cul-des-Ro-
ches. J’ajouterai qu’outre l’importance de prévenir
le malheur dont j’ ai parlé , le chemin qu’on
pratiqueroit à travers la montagne , ouvriroit
une communication tres-facile & très-utile pour
le commerce entre cette vallée 8c la Franche-
Comté.
., Je dois même dire qu’ayant confulté les gens
inftruits du pays, 8c particuliérement le meunier
du Cul-des-Roches , ils m’ont dit que cette idée
n étoit pas neuve , & qu'on s’étoit occupé du
- projet d ouvrir cette iffue aux eaux & en même
tems le chemin.
"■ % fecond lieu, ils m’ont affuré que, fuivant
la tradition du pays & d’anciens titres, il eft
tres-vrai que la vallée étoit un lac, dont k coupure
de la montagne étoit le débouché.
Outre cela, la crainte de quelque grand malheur
fe renouvelle quelquefois, lorfqu’ il y a des i
inondations qui s'élèvent à une certaine hauteur, i
M que 1 abîme eft engorgé affez fortement pouî :
que tous les ouvrages des ufines foient fufpendus; !
car alors le meunier fait tout ce qu’il peut pour i
dégager ^ con d uits. La communauté du Locle
o e r r P ,T me c n$ oe cas 1 & ttndemnife de fes
^abiSsEduCr°oHqiienC^ les plus intelligens des
cafion, t Lpcle conviennent que, dans ces oc-
t f J le falut de la vallee n’ a d’autre principe
f que de la part des eaux qui r prennent leur cours,
| & débouchent les paffages obftrués à un certain
point : de là je conclus qu’ il n’ y a pas à balancer,
i relativement à l’ouverture totale de la coupure,
| jufqu’ au niveau du fond Je la vallée du Locle.
Emploi de ces eaux , qui Je perdent.
Voilà ce que j’avois à dire fur la perte des eaux
abforbées dans des abîmes, relativement à la Géo-
graphie-Phyfique. Je crois maintenant qu’ il convient
de faire connoîtrele parti que la mécanique
en a tiré dans ces montagnes de la lifière orientale
du Jura.
Depuis que l’induftrie s’eft établie dans ces
montagnes, les habitans ont imaginé d’employer
à des ufines ces eaux qui fe perdent. Le premier
ulage que j’ y ai v u , eft à la Chaux-d'Abel : celui-
là eft moins fingulier que ceux dont je parlerai
par la fuite , parce que l’eau ne tombe pas
dans une large ouverture. Le ruiffeau tombe d'abord
dans une fente ou précipice fort étroit, & où
il ne feroit pas poflîble, d’établir le bâtiment d’ un
moulin ou de toute autre ufine ; & ce précipice
a , fuivant mon eftime, cinquante à foixante
pieds de profondeur.
On y a trouvé feulement la place néceffaire
pour l’épaiffeur d’ une roue à fciaux, 8c l’on en a
établi une de quinze à vingt pieds de diamètre ,
qui, par des pièces de communication, fait mouvoir
un moulin à fcie, conftruit à côté de l’ouverture
du précipice.
L ’eau tombante fous cette roue eft reçue dans
une auge qui la conduit au deffous d’une fécondé
roue , laquelle , par d’autres renvois, meut un
moulin à b lé, qui eft auffi placé à côté du précipice.
La même eau tombe enfuite dans une fécondé
auge , & va faire tourner une troifième
roue & une troifième ufine. Après ces trois chu- •
tes , l'eau fe perd tout-à-fait dans les entrailles
de la terre.
J’ai vu enfuite à la Chaux-de-Fond & au Locle
de femblables ufines fouterraines. A la Chaux-
d’Abel , une fente naturelle dans le roc invitoit
pour ainfi dire l’ouvrier , & le guidoit, relativement
à la diftribution de l’eau deffous les roues :
les curieux vont jufqu’à la dernière fans perdre
de vue le c ie l, où fe trouve l’emplacement de9
moulins. A la Chaux-de-Fond & au Locle , on a
ofé travailler dans un abîme vertical : trois meules
à la Chaux-de-Fond, & au L o c le , quatre
travaillent fur terre. On a creufé le roc autour du
trou étroit de l’abîme : on y a fait la place d’ un
rouage qui fe trouve fous une voûte naturelle :
on n’y peut defcendre qu’avec des lumières quand
le moulin ne va pas , & il eft impoffible d’y defcendre
quand il va. La defcente par un efcalier
eft beaucoup mieux entretenue & moins dangereuse
à la Chaux-de-Fond qu’âu Locle : auffi y
ai-je defcendu jufqu’à la dernière rou e, 8c au