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dont la marche & la direétion fe modifient fuivant
les vents généraux qui s'y portent.
Si nous paflons maintenant dans la Limagne,’
nous la trouverons chaude ou tempérée pendant
que l’air des Commets eft v if & froid , & que celui
des hautes plaines de la Planèze, du plateau du
Puy-de-Dôme & de la Marche également eft v if & ;
froid, mais à un degré: bien modéré. L'air des val- ?!
lées des montagnes du Salers, ouvertes à l ’oiuft, eft
en général fort humide. Le canton fitué au midi du
Cantal, depuis Auriliac jufqu'à Maurs, jouit affez
conftamment d'une température douce ; aufli le
fol de ce canton favorife-t-il cet état de l’atmof-
phère, car ce font des pierres à chaux qui recouvrent
des laves & des bafaltes aux environs d’Au-
rillac & dans les parties inférieures des vallées
de la Jordane, de la C è re , de Marmanhac & de
Reulhac : c’eft là où l’on obferve des volcans foufmarins,
correfpondans à ceux de la Limagne i mais
je ne m’occuperai point ici de ce qui concerne la
volcanifation de VAuvergne.
Je termine ici l’efquiffe que j'ai ébauchée des
formes du terrain, de la nature du fo l, de l’hydrographie,
des climats enfin qui régnent dans
les differentes contrées de la Haute & de la Bajfe- !
Auvergne. Je ne m’y bornerai pas dans cet ouvrage,
car plufieurs articles feront reparoître en particulier
les réfultats des obfervalions que j’y ai faites
fur les volcans & les produits des feux fouter-
râins. J’y joindrai tout ce qui concerne la diftri-
bution des matériaux primitifs du fo l, & furtout
des terrains qui fe trouvent dans le golfe de l ’Ailier
, & qui en déterminent l'enceinte. Je puis
indiquer les articles É p o q u e s d e s v o l c a n s ,
B a s a l t e , C o u r a n s , A l l i e r (Golfe terreftre
de 1' ). En attendant, je joins ici quelques confide-
rations fur les volcans, fur les contrées bitumineufes
& fur les éboulemens de Pardines.
I. Confdérations fur les volcans.
J'ai difiingué trois fortes de volcans en Auvergne
1* i° . les volcans anciens’*, z°. les volcans mo-
.dernesj 30, lès volcans foufmarins. Les premiers
m’ont offert trois caractères très-remarquables :
d'abord ils ne montrent plus de cratères ouverts ,
mais feulement des jculots à l'origine des courans j
outre cela, ces courans font placés fur les plaints
hautes, & ne préfëntent dans toute leur étendue
que des laves compactes-, dégagées de fcories.
Dans les féconds volcans, au contraire, j’ ai pu
contempler des cratères ouverts, profonds, couverts
de laves poreüfes & fcorifiées, lefquelles
continuent à recouvrir les courans , q u i, dans la
plus grande partie de leqr marche, & furtout
vers leurs extrémités, occupent des vallées plus
ou moins approfondie? ces deux fortes de volcans
m’ont paru diftribtféSy& dominer dans certaines
contrées particulières. Ainfi, les premiers
font aux environs des monts D o r , & lès féconds
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fur lè plateau du Puy-de-Dôme. Les volcans du
troifième ordre font ceux qui ont brûlé dans les
plaines baffes de la Limagne, que l’Océan a depuis
envahies, & dont il a recouvert les centres d’éruption
, ainfi que les courans, par des dépôts plus
ou moins épais ; enfin q u i, depuis la retraite de
la mer, ont été dépouillés en partie de ces depots
foufmarins par les eaux courantes de l'Ailier 8c
des ruifleaux latéraux qui s'y jettent. On voit tous
ces caractères très-remarquables dans les volcans
de la Limagne 8c des environs d’Auriliac. Ces trois
ordres de volcans offrent, comme on v o it , une
fuite d’opérations.de la nature, qu'atteftent les
difféjrens états des produits des feux fouterrains.
C ’ eft ià où je crois devoir renvoyer les obferva-
teurs qui font curieux d'analyfer tous ces faits 8c
leurs époques, 8c c'eft dans une defcription plus
étendue, & fur des cartes où ces volcans font
figurés, volume V I des Mémoires de Vlnfitut,
qu'ils trouveront les réfultats raifonnés de mes
recherches, faites pendant plufieurs années de
fuite en Auvergne , 8c dans les premiers tems où
l'on s’eft occupé 'des volcans.
11. Traclus bitumineux.
C'eft furtout aux environs de Clermont 8c de
Pont-du-Château que fe trouvent les bitumes dif-
tribués, même au milieu des couches horizontales
calcaires.
Les monticules les plus connus pour fournir
de ces bitumes font ceux de Çrouelle 8c du P'uy-
de-la-Poix : celui-ci les donnoit coulans en été.:
Cette butte, dans les premiers états où je l’ai
obfervée, m’a offert.un maffif d’ une pierre calcàirè
plus ou moins tendre, bleuâtre, parfemée de ta-:
ches noires, que formoit un mélange de bitume
avec les matières calcaires. Dans certaines parties
des couches de la butte, d’où s’épanchoit la poix
au moyen de certains filets d'eau , j'ai remarqué
des criftaux de fel marin engagés dans les mêmes
cavités où réfidoient les tampons de bitumes. Cé
n’eft que pendant les chaleurs de l’été que le bitume
s’épanche au dehors, après quoi il fe def-
fèche à mefure qu’ il fort des couches qui leiren-
fermoient. Par toutes les circonftances que m'a
offertes le Puy-de-la-Poix, j'en ai conclu que le
bitume étoit un dépôt fait par la mer, en même
tems que les couches horizontales fe formoient
dans fon baflîn : témoin furtout le fel marin qui
accompagnoit les tampons ifolés au milieu des
couches horizontales. Comme depuis les premiers
féjours que j'ai faits en Auvergne > on a détruit la
plus grande partie du Puy-de-la-Poix , j'ai cru der
voir conferver tous les détails qu’ il m’a offert?
pour lors î mais je dois ajouter qu'il n’ eft pas ||
feule maffe calcaire qui m’ait préfenté les pfiéno?
mènes‘des tampons <\e bitumes rqfidans dans des
cavités ifolées .au millieu des couçhes, renfermant
outre cela des criftaux de fel marin. J ai yu
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du bitume avec toutes ces circonftances près de
Cornon, dans une fouille très-éténdue, d’où l’on
tiroit des pierres calcaires pour la conftruétion
d’un bâtiment voifin : outre cela, l ’intervalle des
bancs horizontaux de cette carrière étoit imprégné
d’une ligne fuivie de bitume, qui occupoit
plus de trois à quatre toifes d’étendue.
Le Puy-de-Çrouelle j qui n’ eft pas éloigné du
Puy-de-la-Poix, eft une maffe beaucoup plus con-
fidérable, & qui a environ quarante pieds d’élévation
: lé bitume y eft fec & folide. On en ap-
perçoit de nombreux tampons durcis dans les fentes
de defficcation primitive des couches. La bafe
du P uy-de-Çrouelle eft compofée de couches d’ une
pierre blanchâtre marneufe; elles renferment dans
plufieurs fentes des rognons d'agates avec des taches
ardoifées : toutes les variétés des états du
bitume s’y obfervent, ainfi que les nuances des
couleurs qu'il produit au milieu des couches de
pierres calc.aires. Quelques parties de ces pierres
font folubles aux acides pendant que d'autres y
réfiflent, parce qu’elles paroiffent infiltrées par
un fuc fi.iceux plus ou moins abondant. Ce font
lés pierres les pius blanches qui fe diffôlvenc le
plus promptement avec les acides.
Il y a , comme nous l’avons d it , des pierres
grisâtres, recouvertes de bitume folide j près de
Cornon & du Puy-d’Anol. Toutes ces pierres,
ainfi que celles qu’on tire affez abondamment des
■ environs du Pont-du-Château, font compofées
de fubftances calcaires, de terres & de pierres
argiieufes, de bitume plus ou moins abondant,
mais furtout font mêlées de rognons d’agates de
formes rrès-variées, dépendantes des vides qu’a
rencontrés la matière de l ’infiltration de ces couches
: c’ eft particuliérement dans les environs de
Ponc-du Chateau que l'on peut obferver ce travail
de la nature & en recueillir les plus beaux
réfultats.
Depuis Cornon jufqu’ à Clermont, on peut fui-
vre une rangée de collines qui font dans la direction
du P uy-de-Çrouelle : ce font les monticules
de Danfe , de Pelon3 de Gandaille , 6'c. 8c dont la
bafe calcaire eft farcie de bitume, qu’on obferve
particuliérement fur la colline de Pelon , en morceaux
très-apparens. On remarque de même une
quantité confidérable de bitume dans^les couches
au milieu defquelles les caves de l’ancienne abbaye
de Saint-Alyre font creufées : cette pierre eft
brune ou d’un brun-jaunâtre. Le bitume, qui recouvre
de grandes mafles de ces couches, eft fec ,
noir & brillant.
$ Si l ’on parcourt les environs de Riom, on trouvera
au pied de la colline de Marchand, une
fource qui donne de la poix, dont on fe fert pour
graiffer les roues des chars.
Enfin, les pierres du rocher fur lequel eft conf-
truite l ’éclufe du Pont-du-Château, font argiieufes,
parfemées de taches noires, qui lont vifiblement
bitumineufes. Expofées au feu, elles y pêtd,eat le
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I bitume qui les coloroit. Les carrières ds Quë-
riaux, qui font dans ce voifinage, fourniffent aufli
des pierres chargées de bitumes.
III. Déplacement & écoulement du fo l de'Pardines.
Le village de Pardines, fitué dans le diftriél
d’ Iffoire, 8c à une lieue de cette ville, fur 1a route
de Clermont, étoit établi fur le fommet d'une
colline 5 il étoit compofé de deux fyftèmes d’habitations,
dont l’un nommé le Fort, dans lequel eft
l.’églife paroiffiale ; l ’autre, qu'on appelle proprement
Pardines, formoit un afîemblage de quarante-
fix maifons. Le fol fur lequel ces habitations réfidoient,
offroit des mafles de laves confidérables,
recouvertes d’une bonne terre légère, mêlée d’un
peu d’argile blanche : cette terre étoit très-bien
cultivée 8c fertile. On remarquoit depuis quelque
tems que le fol fe gerçoit par la chaleur du (olcil,
8c qu’ il s’ y formoit des crevaffes d’ une profondeur
confidérable.
Le t 3 juin 1733 , vers les neuf heures du foir^
les habitans dii village de Pardines virent les murs
de leurs maifons s’ébranler fenfiblement, 8c après
lès a,voir abandonnées très-rapidement, ils virent
la colline dont j’ai,parlé,qui s’affaiffoit,; 8c la plus
: grande partie de la terre dont elle étoit recouv
erte, qui s'écoutait vers la vallée de la Crouze.
Dans quelques endroits la terre s’ouvrant formoit
de nouvelles crevaffes, 8c, cel’es qu'on y avoit ob*
fcrvées précédemment s’agrandilfoient : quelque-«
fois la terre , q u is ’ébouloit en grandes mafles *
; s’arrêtoit, 8c ces maffifs brifés tomboient les uns
par-deffus les autres. Enfin, les rochers que cet
éboulement avoit mis à découvert & fait éclater j
fe précipitèrent dans la vallée , qui en fut toute
remplie, ainfi que de la terre, qui avoit formé
une efpèçe de torrent de pouflière j de forte que
la route d’Iffoire à Clermont en devint impraticable.
Tout cela s’exécuta par des mouvemens
affez doux, quelquefois même imperceptibles. On
avoit obfervé des trépidations fenfibles pendant
trois ou quatre jours,, à différens tems : il y eut
même une de ces maifons ébranlées qui ne tomba
que le 10 juillet fuivant. Pendant tout ce tems on
n’entendit d'autre bruit que celui des rochers
qui fe précipitoient dans la vallée avec plufieurs
d,ébris de laves.
Ces déplacemens & les éboulemens qui en furent
la fuite entraînèrent vingt-fix mailons, tant
grandes que petites. Quelques-unes s'arrêtèrent
dans leur marche avec les terres : celles qui étoient
ébranlées dans leurs fondemens tombèrent en débris.
J’ai vu quelques amas de ces ruines difperfés
fur différentes parties des torrens de terres qui
gliffèrent dans la vallée de la Crouze. On compta
que les terres qui s'éboulèrent, ainfi que celles
qui furent englouties fous les ruines des autres
le montoient à. quatre cent foixante-fix oeuvrées
de vignobles, quarante fepteraesde terreslabou-
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