
pies fragmens d’écorces de formes variées; ailleurs
plufieurs des grands troncs confervent encore
leurs branches latëra'es, 8c dans un grand nombre
l ’organifation végétale avoit fi peu'fubi d’altération
, qu’on diftinguoit dans les troncs les couches
circulaires, annuelles, où l’on a cru reconnoïcre
des chênes.
Cette chaîne de montagnes, qui fuit le défert
au nord, offre partout des croupes efcarpées &
nues, & des bancs horizontaux , calcaires , en
forte que les caravanes les ont continuellement
en perfpe&ive à la diftance de trois à fept milles,
& dans la même direction. A-leur pied s’ étend
un terrain plat, humide & marécageux, ayant en
largeur depuis un mille jüfqu’à fix , abondant en
fources. C ’eft là où les voyageurs fe rendent
tous les deux ou trois jours pour faire leur provi-
ficn d’eau douce. Lorfqueles fources font prefque
taries dans cette v allée, l’eau en eft faumâtre,
tk dans ces circonftances, en creufant des puits,
on obtient de l’eau douce & fort potable, à la
profondeur feulement de cinq à fix pieds.
C ’efi après avoir parcouru un pareil trajet, que
les caravanes rencontrent l’île & le territoire de
S yoüih, qui eft d’ une étendue affez confidérable.
La principale contrée & la plus fertile eft une
vallée bien àrrofée» de cinquante milles de tour,
renfermée par des enceintes de rochers efcarpés^
& ftériles. Son fol eft une glaife fablonneufe, un
peu chargée d ’eau & marécageufe en certains endroits.
Les dattes font fa principale production/
Chaque habitant poffède un ou plufieurs jardins
qui forment toute-fa richeffe, & fa feule occupation
eft de les arrofer : ces jardins font baignés
par plufieurs petits courans d’eau douce ou falée,
qui découlent des rochers ou des montagnes voir
fines, ou qui proviennent de fources, lefquellès
jailliffent même dans la plaine. L’ eau de ces fource
s , diftribuée en plufieurs lits,fe répand dans la
vallée, 8c ne s’étend pas au-delà du territoire, qui .
eft, comme nous l'avons déjà remarqué, une z/e
dégagée des fables, lefquels couvrent tous les environs.
Ces îles fertiles ont échappé jufqu’ à pré-
Fent à la grande invafion des fables qui ont couvert
des contrées habitées & cultivées ci-devant,
parce que ces fables n’ont pas trouvé d’obftacles
à leur marche continuelle, à laquelle a été expo- s
fée la prefque totalité de l’Afrique,.& furtout de ;
l ’Afrique feptentrionale.
Il nous refte à dire fur cet oafis ce que les ha^
bitans de Syoüih apprirent fur leur pays au cit. Ri- -
paut lorfqu’il étoit à Alexandrie. Ils lui racontèrent
donc-que l’on comptoit quatorze journées
d’Alexandrie à Syoüah; que, pendant les dix premières
journées, on rencontroit de tems en tems,
de la verdure & des puits qui fourniffoient de
l’eau affez abondamment pour fau'sfaire aux be-
foins des caravanes , & avec les circonftances
que nous avons rapportées ci-deffus ; que le onzième
jour on arrivoit à un défert aride & fans
eau , où l’on appercevoit feulement des lièvres,
des gazelles, des buffles & des autruches. Ils
ajoutèrent que le fol de ce défert étoit un fond de
pierre, & qu’il offroit, à certaines diftances, des
monceaux de cailloux qui étoient formés pour indiquer
la route qu’ il falloit tenir. Au refte, dans
tout ce trajet les voyageurs fe repofent, en certains
lieux fertiles 8c abreuvés de fources abondantes
, des fatigues que leur occafionnent les
parties de route où ils ne trouvent pas les mêmes
commodités & agrémens.
Quant à ce qui concernoit la population de
Syoüah, ils dirent qu’elle étoit divifée en deux
tribus, fortes enfemble d’environ deux mille âmes,
& quelle habitoit réunie dans une vafte maifon
qui, par fa difpofition intérieure, reffembloit à ces
khans ou karavanferays , fi communs dans une
grande partie de l'Afiej qu’une muraille fort élevée
lui fervoit d’enceinte & de remparts contre
les incurfions & les coups de main des Arabes.
Le gouvernement de cette fingulière peuplade
eft confié à douze cheykhs pris parmi les anciens
des deux tribus. Chaque jour ils le réunifient pour
fixer le prix des comeftibles, & rendre publiquement
la juftice.
Les caravanes du Fezzan , qui après trente
jours de marche traverfent Syoüah, & celles qui
s’y rendent d’Alexandrie, font, à leur arrivée,
vifitées par un cheykh, pour reconnoitre s’il ne
s’y trouveroit pas un étranger fufpeét.
Les Syoüahiens vivent, avec les différentes tribus
arabes, dans un accord fondé fur les befoins
de ces derniers, qui viennent acheter chez eux les
dattes que leur pays produit en abondance.
La ville eft dans une étendue de fix ou huit
lieues, entourée de dattiers ; & d’ailleurs le
refte du fol y produit tous les fruits de l’Europe.
La pomme , la poire, la pèche, les prunes & les
raifins s’y cueillent en grande abondance & dans
une maturité excellente. Le blé qu’on y fème en
petite quantité, y réuflit affez bien. Les Syoüahiens
favent extraire de leurs olives, remarquables
par leur groffeur, une huile excellente.
Une fontaine d’eau jailliffante fournit à leurs
befoins & à l’arrofement des plantes, comme je
l’ai déjà dit. Cet arrofement eft réglé, & chaque
jour il fe fait une diftribution nouvelle des eaux
fous les yeux & par les ordres des cheykhs. D’ ailleurs,
quelques fources d’eaux chaudes offrent
aux habitans des bains auxquels ils attachent des
propriétés médicinales.
Le voyageur Hornemann a vu une fource d'eau
douce à un demi-mille des ruines du temple de
Jupiter Ammon. Cette fource prend naiflartce dans
un bofquet de dattiers, 8c dans un fite très-beau 8c
très-agrçable.
Cette pofition répond 2ffez exa&ement à celle
de la Fontaine du Soleil dont parlent les auteurs
anciens , & fa diftance du temple principal femble
offrir les mêmes circonftances. Effectivement,
Diodore de Sicile nous apprend que, non loin de
la citadelle, en dehors, on trouvoit « un autre
» temple d’Ammon, qu’ un groupe nombreux de
ao grands arbres couvroit de leur ombre, & que
33 dans le voifinage couloit une fource à laquelle
33 un phénomène qui s’y paffoit régulièrement,
33 fait donner le nom de Fontaine du Soleil. *>
Quinte-Curce dit également « qu’il y avoit un
33 bois confacré à Ammon, au milieu duquel étoit
>3 une fontaine qu’ on appeloit eau du Soleil.™
Ainfî on ne peut douter que, hors de l'enceinte
qui renfermoit le temple principal de Jupiter Ammon,
il n’y eût un bofqüet dédié à ce dieu, &
qui renfermoit la fontaine du Soleil.
Cette fontaine eft alternativement chaude pi
froide à différentes périodes du jour 8c dé la nuit.
Elle fournit, fuivant Diodore de Sicile, une eau
33 qui paffe par différèns degrés de température,
s» félon les différentes heures du jour; car elle eft
33 tiède au lever du foleil, & elle fe refroidit à
33 mefure que le foleil fe lève au deffus dé l’hori-
•3 zon ; elle fe trouve à midi à fon plus haut degré
33 de fraîcheur ; elle s’échauffe enfuite infenfible-
33 ment jufqu'au coucher du foleil, où, du même
33 degré de tiédeur qu’elle avoit à fon lever, elle
33 parvient à fe trouver fort chaude à minuit, pour
33 revenir enfuite par degrés à la tiédeur ordinaire
33 du matin. »3
Il paroît que cette fontaine eft celle qui a été
vue par le voyageur anglais Brovrne. «« Les natu-
»3 rels, dit-il, obfervent qu’une des fources qui
3» jailliffent près des ruines eft tantôt chaude &
33 tantôt froide. »; ■
Nous finirons par obferver, d’après ces détails,
qu’ on peut regarder comme un fait avéré cette
variation périodique de la. température de l’eau
que donne la fontaine du Soleil, laquelle exifte actuellement
au même état que du tems de Diodore
de Sicile, & que la ;caufe, quelle qu’elle foit, de
ces effets finguliers, s’eft maintenue avec les mêmes
circonftances j malgré le grand intervalle des
tems.
Une feule caufe phyfiqüe.peut produire les variations
de température, femblabiés à celles que
paroît éprouver l’eau de la fontaine du Soleil : ce
font les changemens qui furviennent dans la chaleur
de l’atmofphère pendant la durée du jour &
de la nuit ..Effectivement, cette eau paroît tiède en
fortant des entrailles de la terre au lever du foleil,
parce que l’atmofphère a pour lors la même température;
& comme l’atmofphère s’échauffe à mefure
que le foleil s’élève fur l’horizon, l’eau de la
fontaine, comparée avec l’air brûlant du jour, paroît
plus, fraîche qu’au lever du foleil. Mais fur la
fin du jour & pendant la: nuit, l’air étant infenfi-
blement rafraîchi, l’eau de la fource; pour peu
qu’elle foit échauffée par l’aCtion des rayons du
fole il, doit paroître chaude. On voit que tout
dépend ici particuliérement des changemens de
température dans l’atmqfphère, avec quelques foi-
blés changemens dans celle de la fource.
. Pline , Diodore de Sicile, ainfi que les voyageurs,
modernes, ont dit qu’ il y avoit plufieurs
fources abondantes, dont l’eau circuloit dans les
différentes, parties de. l ’île .de Jupiter Ammon 9 &
qu’elle fe perdoit après avoir parcouru cette île.
Je dois remarquer ici que la circulation active &
fort étendue de cette eau eft abfolument nécef-
faire pour empêcher le progrès des fables, qui ont
une tendance naturelle pour envahir ce territoire
fertile 8c agréable. Comme les fables ne peuvent
cheminer ni être pouffes 8c enlevés par les vents
fans être ,très-fecs, i 1 eft vifible qu’ ils font fixés &
arrêtés par l’eau courante qui en baigne la lifière,
ou ie s humeéte à mefure qu’ils fe préfentent. On
voit par-la quelles font les circonftances qui concourent
à l’exiftence & à la confervation de l‘oafis
ou île de Jupiter A mmon.
La fource du Soleil, qui donne continuellement
de l’eau, outre le phénomène curieux dont j’ai fait
mention, a encore cet avantage très - précieux ,
c’eft de fertilifer environ dix-huit à vingt milles,
de terrain, c’eft-à-dire, environ fix lieues carrées.
L’ air eft, outre cela, très-pur furies bords de ces
eaux courantes; car il règne un printems continuel
au miiieu de.forêts de-fycomores, de palmiers,
de bananiers 8c furtout de dattiers, qui
font variés jufqu’à fix efpèces, & dont les fruits
font très - recherchés à caufe de leur boîine qualité.
Les Ammoniens qui habitent ce pays, font très*
: jaloux de conferver la poffeffion de cette contrée
abondante en fruits, en légumes, en gibier, en
volaille 8c en troupeaux ; cette île fortunée, en
un mot, où toutes les produ&ions de la fertile
Egypte fe trouvent abondamment; les Ammoniens,
dis - je , font dans une furveillance continuelle
pour empêcher l’ introdu&ion des étrangers
qui pourroient troubler le repos dont ils jouiffent
fous un gouvernement paternel, & au milieu des
foins d’ une culture facile.
Les voyageurs modernes ont obfervé que les
ruines du temple de Jupiter Ammon renfermoient
des pierres à chaux avec lefquelles il avoit été
conftruit; que ces pierres contenoient des pétrifications
de coquillages & autres dépouilles d’animaux
marins, & que les carrières de cette pierre
fe trouvoient dans le voifinage.
Strabon nous dit également qu’autour du temple
d’Ammon on voyoit des coquilles 8c des fof-
files d’animaux marins. On ne peut douter que ce
temple ne fût celui de l’oafis dont nous ont parlé
les voyageurs modernes. Le même Strabon , en
ci tant les dépouilles des animaux marins, difperfées
dans J’oafis d’Ammon, nous apprend qu’Erathof-
tène fuppofoit que la mer avoit anciennement
couvert cette partie de l’ intérieur de l’Afrique ƒ
obfervant que l’oracle n’auroit pu être aufti célèbre
, & vifité aufil fouvent dans les tems les plus