
les fondemens des édifices fe font enfoncés. La
nature du fol* qui eft un dépôt de terres qui
tiennent l’eau, & qui font dans un état de mol-
leffe continuelle j,rend très probables ces effets:
o r , fi le terrain a cédé dans toutes fes parties
également, il s’y eft opéré un enfoncement général
qui aura changé le niveau de toutes les parties
des édifices, lequel ne peut plus fervir de
repaire ni de point de comparai fon , relativement
à celui de la mer : outre cela la vafe peu folide,
& qui eft le produit des rivières voifines de R.a-
venne , a fervi égalé ment à exhauffer le fond du
fcaffin de l’Adriaiiquè, & à en refferrer les bords
lorfqu’ellé s’eft élevée au deffus des eaux : elle
nous offre donc, dans ces deux états, toutes les
circonfiances qui ont influé fur les phénomènes que
ce golfe a prélentés le long de fes rivages.
Les indices de la diminution des eaux de l’Océan,
qu’on avoit cru remarquer fur les côtés de
la province de Bahus , & que les favans fuédois
avoient cru pouvoir joindre à l’appui des faits
qu’ils avoient recueillis fur les bords de la Baltique,
ont été trouvés faux & démentis par d’ autres
obférvations plus rigoureufes faites à ce fujet fur
les bords de l ’Océan, en Norwége, en Angleterre
& en Amérique, & ont prouvé qu’ il n’y avçit
nulle part un pareil abaijfement, mais feulement
quelques aterriffemens remarquables fur certaines
côtes ; et dans d’autres, des parties de terres fermes
recouvertes par la mer. Tous les voyageurs
qui ont parcouru avec foin les'côtes orientales de
l’Amérique méridionale & feptentrionale , con-
viennent qu’ils n’y ont obfervé que ces différens
changemens, & que les aterriffemens furtout fe
rencontrent près des -rivages & des embouchures
des grands fleuves : d’où ils ont été portés à croirè
- que tous ces changemens font occafionnés par
les rivières & les fleuves.
Nous pouvons citer beaucoup d’obfervations
particulières & très-précifës que l ’on peut op-
pofer à l’abaijfement hypothétique de Celfius &
de Linnée. Par exemple , Tournefort affure que
lorfqu’ il vifita , dans file de C r è te ,- le 'pórt de
C or tin e , il trouva que la diftance de ce port à
la ville étoit la même que du tems de Strabon.
Il dit auffi que cette île a maintenant la même circonférence
que Pline & Strabon lui ont affignée j
enfin, il ajoute que le détroit entre le grand &
le petit Oëlos n’a pas changé davantage, puisqu’il
a toujours cinq cents pas. Toutes ces circonftances
aujourd’hui, a la même hauteur qu’autrefois, les
murs dé Cadix , qui eft un des plus anciens ports
de l’Océan.
Je terminerai cette fécondé confidération par
une réflexion qui m’a toujours frappé. Si Yabaif-
femeni des eaux dé la Baltique, des autres Médi-
terranées & même de l’Océan , avoit lieu fui-
vant les proportions & les lois que les favans
fuédois ont prétendu nous faire adopter ,■ les
plages nouvellement découvertes en conféquence
de cette règle hypothétique, feroient d’ une très-
grande étendue 5 ce qui eil inconteftablement
oppofé aux obférvations que nous venons de citer
& que nous pourrions multiplier s’il étoi.r nécef-
faire.'Les feules remarques de Tourfiefort à l’ïle de
Crète fuffisent pour écarter les foixante-qua:orze
^pieds à.3abaijfement qui réfulter oient, depuis le
tems de Strabon, de la proportion indiquée par
Celfius , 8c qui avoit pris le nom de réglé celfienne
parmi lès favans de fon parti, tant ils croyoient
être en état de nous diéter des lois/
font d’un grand poids^ contre Y&baif-
Cernent du niveau de‘lammer. Le Père Labat noüs
fournit un fait auffi décifif ; car il a trouvé qu’à
Civita-Vecchia les ruines du Centum celU d’Adrien
étoient au niveau de la. mer de Tofcane. Combien
d’autres monumens , d’une époque plus ancienne
, fe font trouvé avoir les mêmes rapports
avec lé niveau de la même mer ! Nous ajouterons
enfin, à.ces preuves de la fiabilité du niveau de
la mer dans toutes fes parties , que la mer baigne
Dans la première confidération précédente , j’ai
indiqué, d’ une vue générale, l’étendue de Y abaijfement
des eaux de.l’Océan , d’ après les limites les
plus élevées de fon inondation la plus anciennè ,
ainfi que des dépôts qui en ont été la fuite. Il me
refte maintenant a faire connoître un autre, fyftème
de dépôts que j ai obfervés en différentes.contrées
de l’Europe. Je me fuis en même tems affuré par
ces recherches , que non-feulement les retraites
dés eaux de la mer avoient éprouvé des ofcilla-
tions , comme je l’ai remarqué ci-deffus , mais
encore que ces eaux avoient été foumifes à des
repos, en conféquence defquels on retrouvoit à
la furface de la terre deux ordres de dépôts qu’ il
eft facile de diftingiier quant à leur pofition relativ
e , quant à la nature des .matériaux qui font
entrés dans leur compofition, & à leurs époques. >
Les dépôts de première date font les plus élevés
dans leurs limites fupérieures > mais en fuivant
leurs couches inférieures , on voit qu’elles font
affujetties à des niveaux fort bas. D’ailleurs, les
efpèces de corps marins qui y dominent, appartiennent
à des familles particulières , dont les
analogues, ou ne fe trouvent point dans les mers
actuelles, ou ne s’y trouvent que très-rarement.
Ainfi les coquilles et les autres produ&ions marines
qui réfident aux plus grandes hauteurs au
deffus du niveau des- mers, comme les couches
horizontales ou inclinées au milieu defquelles ces
divers individus ou leurs débris font renfermés,
doivent être rangés dans un ordre de choses à
part.
Il feroit donc fort important de recueillir un
grand nombre de ces productions marines, & de
les comparer avec celles qui font enfevelies dans
les dépôts de la fécondé époque. Si jamais on fait
des colledions de coquillages pris dans çes deux
circonfiances, & qu’on en défigne les différens
gîtes, on fera très en état, de prononcer fur les.
démarches de l’Océan, parce qu'elles en offriront
les preuves juftificatives les plus décifives dans les
diverfes contrées du globe.
Outre ces efpèces particulières de coquillages
marins que renferment les premiers depots , il
eft aifé de voir que leurs débris y font très-com-
minués, & qu’en cet état ils ont reçu une infiltration
qui les rend fufceptibles d’un beau poli
comme les marbres. . .
Le fécond fyftème de dépôts que je viens d indiquer,
a fuccédé aux premiers , mais avec des
circonftances qu’aucun naturalifte n a fait con-
îioître jufqu'à préfent. D ’abord la^mer paroït
avoir abandonné ces premiers dépôts , & par
•fa retraite les avoir mis à découvert pendant un
intervalle de tems allez confidérable, pour que
dés vallées larges & profondes aient été creufées
« tefir furface. Enfuite la mer, ayant recouvert
de nouveau une partie de ces anciens dépôts ,
•8c feulement à un niveau inférieur à leur masse
entière y a formé les féconds dépôts. C eft alors
que de nouvelles efpèces de coquilles ont occupé
les golfes que la mer a envahis pour la fécondé
fois. C’eft alors que les fédimens des eaux, que
nous pouvons reconnoître aifément depuis les premiers
dépôts , jufqu’au niveau aéluel des mers ,
ont été organifés par couches horizontales 5 ce
qui fuppofe inconteftablement un très-long fçjour
■ de l’Océan dans cette fécondé invafion, & un
•repos d’une grande durée au milieu des deux tèms
de fes retraites & de fon abaiffement total.
Je pourvois noter plufieurs dépôts de l ’Océan
qui appartiennent à cette dernière époque, mais,
je mé borne à citer les collines de la Tofcane &
celles qui font difpolées au même niveau le long
•des deux bordures inférieures de l’Appenninj j'en
ai donné une ample defcription dans les notices de
Targioni & de Stenon: C ’eft ai;ffi dans cet efpace
de tems que les vallées -golfes du Pô & du Rhône ont
•été comblées en grande partie par les fédimens de
toutes fortes que la mer y a formés, 8c dont on
-peut fuivre les limites & les hauteurs le long des'
deux bords de ces grandes 8c larges vallées.
Les féjours tranquilles que l’Océan a faits fur
de grandes parties de la furface du glo b e , aux
époques où il a formé les deux ordres de dépôts
que nous avons diftingués, ayant interrompu fa
marche dans l’étendue de Y abaijfement total qu’il
a éprouvé, doivent naturellement fixer notre opinion
fur la durée- & la fiabilité du troifième repos
auquel il nous -paroït affujetti actuellement dans
toutes les parties de fon baffin $ par conféquent
fi la Nature eft encore foumife aux mêmts lois!
que dans les âges précédens, le tems du repos
dont nous fommes témoins, eft bien loin d’être,
expiré, 8c doit rendre inutiles toutes les recherches
qu’on a faites de nos jours pour découvrir
une marche différente, & un fyftème d? abaijfement,
totalement.oppoTé à>cèlui qui a eu lieu dans les'
premiers âges. L ’on doit en être convaincu fi'
l ’on s'en rapporte aux réfultats des opérations
de la Nature , dont j’ ai fait connoître fuccinc-
teuient les principales circonftances. ( Voye% Limitas
DE L’ANCIENNE MER, RETRAITES DE LA
mer , Vallées- Golfes. ) (Pô, vallée-golfe du, )
(Rhône, vallée-golfe du.) C ’eft dans ces différens
articles que je développerai en détail tout
ce qui peut avoir pour objet les deux fyftèmes de
dépôts que je viens de diftinguer, 8c que j'indiquerai
leurs gîtes 8c leurs limites.
ABAISSEMENT des montagnes. Danslefpec-
tacle intéreffant que nous offrent les montagnes
de différens ordres, tout concourt à nous faire
croire à cet abaijfement. Les météores aqueux , le
paffage du chaud au froid, les differentes formes
des maffes montueufes, les matières dont elles
font compoféesy la nature & ladifpofition des bafes
fur Iefquelles ces maffes font ordinairement affiles,
linclinaifon plus ou moins confidérable des
couches*qui èn conftjruent les différentes parties,
toutes ces circonftances, qu’on peut reconnoître
dans les diverfes contrées où dominent les montagnes
, nous font connoître de toutes parts les
moyens que la Nature emploie pour dégrader &
décompofer ces maffes: 1 aCtion de ces eau fes de
deftruétion étant plus ou moins lënfible, plus ou
moins fui vie', fes effets font en conféquence plus
ou moins remarquables, & plus ou moins faciles
à apprécier. -
Une montagne de pierre de fable, par exemple,
perdra beaucoup plus dans fes dimenfions ,
que des montagnes compofées de matières dures
& bien liées entr’elles : d’un autre cô té , une montagne
dont la niaffe principale eft organifée par
bancs horizontaux , fera dégradée plus difficilement
que celle dont les lits feront plus ou moins
inclinés à l’horizon, ou dont la difpofition approchera
plus ou moins de la verticale. L’eau
des pluies pénétrera plus"facilement entre les lits
de la dernière montagne, qu’entre les bancs horizontaux
de la première ; car ceux-ci préfentent
à l’eau de grandes furfaces fur Iefquelles elle coule
fans pouvoir s’y faire jour par une certaine iinhibition
, au lieu que les bancs inclinés lui offrenc
un grand nombre d’ ouvertures par où elle peut ,
fans aucune difficulté, s’infinuer de manière à entraîner
tous les matériaux qu’elle peut en détacher.
Il y a même beaucoup de cas où l’eau, fe gelant
& fe dégelant alternativement, agit avec force
contre les parois des bancs , lés écarte les unes
des autres , & fait tomber les rochers en éclats.
G’eft alors furtout que plufieurs fortes de débris
éprouvent des''éboulemens très-étendus, & fe
précipitent dans les vallées. Ces dégradations font
d’ autant plus promptes & plus confidéràbles, que
les bancs font formés d’une matière plus tendre
:8c plus facile à être pénétrée par l’éau. S’ils font
de fchifteou'de tnauvaife ardoife. la dëftruéfcion en
fera certainement plus prompte que fi ces rochers