
& qui font fitués d’ ailleurs dans le voifinage de la
plaine du Gave béarnois.
Si l’on fe porte fur les rives de cet impétueux
torrent près de la ville de Pau pour examiner la
compofition du fol , on trouvera de grands amas
de blocs de granits rou’é s, mais plus rarement des
fragmens de marbres & de fchiftes arrondis fem-
blablement. Tous ces amas & les tranfports qui
les ont formés , ne peuvent être confidérés comme
les produits des eaux courantes actuelles, mais
comme ceux des anciens Gaves, qui les ont voi-
turés dans le baflin de la mer, lequel s’étendoit
jufqu’ au pied des Pyrénées.
On fe tromperoit beaucoup fi l’on attribuoit,
d’après l’opinion de quelques naturaliftes, la formation
de ce maflif & de la plaine que le Gave
traverfe, aux matières qu’ il tranfporce actuellement
des Pyrénées : c e lt l’ouvrage de la partie
fupérieure de ce Gave dans le baflin de la mer, &
enfin de tout le cours de ceGave après la retraite
de l’Océan. On voit aifément que, dans-toutes ces
circonftances, il importe de diftinguer les effets
que les flots de la mer ont opérés fur les débris
des Pyrénées, de ce que les tranfports bruts y ont
introduit.
La plaine du Gave béarnois a beaucoup plus de
largeur que celle où coule le Gave d’Oleron * mais
quoique très-fertile, elle ne produit pas la même
aDondance de moiffons > car la grande quantité de
fables graniteux, mêlés avec les débris des pierres
calcaires & fchifteufes, paroît nuire à un certain
point aux productions qu’on en retire 5 au lieu
que les débris des Pyrénées, voiturés parle Gave
d’Oleron, & dépofés par lui dans le baflin de la
mer, offrent une furabondance de matières calcaires
qui font conftamment les principes de la
fertilité. Ainfi le fol des campagnes qu’arrofe le
Gave béarnois, confervera fa fertilité tant que la
croûte calcaire & argileufe qui couvre les mafles
inférieures de granit des anciennes Pyrénées, continuera
de couvrir les environs de fon lit de débris
favorables à la culture.
Nous favons que partout les terres provenantes
de la décompofition des granits font les moins
propres à la culture : nous pouvons nous en convaincre
en parcourant le ci-devant Limoufin, dont
le fol eft prefque entièrement compofé des débris
de cette roche. Il en eft de même de-la partie
graniteufe de la ci-devant province de Bourgogne,
au milieu de laquelle on remarque le Morvan. Si
l’on obferve toute l’étendue du trajet compris
entre la Palice & la ville de L y on , il eft facile^de
fe convaincre que cette efpèce de terrain n’ eft
pas aufli fertile que celui qui offre un mélange de
principes argileux, quartzeux & calcaires, où ces
derniers dominent.
Quant à la partie du fol voifine de la commune
de Pau , il eft vifible qu’en général elle eft formée
de pierres roulées de la nature du granit, avec un
mélange d’a;gile friable : l’on voit que ces pierres
ont été voiturées ici par les eaux courantes des
Pyrénées, & roulées enfuite par les flots de la
mer, qui y ont dépofé les terres argileufes qui les
empâtent.
C ’eft aux mêmes circonftances qu’on doit attribuer
la formation du foi qui conftitue la plaine
du Pont-Long : cependant il refte à favoir quelles
font les eaux courantes qui ont pu modifier ce
vafte dépôt ; car, comme aucune des rivières actuelles
qui parcourent cette vafte plaine, ne prend
fa fource dans les Pyrénées, on ne peut leur attribuer
les tranfports de ces matériaux. Et quoi-
qu’ aux environs de Lourde, à l’entrée de la vallée
du Lavedan, on rencontre les vertiges de l’ancien
cours du Gave, dont les eaux ont probablement
ceffé de couler au milieu de la plaine de Pont-
Long à l’époque où les aterriffemens confidéra-
bles formés près de Lourde les ont forcées de fe
i détourner, on ne peut leur attribuer la plus grande
partie de ces vaftes dépôts.
Effectivement, l’obfervateur, dont l’attention
eft fixée par les débris pierreux près de Pau, fur
la terre végétale de Pont-Long 3 s’étonne en voyant
qu’ ils ne préfentent que des amas de roches primitives
5 car on n’y trouve aucuns vertiges de
pierres calcaires. Cependant les montagnes gra-
niteufes d’où les torrens ont tranfporté ces débris
au milieu de toutes ces contrées, font entourées
d’autres montagnes compofées de marbres.
Ainfi il eft difficile de donner le dénouement de
ces difpofitions.
- On a obfervé depuis long-tems que les pierres
roulées qui compofent le fol du Pont-Long aux
environs de Pau, étoient graniteufes ou quartz iu-
fes : mais je dois ajouter ici que les fragmens de
la roche granitique font en général dans un état
de décompofition remarquable; car dans ces fortes
de granits, les différens principes n’adhèrent que
très-foiblement entr’eux, & furtout depuis que
les fragmens roulés font expofés à l’aétion de
l ’air ; car ils n’offrènt plus qu’un affemblage de
fubftancesterreufes ramollies, au milieu defquelles
l’argile domine.
La décompofition des pierres granitiques roulées
a lieu, comme on fait, de la circonférence au
centre, & pour lors on en trouve dont les noyaux
font fort durs, pendant que les parties voifines
de la furface s’égrainent & tombent facilement
en pouflière. Souvent le principe terreux du feld-
fpath prend toutes fortes de formes & fe pétrit
comme l’argile ; fouvent l’argile blanche a prefque
parte à l’état de kaolin. A quelque prorondeur
que ces cailloux roulés fe trouvent placés, on
rencontre tous ces effets variés dans les décom-
pofitions du granit au milieu des anciens dépôts :
on ne voit rien de femblable dans les cailloux qui
font dans le lit des torrens. Il paroît que c’eft dans
lés terrains humides que les granits s’altèrent plus
facilement, & fe décompofent en général comme
bo us l’avons dit.
Il femble inutile de dire ici qu’ aucune apparence
d’altération ne fe montre dans ces mêmes contrées,
fur les fragmens de quartz ou de filex qu’on y
rencontre. . . . c
Maintenant nous partons a un autre objet tort
important, & nous dirons que l’obfervateur qui
porte fes regards & fes recherches non loin de la
rive gauche du Gave, fur les coteaux de Jurançon,
y trouvera une organifation différente de celle
qu’offrent le Pont-Long & laplaine du Gave ; il y
remarquera furtout des fragmens de marbre arrondis
& de terres argileufes ou marneufes colorées.
Voilà les matériaux dont font compofes ces
coteaux dans la partie qui domine le cours du
Nés i les fragmens de marbres font de meme nature
que les mafles pierreufes dont font compofées
partie des montagnes qui s’ élèvent vers 1 entree
de la vallée d’O ffau, & qu’ on trouve d ailleurs
dans prefque toutes les montagnes inférieures de
la chaîne des Pyrénées. Ce qu’ il y a de remarquable,
c’ eft que ces fragmens de marbres font des
afîemblages de corps organifés, contre la prétention
de quelques naturaliftes, qui ont voulu nous
faire croire que les pierres calcaires d^ Pyrenees
étoient des pierres primitives qui n offroient aucuns
vertiges de corps marins. ■
Les bancs calcaires & argileux qui, dans les Pyrénées,
fe fuccèdent alterriStivement, & qui fe
ont creufées par des progrès infenfibles, ainfi que
le prouve la c or r e fpo n dance des matières^ qui remontrent
prolongent à des diftances confiderables, font
l’ouvrage d’une mer qui jadis enveloppoit de fes
.ondes cette chaîne de montagnes; d ailleurs, les
corps marins pétrifiés qu’un grand nombre de ces
fragmens de marbres renferment, prouvent cette
vérité, à l’appui de laquelle les obfervations faites
dans ces derniers tems au Mont-Perdu, viennent j
fe réunir & rendent inconteftable.
Les pierres calcaires que l’on trouve fur les co- 1
teaux de Jurançon, font en général beaucoup plus
groffes que les pierres roulées de la plaine du Gave
& du Pont-Long; car j’en ai vu qui ont trois pieds
& demi de longueur fur deux pieds & demi d e-
paiffeur : il y en a même qui foflt placées au fom-
met de coteaux fort élevés ; ce qui prouve que
ces tranfports font dus a des eaux courantes qui
avoient leurs lits à ces hauteurs. Outre cela, on j
trouve des veftiges manifeftes du cours de ce
même torrent en plufieurs autres endroits, & particuliérement
en deçà de Savignac, où la furface
de la terre eft jonchée de blots de fchiftes, de
marbres & de granits. Le Gave, qui defcenddes
montagnes d’Oflau, a pu tranfporter ces débris
dans un tems où fon lit étoît au niveau du fom-
met de la colline qui fépare aujourd’hui la vallée
d’Oflau du vallon qu’ arrofe le Nés. Les blocs de
ces granits ont été probablement tranfportes par
les eaux courantes des hautes montagnes grani-
teufes fituées dans les environs de Gabas.
Ges déplacemens ne paroitront pas impoflibles
à ceux qui favent que les vallées profondes des
Hautes-Pyrénées font l’ouvrage des eaux qui les
fur les bords oppofés des rivières. Il
n’eft donc pas étonnant de voir dans des lieux élevés
de plufieurs toifes au delfus de leur lit a6tuel,
les débris qu’elles ont anciennement entraînés des
montagnes. Voyons maintenant en détail les pierres
qu’on rencontre fur les coteaux de Jurançon.
| On y voit d’abord des fragmens de granits à
petits grains, dans un état de décompofition fur-
prenant, au milieu d’autres débris calcaires; ils
fe brifent au moindre choc & fe^réduifent en
pouflière : il y en a même dont les principes font
effervefcence avec les acides, parce que le calcaire
qui étoit entré dans la compofition du feid-
fpath, fe trouve entièrement dégagé de toute
combinaifon. Cette décompofition, au refte, des
granits, ne fe remarque que dans les plus anciens
dépôts. Cependant il eft bon de faire obferver
1 que, dans les mêmes circonftances, les morceaux
de marbres font reliés intaéts. O11 doit en conclure
que les pierres compofées, comme les granits,
prêtent plus à la décompofition que les pierres
fimples. j '
Nous avons dit que les fragmens de pierres calcaires
font d'un volume plus confidérable que les
blocs de granit. Il eft vifible que cette différence
a été produite par l ’éloignement des montagnes
dont ces matières calcaires & graniteufes ont été
détachées. Les marbres arrondis que l’on remarque
fur les coteaux de Jurançon, ont été tranfportes
de la partie antérieure des Pyrénées, diftante
feulement d’environ quatre lieues ; les granits au
contraire, placés primitivement dans des gîtes plus
éloignés, ont d û , avant que d’arriver au Pont-
Long 3 éprouver une plus grande diminution par
le choc des autres pierres, lorfque l'a&ion des
eaux courantes les voituroit & les rouloit ; mais
ces effets ont été beaucoup plus fenfibles lorfque
Paétion des flots de la mer s’eft réunie à celle des
eaux douces ordinaires.
Si l’on fuit maintenant le cours des autres ri-
i vières, on pourra fe convaincre de cette même
vérité ; car on voit les pierres quelles roulent
diminuer ou augmenter de volume, fuivant qu’ on
fe rapproche ou qu’on s’éloigne des Pyrénées.
On en trouve au pied de cette haute chaîne , qui
font furtout remarquables par leurs volumes. Tels
font les blocs de granit que les eaux ont transportés
jufqu’aux environs d’Arudi, dans la vallée
d’Offau, & xeux qui recouvrent en quelques endroits
les couches calcaires & horizontales des
collines entre Péroufe 8c Lourde : ils font d’ une
telle groffeur, quon auroit peine à concevoir quel
eft l’agent capable d’imprimef le mouvement à ces
grandes mafles, fi l’on ne voyoit de pareils effets
dans des gorges étroites où des rivières rapides
coulent à la furface inclinée des rochers, comme
on l’obferve au-delà des eaux chaudes, à Cautères,
à Barèges, 8c dans prefque toutes les gorges fe**-