
gore. Le plus fïngulier de ces caps eft celui que
Ton nomme Pleaskin. Son Commet eft couvert d’un
gazon touffu, fous lequel Ce trouve immédiatement
la roche naturelle, dont la furface, en général
fort unie, eft fendue & brifée en quelques endroits.
A dix ou douze pieds au deffous du Commet
on apperçoit des rangées de colonnes prifmatiques
d’abord ébauchées, mais qui finiffent par des Cuites
plus diftinétes de piliers de bafaltes perpendiculaires
à l’horizon, & préCentant une fuperbe
colonnade, dont l’ élévation eft de plus deCoixante
pieds. Cette colonnade eft Coutenue fur une bafe
de roche noire, épaiffe d’environ foixante pieds,
qui n’a aucune forme régulière, & dans laquelle
on remarque, comme dans les laves poreufes, une
grande quantité de foufflures & de trous. Malgré
l ’ irrégularité des formes de cette maffe, on remarque
dans quelques parties une certaine tendance à
prendre des formes prifmatiques.
Sous ce grand lit de laves informes eft une fécondé
rangée de prifmes qui ont trente à quarante
pieds de longueur, mais dont les contours font
plus nettement terminés que ceux de la colonnade
fupétieure : plulieurs même font auffi parfaitement
réguliers que ceux de la chauffée des Géans, qui
en font très-peu éloignés. Cette fécondé rangée de
prifmes a pour bafe une couche de pierres ocreu-
fes d’ un beau rouge : ces deux galeries naturelles,
& la maffe de roche informe qui les fépare, forment
une hauteur verticale de cent foixante-dix
pieds. De la bafe de la galerie inférieure, la roche
qui forme le promontoire, & qui eft couverte dans
quelques parties , fe prolonge & defcend fucceffi-
v-ement d’environ deux cents pieds vers la mer.
Cette maffe, qui dans fa totalité a plus de quatre
cents pieds de hauteur, pré fente le plus bel afpedt
de toute cette c ô te , par la fîngnlarité & ia'régu-
larité de fa ftru&ure.
Quoique les promontoires de Bengore & de
Fairhead offrent deux rangées de prifmes baial tiques
, avec des intervalles moins régulièrement
organifés, rien ne prouve qu’il y en ait d’ autres à
une plus grande profondeur : on ne peut en rien
conclure de plulieurs blocs bafaltiques qui fe trou-
vent-fort avant dans la mer. La chauffée des Géans,
qui eft lituée au pied d’un de ces promontoires,
eft un prolongement de ces rangs de prifmes beaucoup
moins profonds, qui a été mis à découvert
par la mer.
Lès colonnes de Bengore font prefque toujours
dans une pofition perpendiculaire, & cette pofï-
tion doit paroître d’autant plus naturelle, qu’elles
font partie de couches horizontales bien fuivies ,
& que partout où l’on en trouve d’inclin.ées, &
qui s’écartent de la ligne verticale, elles préfen-
tent des marques très-vilîbles d’un dérangement
accidentel, & qui prouvent que, depuis leur formation
, ces colonnes ont éprouvé un déplacement
plus ou moins étendu. Dans le cas où il n’y auroit
pas eu un déplacement d’ inclinaifon fimple , on
peut voir que les formes des bafaltes qui ne font
point perpendiculaires à l ’horizon , étoient très-
irrégulières , & fans aucun contour bien prononcé.
Cette irrégularité eft encore plus fenlîble
dans les prifmes courbes, & dont les angles fail-
lans n’ont aucune forme bien nette.
L’ on obferve d’ailleurs que les prifmes bafaltiques
de ce promontoire font d’ autant plus réguliers,
à mefure qu’ ils fe trouvent à une plus grande
profondeur. Ainfi le fécond rang de prifmes du
cap Pleaskin eft beaucoup plus régulier que le premier
; mais tous les deux n’approchent pas de la
perfe&ion des prifmes de la chauffée des Géans,
tant relativement aux formes des prifmes, que
relativement à la folidité & à f uniformité du grain
des bafaltes.
On peut évaluer l’étendue de la côte qui offre
des bafaltes, à quinze milles de longueur fur deux
de largeur : on en trouve également fur la côte
feptentrionale de Lougkneagh, & dans les montagnes
du comté de Derry ; ce qui donne une étendue
de quarante milles de longueur fur vingt de
largeur, ou bien huit cents milles carré?.
A la partie orientale de la baie de BallycajUe ,
& à huit milles du çap de. Bengore, on voie le promontoire
de Fairhead, dont nous avons parlé, le-
uel s’élève également de quatre cents pieds au
effus de la mer. Les prifmes ébauchés que préfente
cette maffe vafte & d’un grain ferré, font
d’un volume conftdérable. : quelques-uns ont juf-
qu a cent cinquante pieds de longueur. Le grain
de la pierre eft fort gros, & reffemble plus à celui
de fehorl noir, qu’au grain fin du bafalte de la
chauffée des Géans.. A la bafe de ces colonnes gi-
g.antefques eft uu, amas prodigieux de gros débris
de laves, qui. font vi frôlement les produits des ravages
du tems. Quelques-uns des olocs ont réfifté
au çhoc des agéns qui tendoiène à y former des
éboulemens confidérables, & préfentent des groupes.
de prifmes de plulieurs formes & difpofïcions
affez femblables aux ruines artificielles qui etnbel-
liffent nos jardins,. Une fauvage aridité caraélérife
ce promontoire , au pied duquel la mer vient fe
brifer avec furie : un ton gris uniforme revêt toute
cette fcène. En un m ot, c’eft le plus parfait con-
trafte du beau cap de Bengore, où le ton brun des
prifmes, relevé par les teintes rouges de l’ocre &
verres du gazon, anime & embellit tout cet efear-
pement, où figurent les produits des feux fou-
terrains.
La côte d’Antrim offre encore plufîeurs amas de
bafaltes prifmatiques, moins remarquables que les
deux promontoires de Bengore & de Faykead, mais
qui n’en méritent pas moins d’attention. Ces bafaltes
peuvent furtout intéreffer ceux qui, comme
moi, s’attachent à rapprocher cette contrée volcanique
de toutes celles que j’ai jugées appartenir
à la plus ancienne époque. Les montagnes de Da/z-
mull, entre Colaraine & la rivière de Bush , font
farcies de laves bafaltiques : il y en a furtout à
JJlamore, & elles s’y trouvent par rangées doubles
bien diftindles i il y en a auffi à Dunluce-Hilly près
du château de Dunluce, à côté de la rivière de
Bufch, près de Bushmill, fur le Commet de la montagne
de Croaghmore, dans plulieurs endroits du
haut pays de Ballintoy, fur la croupe feptentrionale
de la montagne de Knockfoghey ; enfin dans
l ’île de Raghery.
Après les deferiptions des divers promontoires
qui Dordent les côtes du comté d’Antrim, & où
figurent les plus beaux monumens des prifmes de
bafaltes j après les indications des mafles de ces
mêmes produits des volcans qui fe trouvent dif-
perfés à une certaine diftance des côtes, je crois
qu’ il convient de confïdérer les collines & les montagnes
qu’on obferve dans le voifinage des pro-
montoires & des maffes ifolées de bafaltes, &
qu’ on trouve indiquées fur la carte qui accompa- •
gne l ’ouvrage de M. Hamilton, comme autant de
centres d’ éruption des feux fouterrains dans cette
contrée, & comme des veftiges des cratères entièrement
détruits. Comme M. Hamilton n'a pas fu
les reconnoître, il annonce qu’ il n’y a pas eu de
cratères ni de courans, avec une confiance que
nous ont montrée tous ceux qui n’ ont pas été à
portée d’ examiner les pays qui appartiennent aux
deux premières époques, que j’ ai diflinguées dans
les volcans. C ’eft en conséquence de ce défaut de
eonnoiffance de ce qui .fe paffe néceffairement dans
toutes les opérations des volcans, qu’il s’eft privé
des reffources qu’ il en auroit tirées pour expliquer
les différentes diftributions des produits du fe u ,
& furtout des laves & des rangées de bafaltes prifmatiques
qu’on peut obferver dans les promontoires
de Bengore & de Fairhead, & dans celui de la
Chauffée des Géans, q u i, quoi qu’en dife/M. Ha-
rnilton, a eu pour centre d’ éruption la maffe qui
eft à la tête de cette chauffée.
Outre cela ,v je vois fembiablement à la tête des
deux promontoires plulieurs hauteurs, comme au
deffus des maffifs de bafaltes qui font marqués dans
la carte ,.<Fes collines, des montagnes, qui probablement
font lès veftiges des anciens cratères que
les obfervateurs inftruits, & qui font éclairés par
tous les principes que j’ai expofés dans la deferip-
tion des caractères de mes époques, ne pourront
méconnoître, & dont ils fauront tirer parti pour
terminer l'étude de cette contrée intéreffante parmi
les contrées volcaniques. C ’eft par cette marche
qu’on parviendra à rapprocher cette contrée
de toutes celles où j’ ai rencontré en Auvergne
& en V é la y , les produits des feux fouterrains dé-
pendans des plus anciennes époques.
Il y auroit encore à mettre en ligne de compte,
pour donner la folution de toutes les difficultés que
préfente cette côte* l’examen & l ’appréciation de
toutes les parties des courans anciens, détruites par
les vagues, qui font ici fort violentes. Cette appréciation
contribueroit encore à rétablir de grandes
parties de l’enfemble qui manqué, 8e peut-être encore
des parties effentielles à ce qui doit inftruire
fur l’ancien état des maffes.
La côte feptentrionale d' Antrim paroît avoir été
originairement un banc de rochers calcaires , dont
la furface étoit plus élevée que le niveau aétuel de
la mer : c’eft à traversée ce banc que les matières
volcaniques fe font fait jour, & que des épanchô-
mens confidérables de ces maffes fondues ont coulé
pendant qu’ elles étoient en fufion. Le banc calcaire
a vifiblement éprouvé de grands dérangemens par
ces éruptions des feux fouterrains, de telle force
qu’en plulieurs endroits de la côte il fe trouve air
deffous du niveau de la mer, & que de,grandes,
parties fe montrent à une certaine profondeur
deffous les eaux. Ailleurs , ce banc a djfparu entièrement
deffous les maffes de laves qui le recouvrent
pendant certains trajets, après lefqüels il
reprend fa première dilpofition 8e fon premier niveau
apparent. C ’eft de cette manière qu’on peut
le fuivre, au milieu de fes altérations, dans une
étendue de plus de quarante milles,; depuis Lôiigh~
Foyle jufqu’à Loug-Lane.
Au premier coup d’oe il on découvre que la maffe
des laves, & furtout celle des bafaltes prifmatiques
, a fait difparoître le banc calcaire dans toutes
les parties où elle s’en eft approchée, & y a.
occafionné des dérangemens confidérables. On
peut citer pour exemple les roches calcaires qu’on
voit à I’eft de Portrushj.cat on y remarque qu’après
qu’elles s’y font montrées dans ûn efpace très-
court , elles s’enfoncent tout à coup au deffous du
rivage, aux environs dè Dunluce-Cafile ( voye{ lit
cane de notre Allas ) , & peu après, proche les collines
bafaltiques du même endroit, on lesjserd entièrement
de vue, tous les rochers de la côte étant
formés par les bafaltes. Près la rivière de Bufcky lé
banc calcaire reparoîr : il côtoie la met pendant
quelque tems, mais fe perd enfuite totalement
fous le promontoire bafaltique de Bengore, comme
nous le ferons voir par la fuite, & fur une étendue
de plus de trois milles on n’en découvre pas
le moindre indice.
A i'eft de Bengore, au-delà de Dunfeverick- Cafile,,
le banc calcaire s'élève confidérablement : il forme
ici la belle barrière de la baie de White-P ark, &
toute la côte de Ballintoy. Près de Knokfogy les-
collines bafaltiques le cachent pour un moment à
la vue ; mais il reparoît enfuite de nouveau tout le
long de la c ô te , jufqu'à la baie de Bally-Cajlle.
Le promontoire de Fairhead, majeftueufement
couvert par des rangées de colonnes prifmatiques
d’un grand module, paroît avoir totalement dé^
truit le banc calcaire, car on n’y en trouve pas le
moindre veftige : ce n’eft qu’à I'eft de ce beau,
promontoire qu’il reprend fon ancienne difpofition,
furtout vers la côte de Glenarm y dont l’af-
peét eft d’une grande beauté.
Pour achever de faire conrtoître cette côte par
un apperçu général, nous jetterons un coup d’oeil.
k fut l’ île de Raghery, que Ton découvre en entier