
pofinon qui a eu Heu dans le même terns & de
la même manière, foit par rapport aux boulever-
lemens qu'ils ont éprouvés afîez uniformément
dans toutes les contrées. Toutes ces conféquences
font extrêmement fenfibles : on ne peut fe difll-
muler qu’elles ne foient déduites d’axiomes aufli
fimples qu’elles 3 & lï fimples, qu’il ne faut que
des yeux pour en faifir les élémens & les bafes :
néanmoins, qui pourra jamais le croire un jour !
C ’eft ce que les hommes n’ ont pas vu , c’eft ce
qu’ils ne voient point, & ce que le plus grand
nombre ne veut pas voir.
Cependant fi le plus aveuglé de ces mortels
prévenus étoit fur les ruines de Perfépolis, &
qu’ après avoir admiré ces refpeéhbles reftes de
l ’antiquité, il fe fût propofé de rédiger le plan
chronologique des débris d’après leur fituation,
il ne pourroit fe dilfimuler qu’ il y eût eu un tems
ou ces vaftes palais n’étoient pas conftruits,
& où tous les matériaux qui s’ y trouvent employés,
étoient encore dans les carrières} qu’en-
fùite il y a eu un tems où on les en a tirés pour
conftruire ces beaux édifices j puis contemplant
les marbres & autres matériaux ufés par lès vef-
tiges d’un ancien fervice, il diroit : 11 y a eu un
tems où ces bârimens ont été fréquentés & habites}
3c comme leur fituation préfente n’offre
que des ruines 8c des débris, il ajouteroit qu’ il
y a eu un autre tems de guerre & de trouble qui
a été la caufe de leur deftruétion plus ou moins
étendue } enfin, s’ il appercevoit, fur ces triftes
reftes, de grands amas de terres, il feroit convaincu
qu’ il y a bien long-tems que ces défaftres
font arrives.
Dans toute cette fuite d’événemens, il eft fa-
‘ cilé de faifir cinq époques que la fituation des
lieux & la nature de ces témoins divers préfen-
terôient à cet obfervateur de l’antiquité, lefquels
ne feroient pas moins vrais & moins certains par
rapport à lui, quand même ces faits feroient ignorés
de toiis lés hiftoriens du monde} mais que di-
roit-il encore f i, parmi ces édifices les moins mutilés,
il rencontroit une pierre qui lui apprendroit
par fà forme & fa figure , qu’elle a été déplacée, &
qu’elle n’occupe pas le lieu de fa première defti-
Ratiôn, & qu’avant la conftru&ion de ces palais
elle devoit en occuper une ailleurs? Cette circonstance
fe rencontre partout où l’on conftruit de
nou veaux .édifices au milieu des ruines de villes &
de palais anciens.
C ’eft ainfi que l’on voit à Langres, & furtout
dans les remparts de cette ville ^ dés pierres dont
les unes ont fait partie de corniches & de frifes
d’entablemens antiques, qui fe trouvent pofées à
contre-fens } 3c d’autres offrent des débris de
fculptures & d’infcriptions 3 & c . On juge bien que
ces pierres dépareillées ont été autrefois employées
ailleurs avant d’être comprifes dans la
conftru&ion plus récente des remparts de cette
v ille, & qu'il en feroit de ipême d’un pareil fragment
trouvé dans les ruines de Perfépolis : 3c notre
obfervateur pourroit faire aufli, lur le bâtiment
dont ce fragment de pierre auroit été une partie
ir.conteftable, les mêmes raifonnemens, 3c en déduire
en même tems d’autres époques très-difté-
rentes entr’elles, 3c toutes antérieures à celles
qu’ on pourroit établir fur les ruines exiftantes.
Ainfi , d’un feul monument tel que Perfépolis ou
Langres, notre obfervateur pourroit déduire une.
longue fuite d’époques très-variées entr’elles par.
les tems 3c par les circonftances.
Pourquoi donc n’ agit-on pas de même & ne penfe-
t-on pas de même par rapport à l’hiftoire de la terre
& à l’organifation des differentes parties de fa fur-
face , puifqu’il n’y a pas une feule contrée qui n’annonce
plufieurs conftruétions ou démolitions de fois
antérieures même à la plus ancienne difpofition que
nous lui connoiflions ? Pourquoi enfin ne raifonne-
t- on par fur les monumens de l'hiftoire de la terre ,
avec la même jufteffe que nous raifonnons fur les.
monumens de l’ hiftoire des Perfes? Les marbres,
par exemple, que nous nommons bûches, ne font
compofés que defragmens de pierres brifées, qui.
ont leurs veines particulières & leur grain différent
de la matière qui les lie : ces marbres font
rarement par bancs, mais par blocs 3c rognons en-
taffésles uns fur les autres, & ifolés.Eft-il plusdif-?
ficile de fe retracer le plan des époques que ces
amas de marbres nous font connoitre, que celles
indiquées par les ruines de Perfépolis ? Non fans
doute. Ainfi nous pouvons dire : i°. Il fut un tems
où les eaux ont fait un dépôt dans un lieu quel-,
conque} 20. il fut un tems pendant lequel ce dépôt
s’eft confolidé 3c pétrifié} 3°. il fut un tems
où un certain bouleversement a biifé ce dépôt, &
l’a réduit en fragmens & en cailloux qui ont été
balottés long-tems par les flots de la mer, & qui
ont été arrêtés dans une vafe étrangère } 4e . il rut
un tems où ce nouvean dépôt ^ mêlé de vafe 3c
de fragmens pierreux, s’eft aufli confolidé 3c pétrifié
en une feule mafle & dans un feul banc } } °.
il fut un tems où ces débris, confolidés enfemble,
ont été de nouveau ébranlés, foulevés & brifés
en quartiers de rochers que la force du bouleverfement
a difperfés dans desdieux, & a entafles irrégulièrement
dans d’autres. Enfin, je conclurai
que le premier de ces tems eft extraordinairement
ancien, puifque, depuis la dernière révolution, il
s’eft: pafié plufieurs milliers d’années.
Ce n’eft pas feulement ce bloc de marbre, dont
le langage muet & incorruptible nous inftruit fur
les anciennes opérations de la nature} nos traditions
mêmes y font plus conformes qu’on ne penfe*
Confidérons feulement la durée de notre Europe
par l’hiftoire des révolutions fucceflives arrivées
dans la Méditerranée : i° . l’Europe & la Méditerranée
oiit été primitivement fous les eaux avec
tout l’hémifphère terreftre ; 2°. ?ce:t hémifphère
ayant été découvert par la retraite des eaux de
l'Océan, le lit de la Méditerranée fit partie d’un
continent qui réunifloit l’Europe & l’ Afrique ; 3 • j
le lit de la Méditerranée a reçu les eaux des lieu- j
ves qui y affluent, & , par la réunion des vallees
de <es fleuves, la Méditerranée eft devenue un
grand lac } 40. les eaux de ce lac étant plus hautes
que celles de l ’Océan atlantique, elles ont commencé
par l’approfondiffement d’ une vallee a travers
l’ifthme de Gibraltar, à s’ouvrir un débouche
dans l’Océan 3 débouché auquel l’Océan atlantique
a contribué depuis furtout que les eaux du lac
de la Méditerranée ont diminué de hauteur dans
leur bafiin, & ont laiffé reparoître quelques-uns
des fommets qui avoient été fubmergés avant 1 apparition
générale. On peut ajouter à cela le débordement
du Pont-Euxin, que j’ai diftingue de la
rupture du Bofphore. Sur ces objets je. crois devoir
renvoyer à la notice de Tournefort, premier
volume, à l’article Bosphore & a celui de G ibraltar.
On verra que tous les événemens quiy
font expofés, nous inftruifent parfaitement de 120-
tiquité de l’Europe & de la jeuneffe de nos histoires
} car aucune de nos annales n a ofe fixer la
date du plus récent & du dernier de tous ces faits.
Enfin, à l’article Marbre, nous rappellerons encore
plus en détail les preuves de 1 antique exif-
tence des marbres, que nous avons développées
de manière à foumettre tous les bons efprits aux
démonftrations précédentes fi fimples & fi lumi-
neufes. '
N°. IV. A necdotes fur les grands effets variés
de l’ eau.
C ’ eft un fait que tout ce que j’ai dit & tout
ce tpie l’on voit rend indubitable} que 1 ordre 3c
la difpofition de nos terrains font l’ouvrage de
l’eau : la terre lui doit tout, tant pour la difpofition
de çe-que nous connoiffons de fa mafle i que
pour celle de fa fuperficie. Tous les jours l’eau la
dérange en détail, entraîne peu à peu quelques-
uns de fes débris, les dépofe en tous lieux, les
reprend & les abandonne , les décompofe & les
recompofe. Il eft vifible que c’eft un élément toujours
agi fiant à la Surface du globe, qui lui eft fourni
fe lorfqu’il eft en, mouvement. Mais les parties
de la terre, en obéiflanta l’eau, obéiflent en même
tems à la loi de la.pefanteur à laquelle l ’eau elle-
même eft foumife, 3c tendent toujours a s appro,-
cherdu centre de la terre , vers lequel l’ eau entraîne
les corps qu’elle maîtrife. Chaque particule
terreftre, à laquelle l’eau a communiqué fon mouvement,
prend une fituation inférieure à celle
qu’elle occupoit auparavant. S’il y a quelques exceptions
, elles ne font que locales 3c momentanées
, au lieu que, fuivantla loi générale, fuivant
celle qui agit par toute la terre, l’eau coulant toujours
vers les parties inférieures , y accumule , y
condenfe tout ce qu’elle déplace, & -forme de
ces différentes matières des conftru&ions régulières
tant quelles reftent fous les eaux.
, C ’eft en conféquence de cette marche de l’eau
& de fes effets j qu’on doit conclure , en voyant
des lits de vafe & de limons, de fables 3c deTablons
répandus 3c difpofés uniformément dans certaines
contrées, que ces matériaux ne peuvent
provenir que de lieux fupérieurs, d ou 1 eau les a
entraînés dans des tems plus ou moins anciens.
Or , fi nous confultons les diverles époques de
l’hiftoire de la terre ; nous trouverons dans les contrées
où font des dépôts de limons, 3c en conséquence
très-fertiles, c ’eft-a-dire, aux confluences
des rivières & des fleuves, les lieux bas qui fe font
engraiffés aux dépens des lieux plusélevés. Rien ne
nous prouve mieux les effets des anciennes eaux
courantes deicendùes des fommets éleyes , que.
l’infpeétion de toutes ces contrées chargées de ces,
dépôts. On voit que le limon de nos prairies 3c de
nos plaines fluviales n’ eft qu’une fubftance terreufe
extrêmement fine , légère , fpongieufe , vraifem-,
blablement provenue de la comminution & d if- .
folution d’une infinité de matières differentes, fur-
tout des anciennes végétations, dont lesjparties
les plus folides & les plus fixes ont été depofees
dans différens gîtes par le cours des eaux auxquelles
ces matières fe font trouvées expofées quand elles
étoient dans une autre fituation.
Dans les.lieux où ces mêmes fubftances fejour-,
nent enfuite, comme elles fe trouvent chargées de
différens principes huileux , falins 3c fulfureux ,
il n’eft pas étonnant qu’elles y acquièrent un état
très-favorable a la production des differentes plantes.
Lorfque dans nos étangs les eaux ont été.long-
tems gardées & retenues, la fertilité de jeurs v.a-
fes -eft étonnante , & T induftrie des cultivateuis.
fait en tirer avantage en changeant les baflins de
ces étangs en prairies & en terres labourables. ■
Une conféquence qui devroit réfulter du mouvement
des eaux a la luvface du globe, & de leurs
effets variés, feroit que les terrains s’offriroient
bien plus fimples dans les hauteurs , & plus compofés
dans les lieux bas ; en forte qu’à partir du
niveau de la mer, les rivages devroient y être com-
pofés de plus de diverfes matières que les monta- .
gnes voifines} celles-ci moin^ que les contrées inférieures
3 celles-ci devroiept devenir encore plus
fimples à mefure qu’elles s’approcheroient de la,
mafle des hautes montagnes. Enfin , fuivant ces
principes, ces hautes montagnes, ces fommets du
monde, offriroient les terrains les plus fimples, & •
nous montrçroient la première conftitution de la
terre. Cette gradation du fimple au compofé , fort
naturelle , doit fe remarquer fi les accjdens qui
ont dégradé la terre, n’ont pu le faire qu’avec une
fucceflipn de.déplacemens, telle que les terrains les
plus élévés de tous ont fourni les décombres qui
ont recouvert les terrains inférieurs } que ces produits
des démolitions aient enfuite fervi à d’ autres
conftru&ions dans les lieux bas, 3c s’il en.ar-
rive éneore aujourd’hui de .la même manière., juG.,
qu’ à ce que ces matières, difperfées.& mélangées^