
à l’ infini , 8c toujours entraînées vers le centre de
la terre, parviennent, s’ileft poflible , à un lieu
de repos. Mais cette recherche, qui conduit d’ un ;
plus compofé que l'on connoït, vers un moins j
compofé connu encore, devroit faire découvrir le 1
premier terme de la progreflion, au moins dans les
fommets les plus élevés, puisqu’ il eft évident que
plus l’on s’éloignera de ce terme, plus l’on devroit
S’éloigner de cette fimplicité élémentaire. Mais
cette matière fimple ne fe rencontre cependant
nulle part, car les plus hautes montagnes ne nous
présentent que des compofitions 8c des alliages !
suffi combinés que ceux qui réfîdent dans les lieux !
les plus bas. Il faut donc de là nécelTairement conclure
que, quand même on fe trouvëroit fur Jes ,
cimes les plus élevées des Alpes, du Caucafe, du ;
Taurus, & fur les autres fommets du globe ,. rien
ne prouverôit plus qu’il y ait eu des lieux fupé- i
rieurs qui aient contribué à leur compofition, car i
ce ne font plus des vafes 8c des limons ou d’autres
matières femblablesqui aient concouru à leur compofition.
On ne voit pas que les parties élémentaires
qu’on y découvre, aient été apportées peu
à peu par un courant d’eau defcendu d’ un lieu fu-
périeur dans un fieu plus bas. Ce font, au refte, des
maffifs de Y ancienne terre, dont les ëlémens font
compofés. Lorfqu’on a bien étudié ces maffifs, on
eft en état de reconnoître les accidens des eaux
courantes qui ont pu arriver depuis dans les divers
continens, lefquels , loin d’avoir été de nature à
en conftruire de femblables , n’ont pu que les dé-v;
grader 8c les détruire en partie.
Quelles révolutions toutes ces cliofes ne nous
apprennent-elles pas être arrivées en différentes :
époques ! Par elles l’expofition des maffifs qu’on 1
peut obferver à la furface du globe, prouve qu’ ifij
y a eu des conftruétions fuccelfives de l’ancienne,
de la moyenne 8c de la nouvelle terre , 8c même des
dégradations dans les intervalles de ces opérations
de la nature. Aufli l’on rencontre partout, fur les
limites de ces- différens maffifs, des ruines difper-
fées de tous côtés, 8c qui attellent la marche des
eaux courantes, telle que nous la pouvons fuivre
de nos jours.
Autres effets de ces mêmes eaux , très-remarquables.
Tous lçs voyageurs ont trouvé, non-feulement
dans les hautes régions, comme celles des
Alpes , mais aufli dans les moyennes qui leur font
adoffées, des maffesde rochers errantes & ifolées,
qui n’avoient aucun rapport, foit par leur grain , j
foit par leur nature, à la qualité des rochers 8c i
des pierres qui conftituoient le fol des lieux où ;
elles réfidoient. Üne pofitiom auffi étrange n’eft
pas naturelle. Ce qui eft encore plus extraordinaire
, c’ eft que ces mafies étoient de volumes
très-confidérables : comme elles n’ ont pu être déplacées
ainfi par les eaux, il eft rrécefiaire qü’élles
ai-.nt été précipitées en fuivant des pentes très- I
rapides qui ne fubfiftent plus entre leurs gîtes an-
çiens & primitifs, & les lieux où on peut les 6bferver
encore. La continuité des différentes parties
de ces pentes a été détruite par les. eaux, de
manière que ce ne font pas de fimples ravines
creufées par quelques filets d’eaux, mais de grands
& larges vallons à travers lefquels coulent des rivières
confidérables. Nous n’entrerons pas dans de
plus grands détails à ce fujet, & nous renvoyons
à l'article Pierre s perdues, où nousferous con-
noître les différentes contrées qui nous ont offert
ces phénomènes fi extraordinaires, 8c qui prouvent
d’une manière inconteftable le travail des eaux courantes
dans des époques très-peu reculées, 8c la destruction
des parties fupérieures de nos continens,
furtout le long des croupes de nos vallées.
Je paffe maintenant à d’autres confédérations fur
les montagnes. Si je vois des lits rompus & inclinés,
comme ce n’eft pas leur difpofition naturelle’
& primitive, je les redreffe par la penfée : fi je les
vois interrompus 8c coupés, je les continue de
même , & je reconnois que leur prolongement
traverfé les vidés qu’ occupent les villes 8c les villages
que nous habitons. C ’eft par ces examens &
les reconnoiffances multipliées , que nous avons
jugé , en patcourant des lits femblables 8c uniformément
appareillés daris les deux croupes qui'
bordent les vallées de part 8c d’autre , 8c même
des bras de mer, qu’ il faut qu’ il y ait eu un tems
où ces couches ont formé une feule 8c même
maffe continue. Par toutes ces obfervations, nous1
avons été autorifés à croire qu’ il y avoit eu une
infinité- de dégradations à la furfa'ce de la terre ;
que les lits de nos montagnes les plus élevées 8c
ifolées prouvoient que toutes les différentes chaînes
qui font diftribuées çà 8c là fur nos continens,
n’avoient formé qu’une feule 8c même maffe avant
queTaétion des eaux courantes les ait féparées ,
en emportant^tous les terrains dont les vides nous
les font paroître fi confidérablement hautes , 8c en :
creüfant les baffins de nos rivières de différens
ordres, qui en augmentent l’élévation relative.
Si nous revenons maintenant aux confluences des:
eaux dont il a été queftion ci-devant, nous recon-
noîtrons la généralité des circonffances qui ont rendu
ces endroits fi fertiles, comme nous l’ avons dit.
Comme les effets femblables doivent avoir été1
produits par les mêmes caufes, on ne peut douter
que nos continens n’aient été conftruits lits par
lits , bancs par bancs, au moyen des vafes 8c des:
limons que les fleuves 8c les rivières des anciens
continens portoient continuellement dans les baffins
où ils terminoient leurs cours, 8c que ces lits
ayant été conftruits de même par un travail périodique
infiniment long, ainfi que par la génération
fîiccéffive des corps marins, ces continens, ces
mers, ont dû fubfifter, ainfi que les nôtres, pendant
plufieurs milliers d’années.
J’ajoute que toutes cesreliques terreftres, trouvées
dans les lits formés au milieu des baffins des
anciennes mers, nous apprennent auffi , comme
nous l’avons déjà d it, que ces anciens continens
étoient couverts des mêmes productions, de la
végétation des mêmes arbres, des mêmes plantes,
de la même verdure que les nôtres. Les productions
animales que nous y trouvons, nous apprennent
auffi que fur ces continens vivoient des efpèces
d’animaux que nous connoiffons , depuis le plus
grand des quadrupèdes, jufqu’aux plus petits des
infeCtes j que les mers nourriffoient 8c çontenoient
les mêmes poiffons, les mêmes coquillages qu’elles
contiennent 8c nourriffent encore aujourd’hui dans
d’autres baffins ; 8c qu’ enfin la nature, toujours la ;
même, végétoit 8c fleuriffoit alors comme elle
végète 8c fleurit aujourd’h u i, mais en d’autres
lieux 8c fous d’autres àfpeCts.
Ces changemens de terres en mèrs 8c de mers en
terres fe préfentent avec tant de vraifemblance;
ces anecdotes font fi authentiques , ces témoins fi
irrécufables , que , quoiqu’on ne puiffe pas expliquer
d’une manière décifive comment des évene-
mens fi extraordinaires ont pu avoir lieu , il faut
néanmoins reconnoître qu’ils font arrivés Ce n’eft
point ici la place de donner des conjectures. 11
fuffit, ce femble , que je ne m’écarte point des
faits 8c des obfervations précifes. Je fais plus > je
refte dans le doute fi cette mutation s’eft faite peu
à peu ou fubîtement, quoiqu’il meparoiffe plus
vraifemblabîe que les révolutions aient été fubites.
Les lits de nos continens ont été formés peu à peu
fous les'eaux ; mais la caufe qui les a fait fortir n’a
pu être vraifemblablement qu’une caufe violente
8c fubite, parce qu’elle s’eft montrée contre l ’ordre
ordinaire des chofes. Au refte, quoiqu’on ne puiffe
nettement concevoir la caufe de ces révolutions,
( car il y en a eu deux à ma connoiffance ) , 8c que
l’on n’ait aucune inftruCtion fur ces événemens,
de la part des anciens écrivains, il fuffit, pour un
hiflorien de la nature , que ces faits foient arrivés.
Les monumens innombrables que la nature en a répandus
à la furface de la terre , étant plus vrais ,
plus frappans que tout ce que les hommes aur.oient
pu nous tranfmettre à ce fujet, 8c plus refpeCtables
que tout ce qu’ils peuvent 8c ce qu’ils pourront
alléguer pour les réfuter 8c en affoiblir l’autorité.
; Vidi ego quod fuerat quondàm folidiffima tellus ,
JEJfe fietum : vidi fratlas ex oequore terras ;
£ t procul à pelago conclue jacuêre marinte.
Oyid.
N°. V . -An e c d o t e s tirées des changemens variés.
que nous offrent Vintérieur Ü Vextérieur du globe ,
& furtout de ceux que nous préfentent les mines &
les marbres brèches.
Tous les corps foffiles, foit marins, foit terreftres,
que nous offrent les couches de la terre , ne
font pas les feuls monumens naturels des révolutions
qu’elle a éprouvées. Dans la plupart des
mines, il arrive fouvent qu’après avoir fuivi un
filon riche 8c abondant, il difparoît fubitement, 5c
fe perd contre un terrain qtw n’y a plus aucun
rapport. Quand les ouvriers ne s’arrêtent point à
ces obftacles, qu’ ils percent ces barrières, 8c qu’ils
s’y plongent fuivant la direction 8c l ’inclinaifon
des veines perdues, alors ils les retrouvent, 8c re-
connoiffent par-là que ces mafies étrangères, qui
ont interrompu l’allure des mines, ne font que
des dépôts accidentels 8c poftérieurs qui ont rempli
un vide que des accidens encore plus anciens
avoient formé dans le terrain naturel. Ces obftacles
, caufés par les irrégularités intérieures, fe
rencontrent furtout dans les mines de charbon ,
dont les couches vont fe perdre contre des efpèces
de murailles qu’en certains pays les ouvriers appellent
des parois. Ces murailles ont quelquefois
plufieurs toifes d’épaiffeur, 8c l’on retrouve toujours
au-delà la fuite des couches perdues, où l’ on
reconnoît la même direction, la même inclinaifon,
le même ordre 8c la même nature de bancs , dp
lits 8c de feuillets qu’on avoit trouvés avant la rencontre
de l’obftac.le.
Que d’accidens fucceflifs ces irrégularités fou-
terraines n’indiquent-elles pas fi l’on effaie de les
analy fer ? On y voit d’abora la fuite des opérations
qui ont cônftruit les couches de la mine, enfuite
cèlles qui y ont formé de- vaftes fraétures ou des
efpèces de vallons, puis celles qui ont comblé ces
derniers vides $ enfin les accidens qui ont donné
lieu à des dérangemens plus récent , 8cc.
Une partie de femblables phénomènes fe préfente
dans les terrains ordinaires , 8c furtout dans
ceux dépendans de la moyenne terre. Il eft aifé de
les remarquer dans ces longs efcarperoéns qui bordent
les lits de nos fleuves 8c de nos rivières. On
y voit que le maflîfde ces contrées y avoit éprouvé
des dérangemens avant l’approfondiffement des
vallées par de fortes brèches qui ont été enfuite
comblées à la fuite de nouveaux accidens, 8c remplies
par des matériaux étrangers à la conftitution
primitive du pays.
La difpofition naturelle de toutes les couches
quii, placées lés unes fur les autres , forment le
folide de la plus grande partie de nos continens ,
devroit être un parfait parallélifme avec 1‘horiz.on.
Ceci a lieu effectivement dans prefque tous les
bancs de la terre; cependant elle eft rarement
exaéte 8c bien moins confiante que le parallélifme
que fuivent entr’eux tous les bancs, fous tel degré
d’inclinaifon que leurs mafies foient établies ; en
forte qu’on obferve en tous lieux une infinité
d’exceptions à la loi générale 8c naturelle. Tantôt
telle pente eft conforme à l’inclinaifon particulière
de la contrée vers un fleuve ou vers une
vallée ; tantôt, comme la furface de la craie en
Champagne , elle eft plus précipitée : d’où il arrive
que dans ces contrées, qui ne préfentent que
des plaines , les^ couches fouterraines font cependant
Fort inclinées, pendant qu’en d’autres pays,
dont la furface eft pleine d’ inégalités très-extraordinaires,
les bancs intérieurs font néanmoins pa