
pofitifs , il faiidroit un féjour plus ou moins long ;
car les renfeignemens qu'on efpéreroit tirer d'ailleurs
feroient fort lents à venir , ou bien incomr
plets.
Confidérons maintenant les localités fous un
autre point de vue.
La terre qui donnoit naiffanee, fur les montagnes
de la Suiffe, à des plantes aromatiques, tranf-
portée fur les bords du lac de Genève , fait croître
d'autres fimples, qui font bien différens des premiers.
Une circonftance encore peu déterminée
par les naturalises paroït influencer beaucoup fur
la nature des végétaux. Le millefolium des montagnes
a une effence bien différente du milUfolium
des plats pays & des plaines. Les animaux des
montagnes font plus gais que ceux des plaines.
Qu'op mette en parallèle un boeuf qui paît fur les
bords du lac Léman, avec celui qui defcend du
Sibenthal & du Géfftnai ! Quelle différence ! Le
beurre fait fur les'Alpes elt bien meilleur que
celui qu'on fait à Genève ou ailleurs , avec une
crème qu'on a tranfportée foignt ufement des ,
montagnes. Il y a un principe caché, qui fubju- ;
gue tout dans les localités. Peut-on attribuer ces
phénomènes, ces variétés, à l’influence de Yat-
mofphere ? Il y a des pays où toutes les fonctions
fe font à merveille , & d’autres où les crudités
paroiffent partout. On alléguera peut-être, pour
caufe de ces crudités, les eaux 5 on inculpera les
terres par lefquelles elles filtrent; mais il s'en faut
de beaucoup qu'on ait une parfaite connoiffance
de ce qui contribue à la bonne ou à la mauvaife
qualité des eaux. Mais à quoi la fureur de tout
expliquer ne s'accroche-t-elle pas?
La hauteur des montagnes,.le peu de tems pendant
lèqùel le foleil darde fes rayons fur les vallons
& fur les habitans de la Suiffe, pourroient
être indiqués pour caufe de quelques-uns de ces
résultats ; mais une obfervation attentive , fuivie
& comparée, a prouvé le contraire. Les habitans
de Sierre, qui ont le foleil cinq heures par jour
plus long-tems que ceux de Martigny, n'en font
pas moins ftupides. Faudroit il attribuer à la légé.-
reté de l’air ou à fa fubtilité, l'efprit pénétrant
des montagnards ? Cet air, qui pénètre partoùt,
vivifie to u t,.& paroït être l'agent de ce qui s'opère
; maisiln'eft pas feul & toujours le même.
Grouner prétend qu'on doit la non apparition
de la pefte en Suiffe, depuis l’an 1629, à l ’augmentation
des glaciers. Cependant on a reconnu
que l'air des montagnes 9jorfque les grandes fontes
de neiges ont lièu , engendre toujours des maladies
de mauvais caractère. Langhous c roit, avec
beaucoup d'autres phyficiens, que l'eau de glace
eft la plus légère. Ne feroit-ce point à la légéreté
de l'a ir , qui fe mêle avec ces eaux, qu’on doit
attribuer leur bonté ? Cette qualité de l'air influe
fur les fruits, qui pourriffent facilement ou l'air
eft pefant, & qui abondent en acide où la légéreté
eft plus générale & plus déterminée.
On feroit tenté de croire que la nature^ des
rayons du foleil n’eft pas partout la même ; qu'elle
varie j ainfi que fes effets. On diroit, à en juger
d'après quelques obfervations , que le foleil a
pour chaque pays une influence particulière ; car
l ’intenfité & l’effet de fa chaleur dépendent fur-
tout , & de la maffe d'air que fes rayons traver-
fent, & de la nature du fol qui les reçoit. _ ,
11 y au toit encore des confédérations très-importantes
à fuivre fur la liaifon qu'il y a eu
anciennement dans la propagation des nations les
unes par rapport aux autres , fur la première bafe
d’un peuple, d’une race, & enfin fur les effets de
telle ou telle habitation. Les recherches font cu-
rieufes fur tous ces points, mais les obfervations,
pour être recueillies fûrement, demandent du courage,
de la fagacité & une grande intelligence.
ATOLLONS. Les Maldives forment une longue
chaîne d'ïles à l’oueft du Cap Comorin , qui
eft la terre ferme la plus voifine. Elles font partagées
en treize provinces ou groupes d’ïles, qu’on
nomme Atollons. Cette divifion eft l'ouvrage de
la nature. Chaque Atollon eft entouré d'un banc
de pierre, qui eft affez folide pour réfifter à 1 im-
pétuofité des flots. Les naturels du pays font
monter à douze mille le nombre de ces îles. De
tous les canaux qui les féparent, il n’y en a que
quatre qui puiflent recevoir des navires ; les autres
font fi peu profonds, qu’on y trouve rarement
plus de trois pieds d'eau. On penfe, avec raifon ,
que toutes ces différentes îles n'en formoient autrefois
qu’une, que l’effort des vagues & des cou-
rans aura entamée & divifée en plufieurs portions.
Ce font des amas de fables qui entourent ces
groupes d’ ïles.
A TO O I (Ile d’ ). Cette île eft une des plus
étendues de celles qui compofent le groupe des
îles Sandwich. Si l’ on juge de l’île d’Atooi par
l'afpeâ: qu'elle préfente , elle a au moins dix
lieues de longueur dé l’eft.à l'oueft, & l ’on peut
de Jà évaluer fa circonférence, par approximation.
Au refte, elle femble être beaucoup moins
large à la pointe occidentale qu’à la pointe orientale
, où l’on voit une double rangée de col-
' fines. Le fol eft rompu & efcarpé.au nord-eft &
au nord-oueft ; il eft plus uni au fud : la pente des
.collines eft douce dèpuis le bord de la mer, &
elles font couvertes de bois jufqu'affez avant dans
l’intérieur du pays.' Ses productions font les mêmes
que celles des autres îles de ce groupe> mais
,les naturels foignent leurs plantations avec beaucoup
plus d’adrçffe que les habitans. des terres
voifines. Dans les cantons bas, près de la baie,
, des fofiés profonds & réguliers coupent ces plantations
; les haies font d'une propreté qui tient de
l’élégance, & les chemins qui Jes.traverfenr, ont
une perfeClion qui feroit honneur à un ingénieur
européen.
La rade ou le mouillage fe trouve au côté fud-
oueft, à environ fix milles de l’extrémité oueft,
devant un village appelé Wymoa. Dans tous les
endroits où l’on prend des fondes, le fond de la
ifier eft d’un joli fable gris, & il n’y a point de
rocher, fi l'on en excepte un efpace peu éloigne
du village , & dans la partie dé l ’e ft, ou 1 on r.en-
contre un bas-fond, fur lequel il y a des rochers
& des brifans î mais ces rochers & ces brifans font
près de la côte. La rade feroit complètement à
l ’abri du vent alifé fi là hauteur, de la terre par-
deffus laquelle il foufle, ne changeoit pas fadirection
pour lui donner celle de la cote. Ainfi le
Vent alifé foufle du nord-eft fur 1 une des bandes
de 1 l i e , & de l ’eft-fud-éft ou du fud-eft fur l'autre
, en frappant la côte d’une manière oolique.
La rade fituée au côté fous le vent eft donc un peu
expofée au vent alifé ; mais, malgré ce défaut,
elle n’offre pas une mauvaife ftation, & elle eft
bien fupévieure à celles que la néceffite oblige
journellement les vaiffVaux de prendre dans des
pays tels queTénénffe, Madère, les Açores, &c.
où les vents font plus variables & plus orageux.
Le débarquement eft d’ailleurs moins difficile, &
il eft toùjourspraticable lorfque le tems n eft pas
très-mauvais. L’eau qu’on peut fe procurer dans
le voifinage eft excellente, & si eft facile de 1 embarquer.;
mais pour faire du bois à une diitance
commode, il faiidroit déterminer les naturels à
céder le petit nombre à’etooas qui croiflent autour
de leurs villages , ou une efpèce appelée
dooe-dooe, qu’on rencontré plus avant dans le
E f c j i f c général de cette terre ne reffemble.
point au tout aux îles qui ont^été reconnues juf-
qu’alors en dedans du tropique, au cote méridional
de 1 équateur, excepté toutefois les collines
fituées près du centre, qui forte élevées, mais qui
s’abaiffent peu à peu jufqu’à la mer ou julqu aux
terrains bas, quoiqu'on n’y voie pas, comme à
Otaïti & à Tongataboo, cette bordure charmante
ou ces plaines fertiles, couvertes d’arbres, qui
offrent un coup d’oe il enchanteur, un afjde contre
la chaleur brûlante du foleil, & des fruits dont
onpeut fe nourrir fans fe donner la peine die les
cultiver. Comme elle a plus de diftricts d une
pente douce, elle leur eft fupérieure à quelques
égards, puifqu’elle fe trouve par-là plus> fufeep-
tible des améliorations de la culture.
La hauteur du fol dans l ’intérieur de l île * & la
multitude de nuages qui la couvrent au centre, &
fouvent dans les autres parties, femblent prouver
d’une manière inconteftablé, qu’ elle renferme Une
quantité Cuffifante d’eau douce. On peut croire
qu'il y a , fürtout dans les vallées profondes, à
fentrée defquelles lès villages font bâtis pour l'ordinaire
, des ruiffeaux çjue l’on n’ apperçoit pas.
Depuis la partie boifée jufqu'à la mer, elle eft revêtue
d’ une herbe d'une excellente qualité : cette
herbe a environ deux pieds de-hauteur ; elle croit
quelquefois en touffes, & quoiqu'elle ne foit pas
très-épaiffe, il paroït qu’on pourroit y faire des
récoltes abondantes d’un très-beau foin ; mais il
ne vient pas naturellement un arbriffèau fur cet
efpace étendu.
Le fol de la vallée étroite que l ’on traverfe
pour aller à une pièce d’eau confidérable, eft d un
noir-brun, un peu friable ; mais en avançant fur
les terrains élevés, on le trouve d’un brun-rougeâtre,
plus compacte & argileux, quoiqu’il fo;t
toujours aifé de le rompre, à caufe de la féche-
reffe. Il eft vraifemblablement le même dans tous
les diftri&s cultivés, car le terreau qui adhère à la
plupart des patates qui viennent des différens cantons
de l’ÎIe, eft de la même nature. Au refte, on
juge mieux deda qu'alité par fes productions, qu©
.par fon apparence. En effet, la vallée ou le terrain
humide produit du tara, dont la groffeur excède
celui que l ’on voit ailleurs, & le terrain plus
élevé fournit des patates douces, qui pèfent fou-
vent dix, quelquefois douze ou quatorze livres,
& rarement mqins de deux ou trois.
Le rocher qui forme les flancs de la vallee, 8c
qui paroït être le même qu'on voit en différentes
parties de la c ô t e , eft une pierre lourde , d'un
noir-grifâtre, difpofé comme le font les rayons
de miel, parfera© de petites particules luifantes ,
& de quelques taches couleur de rouille : cés taches.
le font paroître rougeâtre quand on le regarde
de loin; il a une immenfe profondeur, mais
il paroït offrir des couches , entre lefquelles il n’y
a point de corps intermédiaires ; car de gros morceaux
fe détachent toujours à une profondeur déterminée,
& ils ne femblent pas adhérèns à ceux
de defious. Les autres pierres font probablement
beaucoup plus variées qu'aux îles méridionales.
En effet, outre le lapis lydius t qui paroït commun
fur toutes les terres de la mer du Sud, on
rencontre une pierre à aiguifer, couleur de crème,
tachetée, ainfi que.le marbre, de veines plus
noires ou plus blanches ; une fécondé qui reffemble
à la brèche, l'ardoife à écrire, & une quatrième
plus groffière : il en eft encore quelques autres,
mais on croit devoir fe difpenfer d’en donner la
lifte. '
D’après la pofition de l’île , il eft aifé de fe for-
! mer une idée de la température du climat. On
peut dire qu’ il eft très-variable , & cela même à
l’époque o u , félon l’opinion reçue, le tems eft le
plus fixe, puifque le foleil eft à fa pins grande
hauteur. La chaleur y eft très-modérée, Sc on doit
éprouver ici peu des incommodités auxquelles la
chaleur & l’humidité rendent fujètes la plupart
des terres du tropique : les habitations des naturels
font très-près les unes des autres, & iis falei.t
du poiffon & du porc qui fe gardent très-bien ;
ce qui n’arrive pas ordinairement lorfqu’on fait
cette falaifon dans les climats chauds. Oh. n’y
trouve.pas de fortes rofées, peut-être parce que
la partie baffe de l’île eft dénuée d’arbres. "
O o o o o £