En Guinée, la chdeur, jointe à l'humidité, caufe
une telle décompofition dans les meilleures drogues
, qu’elles perdent en peu de tems toute leur
vertu.
Dans Trie de San Jago, on eft obligé d’expofer
le jour les confitures au foleil, pour en difliper
l ’humidité qu’ elles ont contrariée pendant la nuit,
fans quoi on ne pourroit les conferver.
Les habits de foie fe gâtent bientôt à la Jamaïque
fi on les lailfe expofés à l’aôion de l’air. Les 1
taffetas jaunes portés au Bréfil, y deviennent en
peu de jours d’ un gris de fer.
A quelques lieues au-delà du Paraguay, les
blancs prennent une couleur tannée j mais dès
u*ils quittent de nouveau cette contrée , ils re-
eviennent blancs en peu de tems.
Ces faits, & une infinité d’autres qu’on pourroit
recueillir des voyageurs les plus éclairés, fuf&fent
pour nous convaincre que, nonobftant routes les
découvertes qu‘on a faites fur l’air, il re(le encore
beaucoup de chofes à découvrir j mais aufli on
doit recommander aux voyageurs de vérifier avec
la plus grande attention les faits extraordinaires,
en déterminant leurs vraies caufes.
Je dois placer au rang des pays, dont l’air eft
fort mal-dam les Maremmes de Sienne enTofcane,
les environs de Rome, & furtout les villes de
Porto 8c ctOfiie, où les criminels qu’on y envoie
ne vivent pas plus de deux ans } enfin les environs
des marais Pontins, où plufieurs fontaines qui
verfent des eaux foufrées, répandent dans, l’air des
vapeurs infeéles. Nous parlerons plus en détail
de ce mauvais air d’ Italie à fon article, & nous
nous bornons ic i à cette citation générale, où l'on
peut combrendre la plus grande partie des côtes
occidentales du royaume de Naples-
Ariftote dit qu’on ne Cent , fur le mont Olympe,
aucune haleine de vent ni même aucun courant
d’air j que les caractères qu’ on y trace fur le fable
y font, au bout de quelques années,, aufli enriers
que s’ils venoient d’ être faits, 8c que ceux qui y
montent no peuvent pas y vivre, à moins que d’y
porter avec eux des éponges humides, à l'aide
oefquelles ils refpfrent. Nous citons ces anecdotes,
de la part de ce célèbre écrivain , pour donner une
idée de l’amour des Anciens pour le merveilleux,
8c pour avoir occafion de détruire ces erreurs*
car nous lavons, par Busbeck & par plufieurs
autres voyageurs qui ont vifité le mont Olympe
dans toutes fes parties,, que fes fommités font
toutes couvertes de neiges,. & que Pon n’y éprouve
aucune difficulté de refpirer par défaut d’ air, attendu
que plufieurs obfervateurs font parvenus &
©nt féjourné fur des montagnes plus élevées,fans
aucune incommodité confidérable.
En Amérique, lorfque les Efpagnols paflerent
la place comme autant de cadavres glacés. On fait
depuis que l’air, dans cette traverfée, répand un
froid fi pénétrant, qu’il détruit la refpiration des
hommes & des animaux, de manière qu’il leur eft
fort difficile d’y réfifter.
L ’air eft fi chargé de l’odeur des épices dans le
voifinage des îles de l’Océan indien 8c de la côte
orientale de f Afrique, que, lorfqu’on fe trouve
au deflous du vent, les matelots s’en apperçoivent
à trois ou quatre milles de diftance, furtout lorfque
de Nicaragua à la province dd Pérou, plufieurs
des foldâts, en traverfant lès montagnes de la
Cordillière avec leurs chevaux', furent tellement
lïahfiâ de froid ^qu ils moururent 8c reftèrent fur \
certaines fleurs font en maturité.
L’air de mer eft plus rude que celui de terre,
& moins agréable à refpirer : en général, la différence
eft bien fenfible pour les marins mêmes
quand ils approchent des côtes , car ils jugent
qu’ ils ne font qu’ à un mille du rivage par l’ air feul
qu’ils refpirent. On fait que les matelots de So-
rala, fur la côte orientale de l’Afrique, ne fe
trompent jamais fur leur fituation relative à la
côte.
Nous ajouterons ici les obfervations faites par
David Froelichrus, dans les monts Krapacks en
Hongrie, telles que les cite Varenius, fur le même
objet qui nous occupe, & particuliérement pour
nous donner lieu de former un jugement fur l’état
de T air dans, fes différentes régions.
« Les Krapacks font les principales montagnes
» de Hongrie : cp nom leur eft commun avec
» toute la fuite des montagnes de Sarmatie, qui
»a féparent celles de Hongrie d’avec celles de
» Ruflfie, de Pologne, de Moravie, de Siléfie,
» & de celles de la partie de l’Autriche au-delà
» du Danube j leurs fommets élevés & effrayans,
» qui font au deffus des nuages , s’apperçoivent
» à Céfaréopolis. On leur donne quelquefois un
» nom qui défigne qu’ ils font prefque toujours
couverts de neiges, & une autre dénomination
» qui fignifie qu'ils, font nus 8c chauves. En effet *
» les rochers de ces montagnes font très-efcarpés
» 8c pleins de précipices. Elles font outre cela
» très-peu aceeffibles, & perfonrre n’ÿ voyage,
» que ceux qui font curieux d’aller admirer les
» merveilles de la nature.
» C ’eft dans cette intention, que j’y montai au
» mois de juin i 6i$k Quand je fus parvenu au
sj fommet des premiers rochers, j’ en apperçus
» d'autres fort efcarpés & beaucoup plus élevés j.
jj je gravis par-deffus de grands blocs mal affurés,
» dont une partie ayant gliffé, en entraîna avec
w elle un. grand nombre d’autres, qui furent pré-
» cipités avec un bruit fi violent, qu’ on auroit cru
» que toute la montagne écrouloit.........Toutes
» les fois que je jetois les yeux fur les vallées in-
»9 férieures, qui étoient couvertes d’arbres épais,
»j je n’y appercevois qu’ une couleur d’ un bleu
9j céleftè, telle qu’on en voit fouvent en l’air
9j. quand le tems eft beau car les autres objets,.
»j à caufe de leur grand éloignement, fembloient
3j diminués & confus. Mais lorfque je montai en-
93 core plus haut, je me trouvai enveloppé, dans»
A I R
9» des nuages épais j je n’étois pas pour lors fort
>3 éloigné du fommet, & je voyois bien diftinète-
*3 ment les nuages blancs , au milieu defquels
9» j’étais, fe mouvoir au deflous de moi, & ) ap-
>3 perçus clairement au deffus d’eux l’étendue de
s# quelques milles de pays où fe trouvoient des
>3 montagnes. Je vis aufli d’autres nuages, les uns
90 plus hauts & d'autres plus bas, & quelques-uns
90 enfin également éloignés de la terre, : d’ou je
>o conclus ces trois chofes, i° . que j’avois fran-
*> chi le commencement de la moyenne région
9o de l’air} 2°. que la diftance des nuages à la terre
>» variait en différens lieux, fuivant les bafesqu ils
» rencontroient} que la hauteur des nuages
39 les plus bas n’eft pas de foixante-onze milles
93 d’Allemagne, comme quelques-uns l’ont pré-
»* tendu, mais feulement d ’un demi-mille.
» Quand je fus arrivé au fommet de la mon-
>9 tagne, l’air étoit fi pur & fi calme, qu’ on n au-
»9 roit pas vu remuer un cheveu, quoique j euffe
9» fenti un grand vent au deflous : d’ ou jé trouvai
33 que le mont Krapack a un mille de hauteuT, à
•o prendre depuis fa bafe jufqu’à la plus haute re-
3» gioo de l’air, où l’on ne reffent aucun vent.ye
93 tirai un coup de piflolet au fommet, qui d a-
3o bord ne fit pas plus de bruit que quand on caffe
3» un bâton 5 mais un moment après il fe fit un
s» long retentiffèment d’une vive explofion, qui
jj remplit les vallées 8c les bois qui étoient
» deflous.
* En defcendant par les anciennes neiges dans
9. les vallées, je tirai encore un coup de piftolet,
»3 & alors ce coup rendit un bruit femblable à
3J celui d’ un canon, & qui fut fi violent, que je !
>»' crus que la montagne allait tomber fur moi, 8c
3J le bruit dura bien un demi-quart d’heure , jui-
» qu’à ce qu’étant parvenu à certains_ réduits de
jj la montagne, placés à un certain niveau infé-
J3 rieur, il éprouva des augmentations fort vives
»» & fort violentes.
3J 11 grêle ou il neige fur ces hautes montagnes,
» même dans le coeur de l’ é té , c’ell-à-dire , aufli
w fouvent qu’il pleut dans les vallées voifines :
j» j?en ai fait plufieurs fois l’expérience. C e qu’ il
J3 y a de remarquable, c’ eft qu’il eft fort aifé de
,j diftinguer les neiges de différentes années par
»3 leur couleur, & par les limites des couches,
»3 qui font plus fermes 8c plus folides que 1 in-
»> térieur. *3
Air des montagnes. C ’ eft une chofe connue, &
fouvent éprouvée, que l’air des montagnes du pre^
mier ordre eft aufli deftruétif de l ’économie animale
, que celui des montagnes inférieures lui eft
favorable. Nombrede perfonnesont été gravement
incommodées au Commet des Alpes. Dans les Pyrénées
, les mêmes accidens fe font reproduits, &
l’on a vu des voyageurs, dans leurs expéditions au
pic du Midi de Pau, éprouver des vertiges & de
Peu gourdiffe ment. Les fymptômes de ces incom-
A I R
modités fe déclarent à des hauteurs très-diverfes ;
ils font eux-mêmes très-variés & d ’une nature tout-
à-fait fîngul'ère. Une débilité extrême du corps 8e
de Pefprit, l’ affoupiffement, la léthargie, les vo-
miffemens, les angoiffes nerveufes , les vertiges ,
font les plus communs. D ’autres fois on ne reflenc
nulle incommodité, mais la peau du vifagedevient
livide 8c flafque comme une veflie détendue} les
yeux font fixes } tout le monde d’ailleurs n’eft pas
également affe^é de ces maladies. Plufieurs per-
fonnes ne reffentent rien à des hauteurs ou d autres -
fouffrentbeaucoup. Rien, en un mot, de confiant
! dans les effets} 8c pour ce qui eft de la caufe, les
! uns ont cru la trouver dans la fimple fatigue, quand*
: d’ autres l'ont vue tout fimplement dans la rare-
! feélion de l'air. . x
, Quant aux premiers, U eft fingulter de voir a
■ quel point Lebuet femble les démentir : il eft éleve
i de quinze cent foixante toifes au deffus du niveau
de la mer } c’eft un glacier, & l’accès en eft pro-
digieufement difficile 8c fatigant. Or , on y a vu
un naturalifte s’engourdir 8c perdre connoiffance
parce qu’ il y étoit immobile 5 on y a vu d autres
I fois les guides dans le même éta t, pour être demeurés
quelque tems fans mouvement} enfin, on
i y a vu toujours que de femblables accidens avoient
été prévenus par l’agitation & par une occupation
: intéreffanre. y .
Il eft certain cependant qu’une fatigué trop*
• violente n’ occafionne pasmoins ces incommodités,
; qu’un repos trop abfolu} mais alors les fymptdmesi
| font différens, 8c l’ons’apperçoit aifémentque s’i l
j eft une caufe générale qui agit dans^ tous lès cas x
! il eft plufieurs caufes incidentes qui modifient lèÿ
I effets de la première, félon les circonftances & les;
| lieux. IL y a des voyageurs obfervateurs qui né
i peuvent rien décider à ce fujet par leur propre ex-
i périence} car aucune des hauteurs ou ils font par-
| Venus, foit dans les Alpes , foit dans lès Pyré-
5 nées, ne leur a fait éprouver rien de pareil. Ii y a
eu d’ ailleurs des voyageurs q u i, n’ayant éprouvé
: aucune incommodité fur les plus hauts fommets-
• des Alpes , en ont reffenti en montant au fommet
du Mont-Blanc, c’ eft-à-dire, à une élévation qu’ils
n’avoient pas atteinte avant ce voyage.
On a remarqué, outre cela , que la rapidité de
l’afcenfion eontribuoit à hâter 1 apparition des
mal-aifes dus à l ’état des couches fupérieures dé
l’atmofphère } en forte que ces fymptômes n’ ont
plus lieu lorfque la marche eft lente 8c modérée.
C ’ eft dans une marche rapide que fouvent les voyageurs
éprouvent cette foif brûlante , ces maux
de coeur infoutenables , cet affoupiffement involontaire
à cinq ou fix cents-toifes d’ élévation ,
pendant qu’on ne les reffent ordinairement qua
des hauteurs plus1 confidérables , lorfqu’on modère
fa marche comme il convient : il paroît même
que ces incommodités, fi différentes de celles
que caufe la fimple fatigue, ont une autre origine,
8c que c’ eft à une hauteur fixée pour chaque homme,