Le troifième climat agfaire, qui s’étend fur la
même ligne & au même degré de latitude , eft le
pays de vignes fans orangers & fans oliviers : il
occupe une fort grande étendue en largeur au-
delà de Carcaffonne, aux environs de Touloufe
& prefqu’ au pied des Pyrénées : il a vers le fud
les Pyrénées & dans un certain éloignement; Le
feul abri qu'il ait contre le nord, fi c’en eft un,
peut lui être procuré par les montagnes du Rouer-
gue & du Limoufin.
Dans certaines collines peu éloignées des Pyrénées',
comme à Jurançon, à Dax, à Bayonne,
dans ce que l’on appelle les landes de Bordeaux,
le climat eft plus chaud que dans le Haut-Languedoc
, Toit parce que le fol eft entièrement fablon-
neux , foit parce que le pays eft moins élevé au
defïus du niveau de la mer; aufli les vins y font-ils
d’une qualité fupérieure.
Dans ce pays de landes on trouve quelques ci-ftes
qu’ on ne rencontre pas dans le Haut-Languedoc ;
Sc d’ailleurs, à Bayonne les curieux cultivent en
leine terre la caracelle, qu’on ne peut élever à
aris qu’en orangerie.
Aux environs même de Bordeaux, au deffus &
au deffous de cette v ille, la force des vins carac-
térife la chaleur du climat, & le cyprès y étoit
autrefois naturel dans le pays qu’on nommé YEn-
tn-deüx-mers, C e font les hommes qui ont détruit
cet arbre. Cependant on ne pourroit pas y cultiver
l’olivier comme en Provence & en Bas-Languedoc
; car quelques cultivateurs inftruits &
bons botaniftes, ayant tenté d’en établir la cul-
ture'dans leurs poffeflions, l’ont abandonnée faute
de fucuès.
On doit donc confîdérer certaines parties de la
plaine qui s’étend depuis Bordeaux jnfqu’à Bayonne
, comme un climat mitoyen & moins chaud
que le Bas-Languédoc , mais plus chaud d’un autre
côté que le Haut-Languedoc, par les raifons que
nous venons de dire. Nous pourrions donc en faire
on cinquième climat 5 mais nous ne croyons pas
devoir le faire entrer dans d’énumération de ceux
dont nous nous occupons i c i , parce que nous
n’ en voulons établir la fuite & la diftinction que
d’après des objets de culture- remarquables &
généralement établis.-
Après avoir fait connoître ainfi le troifième
climat comme pays de vignes, pâffons maintenant
au quatrième, qui eft un climat'fans vignes & réduit
à la feule production des pommes à cidre. Il
a au fud les Pyrénées, & c e s ;montagriés font fi
voifines, oufelles Y abritent âes vents du fud & forment
une expofmon au nord. Ce climat, malgré
ceia>, eft aufli méridional queToulon, ô? beaucoup
plus que Grafie, N ic e , Monaco & toute làcôte j
deda rivière dp Pqnent,' & enfin Gêrres.
Voyons maintenant toutes les circonftances qui
concourent à établir la température de cequa- :
trième climat. Éfi fortant de Bayodri© pour aller
au port du Paffage & à Saint-Sébafti^u capitale*
de la province de Guipufcoa en Efpagne, on tra-
j verfe la rivière de Bidaffoa, qui fépare la France
| de 1* Efpagne j des-lors on ne trouve plus de vignes.
Les pommiers y font cultivés comme dans la^ci-
devant province de Normandie, & laboilloncommune
des habitans eft le cidre. La feule différence
! qui fe trouve entre les cultures de ces deux pro-
: vinces, c’eft que les fauvageons d’Efpagne font
| naturels & n’ont pas befoin d’être greffés, tandis
que les ' fauvageqns de la ci-devant province de
Normandie donneroient, fans être greffes, un
fruit dont la liqueur ne feroit pas potable.
Il eft aifé de voir pourquoi la province de Gui-
; pufcoa eft aufli froide fous le parallèle du 43e. de-
! g ré , & comment le climat y eft plus propre au
! pommier qu’à la vigne, fous la même latitude à
| peu près où il y a des orangers en pleine terre. Il
fufKt de remarquer que cette province eft adofîee
aux Pyrénées, qui en font fi voifines, que,par fon
| expofition générale , elle s’y trouve garantie des
! vents du fud ; mais qu’elle regarde le nord & reçoit
dire&ement l’influence des vents de cette
partie & du nord-oueft, au contraire des autres
pays qui font expofés au midi & fie terminent à
la mer, pendant que celui-ci a les fommets ides
Pyrénées qui interceptent toute la chaleur qui
vient de cette partie, & reçoit en même tems
l’influence du nord.
J’ajoute-que du côté deSaint-Jean-Pied-de-Port,
dans la Navarre françoifie, on voit encore quelques
plantations de pommiers à cidre, parce que
ce pays eft également expofé immédiatement au
nord & à couvert des vents du midi par la chaîne
des Pyrénées, au pied defquelles cette contrée fe
trouve aufli placée.
Ce que nous venons de dire de la pofition de
la province de Guipufcoa & des circonftances
qui influent fur la culture d’une de fes principales
productions, eft tellement établi fur la théorie
des abris, que fi l’on s’enfonce dans les Pyrénées
jufqu’à la hauteur de Pampelune, que l’on fe
fouftraie à l’a&ion des vents du nord, & qu’on
s’approche des afpeéts du midi, on retrouve les
vignes & de fort bons vins. Ainfi le pays de cidre
fe trouve concentré* comme on voit, entre deux
limites fort refferrées & déterminées par deux
fortes d’abris qui donnent du vin.
Dans les quatre climats agraires ou quatre genres
d’abris dont on vient dé faire Fénumération, il
pleut rarement. Les montagnes placées le long de
leurs parties feptentrionales attirent, par leurs
fommets-& par les forêts qui les couvrent, les
nuages que chariçnt les vents;du midi , & ceux
chaffés par les vents du nord font pouffes fort loin
dans la mer. Dans l’un & l’autre cas il faut un
conflit de plufieurs-directions de vent pour que
le pied de ces montagnes & fon terrain, jufqfcb'à la
mer, foient arrofés par les convois de nuages qui
rouléntfiur leurs fommets avec la plus* grande célérité.
Sans* l’ humidité qui s’élève de. la Méditer-*
ranée par les vents de fud-eft & de fud , & qui
humeae les plantes, aucune ne pourroit végéter.
D’un autre cô té , il eft aifé de faire voir par-là ;
pourquoi il pleut beaucoup à Touloufe. Cette
ville eft-couverte au fud, a une certaine diftan-
c e , par la chaîne des Pyrénées, & au nord à peu
près à la même diftance par les montagnes du
Rouergue ; de forte que les nuages qui fe détachent
de part ou d’autre de ces fommets élevés,
fe précipirent dans l ’intervalle qu’ils ont à par- ;
courir, parce qu’ils ne peuvent fe foutenir dans
la longueur de ce trajet, au milieu duquel fe
trouve la ville de Touloufe.
R i c a p 1 t uu t 1 on des cinq climats agraires
précédens,-
Nous trouvons d’abord dans cette énumération
, i° . le pays d’orangers , d’oliviers & de
vignes, fur la côte de la Méditerranée, prefqu’au
niveau de la mer, depuis Gênes jufqu’à Fréjus ,
pays abrité du nord,, au nord-eft & du nord-oueft
par les montagnes des Alpes & de l’Appennin,
voifines & fort efcarpées.
2°. Le pays d’oliviers & de vignes'fans oran- !
gers, fitué de même fur la côte de la Médicerra- ;
née, un peu au deflus de fon niveau , mais abrité \
du nord par des montagnes allez éloignées, de
telle forte,que ce pays occupe des plaines & des ■
vallées aflez larges.
30. Le pays de vjgnes fans orangers & fans oliviers
: il eft au nord des Pyrénées, mais à un certain
éloignement; il éprouve quelqu’abri par les
montagnes du Rouergue & du Limoufin.
40. Le pays où il n’ y a pas même de vignes ,
mais feulement des pommiers à cidre. Ce pays eft
mafqué au fud par une partie des Pyrénées ; ce qui
lui dérobe l’afpeét du midi. D’un autre cô té , les
plaines en font ouvertes au nord par des gorges
fort larges qui fe trouvent entre les diverfes montagnes
qui le détachent des Pyrénées. Ainfi cette
province de Guipufcoa eft un efpalier au nord,
comme la côte de Fréjus à Gênes eft un efpalier
au midi.
On pourroit ajouter à cela le climat du Haut-
Languedoc , où l’on trouveroit une température
mitoyenne, entre le climat de Pau , de Dax &
de Bay onne, & celui de la province de Guipufcoa;
mais la fimple indication que nous en avons donnée
ci-deflus fuffit.
On auroit pu entrer dans l’énumération des
plantes que les botaniftes font à portée d’obferver
dans ces climats ; mais nous avons cru qu’ il fuffi-
fioit de fe borner à certaines productions plus communes
que peut remarquer tout voyageur un peu
attentif qui parcourt rapidement un pays. C ’eft
ainfi qu’en partant du climat le plus chaud, qui
admet le plus de productions, nous fommes arrivés
.par voie d’exclufion au climat le moins chaud,
d’où toutes ces productions ont difparu entièrement,
& ont fait place à une autrë inconnue dans
ces premiers pays.
C ’eft ainfi que les productions végétales ont
été confidérées comme les graduations de l’échelle
du thermomètre agraire. On voit par-là que plus
on aura de productions pour un degré de température
, plus on aura de moyens , foit pour
comparer des climats, foit pour les rapprocher-.
C ’eft par tous ces moyens qu’on pourra multiplier
les graduations de notre thermomètre agraire
, de manière à connoître les nuances plus ou
moins fenfibles que fuit la nature pour la diftri*
bution de la chaleur dans les différens pays.
Agraires ( Climats ) , abris, &c.
Nous ferons voir dans plufieurs autres article^
de ce Dictionnaire, les nuances femblables de température
, dépendantes des différentes expofitions
des lieux confacrés à telle ou telle culture. On y
expofera la nature de ces fols & leurs niveaux
déterminés relativement aux abris qui en enveloppent
certaines parties, ce qui en eft une
fuite , les variétés des productions qui fe montrent
en conféquence de toutes ces circonftances.
D’ après tous ces détails , nous en conclurons
qu’ un climat agraire eft un baflin d une certaine
étendue, qu’on peut déterminer par une production
quelconque. Ainfi la fuite de ces climats
fera défignée par la férié des productions qu’on
en retire, lefquelles exigent le plus de chaleur
dans la circonfcription de chacun de ces abris.
Souvent une même contrée fiera préfentéç dans
ce Dictionnaire comme abri & comme climat agrai*
re3 & l’on indiquera pour lors les différentes circonftances
qu’il importera de connoître pour faire
envifager cette contrée fous ces deux rapports*
Nous pouvons citer l’article l’ Aigle , où nous ex-
poferons ces détails inté reflans. C ’eft d’après ces
principes que nous ferons l’examen de tout ce
que nous préfenteront la Thejfalie, le Mont
Athos , la Macédoine , l’Antiliban ,v& c.
Dans ce travail nous ferons également attentifs
à parler des productions, pour paffer de là aux
circonftances des abris, & à faire connoître que
nous avons deux moyens d’apprécier la tempé-r
rature des contrées dont nous aurons lieu d’obferver
les cultures , le thermomètre d’ un côté ,
& de l'autre l’énumération de certaines productions,
ffurtout celles qui exigent une chaleur
fort confîdérable.
Lorfqu’on voudra parcourir dans ces vues les
i diverfes contrées de la France ou même des pays
voifins , qu’on defirera y fuivre & y étudier les
effets variés des abris, on y trouvera les raifons
phyfiques & déterminantes de certaines cultures
toujours fubordonnées, comme nous l’avons d it,
à la nature des fols , à la difpofition des niveaux
& aux différens afpeCts de ces lieux.
Ce que nous dirons, en parlant des balfins des
rivières de France, de tous les abris qui s’y trou