
Quant à ce qui concerne les rivières côtières,
dont les plus alongées ont quelques affluentes,
elles dominent depuis la baie de Panama jufqu'au-
delà du C h ili, à la hauteur de l'île de Chiloé. Toutes
ont leur origine fur les flancs occidentaux de la
grande chaîne des Cordillières.
II. Syfieme des eaux courantes , dirigées vers le nord.
En defcendant au nord vers les côtes de Panama
6c du golfe du Mexique j je trouve d'abord deux
rivières principales : la première, celle de Santa-
Maria, qui tombe dans, la baie de Panama, &
dont les embranchemens multipliés vont prendre
naiffance dans les différens enfoncemens des montagnes
qui occupent le centre de la terre-ferme.
La fécondé, qui fe jette dans le golfe de Darien,
eft \eRio-Atrato 3 qui traverfe la plus grande partie
du C h oco, paffe a Zitara, où eft une des mines
de tranfport d'or & de platine, dont nous avons
parlé. Nous avons déjà indiqué la rivière de Nca-
namas, qui arrofe une autre partie de la même
province, où fe trouvent également les mêmes fortes
de mines : ainfi ces deux rivières peuvent être
confidérées comme ayant fuccédé aux eaux primitives,
qui ont concouru aux dépôts intéreffans
des mines d’or & de platine du Choco.
En fuivant la côte de Carthagène on arrive à
l'embouchure du Rio grande de la Madalena , dont
le baffin eft fort long & fort étroit, & dont le
tronc eft chargé de nombreux ruiffeaux affluens
de droite & de gauche. Cette rivière prend fa
principale fout ce dans le lac de Papas, qui verfe
fes eaux, non-feulement dans le baffin de la Mag-
delaine, mais encore dans celui de Rio Cauca3 qui
lui eft parallèle , & qui finit par s y réunir. Ce dernier
trop plein du lac Papas paffé à Popayan, &
continue a couler entre deux chaînes de montagnes
de la région élevée du Pérou, Iefquelles four-
niffent, dans la partie fupérieure de Rio Cauca,
un fort grand nombre d'affluentes. Les mêmes
affemblages de montagnes donnent naiffance aux
premiers embranchemens de la rivière de Patia,
qui tombe dans la mer du fud. On voit que ces
trois rivières, Patia, Rio Cauca, la Madalena,
annoncent un point de partage qui appartient,
comme nous l'avons d it, à la partie haute & mon-
tueufe du Pérou, 6c qui participe à la diftribution
des eaux abondantes que les circonftances y raf-
femblent, 6c qu'on peut reconnoître par le nombre
de ruiffeaux que le géographe y a tracés.
Outre cela il eu vifîble que les affluentes arro-
fent les deux baffin s de Cauca 6c de la Madalena
suffi loin que s'étendent les montagnes| qu'elles
ceffent avec les montagnes, qu'elles reprennent
même dans l'enfoncement qu'offre la Sierra de
Santa-Martka, pour former de nouveau îa rivière
de Cefaré, qui arrofe le Valle de XJpari, avant ;
qu'elle fe réuniffe au tronc principal de la Mada- ;
Una.
O r é n o q u e .
A juger de la diftribution des eaux que l'Orénoque
raffemble, de l'étendué de la forme de
fon baffin, par îa carte de l'Amérique méridionale
de panville, on ne peut fe dilfimuler que cette
rivière ne foit une des plus remarquables de cette
Amérique, outre fa correfpondance avec les eaux
courantes, qui viennent d'autres baffins ou qui fe
rendent dans les baffins voifios.
Je vois d'abord que Y Orénoque a fa principale
origine dans le lac ‘Parima 6c dans plufieurs embranchemens
que verfent les flancs d'une chaîne
de montagnes fort fuivie, Sc qui font au nombre
de dix. Iis abreuvent d'abord un tronc principal,
qui court de f eft à l'oueft. C'eft de ce tronc, ainfi
que du lac Parima, qu'on voit fe détacher cinq
embranchemens qui fe rendent dans Rio Negro.
Après un certain trajet, ce tronc principal reçoit
une dérivation de la rivière Caqueta, laquelle fe
partage finguliérement entre Rio Negro & lui, fous,
le nom d‘Iniricka, Cette eau courante, adventice,
jointe à d'autres embranchemens qui viennent de
l'oueft à l'eft, lui fait pren dre une direction moyenne
du fud-oueft au nord-eftj c'eft à ce nouveau tronc
que fe réunifient quatre affluentes, qui prennent
naiffance dans les montagnes de Tunia, de Pampt-
lona , de Merida & de Truxillo, parmi Iefquelles je
crois devoir diftinguer les rivières de Guanariy de
Metay à.'Apura 6c de la Portuguefa , avec leurs embranchemens
auffi nombreux qu'alongés. Je ne puis
omettre les affluentes de la droite : elles prennent,
au nombre de fix, naiffance fur le revers des mêmes
chaînes de montagnes qui ont contribué à la
formation de la partie fupérieure de Y Orénoque.
Si je pafle au revers des montagnes de Pampelo-
na3 de Merida 6c de 'Truxillo , je trouve qu'il fournit
une grande partie des eaux de la Laguna de
Macaraybo , qui fe décharge dans le golfe de Venezuela.
Je ne parle pas ici des embouchures de l'Oré-
nqque, qui font en grand,nombre, & que Banville
a laiffées en blanc, fé contentant d'en indiquer
l'étendue. Je réfe.ve ces détails pour l'article
Or en o q u e , 6c les autres, qui ont pour objet les
rivières d‘Effequebé , de Surinam , de Maroni 8c
d’Oyapok, à leurs articles, & enfin à celui Ae
Guiane pour ce qui peut intéreffer la géographie-
phyfique dans la coriftitution de la côte comprife
depuis le fleuve des Amazones jufqu'à Y Orénoque.
H y d r o g r a p h i e du Ma r a g n o n .
Le Maragnon y après être forti du lac Lauri-
Cochay où il prend fa fource vers xi degrés de
latitude auftràle, court au nord jufqu'à Jaen Bra-
cdmorosy dans l’étendue de 6 degrés : de là il prend
fon cours vers l'e ft, prefque parallèlement à la
ligne équinoxiale, où il entre dans l’Océan fous
l'équateur , même après avoir parcouru, depuis
Jaën où il commence à être navigable, 30 degrés
en longitude, ou fept cent cinquante lieues communes,
évaluées à onze cents lieues.
Il reçoit, du côté du nord & du fud, un nombre
prodigieux de rivières , dont plufieurs ont
cinq ou fix cents lieues de cours, 6c dont quelques
unes ne font pas «inférieures au Danube 8c
au Nil.
La région de Maynas eft la première que ce
fleuve baigne de fes eaux au fortir du Haut-Pérou,
dont elle eft féparée par cette fameufe chaîne de
montagnes toujours couvertes de neige, connue
fous le nom de Cordilliére des Andes. Avant d y
arriver, le Maragnon reçoit, à Tomependa, la rivière
de Chinchipéy 6c celle de Chachapayas un
. peu plus bas : immédiatement au deffous du concours
des trois rivières, leur lit commun fe rétrécit.
.
On continue à defcendre le Maragnon, depuis
Jaën jufqu'à fa jon&ion avec la rivière de San-
Yago, 6c dans ce trajet,on rencontre trois détroits:
celui de Cumbinama d'abord, qui n a guere que
vingt toifes de largeur 5 enfuite celui d’Efcurrabra-
gas y où le fleuve, refferre, a formé une anfe,
dans laquelle fes eaux tourbillonnent5 enfin celui
de Guaracayo, où le fleuvë", qui s'efl ouvert une
iflue entre deux grands rochers, n'a pas trente
toifes de large : celui-ci n'eft dangereux que dans
les grandes crues. Au deffous de San-Yago on
trouve Borja3 qui eft féparée de San-Yago par le
fameux Pongo de Manfericke. Pongo fignifie porte3
& l'on donne ce nom, en cette langue, à tous les
paffages étroits i mais celui-ci le poite par excellence.
C'eft ici que le Maragnon, tournant à l'eft
depuis Jaën, après plus de deux cents lieues de
cours au nord, & après s'être ouvert un paffage
au milieu des montagnes de la Cordilliére , a
rompu la dernière digue qu'elle lui oppofoit, en
fe creufant un lit entre deux murailles parallèles
de rochers, qu'il a coupés prefqu'à plomb.
Le canal du Pongo commence une petite demi-
lieue au deffous de San-Yago, 6c de deux cent
cinquante toifes au moins, qu'il a au deffous de la
rencontre des deux rivières, il parvient à n’avoir
guère que vingt-cinq toifes dans la partie la plus
étroitè.
Il y a au milieu du Pongo, dans le plus étroit
du patfage, une roche élevée quand les eaux font
baffes, 6c qui forme un obftacle dangereux lorf-
que les radeaux ne font pas folidement conftruits.
Au deffous de Borja & à quatre à cinq cents
lieues au-delà, en defcendant le fleuve, les pierres
font fort rares. La furface de la terre n'offre que
des débris de montagnes fort comminués.
La première rivière qu'on rencontre au nord eft
celle de Morona, qui defeend du volcan de San-
gai, & qui, après quatre embranchemens primitifs
au milieu des Andes, fe trouve chargée, dans
la fuite de fon cours, de plufieurs affluentes que
fourniffent les prolongemens de cette chaîne.
Plus loin, 6c du même c ô té , on trouve les trois
bouches de la rivière dePaftaca 3 qui a fon origine
dans la Cordilliére , & particuliérement dans les
intervalles des chaînes : outre cela, cette rivière
eft alimentée par un long embranchement latéral,
& par huit ou neuf affluentes.
A droite 6c à cinq lieues au deffous du village
de la Laguna eft l'embouchure du Guallaga, qui a
fa fource, comme le Maragnon, dans les montagnes
à l'eft de Lima. La largeur du Guallaga. peut
être de deux cent cinquante toifes. Cette rivière
a , vers fon origine, néuf embranchemens diftri-
bués dans une large enceinte de montagnes, 6c
parmi huit à neuf affluentes. Je crois qu’ on doit
diftinguer les rivières de Moyobamba, de Parana-
pur a 8c d’Apena.
Du côté du nord on trouve un peu plus bas la
rivière du Tigre , dont le cours a une médiocre
étendue $ 6c du côté du fud l'embouchure de l 'U-
cayaley une des plus grandes rivières qui groffiffent
le Maragnon , & avec lequel il a été quelquefois
confondu fous le nom de Xauca3 qu'il porte vers fa
fource : il y a lieu de douter laquelle des deux eft
le tronc principal, car à leur rencontre .mutuelle
l’ Ucayale eft plus large que le fleuve où il perd fon
nom. Les fources de l'Ucayale font auffi les plus
élofgnées 6c les plus abondantes ; la principale fort
du lac Cincha- Cocha , près de Tama , plus au fud
que le lac Lauri-Cocha , fource du Maragnon. Il
raffemble les eaux de plufieurs provinces du Haut-
Pérou : tels font les environs de Guancavelica , de
Guamanga 6c de Cufco.
Sous le nom de Xauca lia déjà reçu l 'Apurimac,
qui a raffemble les eaux de fix embranchemens fort
alongés, & qui rend l'Ucayale une rivière déjà
confidéràble par la même latitude où le Maragnon
n’eft encore qu'un torrent ; enfin , en rencontrant
le Maragnon, il le repouffe 6c le fait changer de
direction.
D’un autre c ô té , le Maragnon a fait un plus long
i circuit, pendant lequel il a réuni les eaux de vingt
affluentes, 6c fe trouve d’ailleurs groffi par les rivières
de Chunchupé, de San-Yago , de Morona , de
Pajlaca 3 de Guallaga3 lorfqu’ il fe joint à l’Ucayale.
De plus, il eft confiant que le Maragnon eft partout
( furtout lorfqu'il eft hors des montagnes )
d'une profondeur extraordinaire. Il eft vrai quei'U-
cayale n'a jamais été fondé , 6c qu'on ignore le
nombre 6c la grandeur des rivières qu’ il reçoit.
Lorfqu'il fera mieux connu, on pourra en faire la
comparaifon avec plus d ’affurance.
Au deffous de l'Ucayale la largeur du Maragnon
croît fenfiblement, 6c le nombre de fes îles augmente
au milieu de fon lit. Après le Nan-Jay , rivière
affluente d’une petite étendue, on rencontre
le Napo, qui peut avoir fix cents toifes de large
au defius des îles qui partagent fes bouches, & le
Maragnon paroît avoir neuf cents toifes au deffous