
pied. Nous ne répéterons pas ici ce que nous
avons dit en décrivant les différentes parties des
Alpes ^ & en faifant connoîtfe en détail tous les
phénomènes ^ue ces chaînes préfentent fuivant
leurs divers afpedls. On peut voir à ce fujet ces
différens articles , & entr’autres Gemmi3 Loiche s
Grindelwald 3 Grifons 3 &C.
IV. Alpes du Vicentin 3 du Véronois & du Bref
sian. Je dois comprendre dans la defcription des
Alpes ce que les obfervateurs naturaliftes nous ont
appris fur les montagnes du Vicentin, du Véronois
& du Brefcian 3 lefqueîlès ont beaucoup d'analogie
entr’elles. Nous les diviserons 3 d’après les observations
que nous en avons faites nous-mêmes, en
■ primitives , en fecondaires 3 & en collines de la troisième
clajfe 3 relativement à leur pofition fupérieure
ou inférieure 3 & à la différence des époques de
leur formation. J’appellerai donc ici montagnesprimitives
celles compofées de bafes fchifteules, qui
s’étendent par deffous les fuperfétations calcaires,
& qui par conféquent doivent avoir exifté avant
ces efpèces de couvertures.
Je confïdérerai enfuite comme montagnes Secondaires
les hauts fommets , qui confiftent en affem-
blages de bancs calcaires d’ un grain folide & compacte
-, & au milieu defquels fe trouvent des corps
marins pétrifiés , & q u i, avec la bafe des montagnes
primitives, compofentla plus grande partie
de cette grande chaîne des Alpes qui fépare l’Italie
de l’Allemagne.
Enfin je ferai envifager comme montagnes tertiaires
les collines peu élevées, formées de petites
couches de pierrès à chaux qui renferment des
corps marins fort nombreux, avec des intervalles
allez fréquens dé lits peu épais de fable & d’argile.
C e t affemblage de couches paroît avoir été
^doffé aux montagnes fecondaires à des époques
bien poftérieures , & même placé fur des parties
de ces montagnes, & enfin dans les vuides que les
eaux courantes y avoient formés en creufant des
vallées affez profondes,
I. Des Montagnes primitives , fchijieufs^
- Le fchifte dont font formées ces montagnes eft
argileux & communément très-micacé/ & parla
même quelquefois argenté : il eft , outré cela ,
feuilleté , traverfé par plufieurs petites veines de
quartz, & difpofé: en divers maffifs par couches
tortueufesl& ondulées.
L ’on n’a jamais pénétré dansTe Vicentin ni dans
le îVéronots^ii deffous de ce f o l , & l’on ignore
s’il en eft de même ici qu’en d’autres contrées &
•pays-de montagnes , c’eft-à-dire, s’il y a au deffous
■ dé/cè fchifte du granit, ce qui eflf très-probable /
-càr?le granit pénètre fort avant, & s’élève au deffus
•du fchifte dans les hautes montagne^ du Tirol :
«outre cela , le granit gris ou ^rânitell'é fe montre
i découvert, du coté de Taffuio^ de VrlmïitQ e.n
Autriche, où la rivière de Cifmonoë, qui fe jette
dans la Brenta, prend fa fource. Il y a , dans le
Vicentin , du côté de Schioi3 des montagnes entières
de porphyre, qui eft d’ailléurs fort abondant
dans le Trentin & dans le Tirol.
C ’ eft le fchifte qui renferme i c i , comme dans
beaucoup d’autres endroits, le plus grand nombre
de veines métalliques. Effectivement, les filons
métalliques fe trouvent communément entre le
fchifte & les couches de pierre à chaux , dans les
lieux où cette pierre touche le fchifte. Il en eft ainfi
de la veine confidérable de pyrite cuivreufe d‘A -
gorth , à l’endroit où les montagnes fchifteufes du
Tirol fe plongent fous les Alpes calcaires de l’État
vénitien.
En fuivant cette pofition relative du fchifte &
de la pierre calcaire tout le long de la chaîne des
Alpes , on trouve différentes minières & veines
métalliques entre la partie fupérieure des montagnes
fchifteufes & la bafe des calcaires. Lorf-
qu’on v a, par exemple, de la vallée Imperina vers
le couchant, on voit à Feltxino des mines de mercure
que le magiftrat de Vénife'a fait exploiter
nombre d’années, & qu’ il a par la fuite abandonnées.
Le filon principal de la minière du Monte-Nero
à Sïnio fuit auffi cette féparation du fchifte , qui
lui fert de mur , & de la pierre calcaire qui forme
fon toit. Ce filon donne de la mine de plomb, de
la pyrite cuivreufe, de la blende, de la calamine
blanche , de la pyrite & de la manganèfe dans du
fpath calcaire.
On exploitait autrefois, dans les montagnes de
Saint-Ulderic, au Vicentin , quelques mines d’argent
: on y tro u v e encore aujourd’ hui du fpath
. rhomboïdal fort pefant & qui contient du plomb.
II y a encore d ’anciennes mines aux environs de
Recoaro : cet endroit eft entièrement dans le fchifte.
Non loin de Recoaro font des eaux minérales qui
tirent leur foùrce d’un terrain calcaire , & qui
forment de belles incruftations.
II. Des Alpes, calcaires 3 Montagnes fecondaires.
Nous avons dit que lés montagnes fecondaires
étaient, pour la plus grande partie, formées d’une
] pierre Calcaire'dont le grain eft ferré & compacte ;
j que cette pierre a rarement un tijfu falîn ; qu’elle
I eft diipoféë par couches , & que l’on y trouve des
■ corps marins pétrifiés* Ces couches diffèrent entre
| elles par leur dureté, leur fineffe, leur compofîtion,
| leur tiflu feuilleté , leur denfité, leur couleur, la
; quantité de leurs fentes perpendiculaires j & enfin
par la variété dé leurs pétrifications,, qui changent
d’ une couche a l’autre , de telle forte qu’on ne
rencontre qu’une feule éfpèce dans la même couche.,
Les couches de ces Alpes calcaires, de la bafe
I au fômmet, confiftent pour la plupart dans les fuir
; vantes' f^ L
i° . En; confidérant ces niontagnes calcaires depuis
leur pied jufqu’à la moitié de leur hauteur *
on les trouve compofées d’un nombre infini de
très-petites couches , coupées fur leur longueur
par une infinité de. fentes perpendiculaires. Les
pétrifications qu’on rencontre affez rarement dans
le premier l i t , n’offrent communément que de
petites moules &r tellines ftriées', creufes, dont il
n’exifte quelquefois que le noyau ; fouvent l’intérieur
de la coquille eft rempli de criftaux de
fpath calcaire.
2°. Ce premier lit eft furmonté d ’un autre de
pierre à chaux plus denfe, plus blanche & moins
découpée, dont on peut faire iifage pour des
chambranles de portes, de fenêtres, &c. au lieu
que les fentes de la couche précédente en rendent
les pierres inutiles.
3®. Le troifième lit calcaire confifte ordinairement
en beaucoup de petites couches qui ne renferment
aucun corps étranger dans certaines parties
, mais qui dans d’autres renferment chacune
différentes efpèces de coquillès marines pétrifiées.
Les couches les plus voifines du quatrième lit
font des compofés de grandes & petites oolites.
4°. Ce quatrième lit eft encore formé d’un grand
nombre de petites couches calcaires ; les unes ,
d’où l’on tire le marbre rouge de Vérone, rempli
de cornes d’ammon qui pèfent jufqu’ a cent cinquante
livres ; les autres, blanches, n’offrent que
très-peu de ces mêmes cornes d’ammon.
5®. Il y à encore par-deffus ce quatrième lit une
prodigieufe quantité de petites couches d’une
pierre calcaire blanche; quelques-unes de ces
couches , furtout celles des plus hautes montagnes
, ne renferment aucun corps marin , mais
quelques autres en renferment de telle forte , que
chacune d’ elles contient des efpèces de coquilles
différentes.
• 6°. La couverture fupérieure de ces Alpes eft
nommée fcaglia ; c’ eft une couche calcaire, remplie
de cailloux de différentes couleurs , placés par nids
& par rognons, & qui font feu avec Taciè'r.' C ette
croûte couvre la fuperficie des Alpes ; elle s’enfonce
fous les montes berici de la troifième claffe ,
& reparoît au-delà de ce maffif, vers les montagnes
volcaniques du'Padoüan , fous les pentes,
defquelles elle fe trouve avoir plufieurs points
d’appui. Il paroît que la fcaglia a , dans cétte partie
, été foulevée par d’anciennes éruptions de
volcans qui fe font fait jour à travers.
La fcaglia n’accompagne pas partout la fuperficie
des Alpes ; caries différentes révolutions que
I venons de décrire, comme celles des autres montagnes;
cès contrées ont effuyées’’, l’ont détruite en plu- I
fieurs endroits.
Il fort de la fcaglia 3 qui répofé fùr la, pénte dé |
certaines collines volcaniques, dés’ fources d’ eaux
chaudes fulfureufes, qui répandent une odeur de
foie de foufre. On en vôit de cetfe nature près de
Pàdoue.
La nature aVôit difpofé horizontalement les
différentes couches des parties des Alpes que nous •
mais cette pofition primitive paroît avoir
été changée par diverfes caufes. Certaines montagnes,
fe, font entr’ouvertes : il s’eft : formé des
affaiffemens, des çrevaffes, des fentes perpendi-.
jculaires, & c . ; & par toutes ces révolutions les
' couches déplacées, affaiffées en quelques èndroits,
élevées en d’autres,d’horizontalesqu’ellesétoient,
font devenues, ou inclinées,ou verticales, quel-•.
quefois même ont été entièrement renverfées.Les
eaux pluviales & torrentielles, dont le cours a été
fans doute fouvent changé, ont également occa-
' fioffné, dans ces Alpes> de ces mouvemens : d’où
il eft réfulté des dérangemens & des déplacemens
confidérables.
Ce qui nous paroît le plus étonnant dans les
réfultats de ces déplacemens , ce font de gros
fragmens de granits, de quartz & d'autres pierres
dures qui viennent des montes primarii du Tirol,
.& qui font épars à la furface des plaines environ- .
nant Gallio, Aftago , Campo di Rovero , & d’autres
lieux qui appartiennent à ce que l’on appelle ,
le§ Sette communi3 enfin , dont la plupart font
fîtués fur des hauteurs élevées au deffus du cours
des rivières actuelles & du niveau de la mer.
Ces mêmes pierres fe trouvent en différens autres
endroits des Alpes, comme à Feltrino, dans
l’ Etat vénitien , qui n’eft féparé de tous ces villages
que par la Brenta, & placé au même de^ré f
d’élévation. C ’éft à Toune^a & près de Folgana,
bourgs fitués dans les montagnes appartenantes à
l’empereur, qu’on rencontre le plus grand nombre .
de ces blocs épars de différens volumes. Les-cail- •
loux & les fubftances vitrifiabies qui les compo-
fén t, font d’ un grain fort gros.'
Cependant les montagnes au milieu defquelles
Ton trouve ces pierres détachées & roulées, font
entièrement formées de couches calcaires, qui
renferment des corps marins pétdfié§(; & l’on ne
■ découvre point d'ailleurs, dans le corps de ces :
montagnes , aucune efpècé de roche de la nature
de ces fragmens ou cailloux roulés.
Comment ces roches détachées peuvent-elles ,.
avoir été tranfportées & dépofées où on les voit ?. '
Elles font, il eft vrai^ de là même nature que .
celles qu’entraînent dans leurs cours \ Adige & Ta
Brenta , en traverfant les montagnes du Tirol. j
Mais il ne paroît pas poffible que ces rivières
aient dépofé ces roches roulées en des lieux élevés
aujourd’hui de plufieurs .toifes au deflus de
leür lit. Toute la violence de ces eaux courantes ,
•dans ’leurs plus vaftes debordemens, n’ eft pas capable
de porter à une hauteur auffi confidérable
'des blocs d’un volume & d’un poids auffi confidérables.
On peut, donc fuppofer naturellement
que f Adige, & la Brenta avoient autrefois leur
cours à la hauteur où Ton voit maintenant ces
roches, & qu’ellesrles y ont dépofées pour lors.
Si les paiftbleS courans des eaux ont pu, à un cer-
tain point,-crèufer des lits, & les approfondir au