
vent la même blancheur de vifage avec laquelle
edes font liées. Quelques-unes feulement fe peignent
une petite fleur ou quelqfcr autre chofe aux
joues , au front 8c au menton avec de la fumée de
noix de galle 8c du fafran ; ce qui rend la marque
fort noire. Les femmes arabes du défert ont des
anneaux d’or ou d’argent fu'fpendus aux narines ;
elles font fort brunes , parce qu’ elles font perpétuellement
expofées au foleil, mais elles naiffent
affez blanches.
Les princeffes & les dames arabes qui demeurent
fous les tentes, font belles 8c bien faites ; elles
font fort blanches, parce qu’ elles font toujours à
couvert du foleil. Les femmes du commun font
extrêmement brûlées, outre la couleur-brune 8c
bafanée qu’ elles ont naturellement ; elles font outre
cela fort laides dans toute leur figure, malgré
L s couleurs qu’elles appliquent fur leur vifage &
fur leurs bras ; elles noircifient lé bord de leurs
paupières d’une poudre noire, compofée de tutie,
& elles tirent une ligne de cette couleur au dehors
du coin de l’oeil pour le faire paroître plus
fendu; car en général la principale beauté des
femmes de l’Orient eft d’avoir de grands yeux noirs
bien ouverts, 8c relevés à fleur de tête.
Au re lie , tous les Arabes font fort jaloux de
leurs femmes $ 8c quoiqu’ ils les achètent ou qu’ils
les enlèvent, ils les traitent avec douceur, 8c
même avec quelque refpeCt.
Ces peuples ont tous la même religion fans
avoir les mêmes moeurs : les uns habitent dans des
villes ou villages, les autres fous des tentes en
familles féparées. Ceux qui habitent les villes travaillent
rarement en é té , depuis les onze heures
du matin jufqu’à trois heures du foir, à caufe de
la grande chaleur. Pour l’ ordinaire ils emploient
ce tems à dormir dans des fouterrains où le vent
vient d’en haut par une efpèce de tube pour y
faire circuler l’air. Les Arabes tolèrent toutes les
religions, & en laiffent le libre exercice aux Juifs,
aux Chrétiens, aux Banians. Ils font plus affables
pour les étrangers, plus hofpitaliers, plus généreux
que les Turcs.
La coiffure des femmes arabes, quoique Ample,
eft élégante : elles font toutes à demi ou au quart
voilées. Le vêtement du corps eft encore plus
piquant ; ce n’ eft qu’ une chemife fur un léger
caleçon , le tout brodé ou garni d’agrémens de
différentes couleurs. E les fe peignent les ongles
en rouge, les pieds 8c les mains en jaune-brun ,
les fourcils & les bords des paupières en noir.
Celles qui habitent la campagne dans les plaines
ont le teint 8c la peau du corps d’un-jaune-foncé y
mais dans les montagnes on trouve de jolis vifages
même parmi les payfannes. L’ufage de l’inoculation
, fi néceflaire pour conferver la beauté, eft
ancien 8c pratiqué avec fuccès parmi ces peuples.
Les pauvres Arabes Bédouins , qui manquent de
tout, inoculent leurs enfans avec une épine, faute
de meilleurs inftrumens.
• En général, les Arabes font fort fobres, 8c
même ils ne mangent pas de tout à beaucoup
près, foit fuperftition, foit faute d’appétit. Ce
n’eft pas néanmoins délicaceffe de goû t, car là
plupart mangent des fauterelles. Depuis Babel-
Mandel jufqu’à Bara, on enfile les fauterelles pour
les porter au marché. Ils broient leur blé avec
deux pierres, dont la fupérieure fe tourne avec la
main comme dans notre moulin à moutarde. Les
filles fe marient de fort bonne heure, à neuf, dix
8c onze ans dans les plaines, mais dans les montagnes
leurs parens les obligent d’attendre quinze
ans.
Les habitans des villes arabes, fiirtout de celles
fituées fur les côtes de la mer ou fur la frontière,
o n t, à caufe de leur commerce, tellement été
mêlés avec les étrangers, qu’ils ont perdu beaucoup
de leurs moeurs 8c coutumes anciennes ; mais
les Bédouins, les vrais Arabes qui ont toujours fait
plus de cas de leur liberté que de l’aifance & des
richeffes, vivenCen tribus féparées fous des tentes,
8c gardent encore la même forme de gouvernement
, les mêmes moeurs 8c les mêmes ufages
qu’avoient leurs ancêtres dans les tems les plus
reculés. Ils appellent en général tousdeurs nobles
fchechs. Quand ces fchechs font trop foibles pour
fe défendre contre leurs voifins, ils s’unifient avec
d’autres , & choififfent un d’entr’eux pour leur
grand chef. Plufieurs des grands élifent encore,
de l’aveu desperits fchechs , un plus puiffant, 8c
alors la famille de ce dernier donne fon nom à
toute la tribu.
On peut dire en- général des Arabes, qu’ ils naiffent
tous foldats, 8c qu’ ils font tous pâtres. l es
chTs des grandès tribus ont beaucoup dè chameaux
, qu’ils emploient à la guerre, au commerce.
Les petites tribus élèvent des troupeaux
de moutons. Les fchechs vivent fous des tentes,
8c laiffent le fouci de l’agriculture & des autres
travaux pénibles à leurs fujets, qui vivent dans
de miférables huttes. Ces Bédouins, accoutumés
à vivre en plein a ir , ont l’odorat très-fin. Les
villes leur plaifent fi peu, qu’ils ne comprennent
pas comment des gens qui fe piquent d’aimer la
propreté, peuvent vivre au milieu d’un air fi
impur.
Parmi ces peuples l’autorité refte dans la famille
du grand ou petit fchech, qui règne fans
qu’ils foient affujettis à en choifir l’aîné. Ils é!i-
ferit le plus capable des fils ou des parens pour
fuccéder aii gouvernement. Ils paient très-peu
ou rien à leurs fupérieurs. Chacun des petits
fchechs porté la parole pour fa famille ; il en eft
le chef 8c le conducteur. Le grand fchech eft
obligé par-là de les regarder plus comme fès
alliés, que comme fes fujets ; car fi fon gouverne-»
ment leur déplaît, & qu’ils ne puiffent pas le dé-
pofer, ils conduifent leurs beftiaux dans la poffef-
fion d’une autre tribu, qui d’ordinaire eft charmée
d’en fortifier fon parti. Chaque petit fchech eft
intéreffé à bien diriger fa famille s’il ne veut pas
être, dépofé ou abandonné. Jamais ces Bédouins
n’ont pu être fubjugués par les étrangers, mais
les Arabes des environs de Bagdad, Moful, Orfa,
Damas 8c Haleb font en apparence fournis au
fultan.
Toutes les contrées.de l’ Arabie, quoique fort-
éloignées les unes des autres, font également
fujètes à de grandes chaleurs, 8c jouiffent constamment
du ciel le plus ferein, 8c tous les monu-
mens hiltoriques attellent que l'Arabie fut peuplée
dès la plus haute antiquité.
Les Arabes , avec une petite taille, un corps
maigre, une voix grêle , ont un tempérament
robufte, le poil brun, le vifage bafané, les yeux,
noirs 8c vifs, une phyfionomie ingénieufe, mais
rarement agréable, ils attachent de la dignité à
leur barbe , parlent peu & fans geftes, fans s’ interrompre
, fans fe choquer dans leurs expreflions.
Ils font flegmatiques, mais redoutables dans la
colère ; ils ont de l’ intelligence 8c même de l'aptitude
pour les fciences, qu’ils cultivent peu pré-
fentement : ceux de nos jours n’ont aucun monument
de génie. Le nombre des Arabes établis dans
le défert peut monter à deux millions. Leurs habits,
leurs tentes, leurs cordages, leurs tapis,
tout.fe fait avec la laine de leurs brebis, le poil
de leurs, chameaux 8c de leurs chèvres.
Les Arabes font fort endurcis au travail ; mais
comme ils font prefque tous pafteurs, ils n’ont
point de travail fuivi ; cependant ils peuvent fou-
tenir de longues courfes fans paroître fatigués,
8c fouffrent alors la chaleur, la faim, la fo i f ,
mieux que tous les autres hommes des mêmes
contrées.
Quelques Arabes, au lieu de pain, fe nourrif-
fent de plufieurs,graines fauvages, qu'ils détrempent
8c pétrifient avec le lait de leur bétail, Prefque
tous fe nourriffent d’une efpèce de farine
cuite à l’eau, de lait, 8c furtout de celui de leurs-,
chameaux : ce n’ eft que dans les jours deffêce que
les Arabes mangent de la viande, 8c cette bonne
chère n’eft que du chameau ou de la brebis.
A l’égard de leurs vêtemens, tous les Arabes
riches font bien vêtus ; mais les pauvres font prefque
nus. Les marques ou empreintes que les Arabes
te font fur la peau, font l’effet de la poudre’ à
tirer 8c de la mine de plomb, qui agiffent dans des
trous faits à la peau par le moyen d’ une aiguille.
Ces différentes imprefiions defigrtent- ordinairement
les différentes tribus : il n’ y a que quelques;
tribus de l’ Arabie déferte 8c de la Nubie qui fe
peignent les lèvres.
A r a b e s . Leurs excurfions.
Après avoir donné une idée de cette nation 8c
de fes moeurs dans fon pays natal 8c primitif:, je
crois devoir parler de fes excurfions en Afie-, en
Afrique 8c en Europe, comme de ces événemens
naturels, qui appartiennent à la géographie-phyfi-
Géograpkie-Pnyfique. Tome II.
q u e , & dont j ’expoferai l’enfemble à l’article
E x c u r s i o n s . . •
Ce peuple effaya de profiter, pour s’agrandir,
de l’horrible confufion où étoient tombés l’empire
d’Orient 8c tous les Etats de l’Europe : il
étoit renfermé,, comme les Goths , par des mers
8c des. déferts. L’Océan indien, la Mer-Rouge,
le golfe Perfique, formoient fes confins à l’eft ,a u
midi 8c à l'oueft ; de vaftes plaines, couvertes d’un
fable brûlant, 8c des montagnes arides, le fépa-
roient au nord des autres nations de l’Aile : il fein-
bloit, par cette pofition, deftiné à ne jamais perdre
fon indépendance, 8c à ne jamais attenter a
celle des autres. Comme il n’avoit pas de voifins,
il ne devoit pas craindre d’être opprimé ni con-
quis^par aucune nation entreprenante.
Il fallut, pour qu’il franchît fes limites, que le
fanatifme d’une religion nouvelle exaltat fon imagination
naturellement ardente , 8c furmontat le
penchant à l’indolence qu’ infpirent en général la
chaleur, la beauté du climat 8c ies aromates de
l’Arabie heureufe.
Alors les Arabes s’élancèrent comme des oifeaux
! de proie au-delà des mers qui les environnoient,
I 8c ils fondirent fur les Etats qu’ils trouvèrent affez
[ mal gouvernés pour ne leur offrir qu’une foible
réfiftance. ,
Ils fe répandirent dans la Syrie, dans la Perfe ,
dans le Mogol, dans l ’Egypte, dans les contrées
envahies parles Vandales, 8c recrutées par les en-
, fans de ces barbares du No rd , par les habitans de
la Mauritanie, qu’ils fubjuguèrent en paffant; ils
envahirent l’.Efpagne, traverfèrent les Pyrénées ,
8c remontèrent en France jufque vers les bords de
la Loire, où Charles Martel mit un terme à leur
débordement.
Les Arabes firent quelques établiffemens en Italie
, mais ne purent en faire la conquête. Partis
des environs du io e. degré de latitude nord, ils
: s’étendirent jufqu’ au 46e. Les Vifigoths , partis
dés environs du 60e. , étoient descendus jùfqù’au
36®. Les Vandales paffèrent au delà du 34e.
Ce fut dans la Perfe 8c dans l’ Efpagne que les
Arabes déployèrent avec le plus d’avantage leur
amour pour les arts, leur goût pour les fciences,
leurs talens pour l'architeCture,.8c ce genre de
moeurs qui les caraCtérife. Ce mélange d’héroïfme
8c de barbarie, de galanterie efpagnole 8c de ja-
loufie orientale, de fanatifme pour Dieu 8c pour
les femmes, ce tour d’efprit romanefque qui leur
.faifoit chercher des aventures fingulières 8c fe
paflionner pour des contes. On trouve dans leurs
écrits 8c dans leurs monumensï’audace d’un génie
.inventif, 8c la bizarrerie d’ un goût original que
la culture n’ a point perfectionné.
Ds tous les peuples vagabonds dont nous parlerons
à l’article Excursions, les Arabes font les
ifeuis qui aient conttruit des monumens dans les
Etats fubjugués,,8c qui aient embelli furtout les
villes des peuples conquis. C'eft un rapport qu’ ils
V v v v